[01/23/2023] Day 6: War names explained

Questions procédurales

Le Président a constaté la non comparution du témoin AK. Il a ensuite déclaré que la Cour avait décidé d’admettre la modification de l’acte d’accusation. 

Les parties ont plaidé l’admission au dossier des courriels produits par Me Gianoli. Me Werner a déclaré être en train d’examiner l’opportunité d’un dépôt de plainte pénale contre les personnes mentionnées dans ces courriels et qu’il s’en remettait à justice concernant leur admission au dossier. 

Le Procureur s’est quant à lui étonné qu’Alan White utilise encore la référence au TSSL dans son adresse e-mail alors que cette instance n’existe plus depuis une dizaine d’années. Le Procureur a précisé qu’il y avait certes un mécanisme résiduel mais qu’à sa connaissance, Alan White n’en faisait pas partie. Il a ajouté avoir relevé plusieurs fautes de langue, ce qui était surprenant pour un Américain du niveau d’Alan White, ainsi qu’une faute récurrente dans la manière d’orthographier le nom de Gibril Massaquoi. Le Procureur a donc déclaré émettre des réserves sur ces e-mails dont le contenu concernent des ouï-dire. Il a ajouté qu’Alan White était soupçonné de subordination de témoin dans l’affaire finlandaise et qu’un certain nombre d’éléments laissaient penser qu’il avait d’autres intérêts aux États-Unis pouvant justifier ces interférences dans le cadre des procès où Civitas Maxima et le GJRP étaient impliqués. Le Procureur a conclu que le MPC s’en rapportait à justice concernant l’admission de ces e-mails au dossier et que, le cas échéant, il serait opportun de convoquer Alan White pour qu’il donne des explications. 

Les avocats des autres parties plaignantes s’en sont également rapportés à justice. Me Gianoli a déclaré qu’il n’avait aucune objection à ce que la Cour convoque Alan White. 

Après délibérations, la Cour a décidé d’admettre les pièces au dossier telles que présentées par Me Gianoli, en soulignant qu’elle était en état d’en apprécier la valeur probante. Le Président a ajouté que la Cour était disposée à entendre Alan White le 31 janvier 2023 et a demandé à Me Gianoli de bien vouloir transmettre cette invitation à comparaître à l’intéressé. 

* * *

Audition de EBJ

La personne entendue a déclaré être EBJ, né le 15 octobre 1977. Le Juge Ermotti a indiqué à EBJ qu’il était entendu en tant que personne appelée à donner des renseignements et l’a rendu attentif aux conséquences pénales d’une dénonciation calomnieuse, d’une induction de la justice en erreur et d’une entrave à l’action pénale. Le Juge Ermotti lui a rappelé les faits reprochés à Alieu Kosiah le concernant, à savoir avoir exécuté un civil à Voinjama, en décembre 1993 ou entre début 1994 et mai 1994, avoir ordonné un transport forcé de Voinjama à Gbarlyeloh par des civils, entre septembre 1993 et décembre 1993, respectivement entre début 1994 et mai 1994, avoir ordonné un transport forcé de Voinjama à Solomba par des civils, entre septembre 1993 et décembre 1993, respectivement entre début 1994 et mai 1994, avoir ordonné les meurtres de deux combattants ULIMO d’ethnie Krahn, dont le dénommé War Boy, à Voinjama, entre septembre 1993 et décembre 1993, respectivement entre début 1994 et mai 1994. 

Questions relatives à la situation personnelle

La Cour questionne EBJ :

Le Juge Ermotti a invité EBJ à indiquer quelles ont été les conséquences de la première guerre civile au Libéria pour lui. EBJ a déclaré que la guerre avait retardé son éducation, lui avait causé des problèmes au cou et avait entraîné la mort de son oncle lors du Black Monday. Sur question, EBJ a confirmé qu’il souffrait aujourd’hui encore des conséquences de la guerre civile puisqu’il a des problèmes au cou à cause des charges trop lourdes qu’il a été contrait de porter lors de deux transports forcés (de Voinjama à Gbarlyeloh et de Voinjama à Solomba). A la question de savoir si ces problèmes le handicapaient sur le plan professionnel, EBJ a répondu par l’affirmative et a précisé qu’il devait recevoir un traitement quand ces problèmes survenaient. 

Interrogé sur l’importance de la présente procédure pour lui, EBJ a déclaré : « Une chose importante dont j’ai besoin, c’est la justice pour tous ».

Questionné sur les éventuelles conséquences de son témoignage en Suisse pour lui et sa famille, EBJ répondu que sa déposition en 2021 avait eu des conséquences, notamment la perte de son salaire en raison de son absence au travail. EBJ a expliqué avoir dû lutter pour retrouver son travail. Il a ajouté avoir été contacté par son avocat en juillet 2021, afin d’être informé de la décision de la Cour, et avoir été attaqué par quatre inconnus dans son jardin à Zorzor. Selon EBJ, deux d’entre eux étaient munis d’un AK47. L’un a déclaré connaître EBJ et l’autre a dit : « Nous avons été envoyés pour le tuer. Alors tuons-le et allons-y ! ». EBJ a expliqué que les hommes l’ont mis à terre et se sont saisis d’une machette lorsqu’ils ont entendu le bruit d’une moto qui les a fait fuir. EBJ s’est entretenu avec le motard qui lui a confirmé avoir vu des personnes s’enfuir alors que EBJ lui était reconnaissant de lui avoir sauvé la vie avec l’aide de Dieu. EBJ a ajouté qu’après cet incident, il avait demandé une mutation à son chef. 

Sur question, EBJ a confirmé avoir pris connaissance du jugement du 18 juin 2021 et avoir compris qu’une somme lui avait été allouée à titre de tort moral. Interrogé sur le montant de l’indemnité qui lui a été allouée, EBJ a déclaré que la somme de CHF 8’000 devait lui être remise. Sur question, il a indiqué qu’il n’en avait parlé à personne. A la question de savoir ce qu’il avait l’intention de faire avec cet argent, EBJ a répondu qu’il était venu ici pour obtenir justice et ne s’attendait à obtenir aucune compensation. Il a ajouté que selon sa compréhension, le gouvernement suisse devait lui allouer cette indemnité étant donné qu’Alieu Kosiah n’avait pas les moyens de le faire et qu’il ne préfère pas faire de projets en ce qui le concernait. 

Interrogé sur ses contacts avec les autres parties plaignantes depuis la procédure de première instance, EBJ a indiqué les avoir rencontrées une seule fois au bureau du GJRP lorsque tout le monde y a été appelé. 

Me Gianoli questionne EBJ :

A la question de savoir pourquoi il n’avait pas fait mention de ses problèmes de nuque auparavant, EBJ a répondu qu’on ne lui avait jamais posé la question. 

Invité à confirmer qu’il avait perdu un mois de salaire en 2021, EBJ a déclaré que son nom avait été enlevé du payroll et qu’il n’avait pas été payé durant onze mois. Invité à chiffrer son dommage, EBJ a précisé que son salaire mensuel s’élevait à 65’000 dollars libériens. Sur question, il a indiqué qu’il ignorait quel était le revenu mensuel moyen au Libéria. 

Me Gianoli a demandé à EBJ s’il avait déposé plainte suite à son agression à Zorzor. EBJ a répondu par la négative et a précisé qu’il ne connaissait pas ses agresseurs. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Toutou-Mpondo questionne EBJ :

Invité à donner des précisions au sujet des difficultés rencontrées avec son employeur, EBJ a expliqué avoir retrouvé le même emploi au même endroit à son retour au Libéria. 

A la question de savoir s’il avait subi des attaques telles que celle dont il a été victime à Zorzor avant que cette dernière ne se produise, EBJ a répondu par la négative.

Me Gianoli questionne à nouveau EBJ :

A la question de savoir s’il travaillait toujours à Zorzor, EBJ a déclaré qu’il ne souhaitait pas dévoiler son lieu de travail pour des raisons de sécurité. Il a précisé qu’il exerçait toujours en tant qu’enseignant et directeur d’école.

Questions relatives au contexte général

La Cour questionne EBJ : 

Interrogé sur la fréquence à laquelle le prévenu participait aux repas préparés dans la maison de sa tante, EBJ a déclaré qu’il était possible de les compter et a confirmé qu’il y en avait eu plusieurs. Questionné sur les personnes présentes à ces repas et leurs liens avec Alieu Kosiah, EBJ a expliqué qu’il ne se souvenait pas de tout le monde, hormis le special bodyguard d’Alieu Kosiah. Sur question, EBJ a indiqué que la plupart des soldats appelaient le prévenu « General » ou « Chief Kosiah »

Interrogé sur le lieu de résidence d’Alieu Kosiah à Voinjama, EBJ a indiqué qu’il ne savait pas exactement où le prévenu était basé. 

Me Gianoli questionne EBJ :

Questionné sur sa présence à Voinjama durant la première guerre civile, EBJ a indiqué qu’il s’y trouvait pendant une période de l’année 1990. Il est ensuite parti, puis y est retourné de septembre 1993 jusqu’en 1996. Sur question, il a déclaré n’avoir pas rencontré Pepper & Salt durant cette période. Il a indiqué ne jamais avoir vu Pepper & Salt ni le général Dombuyah. 

Me Gianoli a demandé à EBJ d’indiquer où se trouvait la maison de sa tante SK sur un croquis qu’il a dessiné lui-même. Avant de donner cette indication, EBJ a tenu à préciser les circonstances dans lesquelles il avait dessiné ce plan, à savoir lorsqu’on lui a demandé où se trouvait la route de Kolahun, la route de Monrovia ainsi que le Mandingo Quarter. 

Interrogé sur la signification du terme « cookshop », EBJ a indiqué qu’il désignait l’endroit où les gens vendent de la nourriture cuisinée au Libéria. Sur question, il a déclaré qu’il ne considérait pas la maison de sa tante comme un cookshop

A la question de savoir qui était le commandant des ULIMO à Voinjama, EBJ a répondu qu’il l’ignorait. 

Le MPC n’a pas eu de questions.

Me Maleh questionne EBJ :

Invité à préciser à quel endroit il avait vu [expurgé] en compagnie d’Alieu Kosiah lors des deux transports, EBJ a déclaré que [expurgé] était là lorsqu’Alieu Kosiah avait donné les ordres et leur avait indiqué où se trouvaient les charges. EBJ a ajouté que lors du deuxième transport, [expurgé] était également présent lorsqu’ils sont venus le chercher chez lui pour le forcer à porter des charges. Invité à préciser à quel endroit Alieu Kosiah avait donné ces directives en présence de [expurgé], EBJ a indiqué qu’ils se trouvaient dans le Basic Quarter, devant le porche. 

