[01/12/2023] Day 2: Two plaintiffs and an former child soldier take the stand

Audition de GS

Sur question, GS a confirmé qu’il était bien GS, né le 4 février 1978. Il a renoncé à ce que le Président lui relise les obligations du traducteur et a confirmé avoir compris que son audition était enregistrée. Le Président a indiqué que GS était entendu en tant que personne appelée à donner des renseignements et a rappelé les actes reprochés au prévenu, soit en particulier : ordonner le meurtre de sept civils à Zorzor entre février et avril 1993 et ordonner et diriger un transport forcé de biens par des civils de Zorzor à Salayea entre mars et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995. Le Président a précisé à GS qu’en tant que partie plaignante, il était obligé de déposer dans la mesure où il n’y avait aucun élément au dossier permettant de justifier un refus de déposer. Le Président a ensuite invité GS à bien faire la distinction entre ce qu’il avait vu et ce qu’il avait entendu par d’autres personnes. 

Questions relatives à la situation personnelle

La Cour questionne GS :

Le Président a invité GS à indiquer quelles ont été les conséquences de la première guerre civile au Libéria pour lui. Tout d’abord, GS a déclaré qu’il n’avait pas pu être scolarisé de manière normale à cause de la guerre et que son éducation en avait beaucoup souffert. Ensuite, de nombreuses familles ont perdu leurs propriétés, de sorte que lorsque sa famille et lui sont rentrés chez eux, ils n’avaient plus d’endroit où loger. Enfin, GS a indiqué que les personnes décédées pendant la guerre étaient des soutiens pour les familles. En ce qui le concerne, il n’a pas pu compter sur son frère pour le soutenir dans sa carrière académique, ce qui expliquait pourquoi il était entré si tardivement à l’université. 

A la question de savoir s’il subissait aujourd’hui encore les conséquences de ce qui s’est passé trente ans auparavant, GS a répondu que la guerre était associée à des traumatismes qui lui revenaient parfois, car il lui arrivait de repenser à des choses qui se sont passées et qui lui faisaient se sentir mal. 

Interrogé sur l’importance de la procédure à ses yeux, GS a déclaré que l’importance de ce procès pour lui était simplement d’obtenir une justice équitable. 

Questionné sur les éventuelles conséquences pour lui ou sa famille des déclarations qu’il a faites en première instance, GS a indiqué que le fait de venir témoigner en Suisse pouvait avoir pour conséquence d’être pourchassé au Libéria. Selon lui, il existe une forte probabilité que lui ou sa famille deviennent des cibles. Il a ajouté ne pas avoir parlé à sa mère de sa venue en Suisse, car cette dernière aurait tenté de l’en dissuader pour éviter qu’il devienne une cible potentielle. GS a précisé qu’il y avait un risque que des gens se rendent chez eux et les questionnent avec insistance, voire qu’ils tentent de se débarrasser d’eux pendant la nuit. Il a déclaré avoir peur parfois quand il se rendait à l’école. Invité à donner un exemple concret, GS a indiqué que le jour où il était censé recevoir un chèque en lien avec un projet de sylviculture effectué pour le compte du gouvernement, deux personnes l’ont interpellé sur le fait qu’il était allé témoigner en Suisse. Il leur a répondu qu’il ne savait pas de quoi elles parlaient et s’en est allé le plus vite possible. Il a ensuite envoyé un message au GJRP qui a transmis l’information à Me Werner afin qu’il soit relocalisé.  

Interrogé sur sa connaissance de la décision des premiers juges, GS a déclaré qu’il savait avoir obtenu gain de cause et qu’Alieu Kosiah avait été condamné à 20 ans de prison. Sur question, il a confirmé avoir eu des contacts avec les autres parties plaignantes après le premier procès. Il a précisé s’être rendu au bureau du GJRP afin d’être informé de la décision de première instance et avoir célébré le résultat avec les autres parties plaignantes. 

Questionné sur son emploi actuel, GS a indiqué qu’il était actuellement en stage et espérait trouver un travail par la suite dans le domaine de la gestion des forêts. Interrogé sur le salaire auquel il pouvait prétendre, GS a déclaré que le salaire ne leur était pas communiqué avant d’être effectivement engagé en tant qu’employé. 

Me Gianoli questionne GS :

Sur question, GS a indiqué qu’il avait débuté ses études universitaires en 2013 et qu’il ne les avait pas encore terminées à ce jour pour des raisons financières. Il a précisé qu’il devait à la fois payer les frais de scolarité, son loyer et sa nourriture et que sa situation n’était pas comparable à celle de quelqu’un qui avait encore son père et sa mère pour le soutenir financièrement. Il a déclaré devoir lutter au quotidien pour terminer ses études et qu’il lui était arrivé de les interrompre par manque d’argent. Selon lui, l’épidémie d’Ébola a aussi causé du retard et il n’a pu commencer réellement ses études qu’en 2015-2016.

Invité à dater l’événement lors duquel il a été pris à parti par deux personnes, GS a indiqué que cela s’était produit en juin 2022. A la question de savoir comment les gens au Libéria pouvaient savoir qu’il était venu témoigner en Suisse, GS a déclaré qu’il ignorait par quel intermédiaire ces gens avaient été mis au courant. Me Gianoli a demandé à GS s’il pouvait produire le message envoyé à Me Werner suite à cet événement. Le Président est intervenu pour rappeler que ces échanges étaient couverts par le secret professionnel. 

Le MPC questionne GS :

A la question de savoir s’il avait parlé de ce procès à d’autres personnes hormis son avocat et les gens du GJRP, GS a indiqué s’être confié à son petit-frère. Sur question, GS a déclaré qu’il était très peu probable que son petit-frère ait parlé du procès à d’autres personnes. Le Procureur a ensuite demandé à GS si quelqu’un lui avait demandé de ne pas venir témoigner en Suisse aujourd’hui et GS a répondu par la négative. 

A la question de savoir si le nom Vafray Kamara lui disait quelque chose, GS a répondu qu’il s’agissait d’un député sous le gouvernement d’Ellen Johnson Sirleaf. 

Les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Questions relatives au contexte général

La Cour questionne GS :

Le Président a rappelé à GS ses déclarations à teneur desquelles il avait entendu qu’Alieu Kosiah était l’un des auteurs principaux du Black Monday et lui a demandé comment ces rumeurs lui étaient parvenues. GS a déclaré que le Black Monday était quelque chose dont tout le monde a entendu parler dans le Lofa à l’époque. Selon lui, il s’agit d’une journée terrible au cours de laquelle de nombreuses personnes ont été tuées à Voinjama. Lui n’y était pas, mais il a entendu parler de ce qui s’est passé alors qu’il était sur le point de se rendre en Guinée. Le nom d’Alieu Kosiah faisait partie des noms cités pour désigner les responsables des meurtres. 

A la question de savoir si d’autres noms avaient été cités en lien avec cet événement, GS a répondu qu’il y avait de nombreuses personnes au sein de l’ULIMO. Toutefois, il a indiqué que lorsqu’un événement horrible se produisait, il avait tendance à se concentrer sur la personne qui avait commis des choses horribles devant lui et qui lui avait fait le plus de mal. GS a ajouté qu’il n’avait pas été touché personnellement par ce qui s’était passé durant le Black Monday et qu’il n’avait pas assisté aux tueries de masse. Il a simplement entendu des rumeurs et n’a pas vu Alieu Kosiah ce jour-là, car il (GS) n’était pas à Voinjama. 

Invité à donner des précisions sur ses précédentes déclarations selon lesquelles le prévenu avait pris une fille dans sa communauté, GS a déclaré qu’il y avait dans sa communauté une jeune fille du nom de Korpu qui avait la peau très claire. Selon GS, lorsqu’un soldat patrouillait et repérait une jolie fille, il voulait l’avoir pour lui. Alieu Kosiah a donc donné l’ordre à un de ses enfants soldats d’aller chercher la jeune fille et de l’emmener dans son bureau. Sur question, GS a précisé que l’enfant soldat a dit à la jeune fille qu’il devait l’emmener sur ordre de Chief Kosiah. Selon GS, la jeune fille est partie et s’est absentée plusieurs jours. Elle est parvenue à s’enfuir le deuxième jour et a raconté son histoire à une autre femme, en présence de Old Man Korpu et d’autres villageois, avant de prendre la fuite avec son petit-ami. GS a déclaré qu’il ne les a plus jamais revus. 

