[01/17/2023] Day 5: Routine forced transports

Questions procédurales

Me Gianoli a sollicité l’admission au dossier de divers e-mails émanant de sources externes concernant la manière dont sont conduites les procédures diligentées par Civitas Maxima et le GJRP. Les autres parties se sont réservé le droit de plaider l’incident.

S’agissant de l’application de l’art. 344 CPP, la Cour s’est rĂ©fĂ©rĂ©e Ă  sa jurisprudence (CA.2021.2) et a rappelĂ© qu’elle Ă©tait liĂ©e par l’état de faits dĂ©crit dans l’acte d’accusation, mais pouvait s’écarter de la qualification juridique. Le PrĂ©sident a indiquĂ© que la requalification d’auteur Ă  co-auteur, respectivement de complice Ă  instigateur, Ă©tait controversĂ©e selon la doctrine. Il a dĂ©clarĂ© que la Cour Ă©tait disposĂ©e Ă  rĂ©server une qualification juridique que celle retenue dans l’acte d’accusation et statuera sur le fond si l’état de faits dĂ©crit dans l’acte d’accusation couvre Ă©galement ces qualifications. 

* * *

Audition de KK (suite et fin)

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations du prĂ©venu faites la veille, KK a dĂ©clarĂ© que tout ce qu’avait dit Alieu Kosiah Ă©tait un mensonge. KK a ajoutĂ© qu’Alieu Kosiah ne se souvenait pas du mal qu’il avait fait, mais que ses victimes s’en souviendraient pour toujours. Selon lui, le prĂ©venu ne dira pas du mal sur lui-mĂŞme, mais uniquement des choses positives, notamment qu’il n’a jamais maltraitĂ© de civils. 

Sur question, KK a indiquĂ© que personne ne lui avait offert de l’argent ou promis de pouvoir habiter dans un autre pays en Ă©change d’un faux tĂ©moignage. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir ordonnĂ© et dirigĂ© un transport forcĂ© de munitions, par des civils, de Gondolahun Ă  Fassama entre novembre et dĂ©cembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995 

La Cour questionne KK :

Le PrĂ©sident a rappelĂ© Ă  KK ses dĂ©clarations faites en première instance selon lesquelles la marchandise devait ĂŞtre transportĂ©e jusqu’à Fassama en raison des combats et lui a demandĂ© qui l’avait informĂ© que des combats faisaient rage Ă  Fassama. KK a rĂ©pondu qu’à ce moment-lĂ , la scission entre les ULIMO-K et les ULIMO-J avait dĂ©jĂ  eu lieu et qu’il y avait des combats entre les deux factions. Selon KK, les munitions provenaient de GuinĂ©e et les civils de Kolahun devaient les transporter jusqu’à Gondolahun, le siège du clan MbĂ© [phon.] qui compte 12 villages. KK a ajoutĂ© que lorsque les munitions arrivaient, un messager Ă©tait envoyĂ© pour rassembler les hommes de tous les villages du clan MbĂ©. 

InterrogĂ© sur la frĂ©quence de ces transports, KK a indiquĂ© se souvenir d’avoir participĂ© Ă  trois transports de munitions. 

Question sur la raison pour laquelle des civils avaient Ă©tĂ© enfermĂ©s avant le transport, KK a expliquĂ© que trois soldats ULIMO sont arrivĂ©s Ă  Pasolahun dans la soirĂ©e et ont rassemblĂ© les hommes pour transporter les munitions. Selon KK, si les ULIMO avaient laissĂ© les civils dehors pendant la nuit, ces derniers auraient probablement tentĂ© de s’échapper. Les soldats ULIMO ont donc sĂ©parĂ© les hommes en deux groupes et les ont enfermĂ©s dans des maisons pendant la nuit. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations du prĂ©venu, selon lesquelles il ne faisait aucun sens d’aller de Voinjama Ă  Kolahun pour se rendre Ă  Fassama dans la mesure oĂą cela Ă©quivalait Ă  faire un grand dĂ©tour et qu’il Ă©tait plus logique d’aller Ă  Kolahun, puis Ă  Vahun, Kumba et Tubmanburg, KK a dĂ©clarĂ© qu’Alieu Kosiah mentait. KK a rĂ©pĂ©tĂ© que les munitions arrivaient de la GuinĂ©e Ă  Kolahun et que, de lĂ , les ULIMO rassemblaient des gens pour faire le transport jusqu’à Gondolahun. Ils rassemblaient ensuite d’autres personnes pour transporter les munitions jusqu’à Sassahun. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations du prĂ©venu, selon lesquelles Gondolahun Ă©tait un village très Ă©loignĂ© et impossible d’accès pour un soldat, KK a dĂ©clarĂ© que lorsque les ULIMO ont pris le pouvoir, ils Ă©taient dans tous les villages et a ajoutĂ© qu’Alieu Kosiah mentait. 

Sur question, KK a indiquĂ© qu’il n’avait jamais vu Alieu Kosiah Ă  Gondolahun, mais uniquement entendu son nom. Il a ajoutĂ© que les soldats y Ă©taient très nombreux et qu’il n’avait pas cherchĂ© Alieu Kosiah. 

QuestionnĂ© sur l’identitĂ© du soldat le plus haut gradĂ© en poste Ă  Gondolahun, KK a indiquĂ© qu’il y avait beaucoup de soldats – beaucoup trop pour qu’il se souvienne de tous leurs noms – et que ces derniers ne prĂ©cisaient pas leur grade. KK a citĂ© les noms suivants : Alhaji, Senegali et Scarface Kabbah. Il a ajoutĂ© que de nombreux soldats venaient de la route de Vahun pour aller combattre Ă  Fassama. 

Me Gianoli questionne KK :

A la question de savoir s’il y avait des combats entre les ULIMO-K et les ULIMO-J Ă  Fassama, KK a rĂ©pondu avoir entendu dire que les deux factions se battaient Ă  Fassama et qu’il fallait donc acheminer des munitions sur place. 

Le MPC questionne KK :

Sur question, KK a dĂ©clarĂ© que le convoi parti de Pasolahun pour transporter des munitions n’était pas allĂ© en direction de la GuinĂ©e. Le Procureur a indiquĂ© qu’il y avait plusieurs Fassama sur la carte du LibĂ©ria et a rappelĂ© que le MPC avait expliquĂ© dans ses rĂ©quisitions de première instance qu’il pourrait s’agir du Fassama situĂ© au sud-est de Gondolahun et Pasolahun. 

Me Wavre questionne KK : 

InvitĂ© Ă  citer les noms des villages qu’il a traversĂ©s entre Gondolahun et Sassahun, KK a indiquĂ© ĂŞtre passĂ© par Gegewa, Selahun, Papahun, puis Konehun oĂą il est possible de traverser la Lofa River. Selon KK, il y avait ensuite un endroit oĂą se trouvait une sociĂ©tĂ© d’exploitation forestière avant d’arriver Ă  Sassahun. 

Me Gianoli questionne Ă  nouveau KK :

A la question de savoir s’il avait entendu des coups de feu en raison des combats Ă  Sassahun, KK a dĂ©clarĂ© qu’il n’habitait pas Ă  Sassahun, mais Ă  Pasolahun et qu’il ignorait si les habitants de Sassahun entendaient des coups de feu. Il a ajoutĂ© qu’il s’était rendu Ă  Sassahun uniquement pour apporter des munitions et qu’il Ă©tait ensuite rentrĂ© chez lui. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir tuĂ© le civil MoK aux abords de la rivière Lofa

La Cour questionne KK :

A la question de savoir s’il connaissait MoK avant le transport, KK a rĂ©pondu par l’affirmative. InterrogĂ© sur le lien entre MoK et AS, KK a dĂ©clarĂ© qu’AS lui avait dit avant le transport que MoK Ă©tait son oncle. 

Le PrĂ©sident a donnĂ© lecture des dĂ©clarations de KK devant le MPC, selon lesquelles AS et AK ne lui avaient jamais donnĂ© le nom de celui qui avait tuĂ© MoK. Le PrĂ©sident a demandĂ© Ă  KK si AS et AK lui avaient dit qu’ils ignoraient qui avait tuĂ© MoK ou qu’ils ne voulaient pas le lui dire. KK a expliquĂ© qu’à ce moment-lĂ , chacun Ă©tait prĂ©occupĂ© pour sa propre survie et a ajoutĂ© que voir le corps d’un ami qui venait d’être tuĂ© Ă©tait un Ă©vĂ©nement marquant. 

A la question de savoir si, lorsqu’il a revu AS et AK Ă  Pasolahun le lendemain du meurtre de MoK, ce derniers lui ont dit qui avait tuĂ© MoK, KK a rĂ©pondu qu’il ne s’en souvenait pas. Sur question, il a confirmĂ© qu’à ce jour, AS et AK ne lui ont pas donnĂ© de nom et qu’il avait identifiĂ© lui-mĂŞme MoK en tant que victime lors du transport. 

Le PrĂ©sident a indiquĂ© Ă  KK que selon le prĂ©venu, le chef du village avait dĂ©clarĂ© qu’il y avait un seul MoK dans le village de Pasolahun et aucune famille S. KK a contestĂ© ces propos et a confirmĂ© qu’il avait plus d’un MoK Ă  l’époque dans le village de Pasolahun. Il a ajoutĂ© qu’il connaissait les MuK et MoK qui Ă©taient venus tĂ©moigner sous le nom de Kamara et qu’il Ă©tait commun au LibĂ©ria qu’un mĂŞme nom de famille soit portĂ© par plusieurs familles diffĂ©rentes de sorte qu’il Ă©tait possible de trouver plusieurs personnes portant le mĂŞme nom et le mĂŞme prĂ©nom mais issues de familles diffĂ©rentes. 

Me Gianoli questionne KK :

Sur question, KK a indiquĂ© avoir participĂ© Ă  trois transports de munitions pour les ULIMO-K. InvitĂ© Ă  prĂ©ciser la pĂ©riode, KK a rĂ©pĂ©tĂ© qu’il n’était pas allĂ© Ă  l’école et a dĂ©clarĂ© qu’il ignorait en quelle annĂ©e ces transports avaient eu lieu. InterrogĂ© sur la scission des ULIMO, KK a indiquĂ© qu’il ignorait Ă  quel moment elle Ă©tait intervenue. 