A la question de savoir pourquoi il avait indiqué que la maison de sa tante n’était pas un cookshop, EBJ a répondu qu’un cookshop était une entreprise qui sert des repas aux gens alors que la maison de sa tante était une maison ordinaire. Sur question, EBJ a indiqué que sa tante et les autres femmes qui cuisinaient dans la maison n’étaient pas rémunérées. 

Me Jakob questionne EBJ : 

A la question de savoir si le terme « cousin » était régulièrement utilisé en Liberian English, EBJ a répondu par la négative. Il a expliqué qu’au Libéria, il était commun d’appeler « brother » ou « sister » les enfants d’une mère ou de sa sœur si tout le monde vit ensemble. EBJ a ajouté que seules les personnes éduquées utilisaient le terme « cousin »

Me Gianoli questionne à nouveau EBJ :

Me Gianoli a demandé à EBJ comment il savait que SK n’était pas rémunérée pour cuisiner. EBJ a déclaré que SK l’avait dit elle-même. 

A la question de savoir depuis quand il connaissait le nom [expurgé], EBJ a indiqué qu’il l’avait appris en 2021 lors de sa venue en Suisse. Sur question, EBJ a déclaré qu’il ignorait si la maison où il avait vu [expurgé] avec Alieu Kosiah était le lieu de résidence du prévenu.

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : avoir exécuté un civil à Voinjama en décembre 1993 ou entre début 1994 et mai 1994

La Cour questionne EBJ :

Le Juge Ermotti a rappelé à EBJ ses déclarations devant le MPC selon lesquelles Alieu Kosiah était venu manger chez eux après une attaque à Monrovia Highway et avait déclaré : « Since LDF wants to fight us, I will declare that nex Monday will be Black Monday », ce qui signifiait qu’aucun civil n’est autorisé à quitter sa maison. Interrogé sur la manière dont cette information avait été communiquée, EBJ a expliqué qu’il ignorait comment elle avait été transmise aux autres civils, mais que ces propos avaient bien été prononcés chez lui.

Interrogé sur le Black Monday et sur la raison pour laquelle son attention avait été attirée sur ce qui passait en dehors de la maison, EBJ a déclaré : « Lorsqu’on est un enfant, on est parfois trop curieux et on a trop envie de voir ce qui se passe ». Il a ajouté que dès qu’il entendait un bruit à l’extérieur, il se dirigeait vers la fenêtre pour espionner. 

Invité à décrire le véhicule utilisé par Alieu Kosiah lors de cet événement, EBJ a indiqué qu’il s’agissait d’un véhicule militaire de couleur vert clair, plus précisément un pick-up à deux portes avec une plateforme arrière ouverte. Interrogé sur la distance le séparant du pick-up, EBJ a déclaré qu’il n’y avait pas de maisons séparant la sienne de la route principale et que le porche de sa maison se situait à proximité directe de la route principale. 

Invité à indiquer où il se trouvait au moment des faits, EBJ a expliqué avoir entendu le bruit du pick-up qui s’est stationné devant la maison. Il a indiqué qu’il se trouvait dans une pièce pourvue de deux fenêtres : une du côté du porche et l’autre du côté latéral. Certains soldats sont descendus du pick-up, alors que d’autres sont restés dessus. EBJ a indiqué avoir également vu des personnes attachées sur le pick-up. Selon EBJ, les soldats sont venus entre sa maison et la maison voisine, dans laquelle ils ont ensuite pénétré et extrait un garçon de force. Ils lui ont dit de monter sur le pick-up, mais le garçon s’y est refusé à plusieurs reprises. EBJ a raconté qu’un des soldats est allé voir Chief Kosiah, afin de lui expliquer que le garçon refusait d’obéir. Chief Kosiah s’est approché et a demandé au garçon pourquoi il refusait de venir. Selon EBJ, le garçon a répondu : « Vous mettez des gens sur ce pick-up pour les emporter et les tuer et moi je ne veux pas venir » avant d’affirmer à deux reprises : « Je refuse et je ne viendrai pas ! ». Alieu Kosiah a ensuite saisi son pistolet sur le côté et a tiré sur le garçon. Selon EBJ, le garçon est tombé et les soldats l’ont laissé là. Ils sont remontés dans le pick-up et ont pris le Monrovia Highway. 

Interrogé sur l’âge du garçon, EBJ a indiqué qu’il était physiquement un peu plus grand que lui mais ignorait s’il était plus âgé ou plus jeune que lui. A la question de savoir s’il avait eu peur que les ULIMO viennent le chercher, EBJ a répondu qu’il n’avait pas eu peur lorsqu’il espionnait. 

Invité à donner une estimation de la distance à laquelle le prévenu se trouvait par rapport au garçon lorsqu’il lui a tiré dessus, EBJ a déclaré que la distance était très courte et indiqué une distance d’environ deux mètres. 

Le Juge Ermotti a fait part à EBJ de la position du prévenu, à savoir qu’Alieu Kosiah a réfuté toutes ces accusations qui sont selon lui lui fausses à 1000% et dit n’avoir jamais entendu l’expression « Black Monday », n’avoir jamais entendu parler d’exécution de civils à Voinjama, n’avoir jamais eu un pick-up – mais avoir utilisé un moto rouge de marque Yamaha –, n’avoir jamais vu un jeune homme pris de force et tué hors de sa maison. Invité à se déterminer sur les déclarations du prévenu, EBJ a déclaré qu’elles étaient fausses et qu’il venait de donner description de ce qu’il avait vu et entendu. 

Sur question, EBJ a confirmé qu’il n’avait aucun doute sur le fait que c’était bien Alieu Kosiah ici présent qui avait commis cet acte. 

Me Gianoli questionne EBJ :

Invité à indiquer de quel côté était stationné le pick-up par rapport à la maison, EBJ a déclaré que le côté conducteur du véhicule était du côté de la maison. Sur question, il a indiqué que le conducteur n’était pas descendu du véhicule. 

Invité à décrire la tenue que portait le prévenu ce jour-là, EBJ a indiqué qu’Alieu Kosiah portait un pantalon militaire de camouflage avec un t-shirt. Sur question, il a déclaré qu’il ne se souvenait pas si le prévenu portait une casquette. 

Me Gianoli a demandé à EBJ de préciser à quel endroit se trouvait Alieu Kosiah par rapport au véhicule lorsqu’il a exécuté le garçon. EBJ a répété que le véhicule était stationné sur la route et qu’Alieu Kosiah avait marché entre les deux maisons où il a ensuite tué le garçon. Sur question, EBJ a indiqué qu’il n’était pas en mesure de préciser la distance exacte entre le véhicule et l’endroit où le garçon a été tué, mais a donné des indications ayant permis au Juge Ermotti d’estimer la distance à une quinzaine de mètres.

Sur question, EBJ a déclaré qu’il ignorait le nom et l’ethnie du garçon qui a été tué. Il a également indiqué qu’il ignorait s’il s’agissait d’un voisin bien qu’il fût dans la maison voisine. 

Invité à donner les noms des voisins directs de la maison où il vivait, EBJ a cité plusieurs noms. Sur question, il a indiqué qu’aucun d’eux ne vivait dans la maison où le garçon a été trouvé et qu’il ne savait pas qui habitait cette maison. 

Le MPC questionne EBJ :

A la question de savoir pourquoi il ne connaissait pas le nom des personnes qui vivaient à côté de chez lui, EBJ a répondu qu’il y avait constamment des nouveaux arrivants pendant la guerre. Selon lui, les gens n’habitaient pas dans les maisons, ils venaient de la brousse et occupaient les maisons disponibles. 

Les avocats des parties plaignantes n’ont pas eu de questions. 

Me Gianoli questionne à nouveau EBJ : 

A la question de savoir s’il avait déjà vu le garçon avant qu’il soit tué, EBJ a répondu par la négative. 

Audition d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur les déclarations d’EBJ, Alieu Kosiah a déclaré que la seule connexion entre EBJ et lui-même était l’ONG. Selon lui, si l’ONG ne l’avait pas pris pour cible, alors EBJ n’aurait jamais dit le connaître. Alieu Kosiah s’est demandé comment EBJ pouvait prétendre le connaître alors que d’une part, il ne connaissait même pas Pepper & Salt et, d’autre part, le prévenu n’était pas présent lors de la prise de Voinjama contrairement à Pepper & Salt.

Alieu Kosiah a ajouté avoir de sérieux doutes sur le fait que EBJ se soit trouvé à Voinjama sous l’occupation ULIMO. Il a déclaré que le général Dombuyah était à Voinjama de mai 1994 à août ou septembre 1995 et qu’il était impossible que quelqu’un qui vivait à Voinjama à l’époque connaisse uniquement deux personnes au sein de l’ULIMO, en l’occurrence War Boss et Alieu Kosiah. Selon le prévenu, il n’y a aucune probabilité qu’une personne ayant vécu à Voinjama de septembre 1993 jusqu’en 1996 n’ait jamais vu Pepper & Salt. En effet, Alieu Kosiah a expliqué que quand Pepper & Salt se déplaçait, il y avait au moins deux ou trois voitures et entre 20 et 50 soldats avec lui. C’est donc selon lui impossible de ne pas avoir vu Pepper & Salt à Voinjama entre septembre 1993 et mai 1995.

Le prévenu a ensuite évoqué le salaire de 65’000 dollars libériens annoncé par EBJ et a déclaré qu’à l’époque 65 dollars libériens valaient 1 USD. 

Alieu Kosiah a indiqué que dans sa plainte, EBJ n’avait pas mentionné le meurtre de deux hommes d’ethnie Krahn. Le prévenu a déclaré que cette information lui paraissait importante dans une affaire où tout se joue sur la crédibilité des parties plaignantes. 

Alieu Kosiah a ensuite rappelé l’ordre chronologique des reproches formés par EBJ, à savoir le transport vers Gbarlyeloh, puis le transport vers Solomba, puis le meurtre de deux Krahns et enfin le Black Monday. Or, selon le prévenu, le Black Monday (1993) s’est déroulé avant la scission (1994) et il ne fait dès lors aucun sens de situer le meurtre des deux Krahns avant le Black Monday (i.e. avant la scission), puisque les affrontements entre les Krahns et les Mandingos ont eu lieu uniquement en 1994. 

