[01/16/2023] Day 4: Unable to carry

Audition de LSM (suite)

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : asséner un coup de couteau au civil LSM à Foya

La Cour questionne LSM :

Invité à expliquer pourquoi Fine Boy ne l’avait pas reconnu lors des débats en 2021, LSM a déclaré que Fine Boy n’allait évidemment pas dire qu’il le reconnaissait. Selon LSM, c’est Alieu Kosiah qui a recruté Fine Boy depuis la Guinée durant la guerre. Fine Boy n’avait pas de formation militaire et parlait le même dialecte qu’Alieu Kosiah.

Le Président a rappelé à LSM ses déclarations selon lesquelles il a été épargné grâce à l’intervention de Fine Boy et Deku et lui a demandé si Fine Boy savait qu’il était le cousin de sa petite-amie avant de lui porter secours. LSM a précisé qu’il avait été épargné car Deku, qui était ground commander, avait donné l’ordre de ne pas tuer des civils. 

Interrogé sur l’intention de tuer d’Alieu Kosiah et Kundi, qui l’ont laissé pour mort dans son propre sang, LSM a déclaré qu’après avoir tué six hommes, la dernière personne ne représentait rien pour eux. LSM a répété qu’il avait survécu grâce à l’intervention de Deku qui était commandant sur place. Sur question, il a indiqué qu’à l’arrivée de Deku, les six autres civils étaient déjà morts. 

Sur question, LSM a confirmé avoir vu Kundi avec une baïonnette dans les mains avant d’être poignardé. Il a déclaré que les six civils avaient été tués sur les ordres de Kosiah et Kundi et qu’il avait senti le coup de poignard, mais ignorait qui de Kosiah ou Kundi le lui avait infligé. 

Invité à se déterminer sur les arguments du prévenu, qui a déclaré n’avoir jamais vu un soldat avec un couteau et ne jamais avoir poignardé quiconque car il avait des armes à feu à sa disposition, LSM a indiqué qu’à l’époque une balle de AK47 coûtait 8 dollars. Selon lui, il fallait économiser les munitions pour les combats de sorte qu’il était commun de voir des gens se faire trancher la gorge ou écraser la tête. 

Le Président a ensuite indiqué à LSM que le prévenu avait rendu la Cour attentive au fait que dans le cadre de la procédure française, Kundi a été désigné comme l’auteur du coup de couteau. LSM a déclaré qu’il n’avait jamais su qui l’avait poignardé et que les deux hommes tenaient des baïonnettes. 

Me Gianoli questionne LSM :

A la question de savoir comment il savait que Fine Boy avait été recruté par Alieu Kosiah, LSM a déclaré qu’il était un civil avant de se faire recruter par les ULIMO et que des gens lui avaient raconté comment  Fine Boy avait été recruté. Il a ajouté qu’il avait vu de ses propres yeux la relation qu’entretenaient Alieu Kosiah et Fine Boy, ainsi que la relation entre les Mandingos de Voinjama commandés par Pepper & Salt et son subalterne Alieu Kosiah. Il a déclaré que tous ces hommes avaient été recrutés en Guinée par Alieu Kosiah et Pepper & Salt. 

Interrogé sur la raison pour laquelle Fine Boy ne l’avait pas reconnu quand bien même son geste d’opposition vis-à-vis de ses deux commandants était valorisant, LSM a déclaré que Fine Boy le connaissait et avait menti. Selon LSM, Fine Boy n’allait évidemment pas dire qu’il connaissait LSM car il ne voulait pas témoigner contre Alieu Kosiah, l’homme qui lui a fait prendre les armes. 

Me Gianoli a demandé à LSM comment il expliquait le fait que Fine Boy se soit opposé à Alieu Kosiah pour sauver LSM s’il était si fidèle à celui qui l’avait recruté. Selon LSM, Fine Boy s’est certes opposé à Alieu Kosiah, mais sa voix ne comptait pas. LSM a ajouté que seule la voix de Deku était déterminante. Deku a déclaré qu’il ne fallait pas tuer des personnes de cette manière, même s’il s’agissait de rebelles, et que personne n’aurait été tué ainsi en sa présence. 

Interrogé sur la raison pour laquelle il a évoqué uniquement Fine Boy et non Deku durant l’instruction, LSM a expliqué que Fine Boy était le S2 et vivait avec les civils. Il a répété que si seul Fine Boy avait été présent, il aurait été tué comme les autres. Me Jakob est intervenu pour contester la véracité de la prémisse de la question. Le Président a invité Me Gianoli à poser des questions au plus proche des déclarations faites par LSM. 

Questionné sur sa première rencontre avec Fine Boy, LSM a déclaré l’avoir vu pour la première fois lorsqu’il a été amené de la brousse à Foya. Sur question, LSM a déclaré que sa cousine avait été forcée d’être avec Fine Boy et qu’elle n’avait pas d’autres options. 

Invité à confirmer ses déclarations selon lesquelles Fine Boy était venu à la maison de sa cousine et avait déclaré que LSM avait été chanceux car les six autres personnes étaient mortes en précisant que c’était Alieu Kosiah qui l’avait poignardé, LSM les a réfutées. Il a expliqué qu’il avait dû nettoyer le bureau du S2 pendant deux mois et avait entendu des conversations. Il a ajouté qu’il n’avait aucun moyen de savoir qui l’avait poignardé. Sur question, il a indiqué avoir entendu Fine Boy parler de l’incident avec sa cousine. Il a répété qu’Alieu Kosiah et Kundi voulaient tous deux sa mort et qu’il ignorait lequel d’entre eux l’avait poignardé.  

Interrogé sur la raison pour laquelle il a indiqué aux autorités françaises que Kundi l’avait poignardé, LSM a répété qu’il ne savait pas qui l’avait poignardé. Certains disaient que c’était Kosiah, alors que d’autres accusaient Kundi.

Invité à confirmer ses déclarations selon lesquelles on l’avait fait venir tôt le matin pour l’interroger à Monrovia, alors qu’il travaillait la nuit et était fatigué, LSM les a confirmées. Me Gianoli lui a alors demandé comment il expliquait le fait que le procès-verbal indiquait que l’audition avait débuté à 17h00. LSM a déclaré être allé faire sa déposition au Royal Hôtel le matin et avoir attendu longtemps avant que quelqu’un vienne le chercher. Il a ajouté qu’il n’avait dormi que trois heures. Sur question, il a indiqué qu’après avoir été auditionné, il a demandé à pouvoir disposer car il avait besoin de se reposer. 

Le Président lui a demandé s’il pouvait exclure que l’audition avait commencé à 17h00. LSM a répondu qu’il ignorait l’heure à laquelle son audition avait débuté. Il a ajouté qu’on ne lui avait pas lu ses déclarations au terme de l’audition. Il a simplement signé le procès-verbal avant de partir se reposer. LSM a également déclaré qu’il n’était pas la seule personne à être entendue ce jour-là. Selon lui, ils n’avaient pas le temps de lui relire ses déclarations. Le Président lui a indiqué qu’à teneur du procès-verbal, ses déclarations lui ont été relues et traduites par un interprète. Sur question, LSM a indiqué qu’il n’en avait pas le souvenir. 

A la question de savoir pourquoi les autres civils n’avaient pas été poignardés dans la mesure où il fallait économiser les munitions, LSM a répondu : « Après avoir écrasé la tête de quelqu’un, pourquoi on le poignarderait ? ». Sur question, il a confirmé avoir entendu des coups de feu après avoir vu l’homme se faire écraser la tête. Il a ajouté qu’il était fréquent d’entendre des coups de feu en raison des combats et qu’il n’avait pas vu les corps des victimes. Lorsqu’il a rouvert les yeux, il a seulement vu le sang de celui qui avait été mis à mort en premier. 

Interrogé sur le comportement de Deku, LSM a déclaré qu’il fallait garder à l’esprit que pendant la guerre, une personne pouvait se montrer bonne envers certains et mauvaise envers d’autres. Il a ajouté que Deku s’était montré bon envers lui et que sans la grâce de Dieu et l’arrivée de Deku, il serait mort comme les autres. 

