[02/02/2023] Day 11: The plaintiff’s causes are pled

Réquisitoire du MPC (suite ; 1h20)

Le Procureur a poursuivi son réquisitoire avec la partie consacrée à l’appel joint. 

Coup de couteau infligé à LSM

Selon le Procureur, les contradictions relevées par les juges de première instance dans les déclarations de LSM en rapport avec l’auteur du coup de couteau sont un malentendu. En effet, LSM a confirmé ce qu’il avait dit au MPC devant la Cour des affaires pénales. Quant à Fine Boy, il a bien indiqué à LSM que l’auteur du coup de couteau était Alieu Kosiah. 

Selon le Procureur, si la Cour considère qu’un doute subsiste, les circonstances permettent d’imputer le coup de couteau à Alieu Kosiah sous l’angle de la coactivité. Le Procureur s’est dit surpris que la Cour ait refusé de modifier l’acte d’accusation en ajoutant Kunti comme l’avait proposé le MPC pour ensuite juger que l’acte d’accusation ne suffisait pas pour retenir la coactivité alors qu’elle s’était réservé le droit de l’examiner sous cet angle. Selon le Procureur, l’acte d’accusation était suffisant pour retenir la coactivité, y compris avant sa modification. 

Le Procureur s’est dit convaincu du fait qu’Alieu Kosiah était l’auteur du coup de couteau. Il a déclaré que le contexte décrit dans l’acte d’accusation avant sa modification aurait dû conduire la Cour à considérer Alieu Kosiah comme co-auteur, si par impossible Kunti était l’auteur direct. 

Le Procureur a cité la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de coactivité et a précisé que la contribution du co-auteur était déterminante sans pour autant qu’il ait nécessairement participé à l’acte. La décision commune peut résulter de simples actes concluants et le dol éventuel suffit quant au résultat. Selon le Procureur, ces éléments correspondent à la scène décrite dans l’acte d’accusation. 

Meurtre de DN

Le Procureur a rappelé que les premiers juges avaient considéré que l’acte d’accusation ne décrivait pas le comportement d’Alieu Kosiah, respectivement sa participation, de sorte que la coactivité, la complicité et la commission par omission ont été écartées. Le Procureur a déclaré que le prévenu était aux avant-postes et a reproché aux juges de première instance d’avoir omis de prendre en compte le contexte de la scène tel qu’il ressort de l’acte d’accusation. En effet, Alieu Kosiah a jubilé et mangé le cœur du défunt, ce qui prouve qu’il voulait dès le départ que DN soit tué. Le Procureur a déclaré que Ugly Boy avait été l’exécutant d’un projet funèbre commun. 

Le Procureur a cité l’art. 325 CPP sur le contenu de l’acte d’accusation. Il s’est demandé à quel point l’acte d’accusation devait être complet et à quel endroit il fallait placer la barre concernant le niveau de détails. Il a déclaré que le prévenu avait certes le droit de savoir ce qui lui était reproché, mais que les exigences de motivations ne pouvaient pas non plus être trop lourdes. 

Il a invité la Cour à examiner le comportement du prévenu sous l’angle de la complicité, voire de la coactivité.

Pillage de la centrale électrique de Foya

Sur le volet du pillage de la centrale électrique de Foya, le Procureur a rappelé que les premiers juges avaient acquitté le prévenu au bénéfice du doute sur l’ordre donné de piller. Selon le Procureur, un témoignage direct de l’ordre donné n’est néanmoins pas nécessaire pour conclure à la participation d’Alieu Kosiah. A nouveau, il faut prendre en compte le contexte, à savoir des pillages généralisés pour financer le mouvement ULIMO et enrichir les commandants. Le Procureur a ajouté qu’Alieu Kosiah était le plus haut gradé. 

Il a rappelé que les premiers juges avaient estimé que l’ordre aurait pu émaner de la Strike Force à Voinjama ou de Tubmanburg. Cela étant, le prévenu faisait partie de l’état-major de la Strike Force et même si l’ordre avait émané de sa hiérarchie, Alieu Kosiah est coupable sous l’angle de l’art. 18 aCPM en qualité d’auteur direct, respectivement de co-auteur. 

Le Procureur a enfin rappelé qu’il s’agissait d’une opération importante et qu’en sus de donner l’ordre, il fallait également organiser et coordonner le pillage. 

Partie juridique

Sur le plan juridique, le Procureur a d’abord tenu à formuler quelques remarques au sujet du raisonnement relatif à la compétence de la Suisse pour traiter l’affaire. Il a expliqué ne pas avoir mentionné ce point dans l’appel joint, car il s’agit selon lui d’une simple erreur dans le raisonnement des juges, qui ne remet aucunement en cause le jugement. 