Sur question, KK a indiquĂ© que le transport de la gĂ©nĂ©ratrice Ă©tait intervenu avant les trois transports de munitions auxquels il a participĂ©. Il a confirmĂ© que Scarface Kabbah Ă©tait prĂ©sent lors du transport de munitions. Sur question, il a indiquĂ© avoir vu Scarface Kabbah pour la première fois lorsque les soldats sont venus chercher la machine. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Wavre questionne KK :

InvitĂ© Ă  adresser un dernier mot Ă  la Cour, KK a remerciĂ© la justice et le gouvernement suisse pour le travail fourni en vue d’apporter la justice au LibĂ©ria. Il s’est demandĂ© pourquoi Alieu Kosiah avait fui son pays s’il n’a rien fait de mal et a ajoutĂ© que le prĂ©venu n’avait dit que du bien de lui-mĂŞme et niĂ© connaĂ®tre ses victimes. Selon KK, il est Ă©vident qu’Alieu Kosiah affirme ne pas le connaĂ®tre, car Ă  l’époque il Ă©tait au sommet de la pyramide. KK a terminĂ© sa dĂ©claration en rĂ©itĂ©rant ses remerciements Ă  l’égard des autoritĂ©s suisses et en indiquant qu’il se tenait Ă  disposition s’il Ă©tait nĂ©cessaire de revenir en Suisse Ă  n’importe quel moment. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

La Cour interroge Alieu Kosiah :

A la question de savoir s’il se souvenait des noms de tous ses soldats, Alieu Kosiah a rĂ©pondu se souvenir des noms des six ou sept soldats qui lui Ă©taient proches ainsi que de certains autres. Il a ajoutĂ© que tous les noms qu’il avait donnĂ©s dès le dĂ©part avaient Ă©tĂ© confirmĂ©s par Lamine et Papa. A l’inverse, aucun des noms citĂ©s par les parties plaignantes n’ont Ă©tĂ© confirmĂ©s comme Ă©tant les noms de soldats qui lui Ă©taient proches. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations de KK, le prĂ©venu a dĂ©clarĂ© qu’il Ă©tait Ă©vident que les parties plaignantes ne rĂ©pondraient pas par l’affirmative Ă  la question de savoir si elles avaient Ă©tĂ© payĂ©es pour tĂ©moigner. Selon le prĂ©venu, il existe en revanche des documents qui prouvent que tel est bien le cas. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© qu’un tĂ©moin Mandingo avait obtenu l’asile grâce Ă  Alain Werner dans le cadre de la procĂ©dure ouverte contre Agnes Taylor. 

S’agissant de la centrale Ă©lectrique de Nyandehun [phon.] Ă©voquĂ©e par KK, Alieu Kosiah a expliquĂ© qu’un Allemand vivait lĂ -bas avant la guerre et avait construit une centrale hydroĂ©lectrique permettant aux habitants d’avoir de la lumière. Le prĂ©venu a ajoutĂ© que Vahun Ă©tait la capitale de cette zone, mais Ă©tait dĂ©pourvue d’électricitĂ©, tout comme les villages de Papalahun, Bolahun, Massabolahun et Pasolahun. Selon lui, les tĂ©moins MoK et MuK ont d’ailleurs confirmĂ© qu’il n’y avait jamais eu d’électricitĂ© Ă  Pasolahun. 

Alieu Kosiah a ensuite invitĂ© la Cour Ă  observer la carte et le trajet le plus logique pour aller de Voinjama Ă  Tubmanburg en rĂ©pĂ©tant qu’il ne faisait aucun sens de passer par Kolahun et en prĂ©cisant qu’il se rĂ©fĂ©rait au Fassama dans le district Kpelle de Bapahun et non au petit Fassama près de Zorzor. Il a ajoutĂ© que les ULIMO avaient des trucks pour transporter les munitions jusqu’au Lofa Bridge comme l’a dit LSM. Alieu Kosiah a ensuite citĂ© les noms des villages qu’il fallait traverser, Ă  savoir Kombo, Camp SCS, Timber Village, Lofa Bridge et Pawa. Selon lui, les ULIMO-K n’ont jamais pris le Lofa Bridge et la distance entre le Lofa Bridge et Fassama Ă©tait d’au moins 200 km. 

Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© que ce transport correspondait plutĂ´t Ă  un transport organisĂ© par les LURD depuis la GuinĂ©e Ă©tant prĂ©cisĂ© que Taylor occupait toute la zone de sorte qu’il aurait eu du sens pour les LURD d’attaquer par les deux cĂ´tĂ©s, Ă  savoir Vahun et Gondolahun. Selon le prĂ©venu, cela pourrait situer des combats Ă  Fassama. En revanche, ce transport ne peut pas ĂŞtre le fait des ULIMO car Fassama Ă©tait dĂ©jĂ  protĂ©gĂ©e avant la capture du Lofa et se trouvait au milieu du territoire des ULIMO-K. 

Le prévenu s’est ensuite attelé à relever des contradictions dans les déclarations de KK au sujet de MoK, notamment son village de provenance (i.e. Bolahun puis Pasolahun). Selon Alieu Kosiah, les noms des frères et sœurs de MoK cités par KK correspondent par ailleurs aux noms des frères et sœurs du témoin MoK. Le prévenu s’est demandé pourquoi KK n’avait pas été capable de donner une description de MoK alors qu’il pouvait décrire Alieu Kosiah en l’ayant trois ou quatre fois.

Alieu Kosiah a Ă©galement dĂ©clarĂ© que MuK Ă©tait plus âgĂ© que MoK, alors que KK avait dit le contraire. Il a ajoutĂ© qu’en première instance, KK avait identifiĂ© les tĂ©moins MuK et MoK en tant que tels, puis a Ă©voquĂ© le nom de Kamara lorsqu’il a Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  eux. 

Alieu Kosiah s’est dĂ©fendu d’avoir tuĂ© MoK et MuK. Il a relevĂ© une autre contradiction dans les dĂ©clarations de KK en ce qu’il a dĂ©clarĂ© que AS et AK ne lui avaient pas dit qui avait tuĂ© MoK et MuK, alors qu’il a indiquĂ© il y a deux que AK lui avait dit qu’Alieu Kosiah avait tuĂ© MoK. Le prĂ©venu a dĂ©clarĂ© que si la Cour citait AK Ă  comparaĂ®tre sans passer par l’ONG, alors ce dernier confirmera ses propos. Il a rĂ©pĂ©tĂ© que seules les personnes qui Ă©taient passĂ©es par l’ONG le connaissaient et l’accusaient d’être un tueur. 

Me Gianoli et le MPC n’ont pas eu de questions. 

Me Wavre interroge Alieu Kosiah : 

Sur question, le prĂ©venu a confirmĂ© que le petit Fassama Ă  proximitĂ© de Zorzor Ă©tait accessible en voiture depuis Zorzor. 

Me Werner interroge Alieu Kosiah : 

Me Werner a donnĂ© lecture des dĂ©clarations d’Abraham Towah selon lesquelles l’organisation des ULIMO voulait que les civils soient utilisĂ©s pour porter des munitions jusqu’à la ligne de front pendant que les soldats portaient les armes, de sorte que Alieu Kosiah n’était pas le seul Ă  se livrer Ă  de tels transports. InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer Ă  cet Ă©gard, le prĂ©venu a dĂ©clarĂ© se souvenir de s’être rendu peut-ĂŞtre une ou deux fois sur la ligne de front avec Abraham Towah. Il a expliquĂ© avoir Ă©tĂ© blessĂ© Ă  la main alors qu’il menait les troupes sur la ligne de front et prĂ©cisĂ© qu’il n’y avait aucun civil. Selon lui, il n’est pas exclu que d’autres commandants aient emmenĂ© des civils sur la ligne de front ou Ă  proximitĂ© d’un endroit dangereux, mais tel n’était pas son cas. Il a dĂ©clarĂ© qu’il emportait ses charges de base et ses soldats et a ajoutĂ© que lorsqu’il Ă©tait allĂ© Ă  Benefanaye avec Kundi, ils portaient leurs propres munitions. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations d’Abraham Towah, qui a expliquĂ© ĂŞtre passĂ© par Gondolahun pour aller Ă  Fassama par la route qui relie ces deux villages, le prĂ©venu a prĂ©cisĂ© qu’Abraham Towah avait dit d’une part qu’Alieu Kosiah n’était pas avec lui lorsqu’il s’est rendu Ă  Gondolahun. D’autre part, Abraham Towah avait dĂ©clarĂ© plus tard qu’il ne connaissait pas Gondolahun et qu’il ne s’y Ă©tait jamais rendu. Le prĂ©venu a rĂ©pĂ©tĂ© qu’il pensait que ce transport Ă©tait le fait des LURD et non des ULIMO. Il a ajoutĂ© que Papa avait Ă©galement dĂ©clarĂ© sur question que cela ne faisait aucun sens de transporter des munitions. 

A la question de savoir si Papa avait combattu pour les LURD lors de la seconde guerre civile, Alieu Kosiah a rĂ©pondu qu’il ne lui avait jamais posĂ© la question et qu’il pensait que tel n’était pas le cas, car sinon, Papa le lui aurait dit. 

* * *

Audition de AS

La personne entendue a dĂ©clarĂ© ĂŞtre AS, nĂ© le 15 aoĂ»t 1978. Le PrĂ©sident a indiquĂ© Ă  AS qu’il Ă©tait entendu en tant que personne appelĂ©e Ă  donner des renseignements et l’a rendu attentif aux consĂ©quences pĂ©nales d’une dĂ©nonciation calomnieuse, d’une induction de la justice en erreur et d’une entrave Ă  l’action pĂ©nale. Le PrĂ©sident lui a rappelĂ© les faits reprochĂ©s Ă  Alieu Kosiah le concernant, Ă  savoir avoir ordonnĂ© le pillage de la gĂ©nĂ©ratrice de Pasolahun entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995, avoir ordonnĂ© le transport forcĂ© de la gĂ©nĂ©ratrice de Pasolahun, par des civils, de Pasolahun Ă  Kolahun, entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995, et dans ce contexte avoir tuĂ© le civil MuK aux abords de la rivière Kehair, avoir ordonnĂ© et dirigĂ© un transport forcĂ© de munitions, par des civils, de Gondolahun Ă  Fassama entre novembre et dĂ©cembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995 et dans ce contexte avoir tuĂ© le civil MoK aux abords de la rivière Lofa. 

Questions relatives Ă  la situation personnelle

La Cour questionne AS :

Le PrĂ©sident a invitĂ© AS Ă  indiquer quelles ont Ă©tĂ© les consĂ©quences de la première guerre civile au LibĂ©ria pour lui. AS a dĂ©clarĂ© qu’à cause de la guerre, il ne pouvait plus aller Ă  l’école et que cela lui avait demandĂ© beaucoup de courage de retourner Ă  l’école après la guerre, car il Ă©tait plus âgĂ©. Il a expliquĂ© qu’il Ă©tait encore Ă  l’universitĂ© car il n’avait pas pu suivre un cursus rĂ©gulier. Il a dĂ» prendre soin de lui-mĂŞme et des siens et suivait des cours de manière sporadique. 

InterrogĂ© sur l’importance de la prĂ©sente procĂ©dure pour lui, AS a dĂ©clarĂ© : « C’est pour moi le jour que j’ai attendu toute ma vie, pour que justice soit rendue Â». InvitĂ© Ă  Ă©laborer sur la raison pour laquelle cette justice devait ĂŞtre rendue contre Alieu Kosiah, AS a dĂ©clarĂ© que depuis la fin de la guerre, de nombreux LibĂ©riens ont souhaitĂ© qu’une cour soit Ă©tablie pour juger les crimes commis, mais d’autres n’étaient pas en faveur de cela et rien n’a Ă©tĂ© fait. AS a prĂ©cisĂ© que ce n’était pas seulement Ă  l’encontre d’Alieu Kosiah, mais qu’il irait tĂ©moigner de la mĂŞme manière contre quiconque ayant commis des crimes de guerre. 