Alieu Kosiah a répété que tout reposait sur la crédibilité de EBJ, qui ne connaît même pas le nom du jeune homme qui aurait été tué. Le prévenu a déclaré : « Pour qu’une personne soit tuée, elle doit d’abord avoir existé ». Il a ensuite tiré un parallèle avec MuK. Selon lui, l’ONG prétend que des personnes ont été tuées alors qu’elles sont encore vivantes. 

Le prévenu a déclaré qu’il fallait tenir compte du fait que lui n’avait jamais vu EBJ et indiqué que le juge finlandais avait remis en cause la crédibilité des parties plaignantes, puisque Massaquoi ne s’est jamais trouvé dans le village où il aurait supposément commis des crimes. 

Alieu Kosiah a ensuite laissé entendre que EBJ et AK/TS se connaissaient bien qu’ils se soient mis d’accord pour dire qu’ils ne se connaissaient pas. Selon le prévenu, EBJ a déclaré connaître un certain T avec lequel il était allé à l’école. 

Le prévenu s’est ensuite demandé pourquoi EBJ n’a pas mentionné dans sa plainte son oncle tué pendant la guerre. Il a ensuite déclaré qu’il ne croyait pas à l’histoire de EBJ selon laquelle il aurait été menacé avec un AK47 à Zorzor. Non seulement Alieu Kosiah doute que quelqu’un puisse se promener au milieu de Zorzor avec un AK47 à la main, mais il se demande également en quoi l’arrivée d’une moto aurait pu faire fuir des assaillants si lourdement armés. 

Alieu Kosiah a déclaré que les Libériens avaient deux spécialités : mentir et pleurer sur commande. Il a rappelé que EBJ n’avait pas reconnu le nom de [expurgé] sur la liste sur laquelle figuraient les noms de tous ceux qui étaient avec le prévenu. 

Enfin, Alieu Kosiah a indiqué que EBJ connaissait parfaitement la différence entre les termes « cousin » et « brother » ou « sister ». 

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Sur question, Alieu Kosiah a indiqué qu’à sa connaissance, les ULIMO ne tenaient pas de registre d’état civil pendant la guerre, ni même d’ailleurs le gouvernement. A la question de savoir si les victimes de l’ULIMO étaient identifiées, le prévenu a déclaré qu’il n’avait pas vu de soldats ULIMO tuer des civils et qu’il pouvait uniquement parler des prisonniers de guerre. 

Le Président a demandé à Alieu Kosiah pourquoi l’ONG n’avait pas donné à EBJ le nom du responsable de Voinjama dans l’hypothèse où elle aurait préparé EBJ. Le prévenu a déclaré que les gens de l’ONG ne savait pas non plus qui était responsable à Voinjama à l’époque. Il a rappelé que HB a été interrogé et n’a rien eu à dire sur le Lofa lorsque des questions spécifiques lui ont été posées. 

Le Président a demandé au prévenu si Pepper & Salt était connu uniquement dans le Lofa. Alieu Kosiah a répondu que ce n’était pas ce qu’il avait dit et que le problème était que EBJ ne connaissait personne hormis Alieu Kosiah et War Boss. 

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah : 

Sur question, Alieu Kosiah a confirmé que les commandants faisaient des rapports sur les activités au sein de l’ULIMO. Il a précisé qu’aucun rapport n’était rédigé sur la ligne de front, mais les commandants faisaient un rapport oral au chief of staff ou à son adjoint après leur retour du front. 

Le MPC n’a pas eu de questions.

Me Maleh interroge Alieu Kosiah :

A la question de savoir à quel moment il s’est trouvé à Voinjama pendant la guerre, Alieu Kosiah a répondu y être allé après la scission, mais être incapable de donner des dates précises. 

Audition de EBJ (suite)

Invité à se déterminer sur les déclarations d’Alieu Kosiah, EBJ a d’abord indiqué que le prévenu n’avait pas bonne mémoire car, malgré le fait qu’il prétende avoir fait partie de l’AFL puis rejoint la police et connaître le code de conduite de l’armée, il a évoqué l’article 13 du code alors que EBJ a appris à l’école que ce code ne contenait que 11 articles. Selon EBJ, il s’agit là d’un exemple qui démontre que Alieu Kosiah ne se souvient pas, alors que les parties plaignantes se souviennent du contenu de leurs plaintes. EBJ a ajouté que Alieu Kosiah mentait lorsqu’il réfutait tout ce qui lui était reproché. 

Sur question de Me Gianoli, EBJ a indiqué avoir appris le code de conduite militaire à la William WS Tutman High Scool de Monrovia entre 2001 et 2004, car cet enseignement faisait partie du cursus scolaire de toutes les écoles gouvernementales. 

Interrogé par Me Gianoli sur d’éventuels voyages à l’étranger qu’il aurait effectués avant de venir en Suisse, EBJ a indiqué avoir été emmené plusieurs fois en Guinée par les soldats ULIMO en 1994, puis de 1997 à 1999 et enfin entre 2011 et 2013. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : avoir ordonné un transport forcé de Voinjama à Gbarlyeloh par des civils, entre septembre 1993 et décembre 1993, respectivement entre début 1994 et mai 1994, avoir ordonné un transport forcé de Voinjama à Solomba par des civils, entre septembre 1993 et décembre 1993, respectivement entre début 1994 et mai 1994

La Cour questionne EBJ :

Le Juge Ermotti a rappelé à EBJ ses déclarations devant le MPC, selon lesquelles avant d’ordonner le transport, Alieu Kosiah avait indiqué que si quelqu’un essayait de s’échapper, il fallait le tuer et le lui rapporter. A la question de savoir dans quelle langue ces ordres ont été donnés, EBJ a répondu en anglais. Il a ajouté que cela signifiait que si quelqu’un essayait de s’enfuir, il fallait lui tirer dessus et faire un rapport à Alieu Kosiah. 

Sur question, EBJ a confirmé que Alieu Kosiah n’avait participé à aucun des deux transports et que son frère James Jalah [phon.] avait profité d’une pause toilette pour prendre la fuite. Questionné sur le parcours de son frère entre sa fuite et son retour à Voinjama en 1998, EBJ a rapporté les propos de son frère. Après avoir quitté le transport, il est descendu dans la vallée et s’est allongé derrière un grand arbre en attendant que les échanges de tirs prennent fin. Il a ensuite marché en direction de la Guinée et est arrivé dans le village de Kotizu où il a entendu des gens parler en Loma. Il a rejoint leur groupe et ils ont cheminé ensemble jusqu’à ce que ces gens partent en direction d’une ville qui se trouvait plus loin, à l’intérieur du pays. 

Sur question, EBJ a déclaré qu’il ignorait où se trouvait le quartier-général des ULIMO à Voinjama. 

Invité à se déterminer sur les dénégations du prévenu, qui a déclaré ne s’être jamais rendu à Gbarlyeloh avec des marchandises, EBJ a indiqué qu’il venait d’expliquer comment les choses s’étaient passées. Il a répété que Alieu Kosiah n’était pas venu avec eux mais avait donné des instructions pour que des soldats les accompagnent durant les deux transports. 

Le Juge Ermotti a ensuite indiqué à EBJ que le prévenu avait dit que James Jalah était un soldat NPFL capturé par les ULIMO. EBJ a rétorqué que Alieu Kosiah se référait peut-être à un autre James Jalah et a déclaré que celui qu’il appelait son frère n’était pas un soldat NPFL. 

Invité à se déterminer sur les déclarations du prévenu, qui a indiqué qu’il n’était pas logique d’aller à Solomba depuis Voinjama étant donné que la ville était encerclée par la Guinée et qu’il y avait au moins 15 points de passage pour traverser la frontière, EBJ a déclaré qu’il ignorait pourquoi ils devaient prendre la route de Kolahun, puis Foya, pour arriver à Solomba. Il a ajouté avoir entendu un soldat dire que les ULIMO avaient été attaqués à la Cuka Junction [phon.] et que la route était impraticable. Selon EBJ, une autre personne a demandé pourquoi ils n’utilisaient pas des véhicules et un soldat a répondu qu’il y avait un risque que l’ennemi entende le bruit des véhicules et tende une embuscade aux ULIMO. 

Invité à décrire le Barzi Quarter [phon.], EBJ a donné des indications sur le lieu de situation de ce quartier et a confirmé qu’il s’agissait d’un grand quartier. Il a indiqué que les maisons de ce quartier avaient été construites très proches les unes des autres. 

Me Gianoli questionne EBJ :

Sur question, EBJ a indiqué avoir marché pendant 4 ou 5 heures pour se rendre de Voinjama à Gbarlyeloh. Il a précisé que Gbarlyeloh se situait à 2 ou 3 minutes de marche de la frontière guinéenne. Il a confirmé que c’était une grande ville dans laquelle il y avait un marché. 

A la question de savoir si les soldats avaient traversé la frontière lorsqu’ils se sont rendus à Gbarlyeloh, EBJ a répondu que certains soldats ont traversé, d’autres non. Sur question, il a indiqué que les soldats ULIMO ont déposé leurs armes à la frontière avant de traverser et que les soldats guinéens ont relevé les numéros de série des armes. Sur question, EBJ a déclaré qu’il ignorait pour quelle raison les numéros de série avaient été relevés par les soldats guinéens.

A la question de savoir s’il des combats étaient en cours dans la zone entre Voinjama et Kolahun lors du transport effectué en direction de Solomba, EBJ a répondu qu’il l’ignorait, mais que selon lui, la zone n’était pas sûre. Il a expliqué qu’il se sentait en sécurité uniquement en ville car il lui arrivait d’entendre des coups de feu. 

Invité à citer les noms de villes qu’il a traversées pour se rendre de Voinjama à Gbarlyeloh, EBJ a déclaré avoir traversé deux villages inhabités, dont il ne se souvient plus des noms. Sur question, il a indiqué que des personnes de l’ethnie Mandingo vivaient dans cette zone. 

A la question de savoir où se trouvait Alieu Kosiah lorsqu’il a donné les ordres concernant le transport, EBJ a répondu qu’il était au Barzi Quarter [phon.]. Sur question, EBJ a expliqué avoir été emmené dans ce quartier par les ULIMO et avoir entendu les ordres donnés par le prévenu. Il a précisé que trois soldats étaient venus le chercher pour effectuer le transport vers Gbarlyeloh et qu’il ignorait leurs noms. 

