[01/11/2023] Day 1: The appeal proceedings begin
Le Président de la Cour d’appel Olivier Thormann a déclaré les débats ouverts et rendu le traducteur attentif à ses obligations en matière de secret professionnel, d’impartialité et aux conséquences pénales d’une fausse traduction en justice. Il a indiqué que la Cour était composée des juges fédéraux Andrea Ermotti et Jean-Paul Ros. Le Président a ensuite constaté la présence des différentes parties et de leurs conseils. Il a ajouté que le stagiaire de la Cour d’appel assisterait aux débats à titre formateur et ne disposerait d’aucune voix, même consultative, lors des délibérations. Les parties n’ont formulé aucune objection à cet égard.
Le Président a informé les parties que les règles de la procédure de première instance étaient applicables à la procédure d’appel, à savoir que les débats seraient enregistrés et que les procès-verbaux ne seraient pas relus conformément à l’art. 78 al. 5bis du Code de procédure pénale (CPP). Il a ajouté que les enregistrements seraient versés au dossier et disponibles sur requête, tandis que les procès-verbaux seraient adressés aux parties après la clôture des débats. Il a ensuite rappelé aux parties les nouveaux moyens de preuve, dont l’extrait du casier judiciaire d’Alieu Kosiah du 6 décembre 2022, l’extrait du registre des poursuites concernant Alieu Kosiah du 8 décembre 2022, la décision de taxation concernant Alieu Kosiah de novembre 2013, le rapport de détention de la prison de Berne de décembre 2022 ainsi que l’arrêt de la Cour d’assises de Paris du 22 novembre 2022 et la feuille de motivation. Le Président a également indiqué que le film documentaire de Christophe Naigeon datant de 1996 avait été versé au dossier et que seule restait ouverte la question de verser au dossier l’autre documentaire de Christophe Naigeon concernant un enfant soldat, tel que cela a été proposé par Me Werner par courrier du 23 décembre 2022. Le Président a déclaré que cette question serait plaidée lors de la procédure probatoire. Enfin, le Président a demandé à Me Gianoli de lui remettre le formulaire concernant la situation personnelle d’Alieu Kosiah avant la fin des débats.
Le Président a rappelé aux parties l’objet de la présente procédure, à savoir que par jugement SK2019.17 du 18 juin 2021, la Cour des affaires pénales a reconnu Alieu Kosiah coupable de violation des lois de la guerre (art. 109 al. 1 et 108 al. 2 aCPM cum art. 3 commun CG et art. 4 PA II). La Cour des affaires pénales a acquitté Alieu Kosiah de quatre chefs d’accusation. Le Président a déclaré que la Cour d’appel avait été saisie par appel du 25 avril 2022 formé par Alieu Kosiah, qui a contesté l’ensemble des condamnations de première instance et des conséquences accessoires. Par appel joint du 16 mai 2022, le Ministère public de la Confédération (MPC) a contesté l’acquittement relatif à la tentative de meurtre d’un civil, subsidiairement l’atteinte à l’intégrité corporelle, respectivement à la santé et au bien-être physique selon le chiffre 1.3.6 de l’acte d’accusation, ainsi que les acquittements relatifs à la complicité de meurtre d’un civil selon le chiffre 1.3.8 de l’acte d’accusation et l’ordre donné de piller selon le chiffre 1.3.11 de l’acte d’accusation. Le Président a également évoqué les différents appels joints formés par les parties plaignantes.
La Cour a constaté qu’en l’absence d’appel ou d’appel joint sur la charge de recrutement d’un enfant soldat, ledit acquittement était entré en force. Le Président a également rappelé que le MPC avait transmis un acte d’accusation modifié le 2 septembre 2022 reprochant au prévenu de s’être également rendu coupable de crimes contre l’humanité en sus de la violation des lois de la guerre.
S’agissant des moyens de preuve, Me Gianoli a conclu à ce que la Cour d’appel cite à comparaître Varney Kamara, Wenlaga Sherif et Wanga Kona Kpandeh, en ce qu’ils auraient tous les trois eu connaissance directe des faits reprochés au prévenu par AS. Me Gianoli a ajouté qu’un raisonnement similaire s’appliquait aux autres réquisitions de preuve, mais que le prévenu était disposé à renoncer à ces auditions par économie de procédure. Sur la base d’un rapport produit ce jour, Me Gianoli a sollicité que la Cour procède à l’audition à tout le moins de Fallah Tamba et Thomas Saah, subsidiairement à ce qu’elle procède aux vérifications jugées utiles concernant les informations contenues dans ledit rapport.
Les autres parties n’ayant pas soulevé de questions préjudicielles, le Président a brièvement levé la séance afin que chacun puisse prendre connaissance des documents produits par Me Gianoli. La Cour a décidé de projeter les vidéos produites par Me Gianoli et de permettre aux parties de plaider l’admission de ces vidéos et du rapport. En ce qui concerne les requêtes visant l’audition d’autres témoins, la Cour a indiqué qu’elle statuerait à l’issue de la procédure probatoire. Les vidéos du fleuve et des pirogues produites par Me Gianoli ont donc été projetées. L’ensemble des parties a conclu à l’admission de ces moyens de preuve en dépit des doutes émis par le MPC et Me Jakob au sujet de la valeur probante du rapport rédigé à l’initiative du prévenu. Après avoir délibéré, la Cour d’appel a décidé d’admettre ces nouvelles pièces au dossier pénal et a souligné qu’elle en appréciera la valeur probante en tenant compte de leur auteur et de la méthodologie.