Questionné sur l’histoire racontée par la jeune fille, GS a déclaré qu’elle a raconté avoir été forcée à avoir des relations sexuelles avec Alieu Kosiah. GS a précisé que la jeune fille n’avait pas utilisé des termes crus mais des euphémismes et des périphrases, par exemple en disant qu’il s’était passé des choses comme celles qui se passent entre des hommes et des femmes au lieu de parler de viol. Selon GS, la manière d’aborder ce sujet est conditionnée à l’éducation au Libéria. Sur question, GS a confirmé que la jeune fille avait mentionné Alieu Kosiah dans toutes ses explications. 

Interrogé sur l’épisode de la sorcellerie, GS a déclaré que cela concernait l’ensemble des ULIMO, et pas uniquement Alieu Kosiah, bien qu’il fût l’un des personnages principaux. Selon GS, la sorcellerie pouvait empêcher les armes de fonctionner. Sous le commandement d’Alieu Kosiah, les ULIMO ont accusé des personnes âgées de sorcellerie en disant qu’à cause d’elles, ils n’avaient pas de succès sur le champ de bataille. A la question de savoir où il avait vu Alieu Kosiah lors de cet épisode, GS a déclaré qu’il avait vu le prévenu au moment où il a ordonné à ses soldats d’aller chercher des personnes âgées dans leurs maisons et de les rassembler à la station d’essence. 

Sur question, GS a confirmé avoir vu Alieu Kosiah donner l’ordre de rassembler les gens. Il a indiqué que le prévenu se trouvait à la station d’essence lorsqu’il a donné l’ordre. Interrogé sur les ordres donnés, GS a déclaré qu’il ne se souvenait pas des termes exacts, mais qu’Alieu Kosiah avait donné l’ordre de tuer ces gens. Ils les ont donc emmenés sur une colline et les ont tués. 

Me Gianoli questionne GS :

Invité à expliquer pourquoi la jeune fille aurait raconté son histoire à tout le quartier alors que les Libériens avaient visiblement une certaine pudeur, GS a déclaré que le fait de raconter un viol pouvait causer une grande stigmatisation et que c’était la raison pour laquelle les femmes se confiaient à des personnes de confiance. En l’occurrence, la jeune fille n’est pas allée raconter à tous les habitants de Zorzor ce qui lui était arrivé. 

Sur question, GS a indiqué que la jeune fille a raconté son histoire alors qu’elle se trouvait dans une cour commune à plusieurs maisons dans le quartier de Zorzor Kwizi [phon.]. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Werner questionne GS :

Selon Me Werner, GS a entendu parler du Black Monday par des réfugiés lorsqu’il était en Guinée. A la question de savoir de quelle ville venaient ces réfugiés, GS a répondu que des personnes de Voinjama s’étaient réfugiées dans le camp de Bambala à Macenta et que sa petite sœur malade avait été transportée à l’hôpital de Macenta où il avait vu des personnes en piteux état. 

Me Gianoli questionne à nouveau GS :

Interrogé sur l’endroit où il se trouvait la première fois qu’il a entendu parler du Black Monday, GS a indiqué qu’il était encore au Libéria et qu’il était parti en Guinée peu de temps après le Black Monday

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : ordonner les meurtres de sept civils à Zorzor

La Cour questionne GS :

Invité à confirmer que le rassemblement à la station-service avait eu lieu lors de la dernière prise de pouvoir par les ULIMO à défaut de pouvoir donner une date précise, GS a répondu que lorsque les ULIMO ont capturé Zorzor, tous les habitants se sont réfugiés sous leurs lits dans les maisons. Les ULIMO sont alors allés chercher les gens dans leurs maisons pour les rassembler à la station d’essence. Selon GS, c’était le seul endroit assez grand pour réunir tout le monde en un seul lieu. Il a ajouté que les NPFL rassemblaient aussi les gens à la station d’essence. 

Interrogé sur les chefs ULIMO qu’il a connus à Zorzor, GS a déclaré qu’à l’époque, il ne pouvait pas bien distinguer les grades des soldats car lorsqu’on était pris au milieu de la guerre, ce n’était pas le genre de choses auquel on s’intéressait. Il a ajouté avoir beaucoup entendu le nom Chief Kosiah et que ce nom lui était resté en mémoire sans savoir s’il s’agissait du plus haut gradé sur place. 

A la question de savoir si les soldats mentionnaient déjà Alieu Kosiah au moment où ils ont ordonné aux civils de se rassembler, GS a déclaré que c’était Alieu Kosiah qui était au centre à tout moment et que c’était vers lui que le tout le monde se tournait avec respect. Le Président a demandé à GS si les soldats lui ont indiqué que l’ordre venait d’Alieu Kosiah lorsqu’il sont venus le chercher. GS a déclaré qu’il s’était contenté de suivre l’ordre du soldat sans demander qui avait donné l’ordre par peur d’être tué et que ce n’était qu’une fois arrivé à la station d’essence qu’il a su qu’Alieu Kosiah était aux commandes puisque c’était lui qui donnait les ordres. 

Selon le Président, GS a déclaré en première instance avoir entendu Alieu Kosiah donner l’ordre de tuer les hommes en affirmant qu’ils étaient des rebelles et qu’il fallait donc les tuer. Le Président a demandé à GS si avant de donner cet ordre, le prévenu a évoqué le but du rassemblement. GS a déclaré que les ULIMO ne leur avaient pas dit pourquoi ils les avaient rassemblés et que les civils étaient leurs sujets. Selon GS, les ULIMO agissaient comme bon leur semblait. Il a ajouté : « Nous étions pour eux comme du bétail. Si vous avez des poulets dans votre cour et que vous en tuez un, personne ne va vous demander pourquoi vous l’avez tué. C’était comme cela qu’ils nous traitaient, comme bon leur semblait ». GS a indiqué qu’Alieu Kosiah avait sélectionné sept hommes qu’il considérait comme des soldats NPFL avant de les exécuter. 

Interrogé sur la manière de procéder à une telle sélection, GS a indiqué qu’il s’agissait d’une sélection aléatoire. Selon GS, Alieu Kosiah sélectionnait des gens au hasard en regardant autour de lui et en disant : « Toi mon gars, viens ici ». 

Questionné sur la suite des événements, GS a déclaré qu’ils ont ensuite battu les sept hommes en les frappant à coups de crosse de fusil et de masse. A la question de savoir si les hommes ont réagi au sujet des accusations portées à leur encontre avant d’être battus, GS a indiqué qu’à part pleurer et dire qu’ils n’étaient pas des rebelles, il n’y avait rien à faire, car rien ne pouvait empêcher ce qui était sur le point de se produire compte tenu de toute la haine que les ULIMO avaient en eux. GS a ajouté que lorsque quelqu’un ouvrait la bouche, il recevait un coup de crosse en plein visage et que ceux qui se faisaient battre étaient déjà quasiment morts avant de se faire tuer. 

Questionné au sujet d’une éventuelle réaction d’Alieu Kosiah face aux dénégations de ces hommes, GS a indiqué que sa seule réaction avait été de dire qu’ils devaient être exécutés. 

Sur question, GS a confirmé que des enfants soldats ont participé à l’exécution des sept hommes. Il a ajouté que Mami Wata, War Boss, Small Donzo et Big Donzo étaient également présents et que les deux premiers faisaient partie des personnes les plus actives autour d’Alieu Kosiah. Selon GS, toutes les factions ont recouru à des enfants soldats. Les enfants soldats étaient les plus dangereux de tous car ils manquaient de maturité et n’avaient pas de jugement propre. Ils suivaient les ordres sans avoir conscience de quoi que ce soit. Interrogé sur la présence d’Abraham Towah, GS a déclaré qu’il ne s’en souvenait pas. 

Le Président a ensuite communiqué à GS les éléments invoqués par Alieu Kosiah pour se disculper des faits reprochés, à savoir qu’il n’avait jamais rencontré GS avant la procédure et qu’il était arrivé dans le Lofa après la capture de Foya, soit 6 mois après la prise de Zorzor de sorte qu’il n’était pas présent lors de la prise de Zorzor en janvier 1993. Alieu Kosiah a également expliqué être arrivé à Zorzor en 1995 après la capture de Gbarnga. Il a indiqué pour le surplus qu’il était à Todi en mars 1993 et qu’il n’allait jamais à Zorzor. 

Invité à se déterminer par rapport aux explications fournies par le prévenu, GS a déclaré que tout ce qu’Alieu Kosiah avait dit était faux. Il a ajouté qu’un soldat ne connaissait pas toutes ses victimes et s’en moquait car il causait de nombreuses victimes au quotidien. GS a indiqué qu’il n’aurait pas pu se présenter à Alieu Kosiah et lui dire qu’il lui avait causé du tort car cela aurait causé sa propre mort. Il a donc attendu le bon moment pour obtenir justice. GS a ajouté que Kundi avait dit lui-même qu’Alieu Kosiah était présent avec lui lors de la capture de Zorzor, qui a précédé la prise de Voinjama. Selon GS, Kundi a également mentionné la perte d’un pick-up à cause de l’explosion d’une mine qui a laissé comme seul survivant Water Gina. GS a affirmé qu’au moment de l’incident, Alieu Kosiah se trouvait à Zorzor. 