Selon EBJ, les choses se sont déroulées de manière identique en ce qui concerne le transport vers Solomba, à la seule différence que cinq soldats sont venus le chercher. 

Interrogé sur le nombre de soldats qui les avaient accompagnés lors des deux transports, EBJ a indiqué qu’ils étaient 15 pour le transport vers Gbarlyeloh et 17 pour le transport vers Solomba. 

Sur question, EBJ a indiqué ne pas avoir participé à d’autres transports organisés par les ULIMO ou par d’autres factions lorsqu’il se trouvait à Voinjama. 

Le MPC questionne EBJ :

Sur requête du Procureur, un extrait des enregistrements vidéo des auditions menées pendant l’instruction a été présenté à EBJ. Le Procureur a demandé à EBJ s’il reconnaissait quelqu’un sur la vidéo. EBJ a déclaré reconnaître Alieu Kosiah ainsi que vraisemblablement [expurgé]. 

Me Toutou-Mpondo questionne EBJ : 

Invité à décrire les douleurs physiques qu’il a ressenties pendant et après les transports, EBJ a expliqué avoir d’abord ressenti une douleur au niveau du cou, puis une douleur aux pieds en raison de la longue distance parcourue. Il a ajouté qu’il avait eu besoin de près deux semaines avant de pouvoir se déplacer normalement. 

Me Gianoli questionne à nouveau EBJ :

Interrogé sur la durée du transport, EBJ a précisé que le deuxième transport s’était étendu sur deux jours et deux nuits de repos. 

La Cour questionne à nouveau EBJ : 

Sur question, EBJ a indiqué que lors du premier transport, la traversée de la frontière s’est faite sur une route et non sur un chemin dans la brousse. 

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Invité à se déterminer sur les déclarations de EBJ, Alieu Kosiah a déclaré qu’il n’avait jamais évoqué le nom de James Jalah. Il a ajouté que contrairement à ce qu’a indiqué EBJ, les villages entre Voinjama et Gbarlyeloh n’étaient pas inhabités. Selon lui, les deux villages sont des villages Mandingos, le premier s’appelle Brobodu [phon.] et le second Sakenedu [phon.]. 

Alieu Kosiah a ensuite déclaré que EBJ s’était trompé lorsqu’il a identifié [expurgé] sur la vidéo puisqu’il s’agissait en réalité de Lamine. Le prévenu a ajouté qu’une telle erreur, alors même que EBJ avait eu l’occasion de voir [expurgé] la semaine précédente – lequel ne ressemble par ailleurs pas à Lamine – était une bonne indication de ce qui se passait. Alieu Kosiah a également déclaré que pour procéder à une identification, un tapissage avec plusieurs individus était un prérequis. 

Le prévenu a indiqué que la ville de Voinjama était entourée par une frontière et qu’il ne faisait aucun sens de passer par Solomba pour acheter et vendre des marchandises. Alieu Kosiah a tiré un parallèle avec la ville de Genève, où il y a selon lui plus d’une dizaine d’endroits pour passer en France. Dès lors, si une route est fermée, il n’est pas nécessaire d’aller à Lausanne, puis à Neuchâtel pour aller en France. Le prévenu a déclaré qu’il ne voyait donc pas la nécessité de marcher pendant deux jours alors qu’il est possible d’acheter et vendre les marchandises à n’importe quel point de passage. Selon lui, s’il y a une embuscade entre Voinjama et Gbarlyeloh, il est possible de passer la frontière à proximité de la caserne de police de Voinjama qui se trouve à 30 minutes à pied de la frontière. Il s’est demandé pourquoi il aurait envoyé des gens marcher pendant deux jours alors que la même opération pouvait être réalisée en 30 minutes. Selon lui, les récits des parties plaignantes sont difficiles à croire. 

La Cour interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur Jalah, Alieu Kosiah a répété n’avoir jamais cité le nom de James Jalah et connaître un certain MP Jalah. 

A la question de savoir s’il reconnaissait qu’il passait la frontière pour échanger des marchandises avec la Guinée à cette période, le prévenu a déclaré s’être rendu une seule fois à la frontière en voiture depuis Foya pour transporter des marchandises. 

Le Juge Ros lui a demandé comment il se faisait qu’il connaisse si bien la géographie autour de Voinjama dans ce cas. Alieu Kosiah a répondu qu’il passait tout le temps par là pour se rendre à Macenta. Interrogé sur le but de ces visites à Macenta, Alieu Kosiah a expliqué que sa grande sœur, Massa Kosiah, sa fille, sa cousine et son frère aujourd’hui tous deux décédés, ainsi que la femme de son frère et leur fille vivaient là-bas. 

Le Juge Ros s’est étonné que le prévenu ait traversé la frontière à plusieurs reprises pour rendre visite à sa famille alors qu’il avait des responsabilités militaires dans le cadre de la guerre civile qui faisait rage. Alieu Kosiah a expliqué qu’il était un fontline commander et non un field commander ou un dirigeant. Selon lui, même Dombuyah se rendait de l’autre côté de la frontière, de sorte qu’il ne voyait pas de contrindication à aller rendre visite à sa famille.  

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah :

Sur question, Alieu Kosiah a indiqué qu’il se rendait à Macenta en moto 80 pourcent du temps, et parfois en voiture. Il a précisé qu’il ne pouvait pas utiliser les voitures de l’ULIMO stationnées à Voinjama à cause de leur couleur. 

A la question de savoir si la région de Voinjama était sûre à cette époque, Alieu Kosiah a déclaré que la région était plus sûre que Zorzor, mais moins que Foya et Kolahun. Il a ajouté qu’il ne se souvenait pas avoir vu une attaque à proximité de la zone de frontière autour de Voinjama. 

Interrogé sur les armes qu’il portait lors de ses déplacements, Alieu Kosiah a indiqué que les soldats ULIMO ne pouvaient pas emmener leurs armes en Guinée ni porter l’uniforme. Sur question, il a précisé que lorsqu’il se rendait en Guinée, il laissait ses armes à Voinjama. 

A la question de savoir s’il se déplaçait systématiquement sans armes, Alieu Kosiah a répondu que la zone entre Voinjama et Gbarlyeloh était sûre et qu’il portait l’uniforme uniquement sur la ligne de front. Il a ajouté que le reste du temps, il était en civil. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Maleh interroge Alieu Kosiah : 

Me Maleh a cité les déclarations faites par le prévenu dans une précédente audition, lors de laquelle il a indiqué que James Jalah était un soldat NPFL capturé qui est devenu commandant de la police militaire pour les ULIMO. Alieu Kosiah a rétorqué avoir réagi aux déclarations de EBJ et dit connaître un Jalah prénommé MP. Selon le prévenu, [expurgé] et Lamine ont également indiqué que Jalah était un NPFL. Il a ajouté qu’il irait vérifier la citation évoquée par Me Maleh et s’est étonné que James Jalah ne porte pas le même nom de famille que EBJ alors que EBJ prétend qu’ils sont frères. 

Me Werner interroge Alieu Kosiah :

Interrogé sur le transport de marchandises effectué depuis Foya qu’il a évoqué précédemment, Alieu Kosiah a déclaré avoir dit que la seule fois qu’il avait un transport, c’était lorsqu’il avait emporté et vendu à la frontière les marchandises que son cousin infirmier lui avait laissées. Il a précisé que [expurgé] était en sa compagnie et que ce dernier avait déclaré qu’il s’agissait du frère du prévenu, alors que c’était en réalité son cousin. 

Questionné sur l’origine des marchandises vendues, Alieu Kosiah a expliqué que son cousin avait acheté des médicaments à Guéckédou et les revendait en échange d’huile ou de café. Il a ajouté avoir transporté un bidon d’huile et un demi sac de café en voiture jusqu’à la frontière. 

Sur question, Alieu Kosiah a confirmé avoir dit qu’il se rendait en Guinée en moto 80 pourcent du temps. Il a précisé qu’il possédait une moto de couleur rouge. Confronté aux déclarations de [expurgé], qui a indiqué qu’il y avait principalement des motos Yamaha 3VC de couleur rouge, mais qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu Alieu Kosiah sur un moto, le prévenu a rétorqué que [expurgé] avait été blessé et avait vécu en Guinée avec les parents d’Alieu Kosiah jusqu’à la fin de la guerre. Le prévenu a ajouté que lorsqu’il se trouvait à Zorzor, il était accompagné de Lamine. Il a également rappelé que [expurgé] avait déclaré qu’il était H&H alors que tel n’était pas le cas. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah :

Me Jakob a cité le prévenu, qui a expliqué lors d’une audition en 2015 avoir été arrêté à Guéckédou puis détenu durant six semaines et a déclaré qu’il n’était pas facile de se rendre en Guinée avec des armes, un uniforme ou même sans rien, alors qu’il a décrit aujourd’hui une liberté de mouvement totale en comparant la traversée de la frontière guinéenne à un passage de Genève à la France voisine. Invité à se déterminer, Alieu Kosiah a rétorqué que si quelqu’un se rendait en Guinée avec des armes, il aurait assurément des problèmes. Il a ajouté que les soldats ULIMO étaient moins bien reçus à Guéckédou qu’à Macenta, où ils étaient les bienvenus car le capitaine de Macenta connaissait personnellement Alhaji Kromah et Dombuyah. 

A la question de savoir s’il portait une arme ou un uniforme le jour de son arrestation à Guéckédou, Alieu Kosiah a répondu par la négative et a précisé qu’il avait été arrêté à cause d’un problème avec sa carte d’identité . Il a ajouté n’avoir jamais vu ni entendu parler de soldats ULIMO qui s’y seraient rendus avec leur uniforme ou des armes. 

Audition de EBJ (suite)

Invité à se déterminer sur les déclarations du prévenu, EBJ a répété avoir raconté devant la Cour ce qui lui était arrivé et ce qu’il avait vu et entendu. S’agissant des noms de sa mère et de ses tantes, EBJ a expliqué que sa grand-mère avait donné un nom masculin à toutes ses filles car la première née a eu du mal à survivre après sa naissance. Il a indiqué qu’elles étaient ensuite entrées dans la Sunday Society, soit l’équivalent féminin de la Poro Society, et que les gens les ont appelées avec un nom différent de celui de leur père. 