Invité à expliquer pourquoi Deku l’avait sauvé alors qu’il l’avait décrit comme particulièrement cruel, LSM a répété ce qu’il avait vécu, à savoir que sans l’intervention de Dieu puis celle de Deku, il serait mort. Il a réitéré que Deku avait été bon envers lui et qu’il était la seule personne à pouvoir intervenir. Il a ajouté : « Dieu m’a sauvé et Deku a été mon messie en me sauvant la vie. Il a peut-être été cruel avec d’autres personnes, mais c’est ce qui s’est passé ce jour-là ». 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Jakob questionne LSM : 

Interrogé sur la présence d’autres civils lorsque lui et les six autres civils ont été rassemblés devant le bureau du S2, LSM a indiqué que d’autres civils issus des villages environnants étaient présents. Selon lui, peu de gens venaient de Foya puisque les civils de Foya avaient pris la fuite. Sur question, LSM a confirmé avoir vu d’autres civils assister à la scène sur la place du marché. Questionné sur la présence de sa cousine Fina, LSM a déclaré que beaucoup de gens avaient assisté à la scène de loin, mais qu’il n’avait pas prêté attention à leur identité puisqu’il était à deux doigts de mourir. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur les déclarations de LSM en lien avec le coup de couteau, Alieu Kosiah a une nouvelle fois remis en cause la crédibilité des témoins dans la mesure où, selon lui, la population libérienne vit avec moins d’un dollar par jour. Le prévenu a ensuite déclaré qu’il aurait été impossible que Fine Boy puisse faire le lien entre sa petite-amie FJ et LSM en l’espace de deux semaines. Il a ajouté qu’on ne savait rien sur la cousine de LSM, ni même si elle existait réellement, et qu’il aurait fallu qu’elle soit présente au moment des faits pour que Fine Boy puisse faire le lien avec LSM. Selon le prévenu, LSM a déclaré avoir été sauvé pendant la nuit ce qui rendrait la présence de civils peu probable. 

S’agissant de la plainte déposée par LSM, Alieu Kosiah a rappelé qu’il était indiqué que le contenu de la plainte avait été lu et traduit à LSM avant qu’il ne la signe. Il a également relevé que la plainte ne faisait aucune mention de Deku ou de Kundi et que la seule personne évoquée était Fine Boy. Alieu Kosiah a déclaré que cette plainte était sans pertinence et qu’il n’y avait dès lors aucune raison sous-tendant la présente procédure. 

Le prévenu a également soulevé certaines incohérences dans le récit de LSM puisque la personne que ce dernier met en cause dépend visiblement de l’autorité devant laquelle il témoigne : LSM a accusé Alieu Kosiah devant le Procureur, alors qu’il a désigné Kundi comme auteur du crime devant les juridictions françaises. Par ailleurs, LSM aurait déclaré en France que c’était Fine Boy qui lui avait dit que Kundi l’avait poignardé. En revanche, il a indiqué devant la Cour que c’était SS qui lui avait donné le nom de Kundi. Selon Alieu Kosiah, si LSM est crédible, alors n’importe qui peut l’être. 

Alieu Kosiah a ensuite contesté avoir recruté Fine Boy. Selon lui, Fine Boy a été très clair sur le fait qu’il avait rejoint les ULIMO à Zorzor avant de se rendre à Foya. Le prévenu a déclaré qu’ils s’étaient rencontrés pour la première fois en 1994, de sorte qu’il ne pouvait pas l’avoir recruté. S’agissant des déclarations de LSM selon lesquelles Deku aurait empêché Alieu Kosiah de tuer LSM, le prévenu s’est montré dubitatif. Selon lui, LSM a également déclaré qu’Alieu Kosiah était le numéro deux dans le Lofa, de sorte qu’il n’y aurait aucune logique militaire à ce qu’un commandant local puisse l’empêcher de faire ce qu’il voulait. 

Alieu Kosiah a ensuite émis de sérieux doutes quant au fait que LSM ait indiqué connaître Fine Boy, ainsi que sur l’existence d’une relation entre Fine Boy et la cousine de LSM, FJ. Le prévenu a évoqué les démarches entreprises pour localiser – vainement – FJ et a déclaré qu’il appartenait à la Cour de statuer sur l’existence de cette dernière et sur la crédibilité des déclarations de LSM. Il a rappelé que Fine Boy a indiqué qu’il ne connaissait ni FJ ni LSM. 

Le prévenu s’est demandé s’il fallait blâmer LSM pour ses propos ou les enquêteurs qui l’ont cru. Selon lui, lorsqu’on examine le dossier de manière indépendante, on se rend vite compte qu’il est vide. 

La Cour interroge Alieu Kosiah :

A la question de savoir s’il fallait comprendre que selon lui, LSM n’avait pas reçu de coup de couteau, Alieu Kosiah a répondu qu’il ne pouvait pas se déterminer sur ce qui était arrivé ou non à LSM, puisqu’il n’était pas présent et n’avait rien fait. 

Questionné sur le prix d’une munition d’AK 47, le prévenu a déclaré que les dirigeants disaient que chaque balle coûtait 5 dollars et qu’il fallait les utiliser avec précaution. 

Le Président a demandé au prévenu si en tant que numéro deux, il était supérieur à tous les responsables dans les villages. Alieu Kosiah a répondu qu’il n’avait jamais prétendu être le numéro deux et que ces propos étaient ceux de LSM. A la question de savoir s’il était plus haut placé que les commandants locaux en juillet 1993, le prévenu a répondu que l’adjoint de Pepper & Salt au moment de la capture de Foya et jusqu’à la scission était Kobra. 

Questionné sur son grade au sein des ULIMO en juillet 1993, Alieu Kosiah a indiqué qu’il était venu de Todi dans le Lofa en tant que capitaine. Sur question, il a précisé que le terme « CO » n’était pas un grade et signifiait « commanding officer ». Il a expliqué qu’un soldat considérait son supérieur, qu’il soit sergent ou lieutenant, comme un « CO ».  

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur l’identité du grand commandant de Foya lorsqu’il s’y est rendu pour la première fois, Alieu Kosiah a indiqué qu’il s’agissait de Deku. Il a ajouté que selon les informations dont il disposait, Deku a capturé Foya sous le commandement de Pepper & Salt. 

A la question de savoir si Deku était son supérieur lorsqu’il s’est rendu à Foya pour la première fois, le prévenu a répondu que Deku portait également le grade de capitaine et que ce dernier avait le dernier mot pour tout ce qui concernait Foya. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah : 

A la question de savoir si, avec le recul, il pensait avoir rencontré LSM pendant la guerre, Alieu Kosiah a répété qu’il ne connaissait pas LSM. 

Audition de LSM (suite)

Invité à se déterminer sur les déclarations du prévenu, LSM a déclaré que ce dernier continuait de mentir et qu’il était évident qu’il avait quitté le Libéria depuis des années puisque les Libériens gagnent au moins cinq dollars par jour. Il a précisé qu’il gagnait pour sa part dix dollars par jour. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : ordonner le pillage de la centrale électrique de Foya, ordonner et diriger le transport forcé du moteur de la centrale électrique de Foya, par des civils, de Foya à Solomba, et de là à la frontière guinéenne et ordonner et diriger un transport forcé de café, cacao et huile de palme, par des civils, de Foya à Solomba, et de là à la frontière guinéenne

La Cour questionne LSM :

Sur question, LSM a expliqué qu’il se trouvait au bureau S2 lorsqu’il a appris que la centrale avait été pillée. Il a indiqué avoir rejoint le convoi depuis le bureau S2. A la question de savoir qui lui avait dit que l’idée de piller la centrale venait du commandant Jackson, LSM a répondu que le commandant Jackson n’était pas responsable à Foya. Il a précisé qu’il s’agissait de son supérieur hiérarchique. 

Interrogé sur le rôle du prévenu dans le pillage de la centrale, LSM a déclaré qu’Alieu Kosiah était le meilleur pilleur de tout le Lofa au sein des ULIMO. Invité à se déterminer sur les déclarations du prévenu selon lesquelles il n’y avait pas de centrale électrique à Foya, LSM a déclaré qu’il s’agissait d’un mensonge. 

S’agissant du transport, le Président a demandé à LSM s’il se souvenait des ordres donnés par Alieu Kosiah. LSM a indiqué que l’ordre était « Till go to Solomba » dans la mesure où il fallait apporter les biens pillés en Guinée. Sur question, LSM a précisé que les ordres étaient donnés aux soldats qui se trouvaient à proximité de la ligne de front. Il a ajouté qu’il y avait des soldats NPFL et RUF dans la brousse et déclaré qu’il fallait ouvrir le feu au moindre mouvement (« Till go, any bush shake »). 

Invité à préciser par qui les civils étaient fouettés et avec quel instrument, LSM a indiqué que les soldats avaient des rotins et fouettaient les civils lorsqu’ils marchaient trop lentement. LSM a précisé avoir assisté à de telles scènes en tant que civil et en tant que soldat et s’être senti mal. 