Le Procureur a affirmé que la Suisse était compétente pour juger le cas sur la base de l’art. 264m CP, et non pas sur la base de l’art. 9 aCPM comme l’ont retenu les premiers juges. Selon lui, le jugement fait fausse route lorsqu’il écarte de manière absolue toute rétroactivité de l’art. 264m CP lorsque l’infraction commise à l’étranger n’était pas punissable en Suisse antérieurement à sa commission. En effet, la Suisse était compétente sous l’angle du droit pénal militaire et sur la base du droit international. Le Procureur a affirmé qu’il ne s’agissait dès lors pas d’un cas d’extension du jus poniendi de la Suisse empêchant la rétroactivité.

Il a ajouté que l’art. 264m CP conditionnait la poursuite de l’infraction à la présence en Suisse de son auteur et a répété que c’était donc bien sur cette disposition que se fondait la compétence de la Suisse pour juger de l’affaire. Il a également renvoyé la Cour à la contribution de Me Maleh dans le Commentaire romand. 

Le Procureur a ensuite abordé le crime contre l’humanité et la question de l’application rétroactive de l’art. 264a CP. Il a rappelé que la Cour des affaires pénales s’était affranchie de cette question dans la mesure où l’état de fait décrit dans l’acte d’accusation ne permettait pas d’appréhender cette infraction et qu’un acte d’accusation modifié avait été remis à la Cour d’appel.

Avant d’expliquer son raisonnement de manière détaillée, le Procureur a déclaré que l’art. 264a CP n’était pas applicable de manière rétroactive aux faits survenus dans les années 90 au Libéria. Il s’est référé au Message du 23 avril 2008 relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (FF 2008 3461), qui préconise selon lui la non rétroactivité de ces dispositions. 

Le Procureur a indiqué que cet avis avait été soutenu par la majorité de la Commission judiciaire et que seule une minorité plaidait en faveur de la rétroactivité. Il a invité la Cour à lire les débats parlementaires, plus particulièrement les interventions de Evelyne Widmer-Schlumpf et de Yves Nidegger. Le Conseil des Etats s’était certes prononcé en faveur de l’introduction d’un alinéa 3 à l’art. 2 CP, prévoyant la rétroactivité, mais le parlement l’a finalement rejetée. 

Le Procureur a expliqué que chaque conseil s’est alors penché sur l’imprescriptibilité prévue à l’art. 101 CP et a de nouveau renvoyé la cour aux propos de la Conseillère fédérale Evelyne Widmer-Schlumpf. Selon le Procureur, il convient de faire une distinction entre la rétroactivité de l’imprescribilité – qui faisait l’objet du débat – et la rétroactivité de la norme pénale – qui a expressément été exclue par les deux chambres selon les propos de la Conseillère fédérale. Il s’agit là, selon le Procureur, de la véritable volonté du législateur : non à la rétroactivité de la norme pénale, oui à la rétroactivité de l’imprescriptibilité, mais de manière limitée dans le temps. 

Le Procureur a ensuite cité deux décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (BB.2017.9 du 30 mai 2018 et BB.2021.141 du 23 septembre 2021). Il a déclaré que la Cour des plaintes n’avait pas fait de distinction claire entre la rétroactivité de la norme pénale et la rétroactivité de l’imprescriptibilité et avait omis de se référer aux travaux préparatoires qui ont exclu l’introduction de l’art. 2 al. 3 CP.

Selon le Procureur, les travaux préparatoires sont clairs en ce qu’ils préconisent le rejet de la rétroactivité de l’art. 264a CP sous la forme de l’art. 2 CP. Il est dès lors exclu de condamner Alieu Kosiah pour crimes contre l’humanité. En revanche, le prévenu peut être condamné pour meurtre devenu imprescriptible. 

Le Procureur a ensuite abordé la question de la compétence de la Suisse pour juger de l’affaire. Il a déclaré que le MPC avait conscience que sa position impliquait que certains faits puissent échapper à la poursuite pénale. Le Procureur a rappelé que, bien que le but ne soit pas de favoriser l’impunité, le MPC était l’un des garants de l’État de droit et devait se plier à la volonté du législateur, de sorte qu’il ne pouvait pas plaider une solution qui y dérogerait. Le Procureur a reconnu que cette opinion n’était pas partagée par tout le monde, notamment Me Jakob, et qu’il s’agissait au final d’une question d’interprétation de la volonté du législateur. Le Procureur s’est réjoui que la question puisse être tranchée dans un cas concret. 