EBJ a également expliqué qu’ils étaient neuf enfants du même père et que son père avait eu deux épouses. Il a déclaré être l’un des deux enfants qui avaient pris le nom du grand-père maternel, alors que les autres s’appelaient Jalah.

Sur question de Me Gianoli, EBJ a indiqué qu’il n’y avait pas d’âge spécifique pour entrer dans la Sunday Society

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : avoir ordonné les meurtres de deux combattants ULIMO d’ethnie Krahn, dont le dénommé War Boy, à Voinjama, entre septembre 1993 et décembre 1993, respectivement entre début 1994 et mai 1994 

La Cour questionne EBJ : 

Le Juge Ermotti a relu à EBJ les déclarations au sujet de l’exécution de deux soldats ULIMO sur ordre d’Alieu Kosiah qu’il a faites lors de son audition devant le MPC, à savoir qu’il avait été envoyé au marché par sa tante pour acheter du poivre quelques jours après son retour à Voinjama et avait vu sur le chemin du retour dans la Barzi Quarter [phon.] deux soldats ULIMO, dont War Boy, soumis au tabé, que le prévenu a donné l’ordre d’exécuter en leur tranchant la gorge. Selon EBJ, les ULIMO ont coupé la tête de War Boy et l’ont emmené au checkpoint à Monrovia Highway alors que l’autre soldat a subi le même sort, mais a été emmené au checkpoint de Kolahun Road. Sur question, EBJ a déclaré qu’il n’avait rien à ajouter. 

Le Juge Ermotti a rappelé à EBJ qu’il avait dit avoir assisté à l’exécution en rentrant du marché et avoir renoncé à faire demi-tour par crainte d’être accusé d’être un rebelle. Sur question, EBJ a indiqué avoir continué son chemin après l’exécution. 

Interrogé sur la présence d’autres témoins lors de l’exécution, EBJ a indiqué qu’il y avait quatre ou cinq autres civils autour de lui. 

Questionné sur les mots utilisés par Alieu Kosiah pour donner l’ordre de tuer les deux soldats, EBJ a indiqué que le prévenu a déclaré en anglais : « Puisque les soldats Krahns veulent nous combattre, nous allons exécuter ceux qui sont parmi nous ». Il a ajouté que les soldats étaient au nombre de trois et que l’un d’entre eux s’est enfui alors que les deux autres ont été attrapés. Selon EBJ, Alieu Kosiah a alors donné l’ordre de les exécuter en disant : « Exécutez-les ! ». Les soldats se sont disputés pour savoir qui allait les exécuter et ce sont finalement deux soldats qui s’en sont chargés. 

Interrogé sur l’attitude d’Alieu Kosiah lorsqu’il a donné l’ordre, EBJ a déclaré qu’il parlait fort. Invité à décrire la position dans laquelle se trouvaient les victimes lors de l’exécution, EBJ a précisé qu’elles étaient allongées sur le dos. 

Le Juge Ermotti a rappelé à EBJ qu’il a déclaré connaître War Boy car il mangeait chez sa tante SK. A la question de savoir si War Boy mangeait souvent en présence d’Alieu Kosiah, EBJ a répondu par l’affirmative. Le Juge Ermotti a indiqué à EBJ que le prévenu a déclaré ne pas connaître War Boy et lui a demandé si cela était possible selon lui. EBJ a répondu qu’il ne pouvait pas répondre pour Alieu Kosiah, mais que selon lui, ils étaient dans le même groupe. 

Le Juge Ermotti a résumé les arguments d’Alieu Kosiah, qui a tout réfuté. Le prévenu a déclaré ne pas connaître War Boy et n’avoir jamais entendu parler d’un événement lors duquel War Boy aurait été tabé et tué. Selon Alieu Kosiah, les déclarations de EBJ ne font aucun sens puisque les meurtres des soldats Krahns auraient eu lieu au début de l’année 1994 alors que la scission a eu lieu plus tard en 1994. Alieu Kosiah a ajouté n’avoir jamais entendu parler de meurtres commis à Kolahun Road et être certain de s’être trouvé à Tubmanburg lors de la scission. Il n’est jamais allé à Voinjama ou Fassama avant la scission. Enfin, s’il avait voulu venger les deux membres de sa famille tués pendant la guerre, il s’en serait pris aux combattants Gios. Invité à se déterminer sur les arguments du prévenu, EBJ a déclaré avoir fait part à la Cour de ce qu’il avait vu et entendu et a répété qu’Alieu Kosiah « l’avait fait ». 

Questionné sur le nombre de personnes qui faisaient partie du groupe de War Boy et d’Alieu Kosiah, EBJ a indiqué que le groupe qui venait manger chez sa tante comptait au minimum treize personnes et au maximum une vingtaine. 

Me Gianoli questionne EBJ :

Sur questions, EBJ n’a pas été en mesure de citer les noms des soldats qui venaient manger chez sa tante et a confirmé avoir parlé de ces événements aux membres de sa famille qui étaient à la maison à son retour du marché, à savoir sa mère, sa tante et sa cousine KA. A la question de savoir où se trouvait James Jalah à ce moment-là, EBJ a répondu qu’il s’était enfui et qu’il pensait que James avait été tué car il avait entendu des coups de feu. 

Sur question, EBJ a indiqué que les deux transports avaient eu lieu avant l’exécution des soldats Krahns. 

Le MPC questionne EBJ :

Sur question, EBJ a indiqué qu’il n’avait pas demander leurs noms aux soldats qui venaient manger chez sa tante et qu’il avait su le nom de War Boy en demandant à KA. A la question de savoir pourquoi il ne leur avait pas demandé leurs noms, EBJ a expliqué qu’il avait peur des soldats. 

Me Maleh questionne EBJ : 

Me Maleh a demandé à EBJ comment il se sentait lorsque les soldats étaient chez sa tante pour manger. EBJ a répondu qu’il ne sentait pas à l’aise. 

Invité à préciser la période à laquelle il faisait référence dans les déclarations citées précédemment par le Juge Ermotti (i.e. « Quelques jours après mon retour à Voinjama »), EBJ a indiqué qu’il évoquait son retour après le deuxième transport vers Solomba. 

Me Gianoli questionne à nouveau EBJ :

A la question de savoir pourquoi il n’avait pas demandé à KA les noms des autres soldats ULIMO, EBJ a répondu qu’il avait demandé le nom d’une personne qui venait fréquemment. Questionné sur la fréquence à laquelle venaient les autres soldats, EBJ a indiqué qu’ils venaient, mangeaient et repartaient, alors que War Boy allait parfois voir KA pendant qu’elle tressait des chapeaux. 

Interrogé sur le nombre de fois où il avait vu Alieu Kosiah manger chez sa tante, EBJ a déclaré qu’il n’était pas capable de compter. Sur question, il a indiqué que le prévenu venait moins souvent que War Boy. A la question de savoir pourquoi il avait demandé le nom d’Alieu Kosiah à KA dans ce cas, EBJ a répondu avoir appris le nom du prévenu la première fois qu’ils sont venus manger en 1993 car les autres soldats le saluaient. Sa tante et KA lui ont dit que c’était le chef et que les soldats l’appelaient General Kosiah. 

Réinterrogé sur la fréquence à laquelle Alieu Kosiah venait manger chez sa tante, EBJ a répété qu’il n’était pas capable de compter et a confirmé l’y avoir vu plusieurs fois. 

Me Gianoli a ensuite demandé à EBJ si les transports de marchandises au départ de Voinjama s’étaient déroulés avant ou après son passage dans le village de Botosu. EBJ a répondu s’être rendu à Botosu avant d’effectuer ces transports. Sur question, il a indiqué avoir quitté Sigissu en 1993 pour se rendre à Voinjama et avoir fait le déplacement avec sa mère et ses quatre frères. Me Gianoli a souligné que durant l’instruction, EBJ a déclaré avoir quitté Sigissu avec sa mère sans mentionner ses frères. 

Sur question, EBJ a déclaré avoir rencontré KMF pour la première fois à Botosu en 1994 et la connaître sous le nom de KMF depuis le procès de première instance. Il a indiqué s’être rendu une fois dans le village de KMF pendant la guerre. 

A la question de savoir s’il avait rencontré KMG après avoir quitté son village de Sigissu pour se rendre à Voinjama, EBJ a répondu par la négative. 

Invité à préciser la date à laquelle il s’est rendu à Botosu en 1994, EBJ a indiqué que c’était en janvier. Me Gianoli lui a demandé comment il pouvait être aussi précis. EBJ a répondu que c’était le premier mois après le nouvel an. 

Sur question, il a déclaré s’être rendu à Botosu pour aller chercher du riz et y avoir passé une nuit. Questionné au sujet des personnes qui l’avaient accompagné, EBJ a indiqué qu’il y avait KA et James Falah, et peut-être d’autres personnes dont il ne se souvenait pas actuellement et dont il ne saurait estimer le nombre car il y avait beaucoup d’autres gens sur la route selon lui. 

Interrogé sur la raison pour laquelle les gens se rendaient, EBJ a indiqué que tout le monde cherchait du riz car il n’y en avait plus à Voinjama. 

Questionné sur ses liens avec AS, qui a déclaré avoir donné le numéro de EBJ au GJRP, EBJ a indiqué que les choses ne s’étaient pas passées ainsi. Sur question, EBJ a déclaré qu’il n’était pas allé à l’université avec AS et qu’il ne connaissait pas AK. Il a ajouté qu’il y avait beaucoup d’étudiants à l’université, qui était pourvue de deux campus, et qu’il se souvenait des personnes avec lesquelles il avait suivi des cours.

Invité à décrire la manière dont il est entré en contact avec le GJRP, EBJ a expliqué qu’en 2013, il était en vacances à Voinjama chez sa grand-mère. Alors qu’il était assis sur le porche, trois personnes sont arrivées, dont un prénommé K. Ces personnes lui ont dit qu’elles menaient une enquête et demandaient aux gens de leur raconter ce qui leur était arrivé pendant la guerre. EBJ leur a donc raconté ce dont il se souvenait et leur a donné son numéro. Il a accepté de raconter son histoire à quelqu’un s’il venait à être contacté. EBJ a raconté qu’il est ensuite retourné à Zorzor et a reçu un appel au cours du premier trimestre de l’année 2014. On lui a demandé de venir à Monrovia et on lui a assuré que les frais de voyage ne seraient pas à sa charge. Méfiant, EBJ a refusé et a raccroché le téléphone. Il a été recontacté une semaine plus tard et la même proposition lui a été faite. Il a demandé à ce que l’argent pour le transport lui soit transféré sur son numéro de téléphone si ces personnes voulaient réellement qu’il se déplace à Monrovia et cela a été fait, de sorte qu’il s’est rendu dans le bureau du GJRP.