Invité à se déterminer sur les contradictions entre son témoignage et celui de JTC (i.e. mort d’un civil, nombre de véhicules), LSM a déclaré qu’il y avait un van que JTC n’avait peut-être pas vu. Il a également indiqué qu’une personne avait été tuée par un des bodyguards d’Alieu Kosiah car elle était fatiguée et s’était assise.

Invité à se déterminer sur les déclarations du prévenu selon lesquelles il n’était pas possible de faire traverser une voiture sur la rivière avec des canoës, LSM a déclaré que c’était un mensonge. LSM a expliqué que le commandant Jackson était en contact avec des hommes d’affaires en Guinée qui étaient prêts à accueillir ce genre de convoi. Selon LSM, ils préparaient les canoës et attendaient l’arrivée du convoi. LSM a déclaré que quiconque prétendait qu’il n’était pas possible de faire traverser la rivière à une voiture mentait. Il a ajouté que le commandant Jackson était le seul à vendre des marchandises pour ensuite acheter de la nourriture pour les civils. 

Questionné sur le transport qu’il a effectué en tant que civil, LSM a expliqué avoir été contraint à transporter une charge sur sa tête de Foya à Solomba. Il a ajouté qu’il savait à quel point il était douloureux de faire ce genre de travaux forcés. 

Invité à confirmer que Fine Boy l’avait recruté pour ce transport, LSM a expliqué qu’il avait été considéré comme un soldat rebelle et avait été forcé à nettoyer quotidiennement le bureau S2. Le jour du transport, il n’y avait pas de civils pour transporter toutes les marchandises de sorte qu’il a été recruté et forcé à porter une charge. Sur question, LSM a confirmé que Fine Boy lui a donné l’ordre de porter une charge. 

Questionné sur la raison pour laquelle il accusait Alieu Kosiah en lien avec ce transport, LSM a indiqué que Fine Boy avait reçu l’ordre de rassembler des civils pour transporter les marchandises pillées en faveur d’Alieu Kosiah. A la question de savoir comment il savait que l’ordre avait été donné par Alieu Kosiah et que les marchandises étaient pour lui, LSM a répondu qu’Alieu Kosiah était le supérieur hiérarchique et décidait de ce qui se passait. Sur question, LSM a confirmé qu’Alieu Kosiah était présent lors de ce transport. 

Interrogé sur les ordres donnés par Alieu Kosiah lors du transport, LSM a indiqué que l’ordre était d’amener les marchandises jusqu’à Solomba. Il a ajouté qu’une fois arrivés à Solomba, les civils étaient livrés à eux-mêmes et que s’il avait pu, il aurait traversé la frontière pour se réfugier en Guinée ou en Sierra Leone, mais il ne connaissait pas assez bien la brousse puisqu’il ne venait pas de cette région. 

Questionné sur le side-gun que portait Alieu Kosiah autour de la jambe lorsqu’il a traversé la frontière, LSM a indiqué qu’il ne se souvenait pas de quel modèle il s’agissait et précisé que le prévenu portait toujours un pistolet sur lui. Invité à se déterminer sur les propos du prévenu qui a indiqué que les soldats ne pouvaient pas traverser la frontière avec des armes, LSM a déclaré qu’Aieu Kosiah était un menteur car le gouvernement guinéen soutenait les ULIMO. Selon lui, des Mandingos et des Gios les attendaient de l’autre côté de la frontière. Rapportant les dires du commandant Jackson, LSM a ajouté qu’ils pouvaient traverser la frontière avec leurs armes, qui étaient ensuite saisies et dont les numéros de série étaient consignés. Les soldats récupéraient leurs armes à Guéckédou avant de rentrer au Libéria. 

Le Président a indiqué que selon Alieu Kosiah, LSM cherchait à se venger car il avait été capturé par les ULIMO alors qu’il était un soldat NPFL. Sur questions, LSM a nié avoir été un soldat NPFL et déclaré n’avoir eu aucune intention de se venger en raison de sa capture. 

Me Gianoli questionne LSM : 

Interrogé sur le temps écoulé entre sa blessure et la marche qu’il a été forcé à faire en tant que civil, LSM a précisé que ses blessures n’avaient guéri en deux semaines et qu’il n’était pas remis à 100% lorsqu’il a été forcé à transporter des charges presque un mois après avoir été blessé. Sur question, LSM a déclaré être parti à Tubmanburg plus d’un mois après avoir été blessé. Il a précisé qu’après le transport, plusieurs semaines s’étaient écoulées avant qu’il ne se sente mieux et parte à Tubmanburg. 

Me Gianoli a indiqué que dans le cadre de la procédure française, LSM a déclaré être parti le lendemain de sa blessure. A la question de savoir comment il avait pu participé à un transport en tant que civil au vu de ses déclarations, LSM a déclaré qu’il s’agissait d’une induction en erreur et a répété qu’en tout cas un mois s’était écoulé avant qu’il ne soit remis de sa blessure. 

Sur question, LSM a confirmé que CO Deku était présent lors du transport qu’il a effectué en tant que civil. Interrogé sur la présence du commandant Jackson, LSM a indiqué qu’il ne connaissait pas encore le commandant Jackson à ce moment-là et qu’il l’avait connu plus tard lorsqu’il était soldat. Sur question, LSM a déclaré qu’il n’avait vu personne ressemblant au commandant Jackson lors du transport qu’il a effectué en tant que civil. 

Interrogé sur le transport qu’il a effectué en tant que soldat, LSM a confirmé que CO Kosiah, CO Deku et le commandant Jackson étaient présents. En revanche, Pepper & Salt n’était pas là selon LSM. 

Me Gianoli a demandé à LSM comment il expliquait que c’était CO Kosiah qui commandait les transports alors que CO Deku était présent lors de chaque transport et avait eu le dernier mot pour lui sauver la vie. LSM est revenu sur ses propos et a déclaré que CO Deku n’était pas présent lors du premier transport dans la mesure où il avait été blessé à la jambe lors d’une embuscade. 

A la question de savoir s’il avait assisté au chargement du générateur sur les véhicules lors du transport qu’il a effectué en tant que soldat, LSM a répondu que sa mission consistait à escorter le convoi, en particulier les civils qui transportaient des marchandises pour le commandant Jackson. Ces derniers étaient comme des frères et des sœurs puisqu’ils vivaient avec eux au quartier-général. Selon LSM, l’idée était de les protéger et de s’assurer qu’il ne leur arrive rien. Il a ajouté qu’il était fréquent que des civils soient frappés pendant les transports. Sur question, LSM a déclaré que les civils avec qui il vivait n’avaient pas participé au chargement du générateur sur le véhicule. 

Questionné sur la localisation de la centrale, LSM a répété qu’elle se trouvait au sein d’une structure dédiée comme sur les photos présentées auparavant. Il a précisé que les photos représentaient ce qu’il restait de la centrale après qu’elle eut été pillée et a ajouté que la centrale se trouvait sur la route de Foya Tengya.

Invité à décrire les véhicules qu’il avait vus lors du transport, LSM a indiqué qu’il y avait un truck qui ne démarrait pas mais qui avait un moteur. Sur question, il a précisé que le truck avait six pneus : deux à l’avant et deux groupes de deux à l’arrière. A la question de savoir si les véhicules avaient traversé la frontière, LSM a répondu par l’affirmative. 

Sur question, LSM a indiqué avoir intégré les ULIMO à Tubmanburg en 1993. A la question de savoir s’il faisait une différence entre Bomi et Tubmanburg, LSM a répondu que Tubmanburg se situait dans le comté de Bomi et était la capitale de ce comté. 

Me Gianoli a relevé que devant les autorités françaises, LSM a déclaré avoir été capturé par les ULIMO en 1992 et avoir été accepté en tant que combattant ULIMO en 1993 après une période d’observation tout en indiquant que les faits dont il a été victime s’étaient produits en 1993. Sur question, LSM a déclaré qu’il n’y avait pas de différence entre les ULIMO-K et les ULIMO-J lorsqu’il s’est rendu à Tubmanburg. Interrogé sur la durée de son séjour à Tubmanburg, LSM a expliqué qu’on lui avait enseigné les bases de la guérilla ainsi que le maniement des armes durant environ deux mois avant qu’il soit détaché dans un escadron (platoon) sur la ligne de front. 

Interrogé sur la durée de son séjour à Foya en tant que soldat ULIMO, LSM a expliqué avoir rejoint les ULIMO car il pensait pouvoir protéger sa famille et ses amis. Cependant, après son retour à Foya, il a vu son cousin se faire abattre comme un poulet (slaughtered like a chicken) lorsque les combats inter-ULIMO ont commencé. LSM a déclaré avoir vu la dépouille de son cousin, de laquelle le cœur avait été extrait, et s’être dit qu’il ne voulait plus être soldat. 