Conclusions

Le Procureur a renvoyé la Cour aux conclusions prises dans le cadre du jugement de première instance. Il a conclu pour le surplus à la condamnation d’Alieu Kosiah pour crimes de guerre et tentative de meurtre sur LSM. Il a également invité à la Cour à retenir la complicité pour le meurtre de DN et pour le pillage de la centrale électrique de Foya. Le Procureur a renoncé à prendre des conclusions formelles sur le volet du crime contre l’humanité. 

Il a ensuite rappelé que l’appel joint rendait possible une reformatio in pejus et qu’il appartenait à la Cour de décider si elle entendait ouvrir la porte de la peine privative de liberté à vie en retenant le crime contre l’humanité. 

S’agissant de la fixation de la peine, le Procureur a renvoyé la Cour à ses réquisitions de première instance et a insisté sur le fait que la culpabilité du prévenu était extrêmement lourde. Le fait qu’Alieu Kosiah n’ait pas d’antécédents judiciaires a un effet neutre sur la peine selon le Procureur. Il a également affirmé que la collaboration du prévenu avait été mauvaise tant il a usé d’écrans de fumée. 

Le Procureur a déclaré que rien ne s’opposait à l’expulsion du prévenu compte tenu de ses faibles attaches avec la Suisse et qu’aucune circonstance atténuante n’était envisageable. La peine privative de liberté maximale de 20 ans a dès lors été requise par le Procureur. 

Après avoir formulé les conclusions du MPC de manière précise, le Procureur a tenu à saluer la présence, le courage et l’abnégation des parties plaignantes. Il a déclaré qu’elles étaient les représentantes de centaines de milliers de victimes de ce conflit, qui attendent toutes la fin de l’impunité. Selon le Procureur, le jugement de première instance a fait office de reconnaissance d’une souffrance de plus de 30 ans, encore jamais reconnue. 

* * *

Les avocats des parties plaignantes ont pris la parole deux fois chacun, une première fois sur les thèmes transversaux, puis une seconde sur les faits concernant leurs mandants respectifs. Me Jakob a également pris la parole afin de se prononcer sur la question de l’application de l’art. 264a CP qui réprime le crime contre l’humanité. 

Plaidoirie de Me Jakob

Me Jakob a d’emblée déclaré qu’il s’inscrivait en faux par rapport aux arguments du MPC sur l’application de l’art. 264a CP. Selon lui, la décision de la Cour des plaintes BB.2021.141 du 23 septembre 2021 confirme et explicite l’arrêt publié TPF 2018 96 dans l’affaire Nezzar. Me Jakob a expliqué que cet arrêt posait deux conditions à l’application rétroactive de l’art. 264a CP, à savoir (i) la qualification d’infraction en droit suisse à l’époque des faits et (ii) l’absence de prescription au 1er janvier 2011. Selon l’avocat, les deux conditions sont remplies en l’espèce puisque d’une part, l’infraction était prévue à l’art. 109 aCPM et, d’autre part, elle n’était pas prescrite dans la mesure où les crimes de guerre étaient déjà imprescriptibles à l’époque en vertu de l’art. 56bis al. 1 ch. 2 aCPM. 

Me Jakob a proposé d’examiner la troisième condition suggérée par Me Maleh et lui-même dans le Commentaire romand, à savoir la qualification d’infraction en droit international, qui ne pose aucune difficulté en l’espèce. 

Selon Me Jakob, il n’y aucune raison d’opérer un schisme au sein du Tribunal pénal fédéral en s’écartant de la jurisprudence de la Cour des plaintes. Bien que l’argument d’autorité soit selon lui suffisant pour justifier la décision, l’avocat a développé cinq arguments supplémentaires permettant de conclure que le principe de rétroactivité ne fait pas obstacle à l’application de l’art. 264a CP. 

Premièrement, le texte de l’art. 101 al. 3 CP se réfère expressément à l’art. 264a CP et prévoit que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles pour autant que l’action pénale ne soit pas prescrite le 1er janvier 2011. Selon Me Jakob, cette disposition n’a de sens que si l’on conçoit l’existence de crimes contre l’humanité commis avant le 1er janvier 2011 et susceptible de faire l’objet de l’action pénale visée par la norme. Il s’est demandé pourquoi le législateur aurait rendu imprescriptible une infraction qui, selon le MPC, ne peut être poursuivie. Il a rappelé que l’art. 101 al. 1 let. b CP visait expressément les crimes contre l’humanité et que l’imprescriptibilité est applicable aux conditions posées par l’art. 101 al. 3 CP, de sorte que la norme prévoit explicitement l’applicabilité de l’art. 264a CP à des faits survenus avant le 1er janvier 2011. Selon l’avocat, l’interprétation littérale de l’art. 101 CP est incompatible avec l’interprétation proposée par le MPC. 