Le Président a ensuite indiqué à GS qu’Alieu Kosiah faisait valoir que Steven Dorley avait capturé Zorzor et que fin 1993 ou début 1994, les ULIMO ont envoyé Pepper & Salt pour devenir commandant à Zorzor. GS a répondu que sa principale préoccupation dans le cadre de ce procès n’était pas de savoir qui avait capturé ou dirigé Zorzor, mais que son attention portait sur la personne qu’il avait vue commettre des actes horribles. Il a confirmé avoir entendu parler d’un Chief Dorley, mais a indiqué ne pas avoir grand-chose à dire sur ce dernier. 

Sur question, GS a confirmé avoir vu un soldat dénommé War Boss en compagnie d’Alieu Kosiah, bien que le prévenu ait affirmé ne pas le connaître. GS a également confirmé avoir vu War Boss et Alieu Kosiah ensemble lors de l’exécution des sept civils et a indiqué que War Boss avait suivi les ordres d’Alieu Kosiah, notamment ceux portant sur l’exécution des sept hommes et les transports forcés. 

Interrogé sur Mami Wata, GS a confirmé l’avoir vu avec Alieu Kosiah. Il a précisé que Mami Wata faisait partie des personnes actives notamment à la station d’essence et lors des transports forcés. 

Le Président a ensuite indiqué à GS qu’Alieu Kosiah faisait valoir qu’il ignorait quand et où GS avait rencontré l’ONG et que tout ce que GS disait était un mensonge car HB n’était jamais allé à Zorzor. A la question de savoir s’il avait menti parce qu’on l’avait obligé ou demandé de mentir, GS a répondu par la négative. 

Sur question, GS a confirmé ses déclarations devant le Procureur selon lesquelles Alieu Kosiah portait un veste et un pantalon militaires ainsi que des bottes. 

Invité à décrire sa position lors de l’exécution des sept civils, GS a déclaré que toutes les factions forçaient les gens à les regarder commettre des actes affreux pour instiller la peur et l’ancrer profondément dans les esprits. GS a ajouté qu’il était présent lors de l’exécution des sept civils. 

Me Gianoli questionne GS :

Sur question, GS a indiqué qu’il ignorait qui était le townchief de Zorzor lorsque les ULIMO sont arrivés pendant la guerre et a déclaré que le townchief était choisi selon le bon vouloir des soldats. Il a ajouté que le townchief changeait régulièrement et que ce n’était pas toujours la même personne. Selon GS, Zorzor était une grande ville et il était rare que les personnes qui respectaient la loi aient des contacts avec le townchief. En cas de problème, les habitants se tournaient plutôt vers le quarterchief qui pouvait faire remonter l’affaire au townchief si nécessaire. Sur question, GS a déclaré qu’il ne se souvenait pas qui était le quarterchief avant l’arrivée des ULIMO car il passait la plupart de ses journées à la ferme et rentrait dans son quartier seulement pour dormir. 

A la question de savoir depuis quand il vivait à Zorzor, GS a répondu qu’il était né à Kolahun et avait déménagé dans la région de Zorzor lorsqu’il était tout petit. 

Sur question, il a confirmé que le quartier de Kwizi [phon.] n’était pas loin de la station d’essence sans toutefois pouvoir indiquer la distance exacte. Selon GS, les maisons du quartier de Kwizi ont été construites proches les unes des autres de sorte que pour apercevoir la station d’essence, il faut se rendre sur la route. Il a indiqué ne pas se souvenir de combien de temps s’était écoulé entre l’arrivée des ULIMO à Zorzor et le moment où les soldats sont venus chercher les civils pour les rassembler à la station d’essence. Sur question, GS a précisé qu’il se trouvait en ville lorsque les soldats ULIMO sont arrivés à Zorzor. Il a indiqué qu’il ignorait si c’était la première fois que des civils avaient été rassemblés, mais qu’en ce qui le concernait, c’était le premier rassemblement auquel il avait participé. 

Interrogé au sujet de Kundi, GS a déclaré qu’il avait entendu le nom de Kundi pour la première fois durant ce procès et qu’il ne l’avait jamais vu. 

Me Gianoli a présenté une photographie d’un groupe de soldats à GS et lui a demandé s’il reconnaissait quelqu’un qui était présent à la station d’essence. GS a indiqué qu’il ne s’en souvenait pas. Sur question, il a déclaré qu’aucun soldat sur la photo n’avait une coupe de cheveux rasta. 

Me Gianoli a ensuite présenté un article de journal avec une photographie en noir et blanc à GS et lui a demandé à nouveau s’il reconnaissait quelqu’un. GS a déclaré que la personne portant des lunettes de soleil ressemblait à Mami Wata, mais a ensuite lu sur la légende qu’il s’agissait de Steven Dorley. Interrogé par le Président sur la raison pour laquelle il a d’abord pensé à Mami Wata, GS a répondu que c’était à cause de la coupe de cheveux. Sur question de Me Gianoli, GS a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une coupe rasta. Il a tenu à préciser qu’une personne pouvait adopter toutes sortes de styles capillaires au cours de sa vie. 

Interrogé sur le laps de temps qui s’est écoulé entre l’épisode de la station d’essence et son départ en Guinée, GS a répondu qu’il y avait eu l’événement à la station d’essence, puis le transport avant son départ en Guinée. Les rumeurs concernant l’arrivée d’une nouvelle faction l’avaient poussé à partir. Il a ajouté que pendant la guerre, on ne programmait pas une fuite dans la mesure où c’était lorsque la menace devenait imminente qu’on décidait de partir spontanément. Selon GS, il fallait être constamment vigilant pour survivre. Il a déclaré qu’il ne savait pas combien de temps s’était écoulé entre l’événement de la station et son départ en Guinée, mais qu’il pouvait décrire le voyage. Sur question, il a indiqué qu’il y avait une route allant directement de Voinjama à Macenta. Comme la route n’était pas sûre, ils sont passés par la brousse pour aller jusqu’à la rivière marquant la frontière. 

Interrogé sur le bureau du GJRP, GS a indiqué s’y être rendu une fois pour témoigner et y avoir rencontré Me Werner. Il a précisé avoir vu HB et Keita, mais qu’il avait été envoyé directement voir Me Werner. Me Gianoli s’est référé aux déclarations de HB qui a dit avoir rencontré GS à Monrovia, lui avoir souhaité la bienvenue en lui serrant la main et l’avoir informé qu’il allait avoir un entretien. Il a ensuite demandé à un membre de la sécurité de l’installer sur un siège. A la question de savoir si la description de la rencontre donnée par HB était correcte, GS a répondu avoir vu HB. Me Gianoli a tiré la conclusion que GS connaissait HB avant de venir témoigner en Suisse pour la première fois. GS a précisé qu’il avait simplement vu HB avant de venir témoigner en Suisse pour la première fois. 

Me Gianoli est ensuite revenu sur les déclarations de GS en première instance selon lesquelles il pensait avoir rencontré HB à Zorzor, alors qu’il s’agissait en réalité de Keita. A la question de savoir jusqu’à quand il avait fait cette confusion, GS a répondu qu’il avait compris qu’il s’agissait de Keita lorsqu’il est revenu de son premier déplacement en Suisse. 

Le Président a demandé à GS si HB s’était présenté à lui en lui souhaitant la bienvenue dans le bureau du GJRP. GS a répondu que HB ne s’était pas présenté de manière formelle et qu’il s’était entretenu uniquement avec Me Werner. 

Invité à confirmer qu’il avait vu HB et Keita lorsqu’il s’est rendu pour la première fois dans le bureau du GJRP, GS a déclaré qu’il ne les avait pas vus ensemble et qu’il ne s’était pas préoccupé de savoir qui était qui puisqu’il était pressé de raconter son histoire et de retourner s’occuper de sa scolarité. Il a ajouté que HB était le nom qu’il avait le plus souvent entendu et qu’il l’avait gardé à l’esprit. A la question de savoir s’il avait vu Keita ce jour-là, GS a répondu qu’il ne pouvait pas s’en souvenir. 