Questionné sur la scission des ULIMO, LSM a indiqué qu’elle avait eu lieu en 1994. Sur question, LSM a confirmé avoir assisté à l’exécution de son cousin. Interrogé sur la manière dont ce dernier a été exécuté, LSM a expliqué que cette journée était une scène de film d’horreur qu’aucun habitant de Foya n’oubliera jamais. Ce jour-là, sa mère est venu lui rendre visite et lui a dit avoir vu des morceaux de viande de vache dans la rue. LSM lui a expliqué qu’il s’agissait de morceaux de chair humaine et s’est mis à la recherche de son cousin car sa mère lui a demandé s’il l’avait vu. LSM a déclaré avoir vu le corps de son cousin qui baignait dans son propre sang sur la Kolahun Road après le magasin. Il s’en est approché et a vu que le cœur en avait été extrait. 

Le Procureur est intervenu et a déclaré avoir entendu LSM utiliser le terme « brother » et « cousin » pour désigner la même personne, ce qui a été confirmé par l’interprète. 

Questionné sur la présence d’Alieu Kosiah lors de l’exécution de son cousin, LSM a répondu que le prévenu se trouvait à Foya ce jour-là. Selon LSM, Alieu Kosiah était arrivé de Zorzor pour demander des renforts à Mami Wata, car les NPFL avaient attaqué Zorzor et tué le frère de ce dernier. LSM a ajouté que l’annonce de la mort de son frère a déclenché la colère de Mami Wata et a incité Mami Wata et Ugly Boy à tuer tous ces gens. LSM a expliqué qu’Alieu Kosiah était présent et n’a empêché ces massacres d’être commis. 

Sur question, LSM a confirmé que le terme « Black Friday » était connu au Libéria en lien avec ces massacres, et en particulier à Foya. A la question de savoir pourquoi le rapport de la TRC ne mentionnait pas une seule fois cet épisode du Black Friday, LSM a répondu que cet épisode n’était peut-être pas connu de ceux qui ne venaient pas du Libéria ou du Lofa, mais les gens de Foya n’oublieront jamais ce qui s’est passé ce jour-là. Selon LSM, des gens ont été tués, charcutés comme des animaux. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas en dire davantage sans se mettre à pleurer.

Interrogé sur les noms des soldats ULIMO avec lesquels il était en poste à Foya, LSM a cité CO Jackson, Safou Gela [phon.] et le major Wenouti Breez [phon.]. Il a précisé que pour sa part, il faisait partie du bataillon Alligator dont le commandant était Chester Kokor. Selon LSM, le père de Chester Kokor a formé l’ensemble des soldats ULIMO et a notamment entraîné Alieu Kosiah. Il a précisé qu’Alieu Kosiah faisait partie du bataillon Strike Force. 

A la question de savoir combien de temps il avait passé avec les civils qui vivaient avec CO Jackson, LSM a donné des explications sur la prise de Foya. Il a notamment expliqué qu’il y avait deux bataillons lors de l’attaque, à savoir le bataillon Alligator en provenance du Lofa Bridge et de Vahun, et le bataillon Strike Force qui est arrivé de Voinjama. Invité à répondre à la question posée, LSM a déclaré que lorsqu’il est arrivé à Foya depuis Tubmanburg, il a pu constater que les civils qui vivaient avec CO Jackson ne subissaient pas de mauvais traitements. Questionné sur les noms de ces civils, LSM a déclaré qu’il ne s’en souvenait plus. 

Le MPC n’a pas eu de questions.

La Cour questionne à nouveau LSM :

Le Président a demandé à LSM d’où il tenait l’information selon laquelle les ULIMO mangeaient les cœurs de leurs victimes et en particulier des victimes à la peau claire. LSM a répondu qu’il avait assisté à de telles scènes à Foya et que cela était commun. Sur question, il a expliqué que cela ne se produisait pas quotidiennement, mais qu’il arrivait que des soldats ULIMO consomment le cœur des personnes tuées. Il a ajouté que le pire de tous était Ugly Boy. Interrogé sur la raison pour laquelle les ULIMO s’adonnaient à ce genre de pratiques et pourquoi ils appréciaient particulièrement la chair des victimes à la peau claire selon ses déclarations de première instance, LSM a déclaré qu’il l’ignorait. 

Sur question, LSM a déclaré qu’il n’était pas présent lorsqu’Alieu Kosiah a annoncé la prise de Zorzor aux ULIMO. 

Invité à préciser sur quelles informations il basait son allégation selon laquelle Alieu Kosiah était un pilleur, LSM a déclaré que le prévenu avait pillé la ville principale des Gbandis, les camions de l’ULC et les Nations Unies. Selon LSM, Alieu Kosiah pillait également le café et le cacao pour aller revendre ces marchandises en Guinée. 

Me Gianoli questionne à nouveau LSM :

A la question de savoir comment il savait qu’Alieu Kosiah avait pillé les camions de l’ULC, LSM a déclaré qu’ils étaient allés vers l’ULC pour chercher des renforts et qu’Alieu Kosiah avait pris un camion, puis avait fait la tournée des villages pour piller le café et le cacao et transporter les marchandises en Guinée. Sur question, LSM a indiqué que ces événements s’étaient produits durant la scission. LSM a expliqué qu’ils avaient reçu l’ordre d’aller chercher des renforts à Voinjama avec des camions pour combattre les Krahns et que le prévenu n’avait pas hésité à utiliser ces camions pour piller les villages. 

Invité à confirmer qu’il y avait des camions dans le Lofa pendant la scission, LSM a déclaré qu’à cette période, l’ULC transportait du bois vers Monrovia avec des trucks équipés de remorques. Ces véhicules devaient servir à aller chercher des renforts à Voinjama pour les ramener à Bomi, mais les agissements du prévenu ont nui à l’opération. 

Sur question, LSM a déclaré qu’il n’avait pas combattu lors de la scission car il avait été tabé et traîné de sorte qu’il n’était pas en état de se battre. Interrogé sur l’identité de la personne en charge du Lofa lorsqu’il a quitté le Libéria, LSM a indiqué qu’Alieu Kosiah était en charge. A la question de savoir si Pepper & Salt avait quitté les ULIMO lorsque LSM a quitté le Libéria pour le Sierra Leone, LSM a répondu qu’il l’ignorait. 

Me Jakob questionne LSM :

Invité à adresser un dernier mot à la Cour, LSM a tenu à remercier le Président, le gouvernement suisse ainsi que Civitas Maxima et le GJRP qui ont permis aux parties civiles de comparaître devant la Cour et d’obtenir une justice équitable. Il a ajouté qu’Alieu Kosiah était un menteur et un pilleur de masse et que ses mensonges ne sauront le libérer. Selon les mots de LSM, Alieu Kosiah n’a apporté que la mort et la destruction dans le Lofa et il accuse désormais des avocats et des ONG de porter de fausses accusations contre lui. LSM a ajouté qu’il était pourchassé dans son propre pays à cause de cette affaire et s’est demandé quel intérêt les parties civiles avaient à mentir. En ce qui le concerne et contrairement à ce que prétend le prévenu, LSM n’a pas besoin d’argent. LSM a également déclaré qu’Alieu Kosiah avait peut-être oublié les crimes qu’il avait commis, mais les victimes qui les ont subis ne peuvent pas les oublier. LSM a terminé en déclarant : « Au Libéria, nous voulons que justice soit faite ». 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur les déclarations de LSM relatives au premier transport, Alieu Kosiah a déclaré que LSM n’avait pas besoin de se faire l’avocat des ONG car le moment venu, ces dernières auront de leurs propres avocats. Le prévenu a ajouté que lorsqu’un crime est commis, l’auteur doit répondre de ses actes et celui qui n’a pas empêché la commission du crime alors qu’il en avait le pouvoir est encore plus responsable. En ce qui le concerne, Alieu Kosiah a déclaré n’avoir jamais été responsable ou adjoint pour le comté du Lofa. 

La Cour interroge Alieu Kosiah : 

A la question de savoir si le premier transport était lié à la scission, Alieu Kosiah a répondu qu’il ne se trouvait pas dans le Lofa à cette période et qu’il n’avait jamais vu LSM. Il a ensuite sollicité de pouvoir s’exprimer sur les trois chefs d’accusation conjointement, ce que le Président a accepté. Alieu Kosiah a déclaré qu’il ne faisait pas de sens de dire qu’il s’était entraîné avec Jackson en Sierra Leone puisqu’il (Alieu Kosiah) était un soldat de l’AFL. 