QuestionnĂ© sur les Ă©ventuelles consĂ©quences de son tĂ©moignage en Suisse sur lui et sa famille, AS a expliquĂ© qu’après son retour au LibĂ©ria en 2021, James M. Kamara, MoK et MuK ont fait circuler l’information selon laquelle il Ă©tait venu tĂ©moigner. Le PrĂ©sident a invitĂ© AS Ă  donner plus de prĂ©cisions sur le courrier produit par son conseil, Ă  teneur duquel il a Ă©tĂ© contactĂ© par James M. Kamara afin d’obtenir des informations sur le tĂ©moin AK. AS a racontĂ© qu’il Ă©tait avec EK, un ami qui vit Ă  Kolahun lorsque James M. Kamara a contactĂ© EK par tĂ©lĂ©phone afin de parler Ă  AS. James M. Kamara a demandĂ© Ă  AS oĂą se trouvait AK et AS a rĂ©pondu qu’il l’ignorait. James M. Kamara a alors dĂ©clarĂ© qu’on lui avait donnĂ© de l’argent qu’il devait remettre Ă  AK. Sur question, AS a dĂ©clarĂ© que James M. Kamara ne lui avait pas dit qui lui avait remis cet argent. 

InterrogĂ© sur ses contacts avec les autres parties plaignantes depuis la procĂ©dure de première instance, AS a dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© en contact uniquement avec KK car le père de ce dernier est dĂ©cĂ©dĂ© et AS s’est rendu aux funĂ©railles. 

A la question de savoir si quelqu’un lui avait offert de l’argent pour tĂ©moigner dans le cadre de cette procĂ©dure, AS a rĂ©pondu par la nĂ©gative. Il a ajoutĂ© qu’il Ă©tait un homme indĂ©pendant et que contrairement Ă  ce qu’a prĂ©tendu Alieu Kosiah, une personne sans qualification au LibĂ©ria gagne au moins 5 dollars par jour alors qu’une personne qualifiĂ©e gagne entre 10 et 20 dollars grâce Ă  la loi pour des salaires dĂ©cents qu’a fait passer le gouvernement. 

QuestionnĂ© sur l’indemnisation pour tort moral allouĂ©e en première instance, AS a dĂ©clarĂ© qu’il n’était pas au courant de ladite indemnisation. 

Me Gianoli questionne AS :

InterrogĂ© sur le nom de famille des tĂ©moins MoK et MuK, AS a indiquĂ© que dans son enfance, les gens les appelaient Kamara. InvitĂ© Ă  expliquer pourquoi il n’avait jamais identifiĂ© les deux tĂ©moins sous le nom Kamara avant la première instance, AS a dĂ©clarĂ© qu’il se souvenait avoir dit Ă  la Cour que lorsqu’il Ă©tait petit, les gens les appelaient Kamara et que c’était seulement après la guerre en 1997 ou 1998 qu’ils ont commencĂ© Ă  ĂŞtre appelĂ©s K. AS a ajoutĂ© qu’ils avaient aussi un nom de danse. 

Sur question, AS a dĂ©clarĂ© ne pas se souvenir d’avoir vu des photos de MuK et MoK avant de venir tĂ©moigner en première instance. Il a confirmĂ© avoir dit la vĂ©ritĂ© en première instance et a dĂ©clarĂ© qu’il continuait de dire la vĂ©ritĂ©. 

Me Gianoli a demandĂ© Ă  AS pourquoi il Ă©tait problĂ©matique que les gens de son village sachent qu’il Ă©tait venu tĂ©moigner en Suisse sur les crimes commis durant la guerre civile au LibĂ©ria. AS a rĂ©pondu que beaucoup de gens avaient Ă©tĂ© traumatisĂ©s par la guerre et en souffraient encore aujourd’hui. Il a ajoutĂ© qu’il y avait encore beaucoup d’anciens combattants traumatisĂ©s, dont certains Ă©taient des criminels susceptibles de lui faire du mal car ils ne connaissaient que la guerre. Selon AS, Alieu Kosiah dispose encore de nombreux fidèles qui considèrent que ceux qui sont venus tĂ©moigner les ont exposĂ©s. AS a rappelĂ© que mĂŞme Abraham Towah a dĂ©clarĂ© qu’il ne pouvait pas retourner au LibĂ©ria par peur des reprĂ©sailles. AS a dĂ©clarĂ© qu’il craignait pour sa famille. 

A la question de savoir si un ancien fidèle d’Alieu Kosiah s’en Ă©tait pris Ă  lui, AS a expliquĂ© que personne ne s’en Ă©tait pris Ă  lui physiquement, ce qui n’enlevait rien Ă  l’extrĂŞme prudence dont il fallait faire preuve car si les anciens combattants apprennent qu’une personne est venue tĂ©moigner, ils vont la prendre pour cible par crainte d’être exposĂ©s. 

InterrogĂ© sur les raisons pour lesquelles James M. Kamara Ă©tait Ă  la recherche d’AK, AS a rĂ©pĂ©tĂ© que James M. Kamara lui avait dit qu’il devait remettre l’argent qu’on lui avait donnĂ© Ă  AK. A la question de savoir pourquoi James M. Kamara devait donner de l’argent Ă  AK, AS a rĂ©pondu que la discussion n’était pas allĂ©e plus loin et qu’il n’avait pas posĂ© la question. 

QuestionnĂ© sur l’école qu’il frĂ©quentait avant la guerre, AS a indiquĂ© avoir d’abord Ă©tĂ© scolarisĂ© Ă  Pasolahun puis Ă  Kolahun et a dĂ©clarĂ© qu’il ignorait le nombre d’annĂ©es durant lesquelles il avait Ă©tĂ© scolarisĂ©. Sur question, il a indiquĂ© qu’il se trouvait Ă  Kolahun lorsque les Ă©coles ont fermĂ©. InterrogĂ© sur la prĂ©sence des NPFL, AS a prĂ©cisĂ© que les Ă©coles Ă©taient encore ouvertes sous les NPFL Ă  Bolahun et Kolahun en 1991-1992. Selon lui, les Ă©coles ont complètement fermĂ© en 1993. 

InterrogĂ© sur la destruction des Ă©coles, AS a indiquĂ© que plusieurs Ă©coles ont Ă©tĂ© dĂ©truites, notamment au moyen de tirs de RPG. Il a ajoutĂ© que lorsque les ULIMO sont arrivĂ©s Ă  Pasolahun, personne n’allait Ă  l’école car tout le monde craignait d’être rĂ©quisitionnĂ© pour porter des charges. Selon AS, l’ULIMO Ă©tait une faction terrible. Les ULIMO traitaient les civils comme des animaux et tuaient qui bon leur semblait lorsqu’ils capturaient une ville. Sur question, AS a indiquĂ© que les ULIMO n’avaient tuĂ© personne Ă  leur arrivĂ©e Ă  Pasolahun. InterrogĂ© sur d’éventuels meurtres commis par les ULIMO au sein du clan MbĂ© [phon.], AS a indiquĂ© qu’il Ă©tait Ă  Pasolahun et n’avait pas connaissance de ce qui se passait au sein des douze villages du clan MbĂ©. Me Gianoli a demandĂ© Ă  AS comment il pouvait dès lors dire que les ULIMO tuaient en arrivant dans les villages. AS a nuancĂ© ses propos et dĂ©clarĂ© que les ULIMO ne tuaient pas nĂ©cessairement des gens en arrivant quelque part. Il a rĂ©pĂ©tĂ© que des Ă©coles avaient Ă©tĂ© dĂ©truites par des tirs de RPG et expliquĂ© que parfois, lorsque les ULIMO arrivaient dans un endroit, les combats ne faisaient pas rage car les NPFL Ă©taient dĂ©jĂ  partis. Selon lui, les ULIMO ont combattu les NPFL qui se trouvaient dans le clan MbĂ© Ă  Lesku [phon.] et un chauffeur du nom de Kpeh [phon.] qui avait Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ© pour porter des munitions a Ă©tĂ© tuĂ© lors de ces combats. 

QuestionnĂ© sur le revenu mensuel moyen au LibĂ©ria, AS a dĂ©clarĂ© qu’il l’ignorait. Il a indiquĂ© que pour sa part, il avait travaillĂ© pour l’ONG Community Service Initiative (CSI) en tant que superviseur dans le Lofa et gagnait plus de 500 dollars par mois. Sur question, il a indiquĂ© qu’il ignorait s’il gagnait mieux sa vie que les gens qui lui Ă©taient proches. InterrogĂ© sur le salaire mensuel d’un policier, AS a dit qu’il l’ignorait et qu’il fallait poser la question Ă  des officiels libĂ©riens. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Questions relatives au contexte général

La Cour questionne AS : 

Interrogé sur le nombre de transports auxquels il a participé pour le compte des ULIMO, AS a déclaré qu’il était impossible de les compter tellement il y en avait eus et a ajouté que les civils étaient traités comme des esclaves. Questionné sur la fréquence de ces transports, AS a indiqué que tous les jours, au petit matin, les ULIMO rassemblaient les jeunes du village et désignaient cinq ou six personnes qui devaient rester sur place pour le cas où des soldats avaient des charges à leur faire porter.

QuestionnĂ© sur les raisons pour lesquelles il avait dĂ©cidĂ© de dĂ©noncer ces deux transports en particulier Ă  la justice, AS a expliquĂ© qu’il ne pouvait pas mentionner chacun des transports effectuĂ©s, car ceux-ci rythmaient son quotidien. Il a ajoutĂ© avoir dĂ©noncĂ© les deux transports qui l’avaient particulièrement marquĂ© en raison des Ă©vĂ©nements qui se sont produits Ă  l’occasion de ces transports et qu’il n’oubliera jamais. 

Sur question, AS a confirmĂ© qu’il connaissait bien James M. Kamara qui Ă©tait capitaine de l’équipe de football pendant la guerre. AS a Ă©galement confirmĂ© que James M. Kamara Ă©tait proche des ULIMO. Il a expliquĂ© que ce dernier n’avait jamais Ă©tĂ© contraint de porter des charges sur sa tĂŞte et qu’il approvisionnait les soldats en marijuana. Selon AS, il arrivait que les soldats le chargent de diriger des transports de marchandises par des civils jusqu’à la frontière guinĂ©enne, d’y vendre les marchandises et de leur rapporter l’argent. 

InvitĂ© Ă  expliquer en quoi il avait finalement Ă©tĂ© en mesure d’identifier formellement Alieu Kosiah, AS a expliquĂ© avoir eu de la peine Ă  le reconnaĂ®tre de prime abord car il avait changĂ©, comme n’importe qui aurait changĂ© après 20 ou 30 ans. AS a ajoutĂ© l’avoir reconnu au tribunal Ă  cause de la manière qu’il avait de crier sur les gens et de leur donner des coups de pied. Selon AS, Alieu Kosiah Ă©tait une personne si terrible que les civils ne s’en approchaient pas. 