Deuxièmement, Me Jakob a déclaré que l’application de l’art. 264a CP n’était pas incompatible avec le principe de non rétroactivité prévu à l’art. 2 CP et les droits fondamentaux de l’accusé, contrairement à l’avis du MPC. En effet, l’avocat a rappelé, à l’appui des sources doctrinales et jurisprudentielles, que l’art. 2 CP connaissait des exceptions, parmi lesquelles figure l’art. 101 al. 3 CP. 

Sur le plan des droits fondamentaux, Me Jakob a cité l’art. 7 para. 2 CEDH et a déclaré que cette disposition traduisait le fait qu’il n’y avait pas d’extension de la punissabilité. Il a précisé qu’il ne s’agissait pas en l’espèce d’étendre le jus poniendi dans la mesure où les faits étaient déjà punissables sous l’angle du droit international et du droit suisse au moment de leur commission. Il s’agit au contraire d’un simple changement de qualification juridique. L’avocat a proposé une comparaison avec l’affaire Touvier, dans laquelle les juges sont arrivés à la conclusion que « n’a[vait] pas été méconnu le principe de non-rétroactivité », alors que la même problématique se posait.

Troisièmement, Me Jakob s’est penché sur les travaux préparatoires à l’origine de l’art. 101 al. 3 CP. Il a déclaré que MPC avait fait abstraction du fait que cette disposition n’était pas une novelle introduite en 2011 en se référant uniquement aux travaux préparatoires les plus récents. Il a expliqué que la norme était apparue pour la première fois comme disposition transitoire à l’art. 75bis aCP, entrée en vigueur le 1er janvier 1983. Selon Me Jakob, il est dès lors nécessaire de se plonger dans les travaux préparatoires de l’époque. 

L’avocat a indiqué que le rapporteur au Conseil des États avait expliqué la portée de la norme lors des débats parlementaires et a déclaré qu’un raisonnement a contrario permettait de conclure qu’il y avait une « Rückwirkung » sur les infractions non prescrites au moment de l’adoption de la norme. Me Jakob a ajouté que certains parlementaires avaient critiqué la portée de la norme en arguant qu’elle étendait le champ temporel de l’action pénale, ce qui leur déplaisait à tort ou à raison. Il a néanmoins insisté sur le fait que l’intention de la majorité ne prêtait pas à controverse et que la position de la minorité avait été rejetée.

Me Jakob a également mentionné l’intervention de Grobet (BO 1979 CN 858), qui s’est référé à l’affaire Menten (du nom d’un officier SS que la Suisse a eu des difficultés à extrader aux Pays-Bas). Il n’a néanmoins pas été question de régler une problématique d’extradition plutôt que celle de l’action pénale et il ressort clairement des débats, selon l’avocat, que les parlementaires ont renoncé à limiter la portée de la norme à l’extradition. 

Me Jakob est ensuite revenu sur les débats nourris ayant conduit à l’adoption de l’art. 101 al.3 CP quelques décennies plus tard, soit la disposition qui reprend et complète l’art. 75bis aCP. Il a indiqué qu’il y avait eu dans chaque chambre une proposition consistant à rendre les art. 264 ss CP rétroactivement applicables même lorsque les faits n’étaient pas punissables en Suisse au moment de leur commission. Selon Me Jakob, l’idée était de considérer les actes comme étant punissables sur la base du droit international. 

L’avocat a expliqué que ces propositions avaient été rejetées et qu’un tel rejet avait généré des doutes sur la participation de la Suisse à la lutte contre l’impunité. La Conseillère fédérale Widmer-Schlumpf a rassuré les parlementaires en affirmant que la poursuite de ces infractions n’était pas compromise car il était possible de reclasser (« wiederklassieren ») des délits de droit commun non prescrits en infractions à l’art. 264a CP. Selon Me Jakob, ce « wiederklassieren » est conforme à la volonté du législateur et le MPC commet l’erreur d’opposer artificiellement rétroactivité et non-rétroactivité. Il a insisté sur le fait que la norme imposait non pas une extension du jus poniendi, mais une rétroactivité limitée s’inscrivant dans une pesée des intérêts délicate et pleinement assumée par le législateur. 

Me Jakob a ajouté que l’art. 101 al. 3 CP avait été modifié en 2008 afin d’englober les infractions d’ordre sexuel sur des enfants et que dans son Message relatif à la mise en œuvre de l’art. 123b Cst. concernant l’imprescriptibilité des actes d’ordre sexuel ou pornographique sur des enfants (FF 2011 5591), le Conseil fédéral avait expliqué que la norme devait être interprétée de façon à « voir l’imprescriptibilité s’appliquer au plus grand nombre de cas possible du point de vue temporel ». Selon l’avocat, cette infraction a la même structure que le crime contre l’humanité et le génocide et le but de l’art. 101 al. 3 CP est bien de permettre l’exercice de l’action pénale dans le temps. 