Selon Alieu Kosiah, LSM a décrit la traversée du fleuve à la frontière de manière vague et a utilisé le terme de « ferry » devant le procureur. Il aurait même d’abord fait mention d’un câble tendu des deux côtés de la rivière permettant de faire traverser le ferry, alors qu’il parle aujourd’hui de canoës. Le prévenu a ajouté qu’il n’avait entendu aucune partie plaignante dire que les ULIMO pouvaient traverser la frontière avec leurs armes et ne comprenait donc pas pourquoi LSM l’avait accusé d’être un menteur. Certains ont même confirmé les propos d’Alieu Kosiah en déclarant que les soldats ULIMO devaient déposer leurs armes avant de traverser la frontière. 

Alieu Kosiah a ajouté qu’il avait décrit depuis le début les canoës tels qu’on pouvait les voir sur les photos et qu’il s’agissait là de la preuve de son honnêteté. D’autres civils ont d’ailleurs donné la même description que lui, ce qui prouvait bien qu’il ne s’agissait pas d’un ferry. 

Le prévenu a ensuite déclaré qu’il n’avait rien fait de mal et qu’aucun soldat ULIMO n’avait suivi une formation de trois mois. Il savait d’ailleurs très bien comment se déroulait la formation en sa qualité de membre fondateur de l’ULIMO. Aussi, il n’a pas hésité à contredire Abraham Towah lorsque celui-ci a déclaré avoir suivi un entraînement de trois mois. Plus tard, lorsque Me Gianoli lui a demandé ce qu’il entendait par là, Abraham Towah a précisé avoir passé trois mois avec Omaru Musa Kelleh et moins d’un mois au centre de formation. 

Questionné sur le nombre de membres fondateurs de l’ULIMO, Alieu Kosiah a indiqué que l’expression était peut-être mal choisie et qu’il était présent lors de la fondation des LUDF par Albert Karpeh. Lors de la fondation des ULIMO en Sierra Leone, il était en Guinée pour rendre visite à ses parents. A son retour, l’ULIMO avait été fondé depuis trois semaines. Sur question, Alieu Kosiah a déclaré qu’il n’était pas présent lors de la fondation du premier groupe. 

Alieu Kosiah a ensuite déclaré que selon les propos de LSM, Pepper & Salt était présent lors du transport du générateur et que CO Kosiah était le numéro 2 derrière Pepper & Salt. Selon le prévenu, si les numéros 1 et 2 sont présents, le numéro 2 ne peut pas être le chef. Le Président a demandé à Alieu Kosiah si le fait que le numéro 1 soit présent était de nature à empêcher les numéros 2 ou 3 à donner des ordres à des personnes qui leur sont subordonnées. Alieu Kosiah a répondu en citant le code de conduite militaire selon lequel un supérieur hiérarchique est toujours responsable de ses subalternes. Selon le prévenu, lorsqu’un commandant est présent et n’empêche pas quelque chose de mal de se produire, ledit commandant est responsable. Dès lors, si Pepper & Salt était présent, il était responsable des actes d’Alieu Kosiah et Alieu Kosiah ne pouvait pas être le chef du convoi contrairement à ce que prétend LSM. 

Le prévenu a ensuite souhaité revenir sur l’épisode du Black Friday. Selon lui, LSM a déclaré à deux reprises lors des débats d’appel qu’Alieu Kosiah n’était pas responsable du Black Friday et n’avait pas tué son oncle. Or, LSM a écrit dans sa plainte qu’Alieu Kosiah et ses boys avaient tué des gens à Foya pour se venger de la mort du cousin du prévenu à Zorzor. LSM a ensuite adapté sa version devant le procureur en indiquant que Mami Wata avait perdu son frère et Alieu Kosiah son cousin. Le prévenu a cité les déclarations de LSM, selon lesquelles Deku était en colère contre Mami Wata et Ugly Boy et Alieu Kosiah est apparu avec du sang sur sa baïonnette, ce qui prouvait son implication dans les massacres. 

Alieu Kosiah a alors déclaré  : « La vraie question qui se pose c’est de savoir, Monsieur l’homme blanc, qu’est-ce que vous cherchez ? La justice ou autre chose ? ». Le Président a demandé au prévenu quelle était sa réponse à cette question. Alieu Kosiah a répondu qu’au sein d’un gouvernement, l’accusation émanait du procureur chargé de l’enquête et a ajouté : « Tout ce que je demande, c’est qu’une justice équitable soit rendue. Je ne demande pas de favoritisme ni un quelconque traitement de faveur, je demande simplement que justice soit faite sur la base d’éléments concrets ». 

Invité à préciser ce qu’il entendait par « autre chose », Alieu Kosiah a indiqué qu’il ne voyait dans la salle d’audience aucune personne noire pour traiter de cette affaire. Il a déclaré : « Aucun de vous ne connaît l’Afrique et sait ce qui s’y passe. Il n’y a que des hommes blancs chargés de cette affaire. Je n’ai rien contre vous, mais ma crainte est que cette affaire soit traitée par des gens qui méconnaissent l’Afrique. Ne soyez pas mal à l’aise à l’égard de mes propos, ils ne sont pas dirigés contre vous. Cela fait huit ans que je suis en prison. C’est le Procureur qui a demandé de me mettre en prison et c’est à lui que s’adresse la question. » Alieu Kosiah a ajouté que selon lui, sa mise en détention était de nature politique compte tenu de sa durée et de la pression qui pèse sur le Procureur pour la justifier. 

Alieu Kosiah a ensuite brièvement évoqué un certain T Bridge, également mentionné par LSM selon lui, et précisé qu’il s’agissait de son meilleur ami, décédé en 1994, et dont le vrai nom était Adofatay [phon.]. 

S’agissant de sa formation militaire, Alieu Kosiah a indiqué qu’il l’avait suivie à Camp Soflin [phon.] et que son sergent instructeur était Moses, un homme Gio. Il a invité la Cour à vérifier ces informations auprès de Melvin Perkins puisqu’il avait vu le prévenu avec Deku alors qu’ils étaient encore à l’AFL. 

A la question de savoir s’il était systématiquement au courant du jour, du mois et de l’année lorsqu’il combattait dans la brousse et dans les villages, Alieu Kosiah a répondu qu’il était difficile de garder le fil des dates car il ne prenait pas de notes, mais que les événements restaient en mémoire. 

Invité à confirmer ses déclarations selon lesquelles il n’était « pas un ordinateur » et ne pouvait pas se souvenir de la date de son arrivée dans le Lofa, le prévenu les a confirmées. Il a ajouté qu’il mettait qui que ce soit au défi de donner des dates exactes en lien avec des faits qui se sont passés il y a trente ans. 

Interrogé sur la provenance des armes et des munitions durant la période 1993-1994, Alieu Kosiah a indiqué qu’au début, ils recevaient des armes de Sierra Leone. Lorsqu’ils ont avancé vers Bomi et Po River, l’ONU et l’ECOMOG leur ont fourni des armes. Puis, dans le Lofa, les armes ont commencé à arriver de Guinée. 

Questionné sur la manière de se procurer des armes de Guinée, Alieu Kosiah a répondu que cela ne le concernait pas. Il voyait des trucks arriver avec des armes et des munitions. Selon lui, la fourniture d’armes et de munitions se négociait entre les présidents des gouvernements. Pour sa part, il n’a jamais participé à ces négociations. Interrogé sur la nature de la contre-prestation à fournir à la Guinée pour faire transiter des armes vers le Lofa, Alieu Kosiah a déclaré qu’il pouvait expliquer la raison pour laquelle la Guinée soutenait les ULIMO. Selon lui, lorsque la Sierra Leone a été attaquée, la Guinée a envoyé des troupes pour soutenir les RUF en formation. C’est ainsi que les premiers liens se sont créés. Le prévenu a également renvoyé la Cour aux déclarations de Kwamex Fofana, selon lesquelles, lors de la prise de Cape Mount, les ULIMO ont capturé le chef des rebelles guinéens qui envisageait d’attaquer la Guinée en passant par la Sierra Leone, ce qui a renforcé les liens entre la Guinée et les ULIMO. 