Interrogé sur la durée de son séjour à Monrovia pour témoigner, GS a indiqué qu’il était resté quelques jours, sans se souvenir néanmoins de la durée exacte. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Werner questionne GS : 

Me Werner a produit une photographie que GS a identifiée comme étant l’endroit où se situait l’ancienne station d’essence. Sur questions de son conseil, GS a décrit la photographie et indiqué les directions des différents axes routiers. 

Sur question, GS a déclaré que son frère n’était pas un soldat NPFL, bien qu’il ait été accusé d’en être un. Invité à décrire son état d’esprit lorsque son frère a été choisi au hasard pour être exécuté, GS a indiqué qu’il était simplement frustré de ne rien pouvoir faire pour l’aider. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur ces deux reproches, Alieu Kosiah a déclaré que la manière dont GS était entré en contact avec l’ONG n’était pas claire puisqu’il avait d’abord déclaré qu’il avait lu un journal à Zorzor qui l’avait motivé à porter plainte contre le prévenu. GS se serait alors rendu au Entertainment Center où il aurait rencontré HB qui lui aurait dit de venir à Monrovia. Or, cela ne fait pas de sens selon Alieu Kosiah. En effet, l’article de journal mentionnait le fait que le prévenu était en prison à cause de la plainte déposée par GS. A cela s’ajoute que HB aurait déclaré n’être jamais allé à Zorzor. Le prévenu a argué que ces éléments étaient de nature à expliquer pourquoi GS avait changé ses déclarations concernant sa première rencontre avec HB. Selon Alieu Kosiah, leur première rencontre a eu lieu dans le bureau du GJRP : HB a accueilli GS et lui a donné de l’argent pour qu’il puisse rentrer chez lui. Alieu Kosiah a déclaré que lorsqu’on se rend dans le bureau du GJRP, on sait très bien qui le dirige. Le Président lui a demandé s’il s’y était déjà rendu, ce à quoi le prévenu a répondu par la négative tout en insistant sur le fait que son raisonnement était du bon sens. 

Le Président a rappelé au prévenu que son avocat se chargerait de plaider sa cause. Alieu Kosiah a répondu que dans la mesure où il n’avait jamais rencontré GS, il ne pouvait faire autre chose que de relever les contradictions dans le dossier. Le Président lui a alors rappelé que c’était le travail de son avocat. Alieu Kosiah a rétorqué que l’élément crucial était de savoir qui avait capturé Zorzor et a déclaré : « si Alieu Kosiah a capturé Zorzor, alors GS a sans doute raison, mais si ce n’est pas Alieu Kosiah, il faut voir les choses différemment ».

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur la stratégie militaire de l’ULIMO lorsqu’il était responsable de Zorzor, Alieu Kosiah a déclaré qu’il fallait repousser les attaques et exécuter les ordres de Kromah lorsqu’il leur disait d’avancer. Le prévenu a ajouté qu’il s’agissait d’une guérilla de sorte qu’ils attaquaient et repartaient sauf lorsqu’ils recevaient l’ordre de prendre une ville. 

Questionné sur le sort réservé aux prisonniers, Alieu Kosiah a indiqué que cela dépendait des commandants. Certains tuaient les prisonniers de guerre et d’autres les transféraient à l’autorité, à savoir le quartier-général. Invité à préciser la manière dont lui traitait les prisonniers de guerre, le prévenu a déclaré qu’il capturait rarement des ennemis dans la mesure où il s’agissait de combats à armes à feu. Alieu Kosiah s’est souvenu avoir capturé le capitaine Denis au Lofa Bridge et avoir envoyé un rapport à l’autorité. Il a expliqué que les NPFL capturés étaient emprisonnés pendant trois mois. A l’issue des trois mois, il y avait une période pour que la personne gagne la confiance des ULIMO. Après cette période, il y avait deux options : soit la personne rejoignait les rangs de l’ULIMO, soit elle était livrée à elle-même. Le prévenu a ensuite évoqué le retour de TT de la brousse avec des soldats NPFL et la capture du général Chuck Norris. 

Interrogé sur la façon dont les prisonniers de guerre étaient emmenés au quartier-général depuis les lieux isolés de la brousse où le prévenu combattait, Alieu Kosiah a cité à titre d’exemple un homme capturé lors d’une attaque ordonnée par Pepper & Salt, qui les a informés qu’une mine avait été posée sur la route sur laquelle ils devaient passer. Le prévenu a précisé que ni Pepper & Salt ni lui-même n’étaient présents lors de la capture de cet homme. 

A la question de savoir s’il n’avait donc quasiment jamais fait de prisonnier durant son activité militaire, Alieu Kosiah a dit ne pas s’en souvenir et précisé qu’il était rare de capturer quelqu’un en vie dans la mesure où les balles volaient dans les deux camps. Selon le prévenu, il n’arrivait donc pas souvent de capturer quelqu’un sauf lorsque la personne se rendait. 

Interrogé sur la fréquence des attaques et des contre-attaques lorsqu’il était responsable de Zorzor, Alieu Kosiah a déclaré que Zorzor était un point chaud et qu’il y avait des combats en permanence. Il a précisé avoir passé moins de trois mois en tant que commandant à Zorzor et avoir été nommé après le départ de Pepper & Salt en 1995.  

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah :

Sur question, Alieu Kosiah a indiqué que la première fois qu’il était allé dans le Lofa, il est arrivé à Zorzor depuis Fassama, puis est allé à Voinjama en voiture. 

Le MPC interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur l’identité de l’homme capturé sur ordre de Pepper & Salt qui les a informés de la pose d’une mine, Alieu Kosiah a indiqué qu’il s’appelait Koluba [phon.], mais qu’il ne se souvenait pas de son prénom. 

Me Werner interroge Alieu Kosiah : 

Me Werner a invité le prévenu à se déterminer sur les déclarations de Kundi qui a indiqué avoir été rejoint à Zorzor par Pepper & Salt et son groupe dans lequel il y avait Alieu Kosiah, et avoir été emmené à Voinjama par Pepper & Salt avec Alieu Kosiah, alors que le reste du groupe est resté à Zorzor. Alieu Kosiah a déclaré qu’il appartenait à la Cour de décider qui de Kundi ou de Alieu Kosiah avait raison. Selon lui, Kundi pourra confirmer qu’Alieu Kosiah n’a pas participé à la capture du Lofa, et en particulier de Foya, puisqu’il n’y était pas. Le prévenu a rappelé que c’était lui qui avait donné le numéro de Kundi au Procureur et a déclaré qu’il aurait été la dernière personne à le faire s’il savait que Kundi avait fait partie de la Lofa Mission. Il a ajouté que Advisor et Fine Boy avaient dit tous les deux qu’Alieu Kosiah n’était pas à Zorzor et que seul Kundi le situait à Zorzor après la capture de la ville. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah :

A la question de savoir s’il lui était arrivé d’avoir des détenus civils sous sa responsabilité durant la guerre, Alieu Kosiah a répondu que cela n’avait aucun sens militairement parlant. 

Audition de GS (suite)

Le Président a donné à GS la possibilité de se déterminer sur les propos du prévenu qui a déclaré que GS mentait sur la manière dont il a rencontré le GJRP. GS a indiqué qu’il s’était toujours contenté de dire les choses telles qu’elles s’étaient déroulées et n’avait rien inventé. 

La photographie de la station d’essence a été à nouveau présentée à GS. Il lui a été demandé d’indiquer où se trouvaient l’ancienne station d’essence et la nouvelle station d’essence, les directions dans lesquelles menaient les routes principales ainsi que la position des soldats, y compris Alieu Kosiah, et des civils lors de l’événement. 

La Cour questionne GS :

Interrogé sur la présence d’Abraham Towah lors du transport forcé, GS a déclaré qu’il ne se souvenait pas si ce dernier était présent ou non. Sur question, il a indiqué avoir pris part à deux rassemblements à la station d’essence. 

A la question de savoir si, à sa connaissance, quelqu’un avait été tué en raison de son refus de participer à un transport, GS a indiqué qu’il n’avait jamais vu personne refuser de participer et que personne n’aurait osé car tous avaient trop peur.

Invité à préciser ses déclarations selon lesquelles Alieu Kosiah leur avait dit qu’ils seraient exécutés s’ils se plaignaient d’être fatigués, et à indiquer en particulier si cette menace avait été proférée suite à un événement particulier, GS a confirmé qu’Alieu Kosiah avait prononcé de telles paroles, qui avaient été répétées par les soldats. Il a ajouté que pendant la guerre, les soldats cherchaient toujours à les maintenir dans la peur. S’ils ne marchaient pas assez vite, les soldats les battaient à coups de crosse de fusil. 