Quatrièmement, Me Jakob a plaidé que l’interprétation des parties plaignantes était conforme au droit international et au principe de complémentarité prévu par le Statut de Rome. Il a rappelé que la réforme de 2011 avait pour but d’assurer une répression sans faille des crimes internationaux selon le Message du Conseil fédéral (FF 2008 3469) et permettait d’éviter la saisine de la CPI à cause d’une lacune du droit suisse. Il est inconcevable selon lui que la Suisse n’ait pas de compétence sur la période s’étendant de 2002 à 2011. Il a répété que l’art. 101 al. 3 CP devait être interprété de manière conforme au droit international.

Cinquièmement, Me Jakob a évoqué une raison moins technique, mais tout aussi déterminante selon lui, qui concerne la dimension des crimes contre l’humanité. Il a rappelé que les crimes reprochés au prévenu n’étaient pas des actes ponctuels d’opportunisme en temps de guerre, mais s’inscrivaient dans un cadre d’abominations conduites de façon systématique et concertée contre la population civile du Lofa. L’avocat a également rappelé que les tribunaux pénaux internationaux avaient relevé à plusieurs reprises que le concours entre crimes de guerre et crimes contre l’humanité protège des intérêts différents. Selon Me Jakob, il s’agit de refléter toute l’ampleur de la culpabilité de l’accusé et de fournir un tableau complet de sa conduite criminelle, ce qui venait ici à relever que les crimes d’Alieu Kosiah faisaient partie de crimes de masse contre la population civile du Lofa.

* * *

Plaidoirie de Me Werner (thèmes transversaux)

Me Werner a d’abord tenu à remercier les juges au nom des parties plaignantes et s’est réjoui de l’intérêt porté à cette affaire. Il a indiqué qu’il commencerait par revenir sur l’historique du conflit avant de se pencher sur la dénégation d’Alieu Kosiah et qu’il terminerait par donner un éclairage sur son rôle et celui de Civitas Maxima et du GJRP.

Me Werner a déclaré que les habitants du Lofa avaient vécu un calvaire en 1993-1994, qui a été documenté en temps réel par les héros que sont les journalistes et les humanitaires. L’avocat a tenu à parcourir certaines dépêches et rapports de façon chronologique afin de prendre la mesure de la situation. Il s’est ainsi référé au rapport de MSF, qui fait état dès juillet 1993 de villages entiers réduits en esclavage, de tueries systématiques, de décapitations, de cadavres découpés en morceaux et de l’usage d’organes humains aux checkpoints. 

Selon Me Werner, ce rapport a permis de mobiliser l’attention des plus grands journaux du monde, tel que le NY Times ou la BBC, et de la communauté internationale sur la situation au Libéria. Cette dernière a d’ailleurs demandé au Secrétaire général des Nations Unies de mener une enquête, alors que les ULIMO ont confessé des tueries de masse. 

Me Werner a donné lecture de 13 extraits de dépêches (NY Times, BBC, AFP, Reuters) et du rapport de MSF qui témoignent de l’horreur des crimes commis par les ULIMO. Il a précisé qu’il aurait pu en lire 60 ou 80 qui racontent ces crimes. Il a ajouté avoir également retrouvé des journaux libériens de l’époque dans des microfilms de la bibliothèque du Congrès américain, qui font état des mêmes atrocités. 

Il a ensuite mentionné le rapport de la TRC, publié environ 15 ans plus tard et dont le contenu corrobore entièrement l’existence et le déroulement de l’attaque incessante des ULIMO contre la population civile du Lofa. A ce titre, Me Werner a évoqué deux éléments emblématiques issus des travaux de la TRC. D’une part, la liste des massacres commis dans le Lofa qui attribue 16 massacres de civils à ULIMO pour la seule année 1993. D’autre part, la vidéo de l’audition de JS qui, en 2008 déjà, racontait les transports forcés et les violences dont il a été victime et témoin. Me Werner a indiqué que cette vidéo avait été visionnée dans le cadre du procès Kunti en France et qu’un long silence avait suivi la projection. Selon lui, le récit de JS fait écho à ceux des parties plaignantes et est emblématique des souffrances endurées par les civils du Lofa. 

Me Werner a ajouté que le rapport de la TRC avait également permis de mettre en exergue les violences sexuelles et de comprendre que l’attaque systématique et généralisée des ULIMO contre les civils s’est inscrite dans le contexte des deux guerres civils libériennes, lors desquelles toutes les factions s’en prenaient à la population civile. Selon l’avocat, cela fait écho à la citation tirée du film de Christophe Naigeon que le Procureur a lue la veille. 