InterrogĂ© sur son arrestation lors de l’arrivĂ©e des ULIMO Ă  Kolahun, AS a expliquĂ© avoir Ă©tĂ© attrapĂ© avec quatre ou cinq autres jeunes par des soldats qui les accusaient d’avoir Ă©tĂ© envoyĂ©s en reconnaissance par les NPFL. AS a ajoutĂ© avoir subi la pratique du « ULIMO taxi Â» qui consiste Ă  se faire attacher les jambes en position assise et se faire traĂ®ner sur le sol. AS a indiquĂ© qu’ils avaient ensuite Ă©tĂ© tabĂ©s sur la route principale qui mène Ă  Kolahun et allongĂ© sur le dos en plein soleil. Sur question, AS a prĂ©cisĂ© que Mami Wata – qu’il a dĂ©crit comme petit et trapu – l’avait libĂ©rĂ© alors que les autres avaient Ă©tĂ© conduits au quartier-gĂ©nĂ©ral. InterrogĂ© sur le sort des autres personnes, il a indiquĂ© qu’il ne les avait plus jamais revues et qu’il ignorait ce qui leur Ă©tait arrivĂ©. Il a ajoutĂ© qu’il Ă©tait uniquement prĂ©occupĂ© par sa propre sĂ©curitĂ© et qu’il craignait pour sa vie dès que quelqu’un s’approchait de lui car Kolahun Ă©tait devenu un endroit effrayant. A la question de savoir si le nom d’Alieu Kosiah avait Ă©tĂ© mentionnĂ© lors de cet Ă©vĂ©nement, AS a indiquĂ© avoir entendu le nom « H&H Â», Ă  savoir « headquarter and headquarter commander Â». Selon AS, lors de la prise de Kolahun, CO Kobra Ă©tait ground commander et CO Kosiah a Ă©tĂ© appelĂ© par la suite en tant que H&H. Il a ajoutĂ© qu’il n’avait pas vu Alieu Kosiah Ă  Kolahun mais seulement entendu son nom. 

Le PrĂ©sident a demandĂ© Ă  AS pourquoi il avait dĂ©clarĂ© devant le MPC que son souvenir le plus terrible Ă©tait le travail forcĂ© des enfants. AS a rĂ©pondu qu’à l’époque, il Ă©tait lui-mĂŞme un enfant et que la chose la plus terrible dont il pouvait se souvenir Ă©tait le travail forcĂ© des enfants. 

Le PrĂ©sident lui a ensuite rappelĂ© ses dĂ©clarations devant le MPC selon lesquelles il avait vu Alieu Kosiah recevoir de l’argent Ă  Foya et lui a demandĂ© comment il avait reconnu le prĂ©venu. AS a dĂ©clarĂ© qu’il se souvenait de son visage et que tout le monde rĂ©pĂ©tait son nom en permanence. Il a ajoutĂ© qu’il avait vu Alieu Kosiah recevoir de l’argent. InterrogĂ© sur l’identitĂ© de la personne ayant remis de l’argent au prĂ©venu, AS a indiquĂ© qu’il ne se souvenait pas de quel soldat il s’agissait. Il a ajoutĂ© qu’il s’était rendu Ă  Foya car Mami Wata lui avait dit d’y aller, mais qu’il Ă©tait reparti après avoir vu des brouettes remplies de morceaux de cadavres humains. 

Me Gianoli questionne AS :

Sur question, AS a confirmĂ© que des soldats vivaient Ă  Pasolahun pendant la guerre et a prĂ©cisĂ© qu’ils faisaient des rotations et changeaient environ tous les quatre mois de poste. Selon AS, le soldat en charge Ă©tait le ground commander. InvitĂ© Ă  donner les noms des soldats stationnĂ©s Ă  Pasolahun, AS a dĂ©clarĂ© qu’il se ne souvenait pas de tous les noms et a citĂ© Jungle Rock, Mandingo Devil et Gbandi Boy. 

Sur question, AS a dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© tabĂ© une seule fois Ă  Kolahun. InterrogĂ© sur l’identitĂ© du commandant le plus haut gradĂ© Ă  Foya, AS a indiquĂ© qu’il n’était pas soldat et n’était pas en mesure de reconnaĂ®tre les grades. Sur question, AS a prĂ©cisĂ© ĂŞtre restĂ© peu de temps Ă  Foya, peut-ĂŞtre quelques jours, voire mĂŞme un mois. A la question de savoir s’il avait vu Alieu Kosiah tous les jours lorsqu’il Ă©tait Ă  Foya, AS a rĂ©pondu l’avoir vu une fois. 

InterrogĂ© sur War Boss, AS a dĂ©clarĂ© avoir entendu ce nom, mais ne pas se souvenir d’avoir vu cette personne. QuestionnĂ© sur les cheveux de Mami Wata, AS a rĂ©pĂ©tĂ© que les faits s’étaient dĂ©roulĂ©s il y a plus de trente ans et qu’il ne se souvenait pas si Mami Wata avait les cheveux longs ou courts. AS a indiquĂ© sans certitude que selon lui Mami Wata avait une coupe « dada Â», comme des petits dreadlocks. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir ordonnĂ© le pillage de la gĂ©nĂ©ratrice de Pasolahun entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995

La Cour questionne AS :

InvitĂ© Ă  indiquer qui du townchief ou de Scarface Kabbah lui avait dit que Alieu Kosiah avait donnĂ© l’ordre de dĂ©manteler le gĂ©nĂ©rateur, AS a dĂ©clarĂ© avoir entendu Scarface Kabbah dire que son chef l’avait envoyĂ© prendre la machine pour l’envoyer Ă  Kolahun. Selon AS, Scarface Kabbah a Ă©galement dĂ©clarĂ© que CO Kosiah les attendait Ă  Kolahun. A la question de savoir s’il savait qui Ă©tait Alieu Kosiah lorsqu’il a entendu les propos de Scarface Kabbah, AS a rĂ©pondu par l’affirmative et a prĂ©cisĂ© qu’il avait vu le prĂ©venu Ă  Foya avant d’aller Ă  Pasolahun. 

InvitĂ© Ă  confirmer qu’il n’avait pas assistĂ© au dĂ©mantèlement, AS a indiquĂ© qu’ils avaient Ă©tĂ© regroupĂ©s Ă  une certaine distance de laquelle ils pouvaient voir les personnes amenĂ©es par les ULIMO travailler. 

InterrogĂ© sur la prĂ©sence d’électricitĂ© Ă  Pasolahun et l’usage qui en Ă©tait fait, AS a indiquĂ© que la gĂ©nĂ©ratrice avait Ă©tĂ© apportĂ©e par Stephen Kemba [phon.], l’ancien commissaire de Pasolahun et que des poteaux en bois avaient Ă©tĂ© installĂ©s pour essayer de connecter le village lorsque la guerre a Ă©clatĂ©. AS a prĂ©cisĂ© que l’électricitĂ© Ă©tait utilisĂ©e pour l’éclairage et pour la musique. 

Sur question, AS a confirmĂ© qu’il y avait une entreprise d’extraction de jus de canne Ă  Pasolahun Ă  l’époque. Selon AS, l’extracteur de jus se trouvait au sein d’une plantation appartenant Ă  un vieil homme nommĂ© Mabu [phon.] et Ă©tait utilisĂ© uniquement pour broyer des cannes Ă  sucre, non pas pour produire de l’électricitĂ©. A la question de savoir si cette machine disposait d’un moteur Ă©lectrique, AS a rĂ©pondu qu’il ne s’y connaissait pas en mĂ©canique et a rĂ©pĂ©tĂ© qu’à sa connaissance, cette machin n’était pas destinĂ©e Ă  approvisionner le village mais uniquement Ă  broyer la canne Ă  sucre.  

Me Gianoli questionne AS :

Sur question, AS a indiquĂ© que le dĂ©montage de la gĂ©nĂ©ratrice Ă©tait intervenu après qu’il eut Ă©tĂ© arrĂŞtĂ© Ă  Kolahun. InvitĂ© Ă  dĂ©crire la gĂ©nĂ©ratrice, AS a indiquĂ© qu’elle Ă©tait très grande et aurait pu approvisionner deux villages. InterrogĂ© sur la manière dont la gĂ©nĂ©ratrice avait Ă©tĂ© transportĂ©e, AS a indiquĂ© qu’ils Ă©taient venus en voiture par la route qu’a fait construire le commissioner Kemba de Kolahun Ă  Pasolahun. Sur question, AS a dĂ©clarĂ© qu’il ne se souvenait pas si la gĂ©nĂ©ratrice Ă©tait dĂ©montĂ©e lorsqu’elle a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  Pasolahun. 

InvitĂ© Ă  dĂ©crire les poteaux Ă©lectriques qu’il a Ă©voquĂ©s prĂ©cĂ©demment, AS a indiquĂ© qu’il y avait aussi ce genre de poteaux Ă  Monrovia. Selon lui, ce sont des poteaux en bois, très longs, qu’on plante dans le sol et sur lesquels on met une ampoule. Sur question, AS a dĂ©clarĂ© qu’il n’y avait plus de poteaux Ă  Pasolahun depuis la guerre car, depuis le pillage du gĂ©nĂ©rateur par les ULIMO, les habitants de Pasolahun ont utilisĂ© ces poteaux comme du bois Ă  brĂ»ler. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Wavre questionne AS :

InterrogĂ© sur le fonctionnement des machines pendant la guerre, AS a indiquĂ© qu’elles ne fonctionnaient pas tous les jours, car l’installation du rĂ©seau Ă©lectrique dans le village Ă©tait en cours. Il a expliquĂ© que la machine Ă©tait utilisĂ©e de manière ponctuelle lors des fĂŞtes. 

Me Werner questionne AS : 

Sur question, AS a rĂ©pĂ©tĂ© qu’il ignorait de quelle manière fonctionnait l’extracteur de jus de canne, en particulier s’il fallait de l’électricitĂ© pour la faire fonctionner. 

Me Gianoli questionne Ă  nouveau AS : 

Sur question, AS a indiquĂ© qu’à sa connaissance, la machine Ă©tait neuve lorsqu’elle a Ă©tĂ© amenĂ©e de Kolahun Ă  Pasolahun. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir ordonnĂ© le transport forcĂ© de la gĂ©nĂ©ratrice de Pasolahun, par des civils, de Pasolahun Ă  Kolahun, entre octobre et novembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995

La Cour questionne AS :

InvitĂ© Ă  confirmer ses dĂ©clarations selon lesquelles il n’avait pas vu Alieu Kosiah pendant le transport mais uniquement Ă  la rivière Kehair, AS les a confirmĂ©es. A la question de savoir s’il pouvait exclure qu’Alieu Kosiah Ă©tait prĂ©sent lors du transport, AS a rĂ©pondu qu’il ne l’avait pas vu pendant l’ensemble du transport et que Scarface Kabbah rĂ©pĂ©tait continuellement qu’Alieu Kosiah les attendait Ă  Kolahun. AS a expliquĂ© que des soldats Ă©taient rĂ©partis sur l’ensemble du convoi pour Ă©viter que quiconque s’échappe. Si les civils ne marchaient pas assez vite, les soldats coupaient un bâton dans la brousse et les fouettaient. Selon AS, les soldats rĂ©pĂ©taient aux civils qu’il fallait marcher vite car Kosiah les attendait Ă  Kolahun et que s’ils ne se dĂ©pĂŞchaient pas, ils mourraient. AS a ajoutĂ© que parfois, les soldats leur donnaient des coups de crosse de fusil et que par consĂ©quent, tout le monde s’efforçait de courir. 