Invité à préciser ce qui était attendu des civils, GS a indiqué que les civils étaient utilisés pour transporter des marchandises. Il n’était pas possible d’utiliser des voitures entre Zorzor et Salayea car c’était une zone de combat. Interrogé sur le mode de déplacement d’Alieu Kosiah durant le transport, GS a déclaré que le prévenu était à pied. Sur question, il a indiqué avoir revu Alieu Kosiah une fois après le transport. 

Le Président a ensuite fait part à GS des explications fournies par le prévenu en lien avec ce transport. Alieu Kosiah a ainsi indiqué n’avoir jamais ordonné le transport forcé de Zorzor à Salayea et qu’il ne faisait pas de sens que de l’huile soit transportée en sus des munitions puisque Salayea était sur la ligne de front. Invité à se déterminer à ce propos, GS a déclaré n’avoir jamais évoqué de l’huile en lien avec ce transport, mais uniquement du matériel militaire. Il a ajouté qu’en ce qui le concernait, il avait transporté une petite caisse et qu’il n’avait jamais été question d’huile. 

A la question de savoir s’il avait le souvenir de s’être approché de la ligne de front, GS a répondu que Salayea se situait à la limite de la zone contrôlée par les ULIMO et que c’était là qu’ils combattaient le NPFL. Invité à préciser s’il avait réalisé qu’il s’approchait de la ligne de front pendant le transport, GS a répondu par l’affirmative et précisé qu’ils avaient entendu des coups de feu. Il a ajouté qu’ils étaient forcés de transporter le matériel. Il avait compris que ce matériel devait être utilisé pour continuer la guerre et que les ULIMO ne voulaient pas le porter eux-mêmes. 

Me Gianoli questionne GS :

Sur question, GS a indiqué qu’il ignorait ce qu’il avait transporté car la caisse était fermée. Il a précisé qu’il s’agissait d’une caisse en bois de couleur verte d’apparence militaire. A la question de savoir si la caisse faisait du bruit lors du transport, GS a répondu par l’affirmative. Il a expliqué qu’il lui avait semblé que des choses roulaient les unes sur les autres. 

Sur question, il a déclaré qu’il ignorait si les ULIMO avaient capturé Gbarnga le jour du transport ou après le transport. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah (suite)

Invité à se déterminer sur ce reproche, Alieu Kosiah a déclaré qu’ils avaient capturé Gbarnga et y étaient restés 3 ou 4 mois. Il a ajouté que les munitions étaient dans des boîtes métalliques et qu’elles ne bougeaient donc pas lorsqu’elles étaient transportées dans des caisses. Selon lui, il y avait 250 cartouches dans chaque boîte. Il a également indiqué que les caisses de munitions étaient vertes et a répété que quelles que soient les munitions, elles ne bougeaient pas, y compris celles pour les RPG. Alieu Kosiah a ensuite déclaré que Steven Dorley figurait également sur la photo du groupe de soldats. 

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Le Président lui a demandé comment il savait qu’il s’agissait de munitions. Le prévenu a répondu que GS avait déclaré avoir transporté des munitions, ce qui a été contesté par Me Werner. Le Président lui a ensuite demandé si les ULIMO utilisaient des caisses vertes pour transporter autre chose que des armes et des munitions. Alieu Kosiah a répondu : « Monsieur le Président, êtes-vous déjà allé sur la ligne de front ? Le vert, c’est le militaire ». 

Me Gianoli n’a pas eu de questions. 

Le Procureur a indiqué avoir une question concernant la photo de groupe, qui sera posée ultérieurement. 

Les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

* * *

Audition de Abraham Towah

Abraham Towah est entré dans la salle d’audience et a fait un salut militaire à Alieu Kosiah, auquel ce dernier a répondu. Le Président a demandé au prévenu de ne pas faire ce genre de geste, dans la mesure où cela pouvait être considéré comme une manière d’influencer un témoignage. 

Le témoin a confirmé être Abraham Towah, né le 16 octobre 1980. Le Président lui a alors expliqué ses droits ainsi que le déroulement de l’audition avant d’exposer les actes reprochés à Alieu Kosiah. Le Président a rappelé à Abraham Towah qu’il n’était pas obligé de répondre aux questions s’il prenait le risque de s’auto-incriminer.

Abraham Towah a déclaré qu’il souhaitait se livrer à la police pour être remis au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, car il se sentait en danger depuis le début de cette procédure et souhaitait témoigner de la manière dont il a été traité en Suisse. Il a ajouté qu’il était traité comme un criminel depuis deux ans, alors qu’il n’en était pas un. Depuis deux ans, ses enfants sont au Libéria sans aucun soutien. Il a déclaré qu’il ne dirait rien de plus aussi longtemps qu’il n’aura pas été amené devant les Nations Unies et obtenu une protection. 

Abraham Towah s’est levé et s’est mis à crier et à pleurer. Il s’est approché des forces de l’ordre en les suppliant. Il a été escorté hors de la salle d’audience par les policiers. 

Le Président a indiqué qu’il avait été protocolé qu’Abraham Towah refusait de faire des déclarations et a proposé de poursuivre avec l’audition de JTC. 

* * *

Audition de JTC

La personne entendue a confirmé être JTC, né le 29 novembre 1969. Le Président a indiqué à JTC qu’il était entendu en tant que personne appelée à donner des renseignements et l’a rendu attentif aux conséquences pénales d’une dénonciation calomnieuse, d’une induction de la justice en erreur et d’une entrave à l’action pénale. Le Président lui a rappelé les faits reprochés à Alieu Kosiah le concernant, à savoir avoir participé au meurtre de DN à Foya, avoir profané le cadavre de DN, avoir ordonné et dirigé un transport forcé de Foya à Solomba, avoir ordonné le pillage de la centrale électrique de Foya et avoir ordonné le transport de la génératrice par des civils de Foya à Solomba. 

Questions relatives à la situation personnelle

La Cour questionne JTC :

Le Président a invité JTC à indiquer quelles ont été les conséquences de la première guerre civile au Libéria pour lui. JTC a déclaré qu’au niveau personnel, il avait le projet de terminer son éducation et avait déposé sa demande d’inscription à l’université après avoir terminé le lycée en 1988. Il a été accepté, mais n’a pas pu commencer ses études à cause des événements. Par ailleurs, à cause de la guerre, sa mère, son père et d’autres membres de sa famille ont été forcés à l’exil et ont été confrontés à des maladies et des problèmes auxquels ils n’auraient pas dû être confrontés, ce qui a raccourci leur espérance de vie. JTC a également indiqué subir un lourd traumatisme psychologique à cause de la guerre en général et en particulier à cause de ce qui s’est passé à Foya. Il a déclaré que le stress qu’il a vécu et les horreurs qu’il a vues lui pesaient encore beaucoup à ce jour. Selon lui, il y a eu des pillages et de nombreux morts dans le district de Foya. La population de Foya a grandement décliné et il n’y a toujours pas d’électricité. Il a précisé que ces exemples étaient autant de retours en arrière induits par la guerre et qu’il n’en nommait que quelques-uns. 

Interrogé sur l’importance de la procédure pour lui, JTC a déclaré qu’il serait apaisé tant et pour autant que justice soit rendue. 

Interrogé sur sa connaissance de la décision des premiers juges, en particulier les passages concernant Foya, JTC a confirmé avoir entendu parler du résultat du premier procès. 

Questionné sur les éventuelles conséquences subies par lui ou sa famille suite à ses déclarations en première instance, JTC a indiqué qu’il était discret et ne parlait pas beaucoup de sa participation à la procédure. La seule personne au courant de sa présence en Suisse est son épouse.

Interrogé sur ses contacts avec les autres parties plaignantes depuis la procédure de première instance, JTC a déclaré avoir fait leur connaissance lorsqu’il est venu en Suisse et les avoir revus lorsque le GJRP les a convoqués dans le bureau. 

Questionné sur son emploi actuel, JTC a indiqué qu’il était actuellement auditeur interne au Community College du comté de Lofa et chargé de cours. Il a précisé qu’il avait obtenu un congé et suivait des cours en ligne à l’université du Delaware dans la but d’obtenir un doctorat en « educational leadership »

Le MPC questionne JTC :

Sur question, JTC a indiqué que personne lui avait demandé de ne pas venir témoigner en Suisse. A la question de savoir s’il avait ressenti de la pression au Libéria en lien avec son voyage en Suisse, JTC a répondu qu’il n’avait pas vraiment ressenti de pression, mais que certaines personnes avaient eu écho de cette procédure sans qu’il n’ait été en contact avec elles. Invité à donner plus de précisions à ce sujet, JTC a déclaré avoir vu certains documents de Foya et de Kolahun qui lui faisaient penser que les gens étaient au courant de ce qui passait. Sur question, JTC a indiqué qu’il se référait au document versé à la procédure par l’avocat de la défense. 