Me Werner a rappelé que le groupe d’Alieu Kosiah avait commencé à se battre contre les RUF en Sierra Leone, avant de traverser la frontière libérienne pour s’engager dans la guerre civile et combattre le NPFL. Il y avait ainsi trois factions armées à Kailahun, la ville limitrophe du Lofa située en Sierra Leone. L’avocat a évoqué les quatre jugements contre les RUF et Taylor rendus par le TSSL, qui a officié de 2004 à 2012. Il a indiqué que des centaines de témoins avaient été auditionnés dans le cadre de ces procédures, qui racontent la même histoire, à savoir des exécutions sommaires, actes de terreur, travail forcé, pillage, violences sexuelles. Me Werner a déclaré que les trois groupes armés partageaient le même modus operandi : une attaque générale et systématique contre la population civile. Il a précisé que chaque groupe avait néanmoins conservé certaines spécificités dans la manière de mener l’attaque. Alors que les RUF ont inventé les amputations systématiques selon la fameuse expression « long sleeves or short sleeves », l’ULIMO s’est illustré dans les « pillages XXL » et les transports forcés. 

Au-delà de ces spécificités, Me Werner a insisté sur le fait que toutes les sources disponibles étaient crédibles et racontaient une seule et même histoire, celle d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile du Lofa. Ce constat l’a amené à aborder la question de la dénégation d’Alieu Kosiah. 

Me Werner a invité les juges à s’imaginer un appartement, dont chaque pièce représenterait une ville du Lofa, et dans lequel il y aurait un lion. Selon l’avocat, quiconque passe quelques jours dans cet appartement, tel que des journalistes, est forcément au courant de la présence du lion. C’est ainsi que les journalistes de la BBC, du NY Times, de Reuters ou de l’AFP ont publié des dépêches dans lesquelles ils ont décrit le lion. Quant à l’organisation MSF, qui a passé plus de six mois dans l’appartement, elle a publié un rapport que Me Werner a brandi devant les juges. 

Il a proposé d’étendre la métaphore à un immeuble entier, représentant le Libéria durant la première guerre civile, dans lequel chaque appartement serait un comté contrôlé par un groupe armé. L’avocat a déclaré qu’il y aurait alors un lion dans chaque appartement, conformément à ce qui est décrit dans le rapport de la TRC. Il a également insisté sur le fait que ce rapport était antérieur à la création de l’ONG Civitas Maxima et du GJRP. 

Me Werner a ensuite affirmé que contrairement à la défense, les avocats des parties civiles n’ont jamais approché des témoins. La défense l’a fait avec AT, dit [expurgé], qui se trouvait dans le Lofa avec les ULIMO entre 1993 et 1995. Selon Me Werner, [expurgé] a vécu dans l’appartement en compagnie de son commandant Alieu Kosiah et a vu le lion. Il l’a même décrit au cours de la procédure en évoquant l’utilisation constante par l’ULIMO de civils pour transporter des biens pillés jusqu’à Solomba ou des munitions sur la ligne de front, ainsi que la pratique visant à planter des têtes humaines sur des pieux et utiliser des intestins humains en guise de barrière. Selon Me Werner, le témoin [expurgé] cité par la défense n’a pas décrit uniquement des crimes, mais une pratique de crimes de masse contre la population civile comme évoquée par Me Jakob. L’avocat a ajouté que [expurgé] était tout en bas de l’échelle hiérarchique ULIMO puisqu’il était enfant soldat.

Me Werner a déclaré qu’à l’autre bout du spectre, au sommet de la hiérarchie, il y a celui que la défense et Alieu Kosiah semblent considérer comme la référence ultime au sein des ULIMO, Kwamex Fofanah. L’avocat a cité certaines déclarations du chief of staff de l’ULIMO, qui recevait des plaintes concernant du travail forcé, des pillages, des tueries, des disparitions forcées, des viols commis dans le Lofa. Selon Me Werner, il y a donc un écho entre le haut et le bas de la hiérarchie ULIMO. 

L’avocat a ensuite évoqué le rapport produit par la défense, qui fait également état de transports forcés de biens pillés et de munitions, du pillage de l’hôpital de Borma à Foya, de l’exécution de six personnes par l’ULIMO dans le Upper Waum Clan du district de Foya, de l’assassinat de TKo à Foya sur ordre d’Ugly Boy, ou encore d’autres tueries perpétrées par Ugly Boy et les ULIMO, dont l’assassinat de DN. Selon Me Werner, l’équipe d’enquête mandatée par la défense a décrit de façon détaillée le lion dans l’appartement, comme tout le monde dans le dossier. L’avocat a relevé que Me Gianoli ne s’était guère prévalu de son propre rapport d’enquête au cours de sa plaidoirie de douze heures. 