Le PrĂ©sident a indiquĂ© Ă  AS qu’Alieu Kosiah avait dĂ©clarĂ© connaĂ®tre un militaire du nom de Scarface Kabbah et indiquĂ© qu’il s’agissait de quelqu’un de très important au sein des ULIMO qui Ă©tait assignĂ© Ă  Voinjama et qui Ă©tait supĂ©rieur Ă  lui. Le prĂ©venu a Ă©galement niĂ© avoir donnĂ© l’ordre de transporter la gĂ©nĂ©ratrice. Sur question, AS a confirmĂ© avoir assistĂ© Ă  l’interaction entre Scarface Kabbah et Alieu Kosiah Ă  Kolahun. InvitĂ© Ă  la dĂ©crire, AS a dĂ©clarĂ© avoir vu Scarface Kabbah se mettre au garde vous et saluer Alieu Kosiah. AS a ajoutĂ© avoir entendu Alieu Kosiah lui rĂ©pondre : « Repos Â». 

Me Gianoli questionne AS :

Sur question, AS a indiquĂ© que trop de temps s’était Ă©coulĂ© pour qu’il se souvienne Ă  quel moment de la journĂ©e ils Ă©taient partis de Pasolahun. InterrogĂ© sur le temps nĂ©cessaire pour se rendre de Pasolahun Ă  Kolahun, AS a indiquĂ© qu’en temps de paix, les gens se rendaient de Pasolahun Ă  Kolahun en deux jours environ, surtout les femmes, alors qu’ils avaient rejoint Kolahun en une journĂ©e lors du transport en raison de la forte pression exercĂ©e par les ULIMO. 

Sur question, AS a dĂ©clarĂ© qu’il ne se souvenait pas Ă  quel moment Scarface Kabbah Ă©tait arrivĂ© Ă  Pasolahun ni s’il Ă©tait allĂ© voir le chef du village le jour du transport ni s’il avait dormi Ă  Pasolahun. AS a Ă©galement indiquĂ© qu’il ignorait d’oĂą venait Scarface Kabbah lorsqu’il est arrivĂ© Ă  Pasolahun. 

Sur question, AS a indiquĂ© que lors du transport, le groupe Ă©tait grand et qu’il n’était pas dans les premiers Ă  ĂŞtre arrivĂ©s au bord de la rivière Kehair. 

InterrogĂ© sur la position de Scarface Kabbah lors du transport, AS a indiquĂ© qu’il n’avait pas une position fixe, mais se dĂ©plaçait d’avant en arrière pour s’assurer que tout le monde reste en formation et rappeler aux civils que s’ils n’avançaient pas assez vite, les mouches apporteraient le message Ă  leurs parents. 

Sur question, AS a dĂ©clarĂ© qu’il ne se souvenait pas oĂą se trouvait Scarface Kabbah lorsqu’il est arrivĂ© Ă  la rivière Kehair. 

InvitĂ© Ă  donner une description de Scarface Kabbah, AS a indiquĂ© qu’il ne l’avait pas beaucoup vu et qu’il ne voulait pas dire n’importe quoi. AS a simplement indiquĂ© qu’il portait une tenue de camouflage et une casquette militaire et a dĂ©clarĂ© qu’il ne pourrait pas le reconnaĂ®tre. QuestionnĂ© sur le nombre de fois oĂą il avait vu Scarface Kabbah, AS a indiquĂ© que la seule fois qu’il avait interagi avec Scarface Kabbah, c’était lors du transport du gĂ©nĂ©rateur. Il a ajoutĂ© qu’on entendait son nom un peu partout dans la rĂ©gion. A la question de savoir s’il se souvenait avoir vu Scarface Kabbah Ă  une autre occasion, AS a dĂ©clarĂ© que cela Ă©tait possible mais qu’il ne s’en souvenait pas prĂ©sentement. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir tuĂ© le civil MuK aux abords de la rivière Kehair

La Cour questionne AS :

InvitĂ© Ă  partager sa première impression quant Ă  la position qu’occupait Alieu Kosiah au sein des ULIMO, AS a expliquĂ© avoir tout de suite pensĂ© que le prĂ©venu Ă©tait un gradĂ© de haut rang parce qu’il l’avait vu Ă  Foya et que les gens le dĂ©signaient sous le nom de H&H. AS a ajoutĂ© que lorsqu’ils sont arrivĂ©s Ă  la rivière Kehair, les soldats le saluaient. Il en a donc dĂ©duit qu’Alieu Kosiah Ă©tait un commandant. 

InvitĂ© Ă  indiquer en quoi il avait constatĂ© qu’Alieu Kosiah Ă©tait en colère lorsqu’il voulait que le gĂ©nĂ©rateur arrive Ă  Kolahun pour ĂŞtre transportĂ© en GuinĂ©e, AS a expliquĂ© que le prĂ©venu Ă©tait un homme terrible qui voulait que les choses se dĂ©roulent selon sa volontĂ©. Si quelqu’un lui faisait perdre son temps, il lui donnait un coup de pied ou le battait et si cela se reproduisait, il lui tirait dessus. Selon AS, Alieu Kosiah Ă©tait Ă©motionnel et rĂ©agissait très fort. 

Le PrĂ©sident a demandĂ© Ă  AS si le prĂ©venu Ă©tait muni d’une arme lorsqu’il a dit Ă  MuK : « Si tu ne veux pas continuer, tu vas rester ici Â». AS a rĂ©pondu avec Ă©motion qu’il ne se souvenait pas si Alieu Kosiah portait une arme, mais selon AS, le prĂ©venu a demandĂ© Ă  un enfant soldat de lui en donner une. InterrogĂ© sur la chronologie des Ă©vĂ©nements, AS a expliquĂ© que quand MuK a dit Ă  Alieu Kosiah qu’il Ă©tait trop fatiguĂ© pour continuer, le prĂ©venu a demandĂ© Ă  un enfant soldat de lui donner une arme et a dit Ă  MuK : « Tu vas rester ici Â». AS a dĂ©clarĂ© que la scène Ă©tait confuse et difficile Ă  vivre. 

A la question de savoir si MuK avait eu l’opportunitĂ© de rĂ©pondre Ă  la menace du prĂ©venu, AS a rĂ©pondu qu’il ne l’avait pas entendu dire quoi que ce soit car il Ă©tait trop Ă©puisĂ© après avoir marchĂ© toute la journĂ©e sans manger ni boire. 

Sur question, AS a confirmĂ© avoir entendu deux coups de feu. Il a ajoutĂ© que le groupe Ă©tait grand de sorte qu’il n’avait pas bien vu tout ce qui se passait. A la question de savoir s’il avait vu Alieu Kosiah muni d’un pistolet, AS a rĂ©pondu qu’il ne s’en souvenait pas. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations du prĂ©venu, selon lesquelles le seul MuK de Pasolahun Ă©tait encore vivant et qu’il Ă©tait impossible que deux MuK avec un frère du nom de MoK aient vĂ©cu dans le mĂŞme village au mĂŞme moment, AS a dĂ©clarĂ© que les tĂ©moins qui prĂ©tendent ĂŞtre MuK et MoK ont dressĂ© une liste des membres de leur famille Ă  leur retour Ă  Pasolahun. Selon AS, MuK et MoK prĂ©tendent que sa mère est leur sĹ“ur. AS a dĂ©clarĂ© que si le nom de sa mère figurait sur cette liste, alors MoK et MuK mentaient. 

Me Gianoli questionne AS :

A la question de savoir si le nom de sa mère figurait sur ladite liste, AS a rĂ©pondu par la nĂ©gative et a dĂ©clarĂ© que MuK et MoK avaient dit que sa mère Ă©tait la sĹ“ur alors que tel n’était pas le cas. 

InvitĂ© Ă  donner une description du checkpoint de la rivière Kehair, AS a indiquĂ© qu’il fallait traverser la rivière Kehair pour aller de Pasolahun Ă  Kolahun et que les ULIMO avaient attachĂ© une corde de l’autre cĂ´tĂ© de la route. Il a expliquĂ© qu’ils avaient laissĂ© une ouverture sur le cĂ´tĂ© de sorte Ă  obliger les gens Ă  passer devant les soldats. A la question de savoir si les soldats se trouvaient Ă  gauche ou Ă  droite de la route, AS n’a pas Ă©tĂ© en mesure de donner une rĂ©ponse. Il a expliquĂ© que ce jour-lĂ , ils Ă©taient un grand groupe et qu’à leur arrivĂ©e, les soldats ont dĂ©tachĂ© la corde pour les laisser passer avec la machine. 

Sur question, AS a indiqué qu’il y avait un vieux bâtiment au niveau du checkpoint, qui se situait sur la droite en direction de Kolahun, et des maisons aux alentours qui n’étaient plus habitées car les gens avaient fui à cause de la guerre.

InterrogĂ© sur la position d’Alieu Kosiah lorsqu’il est arrivĂ© au checkpoint, AS a indiquĂ© que le prĂ©venu se trouvait sur la route du cĂ´tĂ© de Kolahun. A la question de savoir si MuK Ă©tait dĂ©jĂ  lĂ  lorsqu’il est arrivĂ© au checkpoint, AS a prĂ©cisĂ© que MuK faisait partie du groupe. Sur question, AS a indiquĂ© qu’il pensait que MuK et lui faisaient quasiment partie du mĂŞme groupe et a prĂ©cisĂ© que les gens avançaient en ligne. 

QuestionnĂ© sur l’endroit oĂą se trouvait MuK lorsqu’il a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©, AS a indiquĂ© qu’il Ă©tait dans l’herbe Ă  cĂ´tĂ© de la route, du cĂ´tĂ© droit. InterrogĂ© sur la position des civils et des soldats par rapport Ă  MuK, AS a indiquĂ© que les soldats Ă©taient autour de MuK alors que les civils Ă©taient un peu plus loin car ils avaient reçu l’ordre de se prĂ©parer Ă  repartir. Selon AS, l’attention des soldats Ă©tait portĂ©e sur MuK car il se disait fatiguĂ©. AS a dĂ©clarĂ© que si Chief Kosiah Ă©tait lĂ , les civils devaient garder leurs distances. 

Me Gianoli a demandĂ© Ă  AS oĂą se trouvaient les civils par rapport Ă  Alieu Kosiah et MuK au moment du meurtre. AS a rĂ©pondu que les civils Ă©taient un peu plus en avant en direction de Kolahun car MuK Ă©tait fatiguĂ© et ne pouvait plus avancer. 

InterrogĂ© Ă  plusieurs reprises sur l’emplacement des civils et des soldats, AS a rĂ©pĂ©tĂ© que pendant le transport, il y avait des soldats Ă  l’avant, Ă  l’arrière et au milieu du convoi alors qu’une fois la destination atteinte, les civils n’étaient pas dans le groupe des soldats. 

RĂ©interrogĂ© sur l’endroit oĂą il se trouvait lors de l’exĂ©cution de MuK, AS a expliquĂ© qu’il Ă©tait du cĂ´tĂ© de Kolahun alors qu’Alieu Kosiah Ă©tait derrière avec MuK. Sur question, AS a confirmĂ© que la rivière et Alieu Kosiah Ă©taient derrière lui et a rĂ©pĂ©tĂ© que le prĂ©venu Ă©tait sur la route. 