Vu l’absence d’objection des parties, la Cour d’appel a également admis au dossier le documentaire de Christophe Naigeon sur Hitler the Killer, conformément à la requête de Me Werner. Le Président a ensuite communiqué aux parties l’ordre des auditions. Il a précisé que les auditions seraient structurées selon les reproches figurant dans l’acte d’accusation et que le prévenu aurait la possibilité de s’exprimer à l’issue de chaque reproche.
Audition de KMF
Le Président a résumé les faits reprochés au prévenu dans l’acte d’accusation, à savoir le fait d’avoir commis plusieurs violations des lois de la guerre et le cas échéant des crimes contre l’humanité, dans le cadre du conflit armé interne qui s’est déroulé au Libéria de 1989 à 1996, alors qu’il était membre de la faction armée ULIMO, respectivement ULIMO-K, et en particulier d’avoir violé la civile KMF dans un hameau près de Voinjama entre mars et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995. Le Président a informé KMF de son droit de refuser de déposer par rapport à n’importe quelle question relative à son intégrité sexuelle.
Questions relatives à la situation personnelle
La Cour questionne KMF :
Interrogée sur les conséquences de la première guerre civile au Libéria pour elle, KMF a répondu que beaucoup de choses lui étaient arrivées pendant la guerre civile et que son père et son frère avaient été tués. Elle a confirmé souffrir encore aujourd’hui de ce qui s’était passé pendant la guerre. Elle a expliqué que son père et son frère étaient décédés alors qu’elle était très jeune et qu’elle souffrait du fait qu’ils n’étaient plus là pour l’aider.
Questionnée sur ses attentes vis-à-vis de cette procédure, KMF a déclaré qu’elle attendait la justice.
A la question de savoir si sa venue en Suisse dans le cadre de la procédure de première instance avait eu des conséquences pour elle ou pour sa famille, KMF a déclaré qu’il ne lui était rien arrivé après être rentrée au Libéria.
KMF a eu des difficultés à comprendre les questions du Président relatives à sa connaissance du jugement de première instance et à ses contacts avec les autres parties plaignantes. Elle a néanmoins déclaré avoir rencontré les autres parties plaignantes dans le bureau sans être capable de se souvenir si cette rencontre avait eu lieu avant ou après les débats de première instance.
Me Gianoli questionne KMF :
Sur question, KMF a confirmé qu’elle habitait toujours à Botosu. A la question de savoir si elle avait revu EBJ à Voinjama après avoir été auditionnée par vidéoconférence, KMF a répondu par la négative, mais a déclaré l’avoir revu dans le bureau en ville.
Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions.
Questions relatives au contexte général
La Cour questionne KMF :
A la question de savoir ce qu’elle reprochait à Alieu Kosiah, KMF a répondu qu’elle n’en parlait à personne, que cela était en elle et qu’elle vivait avec. Elle a ajouté qu’Alieu Kosiah lui avait fait beaucoup de choses. Le Président l’a alors remerciée d’avoir parcouru un si long chemin pour venir partager son histoire et lui a indiqué qu’il était important pour les juges d’entendre ce qu’Alieu Kosiah lui avait fait, même s’ils étaient conscient que cela était très difficile à raconter. KMF a déclaré que lorsqu’ils sont entrés dans son village, ils ont attaché beaucoup de gens et ont commencé à les emmener un par un sur la route et à les tuer. KMF a ajouté qu’ils revenaient avec un couteau plein de sang et que c’était de cette manière qu’ils avaient tué son père et son frère. KMF a raconté qu’elle et d’autres personnes avaient ensuite dû cuisiner pour eux et que ces derniers disaient : « No spoon, no eating » (ndlr. propos traduits du dialecte de KMF en anglais par EBJ). Par la suite, ils ont collecté le riz, l’huile et toutes sortes de matériaux et ont dit à tout le monde d’aller sur la route. Sur question, KMF a confirmé qu’Alieu Kosiah était présent. Elle a déclaré qu’il avait parlé à d’autres personnes. A la question de savoir si elle avait rencontré Alieu Kosiah à une autre occasion et, cas échéant, si elle lui reprochait quelque chose par rapport à cette deuxième rencontre, KMF a répondu par l’affirmative.
Sur question, KMF a indiqué avoir utilisé l’anglais pour raconter son histoire à la personne qui a rédigé la plainte. A la question de savoir si quelqu’un lui avait relu à voix haute le contenu de la plainte, KMF a déclaré ne pas s’en souvenir compte tenu du temps écoulé.
Interrogée sur le nombre de fois où elle avait vu Alieu Kosiah dans son village, KMF a indiqué l’y avoir vu une fois. Invitée à expliquer en quoi le comportement d’Alieu Kosiah et de ses soldats était différent de celui des autres soldats selon ses propres déclarations, KMF a déclaré que quand les autres soldats sont venus, ils ne leur ont rien fait, alors que quand Alieu Kosiah et ses soldats sont arrivés, ils ont attaché et tué des gens et pris des choses.