Me Werner a déclaré que tout le monde avait une connaissance détaillée de l’attaque générale et systématique menée par les ULIMO sur les civils du Lofa, sauf Alieu Kosiah, qui est le seul à dire qu’il n’a rien vu alors même qu’il était floating officer et se déplaçait dans toutes les pièces de l’appartement.

Me Werner a ajouté qu’à sa connaissance, personne n’avait nié les crimes. Néanmoins, le prévenu n’a rien vu durant les deux ans qu’a duré l’attaque. Son avocat a plaidé qu’Alieu Kosiah « vivait quasiment normalement dans le Lofa ». Me Werner a déclaré : « Son propre enfant soldat a tout vu, sa hiérarchie a tout vu, mais lui n’a rien vu ». L’avocat a ajouté qu’il était impensable que le prévenu n’ait été au courant de rien alors qu’il était impressionnant de connaissance sur le Lofa et le groupe ULIMO. Il a déclaré : « Alieu Kosiah aurait vécu plus de deux ans dans l’appartement et il vous dit qu’il n’aurait jamais vu le lion ».

Me Werner s’est offusqué que Me Gianoli puisse parler d’honnêteté et d’intégrité, et, pour reprendre les propos du Procureur en 2021 – qui avait trouvé le mot d’esprit « Alieu au pays des merveilles » –, il a osé extrapoler : « Alieu et Dimitri au pays des merveilles ». 

Me Werner a déclaré qu’il avait gardé l’espoir d’un dialogue ou d’une réconciliation jusqu’à ce qu’il entende la réponse donnée par Alieu Kosiah à une question de la Cour portant sur le meurtre de DN, à savoir si le prévenu reconnaissait que DN avait été tué de la manière décrite par les enquêteurs mandatés par ses soins. Alieu Kosiah n’a rien dit, rien confirmé. Selon Me Werner, Alieu Kosiah avait la plus belle occasion d’adresser un mot de compassion à toutes les victimes du Lofa, mais ce mot n’est jamais venu et ne viendra jamais. Me Werner a déclaré qu’Alieu Kosiah avait traité les civils comme des objets et que l’on n’avait pas de compassion pour les objets. 

L’avocat a également indiqué que la situation était très compliquée pour les anciens soldats ULIMO appelés comme témoins à décharge, car d’un côté ils ne peuvent que reconnaître l’évidence de l’attaque systématique et généralisée contre les civils, et de l’autre, ils ne doivent pas incriminer Alieu Kosiah. Selon Me Werner, les témoins cités par la défense ont parfois trébuché sur cette ligne de crête en incriminant le prévenu. A cet égard, l’avocat a évoqué les déclarations de [expurgé] concernant le pillage de café et de cacao qui étaient ensuite transportés en Guinée et le récit absurde inventé par Alieu Kosiah selon lequel ces marchandises avaient en réalité été données à son cousin infirmier, surnommé Combat Medic, en contrepartie des traitements prodigués aux civils. Me Werner s’est demandé comment une telle dénégation totale et absolue des crimes commis par l’ULIMO était possible. 

L’avocat a ensuite cité Mark Twain : « Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et le jour où vous découvrez pourquoi ». 

Il a déclaré qu’Alieu Kosiah « projetait » lorsqu’il disait avoir été traité comme un animal à l’époque où il combattait dans le Lofa, alors que c’était lui qui avait traité les civils comme des animaux. Selon l’avocat, au-delà de cette projection, le prévenu est fier d’avoir pris les armes très jeune, d’être allé combattre et d’avoir survécu alors que d’autres commandants sont morts. Son acte héroïque est reconnu par ses pairs, qui lui témoignent admiration et loyauté, comme [expurgé] qui lui fait aujourd’hui encore un salut militaire. 

Me Werner a affirmé que cette fierté, si perceptible lors de la première audition d’Alieu Kosiah en novembre 2014, expliquait la dénégation des crimes et la violence à l’égard des parties plaignantes et de leurs avocats. Il a déclaré qu’Alieu Kosiah se vivait comme un Jean Moulin africain, un résistant, et qu’il était insupportable pour lui qu’on lui dise que ce prétendu acte héroïque était en réalité un acte criminel. 

Selon Me Werner, cela explique ce basculement dans la projection. Alieu Kosiah est accusé, mais pour lui, les criminels sont ceux qui l’accusent. L’avocat a rappelé que le prévenu avait déposé une plainte pénale contre lui pour faux dans les titres qui a finalement été classée. Il a également rappelé que le prévenu reprochait à Civitas Maxima d’être une usine à fabriquer des preuves contre lui, contre Gibril Massaquoi, contre Agnes Taylor, contre Martina Johnson, contre Moses Wright. 