Me Gianoli a demandé à EBJ si sa rencontre avec les trois enquêteurs avait été fortuite ou s’ils étaient venus le rencontrer lui en particulier. EBJ a répondu qu’ils ne le cherchaient pas lui spécifiquement et qu’ils travaillaient de manière aléatoire. Sur question, EBJ a confirmé avoir mentionné le nom d’Alieu Kosiah lors de sa rencontre avec les trois enquêteurs. 

Me Gianoli a indiqué à EBJ que lors de son audition, HB a déclaré que le GJRP était parvenu à trouver KMF grâce aux indications données par EBJ. Sur question, EBJ a indiqué qu’il n’avait pas mentionné le nom de KMF lors de sa première visite au bureau du GJRP ni avant sa première venue en Suisse.

A la question de savoir où il avait revu KMF pour la première fois après la guerre, EBJ a indiqué qu’ils s’étaient revus à Zorzor. Me Gianoli a rappelé à EBJ qu’il a déclaré avoir attendu KMF à Zorzor afin de l’accompagner au bureau du GJRP. Sur question, EBJ a confirmé que c’était à cette occasion qu’il avait revu KMF pour la première fois après la guerre, soit en 2016. Il a également confirmé l’avoir reconnue. 

A la question de savoir si KMF et lui avaient échangé sur ce qui leur était arrivé pendant la guerre avant de se rendre à Monrovia, EBJ a répondu par la négative. Il a également indiqué ne pas avoir évoqué Alieu Kosiah avec KMF. Me Gianoli a cité les déclarations de KMF, qui a indiqué avoir appris l’existence d’une procédure contre Alieu Kosiah de la bouche de EBJ après lui avoir expliqué son problème. EBJ a rétorqué que la citation n’était pas exacte et que KMF avait dit avoir reçu ces informations de KA. 

Sur question, EBJ a déclaré qu’il n’était pas présent lors de l’audition de KMF dans le bureau du GJRP. Il a précisé l’avoir accompagnée, puis être parti. Me Gianoli a indiqué à EBJ que KMF a déclaré que c’était lui qui avait expliqué son problème à l’ONG. EBJ a rétorqué que cela était faux puisqu’il n’était pas présent. 

Sur question, EBJ a expliqué qu’il n’avait pas accompagné KA à Monrovia pour qu’elle témoigne, mais lui avait uniquement donné des indications en 2015. Me Gianoli a indiqué à EBJ qu’il avait déclaré le contraire lors des débats et l’a invité à se déterminer à cet égard. EBJ a indiqué qu’en 2015, la Procureure lui a demandé s’il pouvait trouver AK afin qu’elle témoigne et il a répondu qu’il la chercherait à son retour au Libéria. A la question de savoir s’il était présent lorsque AK est allée témoigner, EBJ a répondu par la négative. 

Interrogé sur sa rencontre avec KMF à Zorzor, EBJ a expliqué que KMF lui a téléphoné. Me Gianoli a exposé la version de KMF et le Juge Ermotti s’est interrogé sur l’utilité d’interroger EBJ sur les déclarations d’autres personnes. 

Sur question, EBJ a indiqué que le nom S était féminin. 

Interrogé sur le Black Monday, EBJ a répété que cet événement s’était déroulé selon lui au cours du deuxième trimestre de l’année 1994. 

La Cour questionne à nouveau EBJ : 

Questionné sur la manière dont a été déterminé le montant que le l’ONG lui a versé pour payer le voyage à Monrovia, EBJ a indiqué qu’ils lui ont demandé combien coûtait le transport depuis l’endroit où il se trouvait jusqu’à Monrovia. Le Président a demandé à EBJ s’il avait reçu une somme plus importante que celle nécessaire pour couvrir les frais de transport. EBJ a expliqué qu’il leur a indiqué le montant des frais de transport et que les gens de l’ONG lui ont versé cette somme. 

A la question de savoir si une contre-prestation lui avait été demandée ou si on lui avait indiqué qu’il recevrait plus d’argent en échange d’un faux témoignage, EBJ a répondu par la négative. 

Me Wavre questionne EBJ : 

Me Wavre a demandé à EBJ s’il savait à quel clan appartenait le village de Botosu. EBJ a répondu qu’il appartenait au clan Bono du district de Voinjama.

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

Le Président a invité le prévenu à se déterminer sur les déclarations de EBJ. Alieu Kosiah a déclaré que la rencontre entre KMF et EBJ avait eu lieu au marché de Voinjama, une semaine après la rencontre avec KA. Selon lui, EBJ et KMF se sont rencontrés une seconde fois à Monrovia. Il a relevé que les déclarations de KMF, EBJ et HB étaient contradictoires. Le prévenu a déclaré que mentir devant le tribunal était un crime. 

Alieu Kosiah a ajouté que contrairement aux déclarations de EBJ, AK a indiqué qu’ils étaient ensemble à l’université. 

Le prévenu a ensuite martelé qu’il ne faisait aucun sens de dire qu’il avait tué des Krahns avant la scission en raison des tensions entre les Krahns et les Mandingos, comme l’a soutenu le Procureur devant les premiers juges. Alieu Kosiah a tiré un parallèle avec le départ du Général de Gaulle pour l’Angletterre en 1940, dont personne ne peut contester qu’il était lié à la Seconde Guerre mondiale. Selon lui, la scission ne peut être intervenue qu’avant le Black Monday, mais tout le monde prétend que le Black Monday a eu lieu en 1993, ce qui encore une fois ne fait aucun sens. 

Alieu Kosiah a déclaré qu’il connaissait War Boss, mais pas War Boy. Il a indiqué que personne ne s’appelait War Boy et que le nom War Boss était également erroné puisque la prononciation correcte était War Bus. Selon lui, ce surnom a été emprunté au bus mitrailleur construit par les Américains lors de la guerre du Vietnam pour faire face aux embuscades. 

Le prévenu a indiqué que son premier commandant était War Bus. Il a ajouté que le War Bus « originel » était mort en Sierra Leone et que d’autres personnes avaient adopté ce surnom par la suite. Selon lui, Kwamex Fofana a tenu des propos identiques puisqu’ils étaient ensemble en Sierra Leone. En revanche, [expurgé] et les autres soldats qui n’étaient pas en Sierra Leone ont eu d’autres expériences en lien avec War Bus. 

Sur question, Alieu Kosiah a déclaré qu’il ne connaissait pas les noms de tous les combattants ULIMO-K. Le Juge Ros lui a demandé s’il était dès lors si extraordinaire qu’il n’ait pas connu un dénommé War Boy. Le prévenu a rétorqué que le surnom War Boy n’existait pas. Questionné sur l’attribution des surnoms au sein des ULIMO, Alieu Kosiah a indiqué que parfois, les soldats se donnaient eux-mêmes un surnom et parfois, un surnom était donné en fonction d’un événement qui s’était produit. Le Juge Ros a une nouvelle fois manifesté sa surprise quant au fait que le prévenu puisse affirmer avec certitude qu’aucun combattant ULIMO était surnommé War Boy sans pour autant connaître tous les soldats ULIMO. Alieu Kosiah a rétorqué que [expurgé]a également déclaré qu’il ne connaissait pas de War Boy, mais un War Boss. Le Juge Ros a demandé au prévenu si [expurgé] connaissait tous les noms des combattants ULIMO à l’époque. Alieu Kosiah a répondu qu’il pensait que tel n’était pas le cas tout en insistant sur le fait que la prononciation entre War Boss/War Bus et War Boy était différente, puisqu’il s’agissait d’un autre nom. 

Le Président a demandé à Alieu Kosiah si tous les surnoms avaient une signification. Le prévenu a répondu qu’il l’ignorait et qu’il pouvait donner la signification des surnoms qu’il connaissait. Interrogé sur le surnom [expurgé], le prévenu a indiqué qu’il s’agissait d’un nom de guerre que n’importe qui pouvait porter. Selon lui, n’importe quel civil pourrait s’appeler [expurgé], dans la même mesure que lui était parfois appelé « Old Man » car il portait le nom de son grand-père. 

Questionné sur le surnom « Physical Cash », Alieu Kosiah a indiqué que Pepper & Salt lui avait donné ce surnom. Interrogé sur la raison pour laquelle Pepper & Salt lui avait donné ce surnom, le prévenu a expliqué que Pepper & Salt possédait l’équivalent de 4’500 USD en monnaie guinéenne. Comme les soldats avaient besoin d’argent pour acheter de la nourriture, le prévenu a suggéré de prendre 2’000 USD à Pepper & Salt. Selon Alieu Kosiah, c’est de là qu’est né le clash entre Pepper & Salt et lui-même ainsi que le surnom « Physical Cash ». A la question de savoir pourquoi ce surnom lui était resté, Alieu Kosiah a répondu qu’il n’avait pas la réponse et a précisé qu’on l’avait surnommé ainsi surtout lorsqu’il a intégré la police. Sur question, il a indiqué qu’il ne voyait pas de lien de connexité entre ce surnom et son poste au sein de la police. 

Interrogé sur la signification du surnom « Pepper & Salt », Alieu Kosiah a indiqué que Pepper & Salt avait reçu ce surnom en raison de la pratique qui consistait à mélanger du sel et du poivre et à l’ajouter à tout type de nourriture, tel le poisson séché, afin de tout rendre comestible durant les périodes difficiles. Le prévenu a ajouté que certaines personnes avaient une autre explication quant à ce surnom, mais que son origine était celle qu’il avait donnée. 

Concernant War Boss, le prévenu a rappelé les déclarations de LSM, qui a indiqué que War Boss avait été tué à cause de la scission. Selon lui, cette déclaration porte un coup à toutes les positions prises par les juges et le Procureur, ainsi qu’à la crédibilité de EBJ. 