Invitée à expliquer ce que les gens voulaient dire par « Alieu Kosiah a eu son Black Monday », KMF a déclaré qu’elle en avait seulement entendu parler, mais ne savait pas de quoi il s’agissait. Le Président lui a demandé de qui elle avait entendu ces propos. KMF a répondu que des gens en parlaient. Interrogée sur la manière dont ces gens se référaient à Alieu Kosiah, KMF a déclaré qu’ils l’appelaient « General Kosiah ».
Me Gianoli questionne KMF :
Interrogée sur les noms de son père et de son frère, KMF a indiqué que son frère se prénommait S et son père FB. Sur question, KMF a indiqué ignorer le nombre d’habitants que comptait son village.
Questionnée sur le nom de l’actuel chef de son village, KMF a déclaré qu’il se dénommait Zezewe [phon.] et précisé qu’un autre chef était en poste à l’arrivée des ULIMO dans son village. Interrogée sur Fallah Tamba, qui serait l’actuel chef de son village selon Me Gianoli, KMF a répondu qu’elle ne le connaissait pas. Elle a précisé que ce nom était d’origine Kissi et que les gens de son village n’étaient pas des Kissis. Questionnée sur Thomas Saah, qui serait un membre des autorités de son village selon Me Gianoli, ainsi que sur Emmanuel Boyoi, Patrick Saah et Fayiah Chorlu, KMF a déclaré qu’elle ne les connaissait pas et précisé que le seul Fayiah qu’elle connaissait était celui du bureau. Le Président a invité Me Gianoli à rendre KMF attentive au fait que certains de ces noms étaient ceux de personnes tuées il y a trente ans et non ceux des gens qui se trouvaient actuellement dans son village, afin de ne pas porter la confusion dans l’esprit de la partie plaignante. Me Gianoli a rétorqué que d’après lui, lorsque l’on connaît le nom d’une personne, peu importe de savoir si elle est vivante ou morte.
Le Président a demandé à KMF si, hormis son père et son frère, elle avait connaissance d’autres personnes tuées par les ULIMO ce jour-là. KMF a répondu que quand ils tuaient, elle pensait à elle et aux siens, et non aux autres. Elle a ajouté qu’elle s’était enfuie dans la brousse après les meurtres de son père et de son frère, puis être revenue chez elle auprès de sa mère et de sa sœur avant de repartir. A la question de savoir si elle avait reconnu quelqu’un parmi les morts à son retour au village, KMF a déclaré avoir reconnu son père et son frère grâce à leurs vêtements et ne pas avoir perdu du temps à regarder les autres cadavres car elle courait le risque de se faire capturer.
Interrogée sur sa venue à Monrovia et son dépôt de plainte, KMF a indiqué avoir rencontré son amie KA sur le marché de Voinjama et lui avoir parlé de ses problèmes. Cette dernière lui a alors donné le numéro de son frère à Zorzor. KMF a ajouté qu’une fois à Zorzor, le frère de KA lui a donné de l’argent pour qu’elle se rende à Monrovia. A la question de savoir si quelqu’un l’attendait à Monrovia, la plaignante a déclaré qu’ils ne savaient pas qu’elle allait venir. Interrogée sur les personnes qu’elle a rencontrées au bureau à Monrovia, elle a indiqué qu’il y avait notamment HB, Fayiah et Molton, mais qu’elle ne connaissait pas leurs vrais noms. Questionnée sur son premier voyage à Monrovia, KMF a déclaré que EBJ l’y avait emmenée depuis Zorzor. Sur question, elle a précisé avoir voyagé seule de Botosu à Voinjama, puis de Voinjama – où elle a pris une voiture – à Zorzor et indiqué que Voinjama était plus proche de Botosu que Zorzor. A la question de savoir qui avait organisé sa rencontre avec EBJ à Zorzor, KMF a répondu que KA lui avait donné le numéro et qu’elle (KMF) a appelé et s’est rendue à Zorzor. Me Gianoli lui a demandé avec quel téléphone elle avait appelé EBJ. KMF a répondu qu’elle avait donné un peu d’argent à quelqu’un pour appeler ce numéro.
Le MPC questionne KMF :
A la question de savoir si les noms Thomas Saah, Fayiah Chorlu et Faloe Lende étaient typiques d’une certaine ethnie, KMF a répondu qu’il s’agissait de noms Kissis. KMF a indiqué en revanche qu’elle ignorait l’origine du nom Emmanuel Boiyoi.
Les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions.
Me Gianoli questionne à nouveau KMF :
Sur question, KMF a indiqué que KA était venue avec elle à Monrovia pour témoigner à l’office, mais que seule son histoire à elle les avait intéressés. Me Gianoli a déclaré que selon Alieu Kosiah, seule KMF avait un intérêt à porter plainte, car KA n’avait quant à elle rien subi. A la question de savoir si KA l’avait accompagnée lors du premier rendez-vous ou ultérieurement, KMF a indiqué que la première fois, elle y était allée avec EBJ.
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Le Président a prononcé un huis clos partiel afin d’aborder le chapitre relatif à l’atteinte à l’intégrité sexuelle.