Sur question, JTC a indiqué qu’en ce qui le concernait, il n’avait pas ressenti de pression au Libéria après être rentré au terme des débats de première instance. 

A la question de savoir si le nom de Vafray Kamara lui disait quelque chose, JTC a répondu par l’affirmative et a précisé qu’il l’avait connu lorsque ce dernier était député du district électoral n°2 de Kolahun. 

Me Jakob questionne JTC :

Invité à situer géographiquement le Upper Wan Clan, JTC a indiqué que le Upper Wan Clan se situait dans le district statutaire de Foya. Il a précisé que le district statutaire de Foya était composé à l’origine de trois clans : le Wan Clan, le Tengya Clan et le Ran Koli Clan. En raison d’ambitions politiques, le Wan Clan s’est divisé en Upper Wan Clan et en Lower Wan Clan. 

Questions relatives au contexte général

La Cour questionne JTC :

Interrogé sur la hiérarchie entre les commandants de l’ULIMO, en particulier entre CO Deku et CO Kosiah, JTC a déclaré qu’au début, il ne savait ni qui était qui, ni quelle était la hiérarchie. C’était plus tard qu’il avait su que CO Deku était le chef de Foya et que CO Kosiah était un des officiers de rang qui pouvait se déplacer partout dans le comté. 

Le Président lui a rappelé ses déclarations selon lesquelles Alieu Kosiah allait à Kolahun, à Voinjama et parfois à Vahun et lui a demandé s’il l’avait vu de ses propres yeux ou si ces informations lui avaient été rapportées par des tiers. JTC a répondu que les mouvements d’Alieu Kosiah leur indiquaient qu’il n’était pas stationné de manière permanente à Foya. Il a ajouté : « Parfois, on le voyait à Foya, parfois pas. On entendait qu’il allait à Voinjama ou Kolahun ». A la question de savoir comment il pouvait savoir où se trouvait Alieu Kosiah, JTC a répondu que les soldats parlaient. 

Invité à indiquer de quelle source il tenait son affirmation selon laquelle il savait qu’Alieu Kosiah avait pris des filles comme esclaves sexuelles, JTC a déclaré que certaines filles avaient été capturées à Foya et étaient avec Alieu Kosiah. Sur question, il a confirmé avoir vu certaines de ces filles avec Alieu Kosiah à Foya, sans pouvoir donner un endroit précis.

Interrogé sur le lieu où logeait le prévenu à Foya, JTC a indiqué qu’Alieu Kosiah n’était pas en un lieu particulier. Parfois, il était chez Deku vers le vieux marché, parfois il était dans une zone spéciale où ses bodyguards allaient manger. JTC a ajouté que sur certaines maisons avait été inscrit le nom du CO qui se les était appropriées. Sur question, JTC a confirmé qu’il y avait des femmes dans ces maisons et a déclaré qu’il y avait toujours des femmes avec eux indépendamment du lieu où ils se rassemblaient. Il a précisé que cela ne concernait pas uniquement Alieu Kosiah, mais également certains de ses soldats qui avaient eux aussi des femmes en leur compagnie. 

Invité à se déterminer sur ses déclarations devant le Procureur selon lesquelles il avait vu deux cadavres sur la route de Solomba, JTC les a confirmées. Sur question, il a indiqué que si quelqu’un ne pouvait pas porter sa charge, il se faisait tuer à moins que Dieu lui vienne en aide. Il a ajouté que quand les soldats leur ordonnaient de porter une charge, ils leur disaient : « Till go, any bush shake you die ».  

Me Gianoli questionne JTC :

Interrogé sur les noms des filles qu’il a dit avoir vues avec Alieu Kosiah, JTC a déclaré qu’il ne s’en souvenait pas. Sur question, il a indiqué qu’Alieu Kosiah se déplaçait parfois à pied et que lorsqu’il se déplaçait en ville, les filles le suivaient. Il a indiqué par ailleurs qu’il n’avait jamais vu Alieu Kosiah se déplacer en véhicule. A la question de savoir s’il avait vu des voitures à Foya lorsque le prévenu y était, JTC a déclaré avoir vu une voiture au début, mais ignorait à qui elle appartenait. Sur question, il a indiqué qu’il ne se souvenait pas combien de fois il avait vu cette voiture. 

Le MPC questionne JTC :

Interrogé sur la couleur de la voiture, JTC a déclaré qu’il ne s’en souvenait pas et qu’il ne pouvait pas décrire la voiture car cela remontait à trop longtemps. 

Les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions.

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : participation au meurtre du civil DN et profanation de son cadavre

La Cour questionne JTC :

A la question de savoir si Alieu Kosiah était présent lors de l’interpellation de DN, JTC a répondu que le prévenu était en ville ce jour-là. Invité à préciser ses précédentes déclarations au sujet de l’interrogatoire de DN, JTC a indiqué que lorsque DN est arrivé au centre de Foya, les ULIMO l’ont vu descendre d’un véhicule. Ils se sont dirigés vers lui et lui ont posé des questions. Puis, ils l’ont emmené au bureau S2, à savoir l’ancien poste de police où se trouvait notamment Alieu Kosiah. Selon JTC, les ULIMO ont demandé à DN de manière répétée ce qu’il faisait avec les humanitaires. DN a alors expliqué que les humanitaires l’avaient emmené à la Borma Mission et interrogé sur les responsables du pillage. DN a répondu que les ULIMO avaient pillé la Borma Mission, l’hôpital, l’école et les autres choses qui s’y trouvaient. JTC a indiqué avoir alors entendu des voix s’élever en disant que DN était un collabo, un espion et un traître. JTC se trouvait dans les environs proches et a vu la situation s’envenimer. Selon JTC, il y avait beaucoup de monde. Il a entendu Alieu Kosiah dire qu’il fallait emmener DN vers la piste d’atterrissage à proximité de la maison d’Ugly Boy. 

Sur question, JTC a confirmé que c’était bien Alieu Kosiah qui avait donné l’ordre d’emmener DN sur la piste d’atterrissage. A partir de ce moment-là, DN ne pouvait plus se déplacer par lui-même et a été emmené de manière brutale. Selon JTC, Ugly Boy, Kundi, Mami Wata et Deku étaient présents et tout le monde accusait DN d’être un traître et un espion. Sur question, JTC a confirmé qu’Alieu Kosiah était également présent. Il a précisé qu’un groupe de civils, dont il faisait partie, avait suivi les ULIMO jusqu’à la piste d’atterrissage. Selon JTC, DN avait été attaché selon la méthode du tabé lorsqu’il était au poste de police. Alors que DN se trouvait au milieu des ULIMO à proximité de la maison d’Ugly Boy, Ugly Boy a sorti sa hache pour frapper DN. JTC a déclaré avec émotion que c’était la première fois de sa vie qu’il voyait quelqu’un extraire le cœur d’une autre personne et le déposer sur une assiette et qu’il était très affecté à chaque fois qu’il y repensait.

JTC a déclaré qu’il était inhumain de voir quelqu’un extraire l’organe de DN et le tenir dans ses mains après que DN a été battu et torturé. Selon JTC, ils ont emporté son cœur sur le porche de la maison d’Ugly Boy, puis l’ont découpé et mangé. Toute la scène s’est déroulée sous les yeux des civils. JTC a indiqué que ce n’était pas la première fois que cela se passait, mais qu’en ce qui le concernait c’était la première fois qu’il y assistait. Il a ajouté qu’Ugly Boy était connu pour ce genre de pratiques et qu’Alieu Kosiah n’avait rien fait pour empêcher que cela se produise alors qu’il en avait les moyens. Selon JTC, les ULIMO jubilaient en répétant : « Anyone tries ULIMO, your heart ». Il s’agissait d’un de leurs chants visant à instaurer la terreur chez les civils et rappelant que personne ne devait rien dire au sujet de l’ULIMO. 

Sur question, JTC a confirmé qu’Alieu Kosiah avait participé à ces actes de manière active. Non seulement il a ordonné que DN soit emmené chez Ugly Boy, mais il a également frappé DN pendant que Kundi lui donnait des coups de pieds. Tous les ULIMO s’en sont pris à DN selon JTC. 

Invité à préciser de quelle manière il avait identifié que le prévenu était le plus haut gradé sur place, JTC a indiqué qu’Alieu Kosiah était respecté par ses soldats et tout le monde obéissait à ses ordres. Par ailleurs, il se déplaçait d’un endroit à l’autre et allait jusqu’à Kolahun et Voinjama. Selon JTC, ses soldats disaient de lui qu’il était un officier de haut rang. 