Enfin, Alieu Kosiah a indiqué qu’il était écrit dans le rapport de la TRC que le Black Monday avait eu lieu en 1993 et avait été commis par les ULIMO-K. Selon lui, si quelqu’un fait référence aux ULIMO-K en lien avec un événement, cela suppose que ledit événement s’est produit après la scission. A titre d’exemple, James Faseukoi dit avoir pris la plupart de ses photographies en 1992 dans le territoire ULIMO, mais a inscrit « ULIMO-K » comme légende. Il faut dès lors considérer qu’elles ont été prises en 1994. Il en va de même pour Massa Washington qui dit avoir vu des ULIMO-K après la prise de la Po River, ce qui signifie que la Po River a été capturée non pas en 1992 mais en 1994 selon le prévenu. Alieu Kosiah a ajouté que les ULIMO-K étaient des Mandingos et que les Mandingos étaient des cibles, des moutons noirs pour ces témoins. Selon lui, personne ne pouvait prédire l’existence des ULIMO-K en 1991 ou 1992. 

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah : 

Interrogé sur ceux qui connaissaient son surnom « Physical Cash », Alieu Kosiah a répondu que peu de monde le connaissait, mais principalement les soldats qui se trouvaient dans cette zone. Sur question, Alieu Kosiah a indiqué que les gens ont commencé à le surnommer ainsi lorsqu’il est entré à la CID et que la plupart des gens m’appelaient « Cosh ». 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Werner interroge Alieu Kosiah : 

Me Werner a confronté le prévenu aux déclarations de [expurgé], qui a indiqué que lorsque les soldats voulaient booster le moral d’Alieu Kosiah, ils l’appelaient Physical Cash et que ce surnom était utilisé car Alieu Kosiah dépensait l’argent pour ses soldats quand il en avait, en précisant que le terme « Physical » signifiait qu’il était dépensier. Alieu Kosiah a expliqué qu’après la guerre, Alhaji Kromah a placé les anciens commandants dans des postes clé, de sorte qu’ils recevaient de l’argent. Le prévenu a déclaré qu’il avait payé les frais de scolarité à au moins vingt de ses gars qui voulaient aller à l’école alors qu’aucun autre commandant l’avait fait. Il a déclaré n’avoir pas mis cet argent à la banque, mais l’avoir utilisé pour ses gars. 

Me Werner a rappelé les déclarations de [expurgé] selon lesquelles ce surnom était utilisé sur la ligne de front pour booster le moral d’Alieu Kosiah. Le prévenu a déclaré qu’il ne comprenait pas où Me Werner voulait en venir et que selon sa compréhension, cela signifiait que ses soldats cherchaient à encourager leur commandant et non à intimider des civils. 

Confronté aux déclarations de [expurgé], qui a déclaré que Alieu Kosiah avait reçu ce surnom avant de se rendre dans le Lofa, le prévenu a déclaré n’avoir jamais nié avoir eu ce surnom et avoir expliqué comment l’on en avait affublé. 

Invité à confirmer ses propres déclarations, selon lesquelles il n’avait jamais vu des restes de corps humains exposés à des checkpoints bien qu’il ait indiqué connaître le checkpoint de Iron Gate, le prévenu a déclaré qu’il n’avait pas vu ce genre de choses. Il a ajouté : « Je ne dis pas que cela n’a pas existé, mais moi je n’ai rien vu de tel ». 

Me Werner a confronté le prévenu aux déclarations de [expurgé], qui a indiqué avoir vu des crânes humains sur des bâtons à Salaye, Zorzor, Voinjama et Foya et des squelettes entiers sur le sol, car les morts n’étaient pas forcément enterrés pendant la guerre. [Expurgé] a également déclaré que cette pratique de mettre une tête sur un bâton visait à faire peur à l’ennemi et que les victimes étaient des NPFL capturés par les ULIMO ou vice-versa, mais pas des civils. Me Werner a demandé à Alieu Kosiah s’il n’avait réellement jamais rien vu de tel dans la mesure où il avait emmené [expurgé] dans le Lofa. Le prévenu a maintenu ses déclarations et ajouté que la guerre pouvait parfois être horrible. Il a répété n’avoir jamais vu des crânes sur des bâtons à Voinjama, tout comme certaines parties plaignantes d’ailleurs. Il a déclaré : « Si je mens, ils mentent aussi ». 

Me Maleh interroge Alieu Kosiah :

Me Maleh a rappelé au prévenu ses déclarations devant le MPC selon lesquelles ceux qui le connaissaient vraiment savaient que pendant la guerre, son surnom était Physical Cash de sorte que les plaignants auraient dû le savoir. Me Maleh lui a également rappelé qu’il venait de dire que ce surnom s’était diffusé plus largement lors de sa prise de fonction au sein de la police et lui a demandé sur quelle base les parties plaignantes auraient dès lors dû connaître ce surnom. Le prévenu a répondu : « Si vous connaissez Alieu Kosiah et que vous dites que Alieu Kosiah a tué des gens, vous le connaitriez sous ce nom à l’époque car le nom du directeur du CID n’est pas un secret ». Il a déclaré que les avocats tentaient de défendre l’indéfendable et qu’il ne s’agissait pas du procès de la guerre civile, mais du sien. Il a ajouté : « Ce n’est pas moi qui ait apporté la guerre au Libéria. Je n’avais pas 15 ans quand la guerre a éclaté. Je ne suis pas responsable de ce qui s’est passé pendant la guerre, je suis responsable de ce que moi j’ai fait. La question n’est pas de savoir tout ce qui s’est passé pendant la guerre, mais de savoir ce que Alieu Kosiah a fait ». 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah : 

Me Jakob a rappelé au prévenu ses déclarations selon lesquelles d’autres combattants avaient adopté le surnom War Bus. Interrogé sur le nombre de combattants ayant porté ce nom de guerre, Alieu Kosiah a déclaré qu’il ne connaissait qu’un seul War Bus avec qui il était en contact direct, à savoir son chef décédé au début de la guerre. Il a précisé avoir indiqué qu’il ne pouvait pas exclure que d’autres personnes aient pris ce surnom par la suite, mais qu’il ne les connaissait pas. 

Me Jakob a demandé au prévenu si d’autres personnes avec lesquelles il n’avait jamais été en contact direct avaient porté ce nom de guerre. Alieu Kosiah a répondu que War Bus était un nom populaire, tout comme Kobra, dès lors qu’il ne pouvait pas exclure qu’il y ait eu d’autres War Bus après le War Bus originel. 

Me Jakob a fait appel à la mémoire du prévenu et lui a demandé s’il se souvenait de quoi que ce soit relativement à d’autres War Bus qui ne seraient pas le War Bus originel. Alieu Kosiah a indiqué que la seule personne qui lui venait à l’esprit était un garçon qui avait un problème à l’œil. Il a précisé qu’ils n’étaient pas ensemble pendant la guerre. 

Audition de EBJ (suite et fin)

La Cour questionne EBJ : 

Interrogé sur les raisons qui l’ont amené à avoir des contacts avec d’autres témoins ou victimes de la procédure, EBJ a expliqué avoir été sollicité à plusieurs reprises pour transmettre un message de la procureure à ces personnes et les faire venir témoigner. A la question de savoir s’il avait reçu une rémunération pour transmettre les demandes de témoignage et faire venir ces personnes, EBJ a répondu par la négative. Sur question, EBJ a déclaré qu’on ne lui avait pas demandé d’influencer les témoignages ni de dire à ces personnes de mentir sur Alieu Kosiah et qu’il n’avait jamais demandé à quelqu’un de mentir au cours de la procédure. 

Me Gianoli questionne EBJ :

Sur question, EBJ a indiqué qu’il ignorait la raison pour laquelle KA n’était pas venue témoigner en Suisse. 

Me Maleh questionne EBJ : 

Invité à clarifier son parcours scolaire entre 1989 et 1996, EBJ a expliqué qu’il s’était rendu à Voinjama en 1990 et y était resté jusqu’au mois de mai. Puis, il a été scolarisé à Sigissu en 1991-1992. Il est ensuite retourné à Voinjama en 1993, mais n’a pas été scolarisé. 

Me Toutou-Mpondo questionne EBJ : 

Interrogé sur son ressenti face aux dénégations et aux accusations portées à son encontre par le prévenu, EBJ a déclaré qu’il se sentait mal chaque fois qu’il voyait Alieu Kosiah et chaque qu’il l’entendait nier ce qu’il a fait. 

Me Gianoli questionne à nouveau EBJ : 

Invité à expliquer comment il se faisait qu’il était allé à l’école à Sigissu de 1991 à 1992 alors qu’il avait déclaré devant le MPC qu’il n’était pas allé à l’école pendant la guerre, EBJ a expliqué que l’ECOMOG était présent en 1991-1992 après la première guerre civile et que lorsqu’on lui a posé la question, il faisait référence à l’ULIMO War. Selon EBJ, il n’y avait pas de combat en présence de l’ECOMOG. 

Me Gianoli a demandé à EBJ si l’ECOMOG se trouvait à Sigissu en 1991-1992. EBJ a indiqué que l’ECOMOG était présent dans différentes villes, mais pas à Sigissu en particulier. Il a expliqué que son père avait pris la fuite en 1991 et était revenu en raison de la présence de l’ECOMOG. 

Interrogé sur les villes dans lesquelles l’ECOMOG était présent, EBJ a déclaré les avoir vus à Voinjama et ne pas avoir dit « villes » au pluriel. 

Sur question, EBJ a indiqué qu’il ignorait s’il y avait des combats entre le NPFL et l’ECOMOG et qu’il n’avait pas connaissance de l’opération « Octopus ». 

Me Toutou-Mpondo questionne à nouveau EBJ : 

Invité à adresser un dernier mot à la Cour, EBJ a exprimé sa gratitude envers le gouvernement suisse et les juges. Il a également tenu à remercier son avocat et ses collègues de même que le bureau du Procureur et l’avocat de la défense, ainsi que tous les participants à ce procès. Il s’est adressé aux juges en ces termes : « Vous pouvez prendre votre décision en sachant où se trouve la vérité ».

* * *

Interrogatoire d’Alieu Kosiah

La Cour a souhaité entendre le prévenu sur les deux reproches formulés dans l’acte d’accusation qui n’ont pas encore été traités, à savoir l’utilisation d’AT, alias [expurgé], comme enfant soldat et le meurtre du civil SK à Babahun. 