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Interrogatoire d’Alieu Kosiah
Le Président a informé Alieu Kosiah qu’il était entendu en qualité de prévenu dans le contexte de l’appel formé contre le jugement du 18 juin 2021. Le Président lui a proposé de lui donner les détails des actes qui lui sont reprochés lorsque des questions lui seront posées en lien avec tel ou tel reproche. Le Président a rendu le prévenu attentif au fait qu’il avait le droit de refuser de déposer et de refuser de collaborer à la procédure. Il a ensuite rappelé qu’il était reproché à Alieu Kosiah d’avoir, dans le contexte du conflit armé interne s’étant déroulé au Libéria de 1989 à 1996 et en qualité de membre de la faction armée ULIMO, violé la civile KMF dans un hameau près de Voinjama, entre mars et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1994, soit un acte susceptible d’être qualifié de violation des lois de la guerre et de crime contre l’humanité. Le Président a invité le prévenu à se déterminer sur les déclarations de KMF.
Alieu Kosiah s’est adressé au Président en lui disant qu’il comprenait que cette situation était très difficile pour lui puisqu’il ne s’était jamais rendu au Libéria et n’en connaissait pas la culture. Or, selon Alieu Kosiah, pour comprendre le cas, il faut comprendre la culture et les différences religieuses, culturelles et géographiques. Il a ajouté que la justice en soi était de la propagande et que la seule véritable justice était la justice pour tous. A titre d’exemple, il a cité la prétendue contradiction qu’a relevée le juge de première instance en ce que le prévenu n’aurait pas fait de distinction entre Camp Todi et Todi Junction. ni entre Tubmanburg et Bomi Hill. Or, selon Alieu Kosiah, tous les Libériens savent qu’il s’agit de la même chose, mais le juge a pensé à tort qu’il s’agissait de lieux différents.
Concernant KMF, Alieu Kosiah a indiqué que la situation était très difficile pour lui car il ne connaissait pas cette femme qui était venue témoigner et s’était mise à pleurer en disant qu’il lui avait fait des choses. Il a affirmé que les premiers juges s’étaient appuyés sur deux éléments pour accréditer le fait que KMF et lui s’étaient rencontrés. Premièrement, le fait que KMF ait reconnu le prévenu non seulement en personne, mais aussi sur photo. Or, selon Alieu Kosiah, tous les plus grands journaux et tous les sites internet au Libéria ont publié une photo de lui le 17 janvier 2015 après son arrestation. Même HB a indiqué que la photo d’Alieu Kosiah était visible partout à l’époque. Or, c’est cette photo qui a été présentée à KMF selon le prévenu, de sorte qu’il est incompréhensible que les juges aient pu se baser sur un tel argument.
Alieu Kosiah s’est également étonné de la description que KMF et les autres témoins ont donné de lui (peau foncée, gros globes oculaires, mince, veste militaire). Selon le prévenu, cette description se base sur une photo Facebook de lui prise à Paris. Alieu Kosiah a précisé que lorsqu’il était en Afrique, il portait un t-shirt et un pantalon militaire, car il faisait trop chaud pour porter une veste militaire. Il a également reproché aux juges de première instance d’avoir omis de demander à des personnes qui ne sont pas passées par l’ONG de le décrire physiquement.
Le Président a rappelé au prévenu qu’il était invité à se déterminer sur les déclarations de KMF. Alieu Kosiah a répété que cette dernière ne le connaissait pas et qu’il ne l’avait jamais rencontrée. Il a ajouté que si KMF n’était pas passée par l’ONG, elle n’aurait jamais pu le reconnaître. Il a ensuite évoqué le faux témoignage de Nahira al-Sabah devant le congrès américain en insistant sur le fait que ce n’était pas parce qu’une personne faisait l’étalage de ses émotions qu’elle disait la vérité.
Alieu Kosiah a ajouté qu’il ne lui appartenait pas de prouver qu’il n’avait jamais rencontré KMF, mais au Procureur de prouver qu’elle le connaissait, car il n’était pas l’accusateur mais l’accusé. Il a également déclaré que KMF avait une connexion avec EBJ et que de toutes les factions présentes à Voinjama, elle était capable de citer uniquement le nom d’Alieu Kosiah alors qu’il était inimaginable qu’elle ne connaisse pas Pepper & Salt.
La Cour interroge Alieu Kosiah :
Le Président a demandé au prévenu de réagir aux déclarations de GS qui a indiqué au Procureur qu’Alieu Kosiah était venu dans sa communauté et avait pris une jeune fille, étant précisé qu’il arrivait que des soldats disent à des hommes qu’ils voulaient prendre leurs femmes et qu’un refus était synonyme de mort. Alieu Kosiah a déclaré que cela venait de Me Werner et de son organisation criminelle. Le Président a rappelé au prévenu que de fausses accusations en justice étaient passibles d’une condamnation. Alieu Kosiah a répondu que cela faisait 8 ans que cette organisation travaillait à rassembler des gens et à propager des mensonges. Il a ajouté qu’il avait des preuves pour étayer son propos et a évoqué les affaires en Finlande et en Angleterre. Il a déclaré que certains témoins avaient obtenu l’asile grâce à Me Werner.
Réinterrogé sur les déclarations de GS, Alieu Kosiah a indiqué qu’il n’avait pas participé à la capture de Zorzor et que GS mentait.