Me Gianoli a dessinĂ© un croquis de la scène, qu’AS a complĂ©tĂ©. AS a expliquĂ© que lorsqu’ils allaient au marchĂ©, ils devaient dĂ©poser leurs marchandises au checkpoint et les soldats prĂ©levaient quatre ou cinq coupes, voire la totalitĂ©. Sur question, AS a indiquĂ© que MuK se trouvait avant le checkpoint lorsqu’il a Ă©tĂ© tuĂ©. AS a rĂ©pĂ©tĂ© avoir entendu des coups de feu, mais ne pas avoir vu Alieu Kosiah tirer sur MuK car il y avait des soldats autour d’eux. 

InterrogĂ© sur le type d’arme avec laquelle MuK a Ă©tĂ© tuĂ©, AS a indiquĂ© qu’il ne se souvenait pas s’il s’agissait d’un AK47 ou d’un pistolet. AS a ajoutĂ© qu’après avoir entendu les coups de feu, il y avait une grande confusion et ils se sont dĂ©pĂŞchĂ©s d’avancer vers Kolahun car ils pensaient ĂŞtre les prochains Ă  y passer. 

Me Gianoli a demandĂ© Ă  AS comment il savait que c’était Alieu Kosiah qui avait tirĂ© sur MuK. AS a rĂ©pondu avoir entendu le prĂ©venu dire Ă  MuK que s’il ne pouvait pas porter sa charge jusqu’à Kolahun, alors les mouches porteraient le message. Il a ensuite entendu MuK dire qu’il n’en pouvait plus et le prĂ©venu demander une arme Ă  un enfant soldat. Il en a donc conclu qu’Alieu Kosiah avait abattu MuK. Sur question, AS a confirmĂ© qu’il s’agissait bien d’une dĂ©duction et a ajoutĂ© qu’après les coups de feu, Alieu Kosiah avait chantĂ© une chanson en Mandingo. 

AS a fredonnĂ© la chanson dans la salle d’audience. Selon lui, le sens de cette chanson intitulĂ©e Dolimossu [phon.]est le suivant : en 1990, les NPFL sont arrivĂ©s et les ULIMO se sont enfuis, puis ils sont revenus comme des lions et personne ne pouvait les empĂŞcher de faire ce qu’ils voulaient. 

Questionné sur l’endroit où se trouvait le corps de MuK, AS a indiqué qu’il était sur la route. A la question de savoir s’il avait vu un impact de balle sur le cadavre, AS a déclaré que c’était trop terrible pour qu’il s’arrête et examine le corps. Selon AS, tout le monde ne pensait qu’à quitter Kolahun et à rentrer chez soi.

Sur question, AS a indiquĂ© avoir marchĂ© encore 20 Ă  30 minutes depuis le checkpoint jusqu’au centre de Kolahun. Me Gianoli lui a demandĂ© Ă  quel moment il Ă©tait reparti Ă  Pasolahun. AS a rĂ©pondu qu’il ne se souvenait pas si c’était le mĂŞme jour ou le lendemain. Il a confirmĂ© avoir vu le corps de MuK sur la route près de la rivière en retournant Ă  Pasolahun et a rĂ©pĂ©tĂ© qu’il avait eu trop peur de s’arrĂŞter et d’examiner le corps. 

A la question de savoir s’il y avait des soldats ULIMO Ă  proximitĂ© du corps de MuK Ă  ce moment-lĂ , AS a rĂ©pondu qu’il n’avait pas vu de soldats ULIMO en retournant Ă  Pasolahun. Me Gianoli lui a demandĂ© pourquoi il ne s’était pas arrĂŞtĂ© près du corps dans ce cas. AS a rĂ©pĂ©tĂ© qu’il ne pensait qu’à quitter Kolahun et a expliquĂ© qu’il ne voulait pas ĂŞtre Ă  nouveau rĂ©quisitionnĂ© par exemple pour aller Ă  Foya. 

InvitĂ© Ă  expliquer pourquoi il avait Ă©tĂ© beaucoup plus prĂ©cis lors de sa première audition Ă  Berne, AS a dĂ©clarĂ© que sa mĂ©moire n’était pas automatique et qu’il racontait ce dont il se souvenait au moment oĂą il s’exprimait. 

InterrogĂ© sur le nom du père de MuK, AS a dĂ©clarĂ© qu’il ne connaissait pas le père de MuK et qu’il avait entendu dire qu’il Ă©tait mort dans les annĂ©es 80 et qu’il s’appelait Momolu [phon.]. 

Sur question, AS a indiquĂ© que le nom complet de sa mère Ă©tait Wanga Kona. A la question de savoir si le nom Kona Ă©tait masculin ou fĂ©minin, AS a rĂ©pondu que c’était la mĂŞme chose pour les hommes et les femmes. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Sur question, le prĂ©venu a confirmĂ© avoir reconnu la chanson chantĂ©e par AS. Il a dĂ©clarĂ© que certains soldats la chantaient, mais pas lui, et qu’il n’y avait pas d’ULIMO qui se sont enfuis en 1990 contrairement aux explications donnĂ©es par AS. Alieu Kosiah a ajoutĂ© que cette chanson s’adressait au NPFL qui tuait des Mandingos partout en 1990. Selon le prĂ©venu, les paroles sont les suivantes : Â« Vous nous avez tuĂ© en 1990, maintenant nous sommes armĂ©s et nous pouvons nous dĂ©fendre Â». 

Le PrĂ©sident a demandĂ© au prĂ©venu si se battre d’homme Ă  homme Ă©quivalait Ă  tuer un civil sans dĂ©fense. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© qu’au sein des ULIMO, quiconque tuait une personne sans dĂ©fense devait ĂŞtre tenu responsable de ses actes. Il a ajoutĂ© qu’il ne soutenait pas ce genre de comportement. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations d’AS, Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© que si MuK et MoK Ă©taient les oncles de AS, alors sa mère devrait porter le mĂŞme nom de famille. Or, selon le prĂ©venu, AS refuse de donner le nom de famille de sa mère et son grand-père et a dĂ©jĂ  menti plusieurs fois Ă  la Cour. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© qu’AS avait indiquĂ© en première instance que le nom de famille de MoK et MuK Ă©tait K et non Kamara. Selon le prĂ©venu, les oncles d’AS sont vivants. Ils sont venus tĂ©moigner ici et ont reconnu leur neveu. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© que c’était pour ces raisons qu’il s’était adressĂ© au Procureur en demandant : « Monsieur l’homme blanc, que cherches-tu Ă  obtenir ? Â». 

Le prévenu a ajouté qu’AS mentait lorsqu’il prétendait que MoK et MuK venaient de Bolahun. En effet, AS a déclaré devant le procureur qu’il était proche de ses deux oncles et qu’ils vivaient tous à proximité de sa mère, soit à Pasolahun selon le prévenu. Par ailleurs, MuK a dit plusieurs fois que le nom de famille de la mère d’AS était K. Le prévenu a également indiqué que le grand-père d’AS avait probablement eu quatre épouses et que AS savait pertinemment que les témoins Muk et MoK étaient les frères de sa mère. Alieu Kosiah a déclaré que seul dossier pouvait dire la vérité.

Selon le prĂ©venu, il est Ă©vident que l’information selon laquelle AS avait reniĂ© son propre oncle allait circuler dans un village aussi petit que Pasolahun. Alieu Kosiah a expliquĂ© que les parties plaignantes n’ont pas souhaitĂ© que la mère d’AS vienne tĂ©moigner car elles ne voulaient pas que la vĂ©ritĂ© Ă©clate. Le prĂ©venu s’est demandĂ© pourquoi le Procureur n’avait pas autorisĂ© la mère de AS/TS Ă  tĂ©moigner s’il cherchait la vĂ©ritĂ©. 

Alieu Kosiah a ensuite souhaitĂ© s’exprimer au sujet de l’extracteur de jus de cannes Ă  sucre. Il a expliquĂ© que la plupart de ces machines Ă©taient fabriquĂ©es au Japon et Ă©taient pourvues d’une grande courroie sur le cĂ´tĂ©. 

A la question de savoir s’il avait vu la machine en question, Alieu Kosiah a rĂ©pondu : Â« Il est difficile de voir quelque chose qui se trouve dans un endroit oĂą vous ne vous ĂŞtes jamais rendu Â». Le prĂ©venu a ensuite l’audition d’un autre tĂ©moin qui a racontĂ© la mĂŞme histoire que AS concernant Stephen Kemba et son extracteur de jus, mais qui le situait dans une zone diffĂ©rente de Pasolahun. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© : « En lisant l’audition dans son ensemble, on voit bien que c’est la mĂŞme histoire, mais la guerre c’est cela, diffĂ©rentes versions de la mĂŞme histoire Â». 

Le prĂ©venu a abordĂ© le sujet de l’électricitĂ© Ă  Pasolahun et a dĂ©clarĂ© qu’il ne lui appartenait pas de trancher s’il y en avait ou non. Selon lui, plusieurs tĂ©moins ont indiquĂ© qu’il n’y avait ni Ă©clairage public ni Ă©lectricitĂ© Ă  Pasolahun. 

Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© que AS tentait progressivement de discrĂ©diter AK en prĂ©tendant que James M. Kamara l’avait contactĂ© pour remettre de l’argent Ă  AK. Selon le prĂ©venu, cela ne fait aucun sens puisque James M. Kamara est l’oncle d’AK. Dès lors, pourquoi passerait-il par AS pour donner de l’argent Ă  son propre neveu ? Alieu Kosiah a indiquĂ© que AK n’était pas passĂ© par l’ONG et n’allait pas donner les mĂŞmes informations que les parties plaignantes, de sorte que ces dernières n’ont pas d’autre moyen que de tenter de le discrĂ©diter. 

Le prĂ©venu a ensuite dĂ©clarĂ© que lorsqu’il Ă©tait retournĂ© au LibĂ©ria en 2012 ou 2014, les soldats gagnaient 100 dollars par mois et un sac de riz, alors que les policiers touchaient 150 dollars par mois. Alieu Kosiah a ensuite Ă©voquĂ© War Boss, que AS connaĂ®t beaucoup mieux que ce qu’il prĂ©tend selon le prĂ©venu. 

Alieu Kosiah a enfin insistĂ© sur le fait que MoK et MuK Ă©taient vivants et qu’il ne les avait pas tuĂ©s. Il a remis en doute la crĂ©dibilitĂ© du tĂ©moignage d’AS, qui avait d’abord dĂ©clarĂ© avoir vu le prĂ©venu tuer MuK avec une AK47 avant de changer de version. Selon le prĂ©venu, une autre personne a prĂ©tendu qu’il avait tuĂ© MuK avec un pistolet et AS a changĂ© de version. Selon une troisième version, MuK aurait Ă©tĂ© tuĂ© par asphyxie. Il n’est dès lors pas surprenant que MuK soit en vie d’après Alieu Kosiah. 

Me Gianoli et le MPC n’ont pas eu de questions. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah : 

A la question de savoir si les paroles chantĂ©es par AS correspondaient Ă  la chanson telle qu’il la connaissait, Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© que la chanson Ă©tait en Mandingo et qu’il n’avait compris que deux mots chantĂ©s par AS : 1990 et Dolomossu [phon.]. Le prĂ©venu a indiquĂ© que Dolomossu signifiait « ma sĹ“ur Mossu Â» en Mandingo. Me Jakob a demandĂ© Ă  Alieu Kosiah si la mĂ©lodie fredonnĂ©e par AS Ă©tait correcte. Le prĂ©venu a rĂ©pĂ©tĂ© qu’il n’avait compris que deux mots et indiquĂ© qu’il avait reconnu la chanson car AS en a donnĂ© le titre. 