Le Président a ensuite rappelé à JTC ses déclarations de première instance selon lesquelles il avait vu Alieu Kosiah manger un morceau de cœur. A la question de savoir qui lui avait remis ce morceau de cœur, JTC a répondu que le cœur avait été coupé lorsqu’ils étaient sur le porche de la maison d’Ugly Boy et qu’Alieu Kosiah en avait pris un morceau. Selon JTC, la plupart des soldats ont fait de même. 

JTC a ensuite été questionné sur ses déclarations devant le Procureur à teneur desquelles les small boys et les esclaves sexuelles qui se trouvaient dans la maison ont tous confirmé avoir mangé un morceau de cœur. A la question de savoir comment il avait obtenu ces confirmations, JTC a indiqué que sa fiancée M était retenue captive par Ugly Boy et que c’était elle qui lui avait confirmé qu’il y avait des enfants soldats. Sur question, JTC a précisé que M lui avait dit qu’Alieu Kosiah, ainsi que d’autres CO et des enfants soldats avaient mangé le cœur, en précisant que c’étaient principalement les chefs qui l’avaient mangé. 

Invité à se déterminer sur les arguments d’Alieu Kosiah, qui soutient qu’il ne se trouvait pas à Foya lors de la capture de la ville, mais à Bomi, JTC a déclaré qu’Alieu Kosiah mentait et qu’il se trouvait bien à Foya à cette époque. Selon le Président, Alieu Kosiah a également déclaré qu’il n’avait jamais rencontré ni JTC ni DN et que selon les journaux, la mort de DN était survenue en raison de ses convictions religieuses et du fait qu’il était muni d’une bible. JTC a rétorqué qu’il était évident qu’Alieu Kosiah ne le connaisse pas, car il (JTC) était un esclave pour lui. Selon JTC, un maître ne se soucie pas de ses esclaves et les esclaves exécutent ses ordres. JTC a ajouté qu’il n’avait donné aucune raison à Alieu Kosiah de savoir qui il était. Cela dit, il a été témoin de ce qu’Alieu Kosiah a fait à Foya. 

Le Président a ensuite indiqué qu’Alieu Kosiah prétendait être musulman et ne pas manger de porc, de sorte qu’il ne pouvait pas imaginer manger de la chair humaine. Alieu Kosiah a déclaré qu’il ferait cuire un cœur humain avant de le manger et qu’il n’avait pas connaissance d’actes de cannibalisme au sein de l’ULIMO. Selon JTC, Alieu Kosiah a continué de mentir car des actes de cannibalisme ont été commis à Foya et ailleurs. 

Le Président a indiqué à JTC que selon Alieu Kosiah, JTC l’avait dénoncé en raison de son appartenance à l’ethnie Mandingo, ce que JTC a nié. 

Me Gianoli questionne JTC :

Sur question, JTC a confirmé être allé à l’école avec MN en 1983 ou 1984. Il a précisé qu’ils n’étaient pas dans la même classe et qu’il ignorait l’âge de MN. Sur question, JTC a indiqué qu’il ignorait si MN était enceinte lorsqu’ils étaient à l’école ensemble. Me Gianoli a relevé que selon le dossier français, la fille de MN était née en 1981 alors que MN était née en 1969. Invité à expliquer comment cela était possible, JTC a déclaré qu’il l’ignorait. 

Sur question, JTC a indiqué que sa mère se dénommait SSN. Interrogé sur ses liens avec SFC, JTC a déclaré qu’ils n’avaient pas de liens directs, mais qu’il avait déjà entendu son nom. Ce nom lui semblait familier, mais il ne le connaissait pas vraiment. 

Me Gianoli a ensuite produit un croquis de Foya dessiné par LSM et a demandé à JTC où Alieu Kosiah résidait. JTC a déclaré que ce croquis était semblable à Foya sans être complet pour autant. 

Sur question, JTC a confirmé que selon ce qu’il avait pu observer, DN avait été tué le jour de son arrestation. Invité à se déterminer sur les déclarations de MN et DFB qui ont indiqué dans la procédure française que DN n’avait pas été exécuté le jour de son arrestation, JTC a déclaré qu’il ne pouvait pas s’exprimer sur ce que les autres disaient. 

A la question de savoir ce qu’il faisait à Foya au moment de l’exécution de DN, JTC a répété qu’il était un civil capturé à Foya. Interrogé sur sa peur des ULIMO, il a indiqué que lorsqu’il entendait des coups de feu, il s’enfuyait dans la brousse. Il a confirmé qu’il avait très peur lorsqu’il croisait des soldats ULIMO à Foya. 

Interrogé sur le lieu où il habitait au moment des faits, JTC a indiqué qu’il avait déménagé à Darma Road sur laquelle se trouvait la Community School de Foya. Questionné sur la distance séparant le bureau S2 du lieu où il habitait, JTC n’a pas été en mesure de donner une distance précise mais a indiqué que c’était assez loin. 

Interrogé sur sa présence lors de l’arrestation de DN, JTC a déclaré avoir vu DN descendre de la voiture. Il a déclaré que lorsque les gens entendaient parler d’une ONG, ils pensaient à des fournitures et à du ravitaillement donc beaucoup de gens se dépêchaient pour aller voir ce qui se passait. 

Questionné sur la présence du prévenu, JTC a indiqué qu’Alieu Kosiah n’était pas sur place, mais un peu plus loin au poste de police lorsque DN est descendu de la voiture. Me Gianoli a insisté pour que JTC donne la distance entre le lieu où DN est descendu de voiture et le poste de police, mais JTC a déclaré qu’il ne connaissait pas la distance exacte. 

A la question de savoir si DN avait été interrogé à l’intérieur ou à l’extérieur du poste de police, JTC a indiqué qu’ils étaient juste devant car une telle foule n’aurait pas pu entrer. Me Gianoli a demandé à JTC s’il s’était déplacé entre le moment où DN est descendu de voiture et le moment où ce dernier a été interrogé. JTC a indiqué qu’il s’était un peu approché lorsque les ULIMO ont emmené DN au poste de police et qu’il s’agissait d’une zone ouverte. 

Invité à expliquer pourquoi il avait suivi le groupe alors qu’il avait peur des ULIMO, JTC a indiqué qu’au départ, il avait peur mais que petit à petit, il a appris à coexister avec eux et sa curiosité s’est développée. 

Sur question, JTC a déclaré avoir clairement entendu la voix d’Alieu Kosiah lorsqu’il a donné l’ordre d’emmener DN et l’avoir également vu parmi ses soldats car il était facilement distinguable. Me Gianoli lui a demandé comment il avait pu le voir alors qu’il y avait une foule de personnes autour de lui. JTC a expliqué qu’il y avait certes un groupe important, mais pas au point de l’empêcher de voir ce qui se passait. 

Interrogé sur la raison pour laquelle Alieu Kosiah avait donné l’ordre d’emmener DN sur la piste d’atterrissage, JTC a indiqué que DN avait exposé les ULIMO en révélant leurs agissements à un groupe international. Selon JTC, de telles révélations représentaient une menace. 

A la question de savoir pourquoi Alieu Kosiah n’avait pas donné l’ordre de tuer DN directement où il se trouvait, JTC a répondu que la plupart des actes barbares se produisaient à la maison d’Ugly Boy, surnommé Saah Chuey ou Talata M. Sherif. 

Interrogé sur les mots prononcés par Alieu Kosiah lorsqu’il a donné l’ordre d’emmener DN sur la piste d’atterrissage, JTC a indiqué que le prévenu avait dit : « Emportez cet homme à la piste d’atterrissage ! ». Me Gianoli a relevé que JTC n’avait pas entendu le prévenu donner l’ordre de tuer DN. JTC a rétorqué qu’Alieu Kosiah avait donné l’ordre d’emmener DN vers la piste d’atterrissage, soit l’endroit où se sont produits la plupart des meurtres les plus terribles. JTC a répété qu’Ugly Boy était connu pour cela. 

Interrogé sur les autres personnes tuées à la maison d’Ugly Boy, JTC a cité Old Man TKo et Old Man Falani. Selon JTC, d’autres personnes ont été exécutées vers la piste d’atterrissage et derrière la maison d’Ugly Boy, mais il ne connaît pas leurs noms. 

A la question de savoir si les ULIMO étaient entrés dans la maison avec le plateau sur lequel le cœur de DN avait été déposé, JTC a répondu qu’ils étaient devant la maison d’Ugly Boy. Il a ajouté que la distance était courte entre l’endroit où DN a été tué et la maison d’Ugly Boy et que de nombreux civils avaient assisté à la scène. 