A la question de savoir s’il avait eu des relations sexuelles pendant la guerre, le prévenu a répondu que cela allait de soi puisqu’il était un homme. Sur question, il a précisé qu’il avait une petite-amie d’ethnie Gbandi durant toute la durée de la guerre, puis une autre à Macenta vers la fin de la guerre, qui était la fille d’un Libanais. Il a déclaré que sa petite-amie ne voyageait pas avec lui et était dans le comté du Lofa, à Kolahun. Parfois, elle venait lui rendre visite à Voinjama, parfois, il se rendait chez elle. Il a indiqué que lorsqu’il était à Voinjama, il pouvait prendre sa moto et lui rendre visite à n’importe quel moment. En revanche, ce n’était pas possible quand il était sur la ligne de front.
Invité à se déterminer sur les déclarations de KMF qui a indiqué au Procureur qu’elle savait que c’était le général Kosiah car tous ceux qui étaient sous ses ordres l’appelaient ainsi, le prévenu s’est dit surpris car deux de ses bodyguards ont déclaré devant la Cour qu’ils l’avaient toujours appelé « colonel ». Alieu Kosiah a ajouté qu’il n’avait jamais été général et que selon les déclarations d’Abraham Towah, il était capitaine et son dernier grade était celui de colonel lorsqu’il a été nommé « regional commander » à Zorzor, ce qui a été confirmé par Kundi, Fofana et Fine Boy. Le prévenu s’est demandé pourquoi on accorderait plus de crédit aux déclarations de KMF qu’à celles des anciens soldats qui étaient proches de lui. Il a également indiqué que le grade de colonel était celui qu’il avait mentionné dans sa demande d’asile.
Me Gianoli n’a pas eu de questions.
Le MPC interroge Alieu Kosiah :
Invité à se déterminer sur les déclarations d’Omaru Musa Kelleh, selon lesquelles Alieu Kosiah était « expecting general » au moment de la capture de Todi, à savoir qu’il se faisait appeler « général » en l’absence du général, Alieu Kosiah a déclaré que « expecting general » correspondait à futur colonel. Il a ajouté que lors de la capture de Todi, Omaru Musa Kelleh était major alors que lui était colonel. Il a déclaré n’avoir jamais dit à personne qu’il était général. Selon lui, la crédibilité des parties plaignantes doit aussi s’apprécier en fonction de leurs déclarations, selon lesquelles le prévenu était l’adjoint de Pepper & Salt avant de le remplacer. Les journaux de l’époque ont néanmoins cité le nom d’une autre personne en tant que remplaçant de Pepper & Salt.
Me Wavre interroge Alieu Kosiah :
Invité à se déterminer sur les déclarations d’Omaru Musa Kelleh selon lesquelles tous les uniformes militaires avaient des manches longues, Alieu Kosiah a déclaré qu’il ne fallait pas confondre les vêtements à manches longues et les vestes.
Questionné sur sa petite-amie alors qu’il avait déclaré en 2018 en avoir entre trois et cinq, Alieu Kosiah a déclaré qu’il n’avait eu que deux petites-amies « fixes », l’une à Kolahun et l’autre à Macenta.
Me Jakob interroge Alieu Kosiah :
Une photographie représentant des soldats a été soumise au prévenu et il lui a été demandé de préciser si l’un des soldats portait ce qu’il définirait comme une jaquette. Alieu Kosiah a répondu que les soldats portaient des chemises à manches longues et non des vestes militaires. Il a ajouté qu’au Libéria, il n’était pas possible de porter une veste car la température oscillait entre 25 et 35 degrés tout au long de l’année. Le prévenu a également déclaré que sa photo Facebook avait trois caractéristiques : elle était sombre, on voyait ses globes oculaires et il portait une veste militaire. Selon lui, il n’y avait aucune chance qu’on le décrive comme quelqu’un de mince pendant la guerre, car il pesait entre 85 et 87 kilos.
Audition de KMF (suite)
KMF a ensuite été auditionnée au sujet du pillage du village de Botosu et du transport forcé de biens par des civils depuis Botosu.
La Cour questionne KMF :
Le Président a invité KMF à se déterminer sur les déclarations du prévenu selon lesquelles il ne connaissait pas le village de Botosu, n’y était jamais allé pendant la guerre et n’avait jamais vu des soldats piller de la nourriture. KMF a déclaré que c’était un mensonge et qu’Alieu Kosiah était bien présent.
Sur question, KMF a confirmé ses déclarations selon lesquelles elle savait compter uniquement dans sa propre langue. Interrogée sur le nombre de bidons d’huile qui ont été emportés lors du pillage, KMF a répondu 14. Questionnée sur la manière dont l’huile et le riz ont été rassemblés et préparés pour le transport, KMF a déclaré qu’ils ont mis le riz dans des sacs pour le transporter. Sur question, elle a indiqué que l’huile se trouvait dans des maisons et parfois dans la brousse. Elle a ajouté qu’ils étaient allés dans les maisons et avaient pris ce qu’ils voyaient.