Audition de AS (suite et fin)

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations du prĂ©venu, AS a dĂ©clarĂ© que cela Ă©tait la situation Ă  laquelle les LibĂ©riens faisaient face. Autrement dit, tous ceux qui ont combattu pendant la guerre nient avoir commis des crimes. AS a prĂ©cisĂ© qu’il ne connaissait qu’une seule personne qui a admis avoir commis des actes rĂ©prĂ©hensibles et qui accepte d’être punie : un soldat ULIMO appelĂ© Butt Naked. 

AS a dĂ©clarĂ© que les dĂ©nĂ©gations d’Alieu Kosiah n’étaient pas surprenantes et que son explication consistait systĂ©matiquement Ă  dire qu’il n’était pas lĂ . AS a dĂ©clarĂ© : « Qu’il nous explique alors qui les balles qu’il a tirĂ©es pendant la guerre tuaient-elles Â». Selon AS, Alieu Kosiah n’admettra jamais qu’il a fait quelque chose de mal, alors qu’en rĂ©alitĂ©, il a fait souffrir des gens et fait du mal. AS a ajoutĂ© qu’Alieu Kosiah Ă©tait un homme terrible qui a causĂ© du tort aux gens du Lofa. Il a dĂ©clarĂ© qu’il ne pourrait pas rester assis dans la mĂŞme pièce que lui si ce n’est dans une salle d’audience. Selon AS, le prĂ©venu doit ĂŞtre jugĂ© pour les crimes qu’il a commis. 

AS a ensuite Ă©voquĂ© le tĂ©moignage de Kundi, qui a dĂ©clarĂ© que la seule capture Ă  laquelle Alieu Kosiah n’avait pas participĂ© Ă©tait celle de Zorzor. Contrairement Ă  ses dĂ©nĂ©gations, le prĂ©venu avait donc participĂ© aux captures de Voinjama, Foya et Kolahun. Selon AS, Kundi a Ă©galement dit qu’Alieu Kosiah ne se souvenait peut-ĂŞtre pas des dates, mais il Ă©tait lĂ . 

La Cour questionne AS :

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer quant au fait qu’il ne connaissait pas le nom de son grand-père Ă  la grande surprise du prĂ©venu, AS a dĂ©clarĂ© avoir uniquement dit le prĂ©nom de son grand-père car il ne l’avait jamais rencontrĂ©. 

InterrogĂ© sur le nom de sa mère, qui est diffĂ©rent de celui de ses oncles, AS a expliquĂ© qu’en Afrique, une personne peut parfois prendre le nom de sa mère et non de son père. Il a prĂ©cisĂ© avoir une sĹ“ur du nom de K alors qu’ils ont la mĂŞme mère. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir ordonnĂ© et dirigĂ© un transport forcĂ© de munitions, par des civils, de Gondolahun Ă  Fassama entre novembre et dĂ©cembre 1993, respectivement entre mars 1994 et fin 1995 

La Cour questionne AS : 

InvitĂ© Ă  prĂ©ciser de quelle manière il avait rĂ©quisitionnĂ© pour le transport de munitions, AS a expliquĂ© qu’un message Ă©tait envoyĂ© dans les douze villages du clan MbĂ© pour que des hommes soient envoyĂ©s Ă  Gondolahun. Selon AS, les munitions Ă©taient transportĂ©es chez le chef traditionnel du clan, Mamadou Kobra, qui portait une tenue de protection empĂŞchant les balles de l’atteindre. AS a prĂ©cisĂ© que les munitions Ă©taient transportĂ©es de Kolahun Ă  Gondolahun, puis jusqu’à Fassama. 

Le PrĂ©sident a rappelĂ© Ă  AS ses dĂ©clarations de première instance selon lesquelles il savait qu’Alieu Kosiah Ă©tait responsable de ce transport et l’avait vu donner des ordres aux soldats. QuestionnĂ© Ă  cet Ă©gard, AS a dĂ©clarĂ© avoir entendu Alieu Kosiah donner l’ordre de mettre les civils en prison pour Ă©viter qu’ils s’échappent. 

Sur question, AS a confirmĂ© avoir vu MoK participer Ă  ce transport et a prĂ©cisĂ© qu’ils Ă©taient nombreux Ă  Gondolahun. AS a Ă©galement confirmĂ© que MoK Ă©tait prĂ©sent lors de la nuit passĂ©e Ă  Gondolahun. Le PrĂ©sident a rappelĂ© Ă  AS ses dĂ©clarations selon lesquelles MoK ne devait pas participer au transport Ă  cause de son âge et lui a demandĂ© qui pouvait dĂ©cider de ne pas respecter cette règle. AS a rĂ©pondu que les soldats ULIMO dĂ©cidaient et personne ne pouvait remettre en question leurs dĂ©cisions. 

Sur question, AS a indiquĂ© qu’il ne se souvenait pas avoir expliquĂ© Ă  MoK ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă  MuK. 

InterrogĂ© sur les ordres donnĂ©s par Alieu Kosiah le matin du dĂ©part, AS a dĂ©clarĂ© qu’il s’agissait des ordres habituels : « Till go. Any bush shake, you dead Â». A la question de savoir d’oĂą il tenait l’information selon laquelle chez les ULIMO, les « Topgrass Â» Ă©taient en principe Ă  l’arrière, AS a rĂ©pondu qu’il ne connaissait pas vraiment leur jargon mais que selon sa comprĂ©hension, les « Topgrass Â» Ă©taient les hauts gradĂ©s. Il a ajoutĂ© avoir vu des soldats Ă  l’avant, Ă  l’arrière et au milieu du convoi, alors que les « Topgrass Â» fermaient la marche. 

Le PrĂ©sident a rappelĂ© les dĂ©clarations du prĂ©venu, selon lesquelles le village de Gondolahun Ă©tait très Ă©loignĂ© de sorte qu’il Ă©tait impossible pour les soldats d’y accĂ©der, et a demandĂ© Ă  AS s’il Ă©tait sĂ»r d’avoir vu Alieu Kosiah Ă  Gondolahun. AS a rĂ©pondu que si Jungle Jabbah pouvait se rendre Ă  Gondolahun, alors Alieu Kosiah aussi. AS a ajoutĂ© qu’Alieu Kosiah Ă©tait lĂ .  

Sur question, AS a confirmĂ© que l’itinĂ©raire qu’il avait dĂ©crit Ă©tait correct, Ă  savoir de Gondolahun Ă  Yasselahun, puis Papahun et Konehun Ă  cĂ´tĂ© de la rivière Lofa. Il a prĂ©cisĂ© que le transport s’était achevĂ© Ă  Sassahun en ce qui le concernait. A la question de savoir qui avait rĂ©cupĂ©rĂ© les objets qu’il avait transportĂ©s, AS a rĂ©pondu qu’il l’ignorait car il s’était arrĂŞtĂ© Ă  Sassahun, puis avait pris la fuite. 

Me Gianoli questionne AS :

Me Gianoli a demandĂ© Ă  AS s’il Ă©tait possible de s’enfuir avant un tel transport, Ă©tant donnĂ© qu’il avait Ă©tĂ© emprisonnĂ© la veille du transport. AS a rĂ©pondu que s’il s’était enfui, il aurait pu mourir. Sur question, il a indiquĂ© s’être enfui une seule fois, après ĂŞtre arrivĂ© Ă  Sassahun et avoir dĂ©posĂ© ses charges. A la question de savoir si Sassahun Ă©tait la destination, AS a rĂ©pondu que les ULIMO Ă©voquaient Fassama. Il a ajoutĂ© qu’il ne souhaitait pas s’y rendre en raison des combats et qu’il avait rĂ©ussi Ă  s’enfuir pendant que les soldats Ă©taient occupĂ©s Ă  chercher Ă  manger. 

Me Gianoli a demandé à AS comment il savait qu’il y avait des combats à Fassama. AS a répondu l’avoir entendu de la bouche des soldats ULIMO. Sur question, AS a déclaré qu’il ne se souvenait pas si les soldats qui l’avaient accompagné durant ce transport étaient les mêmes que lors d’autres transports, car les soldats étaient très nombreux.

A la question de savoir s’il avait eu peur que des soldats le reconnaissent et le punissent pour avoir pris la fuite, AS a rĂ©pondu que compte tenu de la distance sĂ©parant Sassahun de Gondolahun, il pensait que les soldats ne viendraient pas le chercher. Me Gianoli a demandĂ© Ă  AS si les soldats l’avaient vu s’enfuir. AS a rĂ©pondu qu’il n’était plus lĂ  et que les soldats avaient peut-ĂŞtre remarquĂ© son absence. 

InterrogĂ© sur d’éventuelles autres tentatives de fuite, AS a dĂ©clarĂ© que prendre la fuite n’était pas quelque chose de normal et que s’il l’avait fait Ă  d’autres occasions, il ne serait pas ici pour en parler. 

Me Gianoli a rappelĂ© Ă  AS ses dĂ©clarations devant le MPC, selon lesquelles les soldats lui avaient tirĂ© dessus lorsqu’il a essayĂ© de prendre la fuite, sans qu’il n’ait Ă©tĂ© blessĂ©. AS a dĂ©clarĂ© avoir fait de telles dĂ©clarations en lien avec un Ă©vĂ©nement qui s’était dĂ©roulĂ© Ă  Pasolahun, Ă  l’exclusion d’un transport. InterrogĂ© sur l’évĂ©nement auquel il faisait allusion, AS a Ă©voquĂ© un Ă©pisode lors duquel il a tentĂ© de s’enfuir, mais a Ă©tĂ© attrapĂ© par les ULIMO. Selon AS, les ULIMO les ont mis, lui et d’autres jeunes, dans le grenier Ă  riz et ont allumĂ© un feu sur lequel ils ont versĂ© du piment. QuestionnĂ© sur les auteurs de ces actes, AS a indiquĂ© que le commandant Ă©tait Mandingo Devil et a dĂ©clarĂ© se souvenir Ă©galement de God Walking Devil Walking. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur ses dĂ©clarations prĂ©cĂ©dentes selon lesquelles une tentative de fuite Ă©tait synonyme de mort alors qu’il n’a pas Ă©tĂ© tuĂ© en l’occurrence, AS a dĂ©clarĂ© : Â« Si vous essayez de vous enfuir et que quelqu’un pointe son arme sur vous, vous vous arrĂŞtez Â». Sur question, il a confirmĂ© qu’en l’occurrence, le soldat avait pointĂ© son arme sur lui et qu’il s’était donc arrĂŞtĂ©. Il a prĂ©cisĂ© que le soldat n’avait pas tirĂ©, sinon il serait mort. 