Alieu Kosiah a d’abord tenu à dessiner un plan illustrant la stratégie militaire de l’ULIMO, ce que le Juge Ermotti a accepté. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : utilisation d’AT, alias [expurgé], comme enfant soldat

Le Juge Ermotti a indiqué au prévenu qu’il avait été acquitté du chef d’accusation de recrutement et condamné pour avoir emmené [expurgé] sur la ligne de front. 

Alieu Kosiah a déclaré qu’il était impossible de se trouver simultanément à Zorzor et à Todi Junction. 

Il a ensuite expliqué avoir été recruté par l’AFL à 15 ans et s’est demandé comment il aurait pu savoir dans de telles circonstances qu’emmener un enfant de moins de 15 ans sur le front était un crime. Selon lui, l’AFL recrutaient des enfants de moins de 15 ans de sorte que l’argument selon lequel il aurait dû être au courant qu’il s’agissait d’un crime en raison de sa formation à l’AFL tombe à faux. Il a déclaré qu’il savait que le fait de forcer quelqu’un à rejoindre les ULIMO était un crime, mais pas le fait d’amener quelqu’un de moins de 15 ans sur le front car cela était très courant. 

Alieu Kosiah a répété qu’il y avait de nombreux soldats de 15 ans et moins au sein de l’AFL. Il a indiqué avoir menti sur son âge lors de son recrutement en prétendant qu’il avait 16 ans, mais les recruteurs de l’AFL ont obtenu son certificat de naissance. Il a ajouté qu’au sein des ULIMO, il n’avait aucun pouvoir de décider qui rejoignait la faction. 

La Cour interroge Alieu Kosiah

Sur question, Alieu Kosiah a confirmé avoir menti sur son âge afin d’être recruté. Le Président lui a demandé si l’on pouvait donc en déduire qu’il savait à partir de quel âge un jeune homme pouvait rejoindre l’armée. Alieu Kosiah a expliqué qu’il était grand pour son âge et pensait que les recruteurs de l’AFL ne le croiraient pas s’il leur disait qu’il avait 15 ans. Le Président s’est étonné de cette explication et a suggéré qu’un meilleur argument aurait été de leur dire qu’il était déjà grand et fort pour un jeune de 15 ans. 

Questions relatives aux actes reprochés au prévenu : meurtre du civil SK à Babahun

Alieu Kosiah a indiqué que Babahun se trouvait juste avant la Vahun Junction, en direction de Foya et qu’il n’y avait qu’une seule route carrossable pour y accéder. Selon, emprunter cette route pour se rendre à Babahun présuppose d’avoir le contrôle de Foya. 

Il a ajouté qu’il avait des doutes sur le fait que le nom S soit un nom masculin et que EBJ avait d’ailleurs indiqué qu’il s’agissait d’un prénom féminin lorsque la question lui a été posée. 

Le prévenu a ensuite expliqué que les ULIMO étaient arrivés à Vahun Junction avant de se diriger en direction de Fassama en passant par le ULC Camp, car la cible était Zorzor. Il a déclaré que le but était de s’interposer entre les NPFL au Libéria et les RUF en Sierra Leone, conformément à l’accord que les ULIMO avaient avec le gouvernement. Il a fallu néanmoins retourner à Tubmanburg pour chercher le groupe de Polu car les NPFL de Vahun tentaient de prendre les ULIMO à revers. Selon le prévenu, ce groupe était composé des bataillons Zebra et Alligator. Il a ajouté que le député était Polu et son adjoint Pokor. Alors que Pokor a battu en retraite, Polu a capturé Vahun, Papolahun, Massapolahun et Babahun pendant que le groupe principal de Dorley, devenu le groupe de Pepper & Salt, avançait sur Fassama et capturait Zorzor. 

Alieu Kosiah a déclaré que selon ses informations, Abu Keita avait capturé Zorzor sous les ordres de Dorley, qui a été rappelé au quartier-général fin 1992, début 1993. C’est à ce moment-là que Pepper & Salt a été envoyé pour le remplacer et a capturé Voinjama, Kolahun et Foya. Le prévenu a précisé qu’il pensait que Pepper & Salt n’avait pas participé à la prise de Kolahun et Foya, mais plutôt qu’il y avait envoyé des hommes. 

Selon Alieu Kosiah, si l’histoire de FK était vraie, le pick-up ne serait pas arrivé de Foya, mais de Kolahun et les ULIMO auraient contrôlé Voinjama et Zorzor avant Foya. Le prévenu a rappelé que AS/TS a déclaré que les ULIMO avaient d’abord capturé Zorzor, puis Voinjama, Kolahun et Foya en dernier, soit l’inverse de ce que prétend FK. 

Alieu Kosiah a également indiqué qu’il n’était pas possible que FK se soit rendu à Kakata pour entrer dans la zone du gouvernement d’intérim à Fifteen Gate comme il le prétend car il n’y avait aucun moyen de faire ce trajet entre 1993 et 1996 en raison des combats. Selon le prévenu, il est également faux de prétendre que Kakata était contrôlée par les NPFL en 1993, car les ULIMO avaient le contrôle depuis janvier 1993 au moins. 

Alieu Kosiah a déclaré : « Si on accepte la vérité, je ne peux pas être condamné sur la base des déclarations de FK ». Il a ajouté que seul LSM s’est approché de la vérité en ce qui concerne l’avancée des ULIMO, mais il s’est trompé sur un certain nombre de choses (i.e. une seule attaque à Foya, et non trois ; capture de Zorzor par le groupe de Dorley et non par Strike Force). 

Me Jakob est intervenu et s’est opposé à ce que l’audition du prévenu serve à plaider longuement la crédibilité de LSM. Le Juge Ermotti a déclaré qu’il comprenait la position de Me Jakob, mais avait peu de marge de manœuvre. Il a rappelé au prévenu qu’il était dans son intérêt de structurer son propos. 

Alieu Kosiah a indiqué qu’il était important pour lui de s’assurer que la Cour ait toutes les informations utiles à sa disposition. Là était son lui la crainte de Me Jakob, car une fois ces informations à disposition de la Cour, il ne sera plus en mesure de la duper. 

Le prévenu a terminé en déclarant qu’il n’avait jamais rencontré SK et que la seule connexion entre lui et cet homme était Me Werner. Il a affirmé : « Sans l’ONG, il y a zéro chance que cet homme me connaisse ». Il a répété qu’il ne connaissait aucune des victimes et des parties plaignantes et que c’était la raison pour laquelle il obtiendrait gain de cause, de manière identique que Gibril Massaquoi dans le procès finlandais, à la seule différence que lui avait passé huit ans en prison. 

La Cour interroge Alieu Kosiah : 

Interrogé sur son rôle au sein de la stratégie militaire de l’ULIMO telle qu’il l’a illustrée sur le plan, Alieu Kosiah a répondu qu’il n’avait pas fait partie de ce groupe et n’avait fait que citer Fofana, Advisor et Fine Boy. 

Me Gianoli interroge Alieu Kosiah : 

A la question de savoir s’il s’était intéressé à l’histoire du Libéria, Alieu Kosiah a répondu qu’il s’y était bien évidemment intéressé en tant que Libérien et a précisé qu’il tirait ces informations de son expérience personnelle ainsi que du dossier d’instruction. 

Le MPC n’a pas eu de questions. 

Me Werner interroge Alieu Kosiah : 

Me Werner a donné lecture des déclarations de FK lors de sa confrontation avec le prévenu. En substance, FK a déclaré qu’il avait choisi de quitter sa famille et ses obligations professionnelles pour exposer ses griefs. Il a répété qu’il n’était pas dans le besoin financièrement et qu’il était venu témoigner pour la justice, en précisant qu’il n’avait rien contre Alieu Kosiah. FK a d’ailleurs déclaré qu’il avait de la compassion pour le prévenu, qui était emprisonné depuis deux ans à l’époque. FK a insisté sur le fait qu’il était important de retisser des liens entre les Libériens. Me Werner a également donné lecture des déclarations faites par FK en première instance, lorsqu’il a répété qu’il n’avait aucun intérêt financier dans cette procédure et que son seul objectif était de voir la justice être rendue, ce que le gouvernement libérien se refusait à faire. 

Me Werner a demandé à Alieu Kosiah si la réelle motivation de FK ne pouvait pas être la justice et la réconciliation dans son pays puisqu’il n’a pas témoigné contre de l’argent, ni pour obtenir l’asile. Alieu Kosiah a répondu que sa définition de la justice n’était pas la justice de certains contre d’autres, mais la justice pour tous. Il a déclaré que personne ne serait d’accord avec quelqu’un qui prétendrait que les Allemands étaient passés par l’Espagne pour attaquer la France lors de la Seconde Guerre mondiale. Le prévenu a répété que les ULIMO avaient capturé Kakata, malgré les dénégations de FK, et a ajouté qu’ils sont allés à Monrovia pour aider l’ECOMOG à combattre Taylor lors de l’opération Octopus. 

Alieu Kosiah a affirmé que la stratégie des parties plaignantes s’apparentait à dire qu’il y avait une bombe atomique en Irak ou à pleurer devant le Congrès américain. Il a déclaré : « L’histoire nous montre que ce genre de choses se produisent souvent ». Selon le prévenu, il est nécessaire de s’assurer que les informations que l’on reçoit des gens qui ont des problèmes sont crédibles. 

Me Jakob interroge Alieu Kosiah : 

Interrogé sur le prénom de Pokor, l’adjoint de Polu, Alieu Kosiah a déclaré qu’il connaissait uniquement son père USD Pokor et qu’il avait cité Kwamex Fofana. Me Jakob a demandé au prévenu ce qu’il savait sur le fils de USD Pokor avant son arrestation. Alieu Kosiah a répondu qu’il avait lu le dossier et qu’il connaissait peu de choses sur le jeune Pokor, mais savait beaucoup de choses sur USD Pokor. 

Le prévenu n’a pas répondu à la question de savoir si Small Pokor était un nom pour décrire le fils de Pokor ou s’il s’agissait de son nom de guerre. 

Me Jakob a demandé à Alieu si ce qu’il savait sur USD Pokor lui permettait d’affirmer ou infirmer la déclaration de LSM selon laquelle le fils s’appelait Chester Pokor. Alieu Kosiah a répondu qu’il ne pouvait ni l’affirmer ni l’infirmer car il ne connaissait pas Chester Pokor et a déclaré qu’il savait bien plus de choses sur USD Pokor que ce que Me Jakob pouvait imaginer. 

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