A la question de savoir si elle avait vu Alieu Kosiah donner des ordres, KMF a répondu par l’affirmative. Questionnée sur les mots utilisés par le prévenu, KMF a indiqué qu’il avait parlé en anglais et qu’elle ne comprenait pas cette langue à l’époque des faits. Le Président lui a demandé si quelqu’un d’autre donnait des ordres et KMF a répondu que c’était lui qui disait aux autres d’aller ici et là pour chercher des choses.
Le Président a ensuite rappelé à la partie plaignante qu’Alieu Kosiah niait les faits et affirmait ne pas y croire dans la mesure où KMF ne disait pas quand les faits s’étaient produits. Le Président a alors demandé à KMF si elle était en mesure de mentionner un événement qui s’était produit au même moment. La partie plaignante a déclaré que les faits avaient eu lieu après la période de pressage.
Questionnée sur le transport forcé, KMF a confirmé que tous les biens pillés avaient été emportés. Elle a mentionné du riz, de l’huile et leurs propres affaires. Interrogée sur l’identité de la personne qui décidait qui devait porter quoi, KMF a répondu que c’était le Général Kosiah. Le Président lui alors indiqué qu’Alieu Kosiah avait réfuté que les gens l’appelaient le général. KMF a rétorqué que c’était un mensonge et qu’ils l’appelaient Général Kosiah.
Sur question, KMF a indiqué que les hommes qui avaient été rassemblés portaient les charges, à l’exclusion des soldats. Elle a déclaré n’avoir elle-même pas porté de charge, mais a confirmé avoir été forcée à participer à la marche car ils ont demandé à tout le monde de les suivre. Elle a ajouté qu’elle s’était enfuie dans la brousse pendant la marche alors qu’il faisait jour. Sur question, elle a indiqué être rentrée au village le lendemain matin et avoir vu son père et son frère avant de repartir.
Le Président lui a indiqué qu’Alieu Kosiah contestait avoir participé à cette marche et lui a demandé si elle l’avait vu durant le transport. KMF a confirmé l’avoir vu et déclaré que c’était lui qui avait dit aux gens de prendre les choses. Interrogée sur la localisation d’Alieu Kosiah lors du transport, KMF a indiqué qu’il y avait des gens à l’avant, des gens qui portaient des charges au centre et des gens à l’arrière. Sur question, elle a confirmé que certains portaient les charges sur leur tête, d’autres sur l’épaule.
Interrogée sur les circonstances de sa fuite lors du transport, KMF a indiqué qu’elle s’était mise de côté pour uriner sans demander la permission et s’était enfuie.
Me Gianoli questionne KMF :
Sur question, KMF a indiqué que le convoi avait quitté le village dans la soirée et qu’après sa fuite, elle avait dormi et était revenue au village le lendemain.
Me Gianoli a demandé à KMF de se déterminer sur ses déclarations lors de son audition durant les débats selon lesquelles elle a saisi une opportunité de quitter le convoi en rampant tout doucement avant d’accélérer pour s’éloigner. KMF a déclaré que si elle était partie en courant, ils auraient pu la tuer, et que c’était la raison pour laquelle elle était partie uriner, puis s’était éloignée lentement dans un premier temps, et plus vite ensuite. Sur question, elle a confirmé avoir fui seule.
Se référant aux déclarations de KMF lors des débats selon lesquelles elle ne pouvait pas confirmer si sa mère avait accompagné les soldats jusqu’à la fin du transport puisqu’elle avait pris la fuite, Me Gianoli a demandé à la partie plaignante quand elle avait revu sa mère pour la première fois après le transport. KMF a répondu qu’elle avait dormi dans la brousse, était retournée au village le lendemain où elle avait vu son père et son frère, et était ensuite allée à la base où elle avait retrouvé sa mère.
Me Gianoli s’est ensuite référé aux propos de KMF lors de l’instruction à teneur desquels elle avait été la première à s’enfuir et avait ensuite fait signe à ses amis. Le Président a tenu à contextualiser ces déclarations. Il a demandé à KMF si elle se souvenait d’avoir dit au Procureur qu’elle avait été la première à s’enfuir lorsque ce dernier lui a demandé si d’autres personnes avaient fui avant elle. KMF a déclaré s’être enfuie seule et n’avoir rien dit à personne.
Me Gianoli s’est référé aux déclarations de KMF lors de l’instruction, selon lesquelles elle était avec sa mère et sa sœur lorsqu’elle était cachée dans la brousse. A la question de savoir si sa mère et sa sœur s’étaient enfuies après elle, KMF a répondu qu’elle l’ignorait et qu’elle les avait seulement vues à la base.
Le MPC n’a pas eu de questions.
Me Wakim questionne KMF :
Interrogée sur le chef de son village, KMF a indiqué que le chef actuel s’appelait Papa et que pendant la guerre, le chef s’appelait Zezewe [phon.]. Sur question, KMF a déclaré appartenir à l’ethnie Loma.
Invitée à décrire son ressenti en revoyant Alieu Kosiah en vidéo, KMF a indiqué qu’elle se sentait mal car il lui avait fait de mauvaises choses.
Invitée à expliquer la manière dont s’est déroulée son audition à l’ambassade de Monrovia par vidéoconférence, KMF a expliqué qu’elle avait été dérangée et confuse car elle avait son bébé avec elle et que ce dernier était agité.