Le MPC et les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Questions relatives aux actes reprochĂ©s au prĂ©venu : avoir tuĂ© le civil MoK aux abords de la rivière Lofa

La Cour questionne AS : 

Le PrĂ©sident a demandĂ© Ă  AS Ă  qui MoK s’était adressĂ© en disant qu’il ne sentait plus capable de continuer et qu’il voulait rentrer chez lui. AS a expliquĂ© que tout le monde avait posĂ© les munitions Ă  l’endroit oĂą il fallait traverser la rivière. Lorsque MoK a posĂ© sa caisse de munitions, il s’est assis et a dĂ©clarĂ© qu’il ne pouvait plus aller plus loin. Selon AS, Alieu Kosiah lui a dit qu’il n’y avait personne d’autre pour porter ces munitions et que s’il n’était pas capable de traverser, il resterait ici. AS a ajoutĂ© que le prĂ©venu a dit Ă  MoK : « Tu sauras que je viens du Nimba Â». 

InterrogĂ© sur la distance Ă  laquelle il se trouvait de MoK, et notamment s’il Ă©tait possible de lui faire passer un message ou de l’encourager, AS a dĂ©clarĂ© ne pas avoir pu le faire. 

Le PrĂ©sident a rappelĂ© Ă  AS ses dĂ©clarations Ă  teneur desquelles il avait vu Alieu Kosiah se saisir d’un AK47 et entendu deux coups de feu. QuestionnĂ© sur la manière dont Alieu Kosiah s’est saisi de cette arme, AS a dĂ©clarĂ© qu’il l’avait pris Ă  quelqu’un.

A la question de savoir s’il avait vu ce qui s’était passĂ© ensuite, AS a rĂ©pondu qu’il avait Ă©vitĂ© de se retrouver Ă  proximitĂ© des soldats et pensĂ© Ă  sa propre sĂ©curitĂ©. Le PrĂ©sident lui a demandĂ© pourquoi il avait regardĂ© Ă  la remise de l’arme mais pas la suite. AS a rĂ©pondu qu’Alieu Kosiah avait tirĂ© sur MoK, mais qu’il ne se souvenait pas d’avoir regardĂ© la scène. 

InvitĂ© Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations du prĂ©venu qui a indiquĂ© que, selon le chef du village James Kamara, il n’y avait qu’une seule famille K Ă  Pasolahun et aucune famille du nom de S, AS a rĂ©torquĂ© que James avait dĂ©clarĂ© lors des dĂ©bats de première instance qu’il n’était pas le townchief. Selon AS, James n’a jamais Ă©tĂ© le townchief et il n’y avait pas qu’une personne du nom de MoK. S’agissant de l’absence de famille S Ă  Pasolahun, AS a affirmĂ© qu’il s’appelait AS et venait de Pasolahun. 

Sur question, AS a rĂ©futĂ© fermement que la personne tuĂ©e puisse ĂŞtre une autre personne que MoK. 

Me Gianoli questionne AS :

Interrogé sur sa position au sein du convoi durant le transport, AS a indiqué qu’il ne s’en souvenait pas exactement puisque le groupe était grand. Il a ajouté qu’il y avait beaucoup de gens à ses côtés et que ADK était également dans le groupe. Questionné sur KK, AS a indiqué qu’il se trouvait lui aussi au sein du groupe. AS a déclaré qu’il ne se souvenait pas si KK et ADK étaient déjà là lorsqu’il est arrivé à la rivière.

A la question de savoir s’il avait parlĂ© de l’exĂ©cution de MoK avec KK, AS a rĂ©pondu qu’il ne s’en souvenait pas. Il a dĂ©clarĂ© qu’il ne se souvenait pas non plus si KK lui avait posĂ© des questions au sujet de la mort de MoK. 

Me Gianoli a ensuite demandé à AS depuis quand il portait ce nom. AS a répondu qu’il le portait depuis qu’il était petit. Sur question, il a précisé avoir commencé à le porter après la guerre. Questionné sur la personne qui lui avait donné ce nom, AS a déclaré avoir décidé d’utiliser le nom de son oncle, avec lequel il a vécu à Kolahun pendant la guerre. AS a expliqué que beaucoup de Libériens prenaient le nom de la personne avec laquelle ils ont vécu, par exemple si la personne les a envoyés à l’école.

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Wavre questionne AS : 

InvitĂ© Ă  adresser un dernier mot Ă  la Cour, AS a tenu Ă  remercier le PrĂ©sident et le gouvernement suisse, qui ont fait le nĂ©cessaire pour que justice soit rendue. AS a ajoutĂ© qu’obtenir justice Ă©tait sa principale prĂ©occupation. Il a dĂ©clarĂ© : « Si je meure demain, je serai heureux de voir que justice a Ă©tĂ© rendue face Ă  toutes les atrocitĂ©s commises au LibĂ©ria Â». AS a terminĂ© en remerciant Ă  nouveau la Cour d’avoir pris le temps d’écouter les deux parties afin d’établir la vĂ©ritĂ© et pris connaissance de l’ensemble de la documentation. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Le PrĂ©sident a invitĂ© le prĂ©venu Ă  se dĂ©terminer sur les dĂ©clarations d’AS. 

Alieu Kosiah a commencĂ© par dĂ©clarer qu’à sa connaissance, il n’y avait pas d’école Ă  Pasolahun, de sorte qu’elle ne pouvait pas avoir Ă©tĂ© dĂ©truite puisqu’elle n’a jamais existĂ©. Le prĂ©venu s’est appuyĂ© sur les dĂ©clarations de James M. Kamara qui aurait indiquĂ© qu’il y avait pas de bâtiment scolaire Ă  Pasolahun sous rĂ©serve d’une Ă©cole coranique, ainsi que sur les dĂ©clarations de KK qui aurait dit que les enfants allaient Ă  l’école Ă  Gondolahun avant la guerre. 

Le prĂ©venu a ensuite rĂ©futĂ© les propos de Kundi rapportĂ©s par AS, Ă  teneur desquels Alieu Kosiah Ă©tait un homme brutal. Selon lui, Kundi pensait qu’il Ă©tait quelqu’un de bien. Par ailleurs, Kundi pensait qu’il Ă©tait arrivĂ© après la capture de Zorzor et qu’il n’avait jamais combattu avec Scarface Kabbah. 

Concernant la partie plaignante, Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© qu’il s’appelait TS et non AS. Il s’est Ă©tonnĂ© que seules les personnes qui Ă©taient passĂ©es par l’ONG l’aient identifiĂ© comme AS, alors que les autres l’ont identifiĂ© comme TS. Selon lui, TS et KK ont une sĹ“ur en commun, mais TS s’est bien gardĂ© d’évoquer son lien de parentĂ© avec KK. Alieu Kosiah a rĂ©pĂ©tĂ© que le plus important Ă©tait d’établir la vĂ©ritĂ©, afin que les juges puissent se prononcer. 

Le prĂ©venu a dĂ©clarĂ© ĂŞtre sĂ»r et certain qu’il n’y avait pas de combats Ă  Fassama et que les combats les plus proches de Fassama se situaient Ă  au moins 150 km. 

Alieu Kosiah a ensuite affirmĂ© que AK essayait d’induire le tribunal en erreur puisqu’il a dĂ©cidĂ© de reconnaĂ®tre AS sous le nom d’A uniquement, alors qu’il Ă©tait le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’association de la jeunesse du Lofa et qu’il avait indiquĂ© connaĂ®tre tous les jeunes garçons venus du Lofa car il avait la liste de tous leurs noms. Selon le prĂ©venu, AS a reconnu que James le connaissait en tant que TS. 

Alieu Kosiah a indiquĂ© que c’était l’ONG qui avait donnĂ© les noms Ă  inscrire sur les passeports des parties plaignantes. Le prĂ©venu a dĂ©clarĂ© : « Si ce nom a Ă©tĂ© donnĂ© Ă  AS pour qu’on ne puisse pas Ă©tablir de lien avec MoK et MuK, alors il faut se demander quel est le rĂ´le que l’ONG a jouĂ© dans tout cela Â». 

S’agissant du document envoyĂ© par le paramount chief, Alieu Kosiah a indiquĂ© que les noms de MuK et MoK y figuraient et a ajoutĂ© que le document prĂ©cisait qu’ils Ă©taient vivants et venaient de Pasolahun. 

Selon le prĂ©venu, James a confirmĂ© que MoK et MuK avaient des frères et sĹ“urs et a donnĂ© les noms J et M pour les sĹ“urs qui Ă©taient du mĂŞme père et de la mĂŞme mère ainsi que le nom de W s’agissant de la sĹ“ur du cĂ´tĂ© du père. 

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Le PrĂ©sident a demandĂ© Ă  Alieu Kosiah si son affirmation selon laquelle il n’y avait pas de combats Ă  Fassama Ă©tait valable pour toute la guerre civile. Le prĂ©venu s’est dĂ©fendu d’avoir affirmĂ© cela et a dĂ©clarĂ© avoir dit qu’aucun soldat ni aucun historien diraient que les ULIMO-J et les ULIMO-K ont combattu Ă  Fassama. 

A la question de savoir si les ULIMO-K avaient combattu Ă  Fassama après 1994, Alieu Kosiah a rĂ©pondu par la nĂ©gative. Il a indiquĂ© que les journaux avaient rapportĂ© que les Loma Defense Force (LDF) avaient capturĂ© Fassama, alors que cela Ă©tait faux. Selon le prĂ©venu, les LDF ont brièvement capturĂ© Zorzor et ont battu en retraite Ă  Fassama. Il a ajoutĂ© qu’il n’y avait pas non plus eu de combats Ă  Fassama en 1995. Selon lui, il y a eu des combats Ă  Fassama en 1992 lorsque la ville a Ă©tĂ© reprise au NPFL. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© : « Comme l’a dit un historien, la première victime de la guerre, c’est la vĂ©ritĂ© Â». 

Le PrĂ©sident a demandĂ© au prĂ©venu si, compte tenu de sa position au sein des ULIMO, il aurait su si des combats avaient lieu Ă  Fassama. Alieu Kosiah a rĂ©pondu que les ULIMO contrĂ´laient la zone du Lofa Bridge jusqu’au Upper Lofa et qu’il aurait sans doute Ă©tĂ© informĂ© mĂŞme s’il n’était pas prĂ©sent. Il a ajoutĂ© que Papa et Fofana avaient tous les deux indiquĂ© qu’il n’y avait pas de combats Ă  Fassama. 

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah : 

InterrogĂ© sur Butt Naked, Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© qu’il ne connaissait pas l’existence de cette personne avant de venir ici. Il a indiquĂ© qu’il s’agissait d’un membre du LPC, non des ULIMO et s’est rĂ©fĂ©rĂ© Ă  une vidĂ©o sur laquelle on le voyait du cĂ´tĂ© adverse lors de la dernière guerre des ULIMO le 6 avril. Alieu Kosiah a dĂ©clarĂ© que l’on pouvait en dĂ©duire que Butt Naked Ă©tait un Krahn du LPC ou des ULIMO-J, avant d’affirmer qu’il Ă©tait du LPC. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Wavre interroge Alieu Kosiah : 

Me Wavre a demandĂ© au prĂ©venu si les prĂ©noms J, M et K Ă©taient masculins ou fĂ©minins. Alieu Kosiah a rĂ©pondu qu’il fallait poser la question Ă  des personnes de l’ethnie Gbandi. Il a ajoutĂ© que les Mandingues et les Gbandis partageaient la mĂŞme culture et que selon lui, ces prĂ©noms Ă©taient fĂ©minins. 

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