Me Gianoli et le MPC n’ont pas eu de questions. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah : 

Me Jakob a donné lecture des déclarations d’Abraham Towah, selon lesquelles le commandant Kokor était le premier training commander des ULIMO en Sierra Leone et avait notamment formé Alieu Kosiah. Invité à expliquer pourquoi les propos de LSM ne faisaient aucun sens selon lui, alors qu’ils sont identiques à ceux d’Abraham Towah, Alieu Kosiah a rétorqué qu’il avait rencontré Papa à Todi en 1993 et que ce dernier ne savait rien de lui en 1991, soit l’année lors de laquelle le prévenu a reçu sa formation militaire. Alieu Kosiah a ajouté qu’il avait déjà reçu une formation de cinq mois au sein de l’infanterie et que la formation de l’ULIMO de trois semaines était destinée aux novices et ne lui aurait donc servi à rien. 

* * *

Audition de KK

La personne entendue a déclaré être KK, né le 15 avril 1979. Le Président a signalé à KK que son année de naissance était 1978 selon le procès-verbal. La carte d’identité de KK a donc été remise au greffier. Le Président a indiqué à KK qu’il était entendu en tant que personne appelée à donner des renseignements et l’a rendu attentif aux conséquences pénales d’une dénonciation calomnieuse, d’une induction de la justice en erreur et d’une entrave à l’action pénale. Le Président lui a rappelé les faits reprochés à Alieu Kosiah le concernant, à savoir avoir ordonné le pillage de la génératrice de Pasolahun entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995, avoir ordonné le transport forcé de la génératrice de Pasolahun, par des civils, de Pasolahun à Kolahun, entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995, et dans ce contexte avoir tué le civil MuK aux abords de la rivière Kehair, avoir ordonné et dirigé un transport forcé de munitions, par des civils, de Gondolahun à Fassama entre novembre et décembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995 et dans ce contexte avoir tué le civil MoK aux abords de la rivière Lofa. 

Questions relatives à la situation personnelle

La Cour questionne KK :

Le Président a invité KK à indiquer quelles ont été les conséquences de la première guerre civile au Libéria pour lui. KK a déclaré qu’à cause de la guerre et l’arrivée des ULIMO, il n’a pas pu aller à l’école. 

Interrogé sur ses contacts avec les autres parties plaignantes depuis la procédure de première instance, KK a expliqué qu’AS avait assisté aux funérailles de son père après leur retour au Libéria en février 2021. Sur question, KK a indiqué qu’il n’avait pas évoqué son témoignage avec d’autres personnes, outre ses avocats. 

Questionné sur son emploi actuel, KK a répété qu’il n’avait pas eu la chance d’aller à l’école et qu’il avait des compétences dans la pose de carrelage. 

Me Gianoli n’a pas eu de questions. 

Le MPC questionne KK :

A la question de savoir s’il avait ressenti de la pression à son retour au Libéria en raison de sa venue en Suisse, KK a indiqué que le témoin JMK cité par Alieu Kosiah, ainsi que Vafray Kamara, avaient diffusé les noms des parties plaignantes et informé les habitants de Pasolahun que ces personnes étaient venues témoigner en Suisse. Sur question, KK a ajouté qu’il arrivait que des gens l’abordent et lui demandent de confirmer s’il était allé témoigner en Suisse contre Alieu Kosiah. Il a déclaré que cela lui mettait la peur au ventre. Invité à préciser ses craintes, KK a expliqué que le Libéria n’était pas un pays sûr et que le prévenu avait de la famille et des amis au pays qui pouvaient s’en prendre aux parties plaignantes. 

Me Wavre questionne KK : 

A la question de savoir si les habitants de Pasolahun étaient au courant qu’il participait à cette procédure avant que JMK ne diffuse son nom, KK a répondu que personne n’était au courant avant que JMK ne diffuse l’information après leur retour au Libéria en février 2021. KK a ajouté qu’il n’avait informé personne, même pas sa mère car elle se serait opposée à ce qu’il vienne témoigner en Suisse. 

Me Ginaoli questionne KK : 

Sur question, KK a déclaré qu’il avait dit la vérité lorsqu’il était venu témoigner en Suisse et a confirmé qu’il avait parlé de faits qui s’étaient produits dans son village de Pasolahun. Me Gianoli a demandé à KK pourquoi il avait peur alors qu’il avait dit la vérité sur des faits qui se sont produits dans son village. KK a répété qu’Alieu Kosiah avait de la famille au Libéria et qu’il avait passé huit ans en prison. 

A la question de savoir si Alieu Kosiah avait de la famille à Pasolahun, KK a répondu qu’il n’en avait pas, mais que le Libéria était très petit et qu’il était donc facile de mettre la main sur les parties plaignantes. Me Gianoli a demandé à KK si quelqu’un l’avait attrapé après son retour de Suisse. KK a répondu qu’Alieu Kosiah était en contact avec JMK, Vafray Kamara et un certain Dukuli. Questionné sur Vafray Kamara, KK a déclaré qu’il le connaissait car il était député et représentant du district 2 de Kolahun. Sur question, il a indiqué n’avoir jamais vu Vafray Kamara et JMK ensemble, mais savoir qu’ils travaillent ensemble. Selon KK, Vafray Kamara détient une liste sur laquelle figurent diverses informations sur AS, EBJ et LSM, notamment les écoles qu’ils ont fréquentées. Sur question, KK a déclaré qu’AS lui avait montré cette liste. 

Questionné au sujet de Dukuli, KK a indiqué avoir entendu son nom, mais ne l’avoir jamais vu. Selon KK, Dukuli et Alieu Kosiah communiquent ensemble. KK a ajouté que MuK et MoK étaient venus témoigner en Suisse par l’intermédiaire de JMK qui leur a dit que l’affaire était en cours et qu’il y avait de l’argent à la clé, à savoir entre 9’000 et 10’000 USD selon KK. 

Interrogé au sujet de MuK et MoK qui sont venus témoigner en Suisse, KK a déclaré qu’il les connaissait depuis l’enfance sous le nom K. 

La Cour questionne à nouveau KK :

Le Président a rappelé à KK qu’il avait indiqué ne pas avoir une bonne mémoire en première instance et lui a demandé si, lors de ses auditions, il a toujours signalé le fait de ne pas se souvenir d’un événement. KK a précisé qu’en disant qu’il n’avait pas une bonne mémoire, il voulait dire qu’il ne pouvait s’appuyer que sur son esprit pour se souvenir des événements et non sur des écrits. 

Interrogé sur les transports auxquels il a participé, KK a déclaré qu’il ne les avait pas comptés, tellement il y en a eus. Il a ajouté avoir transporté des marchandises de village en village pour les soldats de Taylor. Questionné sur les transports effectués pour le compte des ULIMO, KK a déclaré : « Avec les ULIMO, c’était pire. Quand ils entraient dans un village, ils prenaient tout ce qu’ils voyaient qui avait de la valeur à leurs yeux ». 

Invité à expliquer en quoi il a reconnu le comportement d’Alieu Kosiah lors de sa dernière venue en Suisse, KK a indiqué avoir reconnu sa manière de parler et a précisé que lorsque le prévenu se mettait en colère, il avait une manière particulière de réagir. KK a ajouté que lorsqu’Alieu Kosiah se fâchait, il valait mieux ne pas rester près de lui. 

Sur question, KK a déclaré qu’il ignorait la différence entre le « senior tabé » et le « tabé » et qu’il s’agissait du jargon utilisé par les rebelles lorsqu’ils attachaient quelqu’un. 

Le Président a rappelé à KK qu’il avait déclaré ne connaître personne du nom de TS et que lors des débats de première instance, AS a indiqué que TS était le nom qu’on lui donnait à l’école. Sur question, KK a confirmé être allé à l’école avec AS à Monrovia, mais s’être arrêté en seconde classe. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : avoir ordonné le pillage de la génératrice de Pasolahun entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995

La Cour questionne KK :

A la question de savoir s’il était présent lorsque les soldats ULIMO ont dit au townchief qu’Alieu Kosiah avait donné l’ordre de démonter la génératrice, KK a répondu que les soldats ULIMO ont donné l’ordre de rassembler tous les hommes du village et ont déclaré qu’Alieu Kosiah les avait envoyés pour prendre la machine. Sur question, KK a indiqué qu’il était au centre du village lors du démontage. 

A la question de savoir s’il y avait de l’électricité à Pasolahun avant l’arrivée des ULIMO, KK a répondu qu’il y avait un générateur dans le village, qui était utilisé lors des moments festifs. Selon KK, les villageois ont arrêté de l’utiliser lorsque la guerre a commencé, car il n’y avait plus de voiture permettant de se fournir en essence. KK a ajouté que les soldats de Taylor n’avaient pas touché à ce générateur. 