Me Gianoli questionne à nouveau KMF :
Me Gianoli a questionné KMF avec insistance sur ses rencontres avec la mère de KA en faisant référence à ses déclarations lors de l’instruction et dans le cadre des débats. KMF a répondu ne pas se souvenir de cela compte tenu du temps écoulé.
Me Gianoli s’est ensuite référé aux déclarations de KMF lors des débats selon lesquelles KA et elle avaient quitté le village ensemble. Il lui a demandé où elles s’étaient rendues. KMF a répondu qu’elles s’étaient vues près du puits lorsqu’ils étaient venus chercher de la nourriture au village et que KA lui avait présenté son frère. Elle a précisé s’être enfuie seule. Sur question, KMF a indiqué ne plus se souvenir quand elle était allée voir EBJ après sa rencontre avec KA et précisé que cette dernière lui avait donné le numéro d’EBJ.
Sur question du Président, KMF a précisé que sa première rencontre avec KA après la guerre avait eu lieu au marché et que c’était à cette occasion que KA lui avait donné le numéro de téléphone d’EBJ.
A la question de savoir si elle avait rencontré EBJ avant de le rencontrer à Zorzor, KMF a déclaré qu’elle ne s’en souvenait pas. Sur question, KMF a indiqué qu’il lui arrivait de croiser KA au marché.
Interrogatoire d’Alieu Kosiah
Le Président a donné la possibilité au prévenu de se déterminer sur les reproches suivants : ordonner le pillage du village de Botosu et ordonner et diriger un transport forcé de biens par des civils depuis Botosu.
Alieu Kosiah a répété qu’il n’avait jamais rencontré KMF. Il a déclaré qu’il avait entendu parler d’un village du nom de Botosu pour la première fois lors de son arrestation. Selon lui, le seul endroit où il aurait pu se rendre dans le Lofa sans prendre une voiture ou une moto était à Gbarnga, en territoire ennemi. Il a ajouté qu’à Zorzor, il se déplaçait toujours en voiture ou en moto. Il a précisé qu’il y avait une ligne de front à Gbarnga contre Taylor et une autre au Lofa Bridge entre les ULIMO-K et les ULIMO-J. Alieu Kosiah a ajouté que lorsqu’il se rendait à Foya, il y allait toujours en moto ou en voiture. Certes, la faction manquait de voitures, mais il y en avait quand même selon lui. Quant à la moto, il s’agissait de sa moto privée qu’il avait achetée lui-même. Il a déclaré qu’il ne voyait pas pourquoi il aurait marché de Voinjama à Botosu dans ces circonstances.
La Cour interroge Alieu Kosiah :
A la question de savoir avec quel argent il avait acheté sa moto, Alieu Kosiah a répondu qu’à l’époque, il y avait deux manières d’avoir de l’argent : la première, c’était lorsque Kromah en distribuait et la seconde, c’était à la frontière. Il a précisé que les ULIMO ne percevaient pas de droits de douane, mais demandaient aux commerçants de leur laisser de l’argent.
Interrogé sur la façon dont les troupes ULIMO se déplaçaient compte tenu du manque de voitures, Alieu Kosiah a répondu qu’ils disposaient de trois véhicules dans le Lofa, à savoir une Mercedes, un truck Scania et un truck de taille moyenne. Il a ajouté que Pepper & Salt avait sa Jeep. Selon lui, la plupart des déplacements entre Zorzor et Voinjama se faisaient avec ces véhicules. Il a déclaré que les gens de Zorzor avaient des voitures et précisé que pour aller jusqu’au pont depuis Zorzor, il fallait marcher car il y avait des mines. Il a ajouté qu’ils avaient perdu 15 hommes dans l’explosion d’une mine et que Papa avait été blessé. Il fallait dès lors être très prudent avec l’utilisation des véhicules. Il a indiqué que pour sa part, il utilisait souvent sa moto.
Le Président lui a demandé s’il était en moto lorsque ses troupes se déplaçaient. Alieu Kosiah a répondu que quelqu’un au bénéfice d’une expérience militaire ne poserait pas une telle question et que le contexte au Libéria à cette époque était différent de la Suisse, de sorte que quand on parlait de moto, c’était forcément en temps de paix. Alieu Kosiah a déclaré qu’à Benefanaye, il se déplaçait à pied, car en voiture il se serait fait tirer dessus. Il a précisé qu’il parlait du moment où il était arrivé dans le Lofa et qu’avant, la zone était calme.
Le Président lui a demandé de préciser les lieux et les périodes où les choes étaient calmes. Le prévenu a déclaré ne pas pouvoir répondre en ce qui concerne Botosu car il ne connaissait pas cet endroit. Selon sa compréhension, Botosu est un village situé dans le district de Voinjama, soit un environnement relativement calme. Selon Alieu Kosiah, Zorzor était le point le plus chaud et Voinjama était un peu plus calme. Il a ajouté que Foya et Kolahun étaient le paradis en comparaison de Zorzor.