Questionné sur les raisons qui l’ont poussé à suivre le groupe jusqu’à la piste d’atterrissage, JTC a indiqué que l’un des leurs se faisait malmener par les ULIMO. Les civils étaient certes impuissants, mais tant qu’ils n’étaient pas menacés, ils pouvaient voir ce qui se passait. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Werner questionne JTC :

Interrogé sur le genre de personne qu’était DN, JTC a indiqué que DN était évangéliste et enseignant, et faisait partie des gens qui construisent la société. 

A la question de savoir pourquoi Ugly Boy était surnommé Saah Chuey, JTC a expliqué que c’était à cause de son comportement à l’égard des êtres humains. Selon JTC, les Kissis de Foya ont décidé de ne pas l’appeler Ugly Boy, car quand son nom était mentionné et que l’intéressé l’entendait, il y avait un risque d’être tué. JTC a expliqué que le nom Saah Chuey venait du fait qu’Ugly Boy s’était présenté comme étant le premier né de sa mère. Dans la tradition Kissi, le premier né est appelé Saah. Quant au mot Chuey, il signifie hache en Kissi et est une référence à la hache dont Ugly Boy se servait pour massacrer les gens. 

Me Werner a présenté à JTC les documents produits par la défense et lui a demandé de confirmer la véracité d’un certain nombre d’éléments. Tout d’abord, JTC a confirmé que TKo avait été tué sous le commandement d’Ugly Boy, un commandant célèbre qui massacrait des êtres humains. Il a également confirmé que les exécutions avaient en principe lieu sur la piste d’atterrissage. JTC a ensuite confirmé que Falani, le chef des témoins de Jehova à Foya, et DN avaient été tués sur la piste d’atterrissage. Quant à George Cooker, JTC a indiqué qu’il s’agissait d’un vieux médecin que les ULIMO avaient tué alors qu’ils battaient en retraite. Enfin, il a indiqué avoir entendu parler de la mort de Potokinor. JTC a considéré que le rapport produit par la défense confirmait ce qu’il avait dit, à savoir qu’un bon nombre de personnes ont été tuées par l’ULIMO. 

Me Werner a ensuite présenté une photographie à JTC, que ce dernier a reconnue comme étant un cliché de la Borma Mission. Selon lui, la photo a été prise récemment car l’hôpital a été complètement dévasté après le pillage avant d’être rénové. 

Interrogé sur les responsables du pillage de la Borma Mission, JTC a déclaré que le fait que DN ait déclaré que les ULIMO en étaient responsables avait entraîné sa mort. JTC a ajouté que selon lui, ce sont effectivement les ULIMO qui ont pillé la Borma Mission. 

Questionné au sujet de M, JTC a indiqué que cette dernière était stigmatisée car elle avait été l’esclave sexuelle d’Ugly Boy. Il a ajouté qu’il était impossible pour elle de revenir à Foya dans la mesure où elle était associée à cet homme qui avait commis des actes abominables, tels que manger de la chair humaine. JTC a déclaré que c’était une honte absolue pour M d’avoir été avec cet homme et que son traumatisme était immense. Selon JTC, M a même eu un enfant alors qu’elle était avec Ugly Boy. Il a également indiqué qu’elle vivait désormais à Monrovia et insisté sur le fait que le cas de M n’était pas un cas isolé. Au contraire, de nombreuses femmes et filles ont été capturées et prises comme esclaves sexuelles selon JTC. 

Me Wakim questionne JTC :

Invité à préciser l’âge des filles auxquelles il a fait référence, JTC a déclaré que certaines étaient loin d’être majeures.

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur les déclarations de JTC, Alieu Kosiah a relevé que c’était la première fois que JTC avait mentionné le fait que M était avec Ugly Boy, alors qu’il était auditionné pour la quatrième fois. Le prévenu a également invité la Cour à prendre en considération l’aspect ethnique dans la mesure où JTC est Kissi, alors que lui est Mandingo. Le Président lui a demandé en quoi cela était pertinent. Le prévenu a déclaré qu’il ne s’agissait que d’un rappel général. 

Le prévenu a ensuite relevé d’autres fluctuations dans les déclarations de JTC, notamment le fait qu’il ait dit avoir vu DN descendre de voiture ou encore le fait qu’il soit aujourd’hui plus vague au sujet de l’endroit où Alieu Kosiah se trouvait. Le prévenu a également déclaré qu’il y avait une grande différence entre les déclarations de JTC et ce qui figurait dans les journaux. Selon le prévenu, aucun des quatre noms mentionnés précédemment ne figurait dans la plainte de JTC. Alieu Kosiah a enfin relevé que Me Werner était intervenu plusieurs fois pour la traduction, ce qui prouve que l’avocat comprend très bien le Liberian English contrairement à ce que certains plaignants ont pu soutenir. 

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur la véracité de certains points du rapport produit par son avocat, Alieu Kosiah a déclaré qu’il ne pouvait pas confirmer si ces points correspondaient à la réalité sans avoir assisté aux événements de ses propres yeux et qu’il appartenait à la Cour d’en apprécier la véracité. A la question de savoir si quelque chose l’avait surpris dans le rapport, le prévenu a répondu qu’il ne pouvait pas en dire grand-chose sous réserve du fait qu’il n’y avait pas de guerre propre. Il a ajouté qu’en ce qui le concernait, il n’était pas à Foya à cette époque. 

A la question de savoir s’il avait pris connaissance de l’appréciation des juges français à l’égard des faits concernant DN, Alieu Kosiah a déclaré qu’il avait vu un document dans lequel les uns et les autres étaient cités, mais n’avait pas pris connaissance de la motivation. 

Me Gianoli et le MPC n’ont pas eu de questions. 

Me Wavre interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur le colonel Mother Blessing, Alieu Kosiah a déclaré qu’il s’agissait d’un NPFL. Il a ajouté qu’à sa connaissance, il n’y avait pas de Mother Blessing chez les ULIMO. 

Me Wavre a sollicité la projection de la vidéo présentant notamment l’enfant soldat Hitler Killer et évoquant les pratiques cannibales du général Pepper & Salt. Sur question, Alieu Kosiah a maintenu qu’il n’avait jamais entendu parler de cannibalisme au sein de l’ULIMO. 

Invité à se déterminer sur la vidéo, Alieu Kosiah a déclaré que la question qui se posait était de savoir où était l’ULIMO en 1991. Selon le prévenu, l’ULIMO a été fondé en avril 1991 et a attaqué le Libéria pour la première fois à la fin de l’année. Il s’agissait de venir tester les NPFL, puis repartir. Alieu Kosiah a déclaré qu’ils étaient ensuite revenus vers janvier-février 1992 et que la première vraie incursion de l’ULIMO avait eu lieu cette année-là. Selon Alieu Kosiah, quiconque prétend avoir rejoint l’ULIMO au Libéria en 1991 ne dit pas la vérité, car l’ULIMO n’était pas là. Si un soldat prétend avoir utilisé un Beretta, ce n’est pas un soldat ULIMO car l’ULIMO n’utilisait pas de Beretta. 

Le Président a invité le prévenu à se déterminer sur l’extrait visionné. Alieu Kosiah a déclaré qu’il s’agissait selon lui d’une vidéo de propagande. Il a ajouté que l’homme interviewé a déclaré faire partie des ULIMO, mais a également dit se battre contre les ULIMO et les soldats de Taylor. Me Wavre a objecté que le film avait été réalisé par un journaliste français indépendant. 

Invité à se déterminer sur les explications données par l’homme interviewé dans la vidéo à teneur desquelles le fait de manger des parties de corps humains rendait plus fort selon les croyances musulmanes, Alieu Kosiah a déclaré qu’il fallait poser la question à n’importe quel Mandingo. Selon lui, le général Dombuyah est aussi d’avis que cela ne se faisait pas. En ce qui le concerne, le prévenu n’imagine pas non plus un Mandingo faire ce genre de choses. Il a ajouté que la manière dont le nom de l’homme interviewé (Abu Bakr) était prononcé dans la vidéo ne correspondait pas à la prononciation d’un Mandingue. 

Me Wavre a rappelé au prévenu ses déclarations selon lesquelles Pepper & Salt n’avait jamais donné l’ordre d’exécuter des gens et lui a demandé comment il expliquait que le fait qu’il soit mentionné dans la vidéo que le général Pepper & Salt donnait l’ordre d’arracher des cœurs. Alieu Kosiah a répondu que cela ne s’était jamais produit en sa présence et a contesté que l’homme interviewé ait fait référence à Pepper & Salt puisqu’il a mentionné un certain général Poivre et Salt. 

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