Me Gianoli questionne KK :

Sur question, KK a indiqué qu’il n’y avait pas d’éclairage de rue à Pasolahun, car il n’y avait pas de rues à proprement parler dans le village. KK a réitéré que le générateur était parfois mis en marche pour organiser des fêtes et mettre de la musique. Il a ajouté que certaines maisons, comme celles des chefs, étaient pourvues de lumière. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : avoir ordonné le transport forcé de la génératrice de Pasolahun, par des civils, de Pasolahun à Kolahun, entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995, et dans ce contexte avoir tué le civil MuK aux abords de la rivière Kehair

La Cour questionne KK :

Interrogé sur la raison pour laquelle il craignait d’être tué s’il refusait de participer au transport, KK a expliqué qu’Alieu Kosiah et ses hommes avaient fait venir des mécaniciens pour démonter la machine. Selon KK, le townchief était impuissant face à eux, car ils avaient le pouvoir et faisaient comme bon leur semblait. KK a ajouté qu’ils n’avaient pas uniquement pillé le générateur, mais également du café, du cacao et tout ce qui leur plaisait. 

Sur question, KK a indiqué que la menace, selon laquelle les mouches apporteraient le message aux parents si KK et les autres civils ne marchaient pas assez vite, avait été proférée avant l’exécution d’un civil et signifiait que les ULIMO les tueraient. Interrogé sur l’identité de celui qui avait proféré cette menace, KK a indiqué que les soldats étaient très nombreux et que le chef s’appelait Scarface Kabbah. Selon KK, Scarface Kabbah a été nommé chef du groupe par Alieu Kosiah. KK a expliqué qu’à leur arrivée à Pasolahun, les soldats ULIMO ont dit que le chief Kosiah leur avait donné l’ordre de prendre le générateur. Il a ajouté avoir vu pour la première fois Alieu Kosiah à la rivière Kehair. 

Le Président a indiqué à KK que le prévenu avait dit connaître un militaire du nom de Scarface Kabbah, mais que ce dernier était son supérieur. A la question de savoir s’il avait observé une hiérarchie entre les deux lorsqu’il les avait vus ensemble, KK a répondu qu’il avait vu Scarface saluer Alieu Kosiah et lui dire : « Voilà chef, c’est le matériel que tu nous as envoyés chercher ». 

Questionné sur la raison pour laquelle il avait demandé à AS d’identifier les deux cadavres qu’ils ont vu sur la route, KK a expliqué qu’AS était le plus proche d’eux et qu’il fallait avertir les gens du village. KK a ajouté le connaître seulement de vue. 

Me Gianoli questionne KK :

Questionné sur le nombre de fois qu’il avait vu Alieu Kosiah, KK a expliqué l’avoir vu pour la première fois au Libéria lors du transport du générateur, la seconde fois dans le bureau du procureur en 2017, la troisième fois en 2021 et la quatrième fois lors de la présente procédure en appel. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Wavre questionne KK :

Sur question, KK a confirmé avoir entendu les soldats dire qu’Alieu Kosiah avait ordonné d’aller chercher la génératrice. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : avoir tué le civil MuK aux abords de la rivière Kehair

La Cour questionne KK :

Interrogé sur les tensions palpables lors de l’arrivée du convoi au checkpoint, KK a expliqué qu’il y avait des tensions tout au long du transport. Selon lui, il fallait marcher vite et les civils n’avaient pas le droit d’être fatigués. Les soldats les menaçaient en leur disant que s’ils étaient fatigués, les mouches apporteraient la nouvelle à leurs parents, autrement dit qu’ils les tueraient. KK a raconté qu’il arrivait aux soldats de leur donner des coups de crosse de fusil ou des coups de pieds aux fesses. Il a ajouté qu’il y avait une longue distance entre Pasolahun et Kolahun et que le trajet ne se faisait en principe pas en un jour. KK a déclaré : « À ce moment-là, nous étions entre les mains des rebelles et nous n’avions aucun pouvoir. Nous n’étions pas des êtres humains ». 

Sur question, KK a indiqué avoir vu Alieu Kosiah pour la première fois au niveau du checkpoint après la rivière Kehair. A la question de savoir comment il avait su que c’était Alieu Kosiah, KK a répondu qu’il avait vu les soldats le saluer. Selon KK, le prévenu avait la peau particulièrement foncée, mais elle s’est éclaircie depuis qu’il habite en Suisse. 

Le Président a rappelé à KK qu’il avait indiqué que le prévenu portait une tenue de camouflage et une calibre 45 et lui a demandé s’il avait pu immédiatement identifier cette arme. KK a expliqué qu’il n’avait pas beaucoup d’éducation et a déclaré : « Si j’entends quelqu’un dire : “Oh, il a un calibre 45 à la main”, j’entends les mots mais je ne sais pas ce que cela désigne ».

Sur question, KK a indiqué qu’il faisait partie des dernières personnes à traverser la rivière. Selon lui, tout le monde était rassemblé en un groupe. 

Interrogé sur ce qu’il avait vu lorsqu’Alieu Kosiah s’est adressé à MuK, KK a expliqué qu’à ce moment-là, la tension était particulièrement élevée. Les ULIMO ont commencé à battre les gens qui étaient fatigués à cause de la longue distance parcourue. Selon KK, MuK a dit qu’il était trop fatigué et incapable de porter sa charge jusqu’au centre de Kolahun, raison pour laquelle il a été exécuté. 

Sur question, KK a confirmé avoir vu et entendu MuK dire cela en précisant qu’il était sur le côté alors que MuK se trouvait au milieu. KK a expliqué qu’Alieu Kosiah s’était approché de MuK et lui a demandé pourquoi il ne reprenait pas sa charge. Alieu Kosiah lui a dit que s’il ne reprenait pas sa charge, il devrait se débarrasser de lui. KK a ajouté que pour sa part, il avait peur pour sa vie et ne pensait qu’à porter le matériel jusqu’au bout pour s’en sortir sain et sauf. 

Questionné sur la suite des événements, KK a déclaré que MuK avait répondu à Alieu Kosiah qu’il était trop fatigué pour reprendre sa charge. Alieu Kosiah a alors dégainé son 45. KK a quant à lui conseillé  à ses amis de reprendre leurs charges et les soldats ULIMO leur ont ordonné de se mettre en ligne pour repartir. C’est à ce moment-là que KK a entendu les coups de feu. 

Sur question, KK a confirmé avoir entendu le coup de feu mais ne pas avoir vu Alieu Kosiah pointer son arme sur MuK. Sur question du Procureur, l’interprète n’a pas été en mesure d’indiquer si KK avait fait référence à un ou plusieurs coups de feu. 

Se référant à la plainte déposée par KK, le Président lui a demandé s’il se souvenait de la déclaration faite par Alieu Kosiah suite au coup de feu. KK a déclaré qu’il ne s’en souvenait pas. 

Le Président a ensuite exposé les arguments d’Alieu Kosiah en lien avec cet événement. Tout d’abord, selon le prévenu et les déclarations faites par d’autres personnes, MuK serait mort de trois manière différentes : par asphyxie, par un tir d’AK 47 et par un tir de pistolet. A la question de savoir s’il était certain que le coup de feu avait été tiré avec un 45, KK a répondu avoir entendu un coup de feu, mais ne pas avoir vu si ledit coup de feu avait été tiré avec un pistolet. 

Selon le prévenu, le seul et unique MuK de Pasolahun est encore vivant et il est donc impossible qu’il ait été tué pendant la guerre. KK a répondu que le MuK qui était venu témoigner en Suisse s’appelait Kamara.

Interrogé sur la position de MuK lorsqu’il a été exécuté, KK a expliqué qu’il se trouvait sur la route principale après la rivière. Selon KK, MuK a été emmené dans l’herbe du côté gauche. KK a également indiqué que les ULIMO occupaient l’école qui était sur la droite.  

Me Gianoli questionne KK :

Sur question, KK a indiqué que les soldats avaient attendu que tout le monde traverse la rivière pour arriver au checkpoint. Interrogé sur la position des soldats au sein du convoi, KK a déclaré que les soldats étaient mélangés aux civils pour les empêcher de s’enfuir. Selon KK, il y avait des soldats à l’avant, au milieu et à l’arrière du convoi. 

Questionné sur les soldats ayant salué Alieu Kosiah, KK a indiqué qu’il s’agissait des soldats envoyés par le prévenu pour chercher la machine. Selon KK, certains étaient déjà arrivés au checkpoint et les autres, qui étaient avec lui, ont salué Alieu Kosiah. C’est ainsi que KK a su qu’il s’agissait du prévenu. 