Le prévenu s’est ensuite exprimé sur le témoignage de KMF et sur le fait qu’il avait été dit que les contradictions de KMF trouvaient une justification dans les 30 années qui s’étaient écoulées et la difficulté à se remémorer les faits. Alieu Kosiah a déclaré qu’il s’agissait pour lui d’une erreur. Selon lui, la prétendue rencontre entre EBJ et KMF avait eu lieu en 2015 et non il y a trente ans. Le premier entretien avait eu lieu une année plus tard, puis KMF était venue en Suisse en septembre 2016. Alieu Kosiah a déclaré que deux mois s’étaient écoulés entre le dépôt de plainte de KMF et sa première venue en Suisse, non 30 ans. L’autre problème, selon Alieu Kosiah, réside dans les différences entre le contenu de la plainte de KMF et le contenu de ses déclarations devant le Procureur. Le prévenu a cité un proverbe libérien selon lequel lorsqu’on renverse l’eau d’un gobelet, on ne peut pas récupérer cette eau ou tout au plus de l’eau sale. Il a déclaré que les contradictions relevées dans les déclarations de KMF concernaient la période de 2016 à 2022, non il y a 30 ans, et qu’il n’y avait aucune preuve contre lui. Alieu Kosiah a ensuite émis l’hypothèse que Me Werner se serait rendu au Libéria pour rédiger la plainte de KMF sans la relire à cette dernière.
Le Président est intervenu pour rappeler que c’était Me Wakim qui avait rédigé la plainte. Alieu Kosiah a maintenu que Me Werner avait rédigé les plaintes et s’est étonné du fait que ni la Cour ni les procureurs n’entrevoyaient un problème dans le fait que Me Werner était à la fois directeur de l’ONG Civitas Maxima et le représentant de cinq parties plaignantes dans cette affaire. Il a déclaré que s’ils voulaient arrêter un chef de guerre, il fallait arrêter Putin, et non Alieu Kosiah.
Questionné sur la manière dont ses troupes se débrouillaient pour trouver à manger lorsqu’elles se déplaçaient, Alieu Kosiah a répondu que quand ils s’apprêtaient à mener une attaque, ils emportaient de leur propre nourriture. Parfois, ils arrivaient dans un village déserté par ses habitants et ils y trouvaient de la nourriture, comme par exemple du riz, mais cela était plutôt rare. La plupart du temps, ils mangeaient du cassava et parfois ils jetaient une grenade dans un plan d’eau pour y récupérer les poissons. Il a ajouté qu’il y avait de la nourriture au quartier-général et que le ravitaillement arrivait parfois de Guinée.
Interrogé sur le nombre d’hommes que comptait son unité lorsqu’il était en poste à Zorzor, Alieu Kosiah a répondu 150 hommes.
Me Gianoli interroge Alieu Kosiah :
Sur question de son conseil, Alieu Kosiah a déclaré qu’il n’avait pas d’hommes sous ses ordres lorsqu’il était en poste à Voinjama et qu’il avait uniquement ses « boys » avec lui.
Le MPC n’a pas eu de questions.
Me Jakob interroge Alieu Kosiah :
Me Jakob a interrogé le prévenu au sujet d’un passage du rapport produit par la défense selon lequel il était courant que des jeunes hommes ont été forcés à prendre les armes sous l’occupation de l’ULIMO. Alieu Kosiah a répondu qu’il ignorait s’il y avait des jeunes hommes au sein de l’ULIMO et qu’en ce qui le concernait, il n’avait jamais pris des civils sur la ligne de front. Il a ajouté que le rapport lui semblait être un document crédible dans la mesure où il n’était pas rédigé à charge contre une personne en particulier et que la plupart des personnes mentionnées étaient des Kissis et des Gbandis. Il a également déclaré que ce n’était pas la guerre qui faisait l’objet de ce procès, mais la personne d’Alieu Kosiah et qu’il convenait de déterminer ce qui lui était reproché à lui en tant qu’individu.
Interrogé sur l’identité de la personne ayant rédigé ledit rapport, Alieu Kosiah a indiqué qu’il s’agissait d’un avocat mandingue et que si ce dernier était biaisé, il aurait dissimulé de nombreuses informations contenues dans ce rapport. Il a ajouté que les parties civiles avaient l’air satisfaites de cette nouvelle pièce, mais qu’elles le seraient de moins en moins au fil du procès.
Me Gianoli réinterroge Alieu Kosiah :
A la question de savoir s’il était arrivé dans le Lofa avant ou après la scission de l’ULIMO, Alieu Kosiah a répondu qu’il serait erroné de considérer que la scission s’était produite en journée. Selon lui, le processus s’est étendu de 1994 à 1996. Il a déclaré qu’il était présent à Tubmanburg lors du clash, mais qu’il n’avait pas assisté aux premiers combats avec les Krahns car il est parti la semaine suivant le clash. Interrogé sur la date du clash, le prévenu a déclaré qu’il ne savait pas exactement quand cela s’était produit, mais que sur la base des journaux de l’époque, il était possible de retenir la date de mars 1994. A la question de savoir s’il s’était déjà rendu dans le Lofa avant mars 1994, Alieu Kosiah a répondu par la négative. Il a également remis en cause les déclarations d’Abraham Towah, selon lesquelles il aurait été blessé fin 1993. En effet, le prévenu ne voit pas comment il aurait pu passer 9 mois à l’hôpital de Voinjama à la suite de sa blessure, alors qu’il se trouvait à Tubmanburg en mars 1994.