Interrogé sur l’emplacement du checkpoint, KK a indiqué qu’il se trouvait environ à deux minutes de marche depuis le pont. Sur question, il a répété qu’il y avait une école sur la droite que les ULIMO utilisaient. KK a ajouté que lorsqu’ils allaient vendre du riz à Kolahun, les ULIMO prélevaient une à cinq coupes de riz, de sorte que parfois, il ne leur restait rien à manger. Sur question, KK a indiqué que l’école était un bâtiment isolé avec un grand nombre de pièces et qu’il y avait des maisons des deux côtés de la route un peu plus loin. 

Invité à décrire le checkpoint, KK a indiqué que les ULIMO avaient mis quelque chose en travers de la route et qu’il fallait aller du côté où ils étaient assis pour pouvoir passer. Sur question, KK a déclaré ne pas se souvenir de ce qui avait été mis en travers de la route. 

Interrogé sur la position des civils, des soldats et du prévenu au niveau du checkpoint, KK a expliqué que les civils et les rebelles étaient mélangés. 

Sur question, KK a déclaré avoir entendu deux coups de feu lorsque MuK a été tué. Me Gianoli lui a demandé comment il expliquait le fait que, lors de l’instruction, il avait déclaré avoir entendu un coup de feu. KK a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. 

Invité à se déterminer sur les déclarations d’AS, selon lesquelles Alieu Kosiah avait tué son oncle avec un AK47 qu’un small soldier lui a tendu à sa demande, KK a déclaré qu’AS avait décrit ce qu’il avait vu. Sur question, KK a confirmé qu’il savait que MuK était l’oncle d’AS lorsqu’il a été exécuté. Il a ajouté que AS lui avait dit que MuK était son oncle avant le transport. 

Invité à donner une description de MuK, KK a répondu : « Comment pourrais-je décrire quelqu’un qui est mort ? ». 

Sur question, KK a confirmé qu’il connaissait MoK, l’autre oncle d’AS, et a indiqué l’avoir connu avant qu’il ne soit tué. A la question de savoir qui était le plus âgé entre MuK et MoK, KK a répondu MuK.

Sur question, KK a indiqué qu’il ne se souvenait pas du nom du père de MuK et MoK, mais savait que MuK et MoK étaient frères et venaient tous deux de Bolahun. Me Gianoli a rappelé à KK qu’en première instance, il a déclaré qu’il ignorait si MuK et MoK étaient frères et lui a demandé comment il l’avait appris. KK a déclaré qu’il ne se souvenait pas du moment où on lui avait posé cette question. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Wavre questionne KK :

Invité à se déterminer sur ses déclarations en première instance, selon lesquelles ils l’appelaient M. Kamara quand ils étaient petits, puis M. Ndiange et enfin MuK pendant la guerre, KK a indiqué qu’il s’appelait M. Kamara et que le nom Ndiange était son nom de danse. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur les déclarations de KK, Alieu Kosiah a indiqué que KK avait déclaré précédemment qu’aucun membre de la famille d’AS avaient été tués. Le prévenu a ajouté qu’il était certain que MuK était vivant car il n’avait tué personne. Il a demandé à la Cour de vérifier cela de manière indépendante, sans passer par l’ONG. Il a déclaré : « Si vous constatez que j’ai menti, vous pouvez me mettre en prison à vie ». 

Alieu Kosiah a ensuite indiqué que MuK et MoK n’étaient pas originaires de Bolahun comme le prétend KK mais de Pasolahun. Le prévenu a également cité les précédentes déclarations de KK qui avait visiblement laissé entendre à diverses reprises que MuK et MoK venaient de Pasolahun. 

S’agissant de l’électricité, le prévenu a déclaré ne s’être jamais rendu à Pasolahun mais savoir par expérience qu’il était rare de voir de l’électricité dans les villages libériens à cette époque. Selon lui, pour célébrer un mariage ou une naissance, il était d’usage d’emprunter le générateur de quelqu’un qui avait de l’argent. Selon Alieu Kosiah, un témoin a déclaré qu’il y avait effectivement un générateur apporté par monsieur Kemba, le commissioner pour Kolahun, en récompense aux travaux effectués par les villageois. Ce générateur a été pillé par un soldat ULIMO du nom de Fofana. Le prévenu a cité les déclarations dudit témoin et a déclaré que les civils n’avaient jamais été plus loin que le premier village évoqué par le témoin. Selon Alieu Kosiah, il s’agit d’une question de bon sens car il faut 9 heures pour parcourir la distance entre Pasolahun et Kolahun. Il a ajouté qu’une fois arrivé à la rivière Kehair, Kolahun ne se trouve plus qu’à 5 minutes et a déclaré : « Se faire tuer à 5 minutes de la destination après avoir marché 8h55, je ne sais pas trop ». 

Le prévenu s’est ensuite étonné du fait que KK n’avait pas reconnu TS (alias AS) alors qu’ils étaient allés à l’école ensemble. Selon Alieu Kosiah, les trois personnes qui sont venues témoigner pour lui, à savoir James Kamara, MoK et MuK, ont vu grandir TS et ne l’ont pas connu sous le nom AS. Par ailleurs, le père de TS s’appelle MS. Alieu Kosiah a ajouté que KK et AS étaient frères par alliance, dans la mesure où la mère d’AS s’est remariée avec le père de KK. Selon le prévenu, il est impossible que KK ignore que AS s’appelait TS. 

Le prévenu a également relevé des incohérences dans le témoignage d’AK au sujet de TS. Il a ajouté que selon lui, le vrai nom d’AS est TS et a déclaré que personne ne recevait son nom de son professeur. A cela s’ajoute que, selon le prévenu, AS a donné le nom S lorsqu’on lui a demandé de donner les noms de ses frères et sœurs. 

Alieu Kosiah a ensuite relevé des fluctuations dans les propos de KK sur la question de savoir s’il avait vu des gens tabés à l’arrivée des ULIMO. 

Concernant Scafarce, Alieu Kosiah a indiqué qu’il faisait partie des special forces Satou et était colonel bien avant que lui rejoigne l’armée. Selon Alieu Kosiah, Scarface a rejoint l’armée en 1970 et a été entraîné en Israël. Scarface a obtenu des promotions très rapidement grâce à ses entraînements. Le prévenu a ajouté qu’il avait ensuite rattrapé Scarface dans les grades. Sur question du Président, Alieu Kosiah a précisé avoir obtenu des promotions jusqu’au grade de colonel au sein des ULIMO. Il a expliqué avoir ensuite été incarcéré et avoir rejoint la police après sa sortie de prison. 

Selon Alieu Kosiah, KK serait incapable de décrire Scarface Kabbah. Le prévenu a à nouveau pointé diverses contradictions dans les déclarations de KK concernant la première fois qu’il aurait vu Scarface Kabbah. 

Dans la mesure où le prévenu s’est mis à lire ses notes, le Président l’a rendu attentif à l’art. 143 al. 6 CPP et sur la nécessité de verser ses notes à la procédure s’il ne peut pas faire des déclarations de mémoire. 

Alieu Kosiah a ensuite cité des incohérences dans les déclarations de KK au sujet des deux corps qu’il a vus sur la route. En effet, KK aurait déclaré qu’un village séparait les deux corps avant d’affirmer avoir vu les deux corps au même endroit sur le chemin du retour. 

Me Gianoli et le MPC n’ont pas eu de questions. 

Me Wavre interroge Alieu Kosiah : 

A la question de savoir combien de soldats ULIMO portaient le nom de Scarface Kabbah, Alieu Kosiah a répondu qu’à sa connaissance il n’y en avait qu’un. Il a ajouté qu’un autre soldat était surnommé Scar Pacino. Invité à se déterminer sur ses précédentes déclarations lorsqu’il a indiqué avoir connaissance de deux Scarface Kabbah, Alieu Kosiah a déclaré qu’il maintenait ce qu’il avait dit et sollicité que des éléments de contexte lui soient donnés, ce dont Me Wavre s’est chargé (i.e. un à Zorzor et un à Voinjama selon les déclarations du prévenu). Alieu Kosiah a alors expliqué que celui de Zorzor s’appelait Scar Pacino. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah : 

A la question de savoir si, pendant la guerre, il avait été affecté au même endroit ou dans le même région que Scarface Kabbah, Alieu Kosiah a répondu que Scarface Kabbah n’aimait pas la ligne de front contrairement à lui. Il a ajouté qu’ils n’étaient pas le même genre de personne et qu’il ne se souvenait pas de l’avoir rencontré sur la ligne de front. 

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