Me Werner a déclaré que la projection s’étendait jusqu’aux motifs étant donné que selon Alieu Kosiah, les parties plaignantes venaient témoigner pour obtenir l’asile ou de l’argent. En réalité, seul [expurgé] a déposé une demande d’asile et seuls les témoins cités par la défense ont demandé de l’argent à la Cour.

Me Werner a rappelé les propos du prévenu selon lesquels les parties plaignantes haïssaient les Mandingos. Or, selon l’avocat, le prévenu, qui a quitté le Libéria dans les années 1990, est coincé dans un logiciel de haine ethnique qui ne correspondait plus à la réalité libérienne. 

Me Werner s’est inquiété de la sainte alliance entre anciens NPFL et anciens ULIMO pour détruire la crédibilité de Civitas Maxima et du GJRP. Il a ajouté que les diffamations dont lui-même et HB faisaient l’objet étaient difficiles à accepter en pensant à toutes les victimes civiles qui essaient d’obtenir justice. Il a rappelé les propos d’Alieu Kosiah lors des débats d’appel (« I will attack Alain Werner morally and legally until he stops »), qui sont identiques à ceux prononcés par Agnes Taylor à l’égard de HB. Me Werner a précisé qu’Agnes Taylor avait intenté des poursuites civiles contre lui-même et HB à hauteur de USD 15 millions chacun pour les deux ans qu’elle a passés en prison en Angleterre. 

Me Werner a ensuite souligné l’incohérence de la défense d’Alieu Kosiah. D’abord, le prévenu et son conseil plaident la théorie du complot : Civitas Maxima et le GJRP recruteraient, paieraient et coacheraient des témoins. Puis, Me Gianoli plaide pendant des heures les contradictions dans les déclarations des parties plaignantes et des témoins à charge. Me Werner a déclaré : « Il nous prend pour des abrutis. On ne peut pas dire tout et son contraire ». 

L’avocat y a décelé une nouvelle projection d’Alieu Kosiah, en rappelant que le prévenu et les autres membres de l’ULIMO avaient utilisé les civils comme des objets en 1993-1994. Me Werner a expliqué qu’Alieu Kosiah considérait que Civitas Maxima et le GJRP avaient utilisé les parties plaignantes comme des objets pour leur faire dire ce qu’ils voulaient, de sorte qu’il ne pouvait pas en vouloir aux parties plaignantes. Alieu Kosiah voit donc encore les parties plaignantes comme des objets, alors que tel n’est plus le cas. Me Werner a déclaré : « On ne fait plus tout ce qu’on veut avec des êtres humains. La guerre est finie ».

L’avocat a reconnu qu’il y avait des gens honnêtes et malhonnêtes au Libéria, comme partout ailleurs. Il a déclaré que de son point de vue et selon son expérience de vie, la plupart des gens étaient honnêtes, tout en admettant que son propre père pensait le contraire et en acceptant l’existence de points de vue différents. Me Werner a indiqué que l’important était dès lors de s’assurer de l’intégrité des preuves. 

Cela l’a amené à parler des processus développés par Civitas Maxima et de leurs limites. Il a d’abord déclaré que l’idée derrière la création de Civitas Maxima était de contribuer, même modestement, à la lutte contre l’impunité et que l’un des principes fondateurs de l’organisation était de ne pas accepter d’argent de gouvernements, puisque le but est de convaincre des procureurs nationaux d’enquêter sur des crimes présumés. Selon Me Werner, les sources de financement de Civitas Maxima – 75% issus de fondations donatrices et 25% issus de donateurs privés – permettent d’éviter tout conflit d’intérêt. Les autorités de poursuite sont en effet libres d’utiliser ou non les informations transmises par Civitas Maxima. 

L’avocat a précisé avoir eu l’idée de travailler avec des gens sur place, qui comprennent les dynamiques locales, afin de s’assurer de la fiabilité des informations, ce qui avait mené à la création du GJRP. Il a expliqué que HB et ses enquêteurs avaient été formés au sein du International Institute for Criminal Investigations, que Me Werner considère comme étant le meilleur centre de formation au monde dans le domaine du droit pénal international. 

Me Werner a affirmé que le modèle de Civitas Maxima avait toutefois certaines limites auxquelles il n’avait pas trouvé d’antidote. A cet égard, il a évoqué l’implication limitée de l’ONG une fois les informations transmises aux autorités de poursuite dans les systèmes de droit anglo-saxon. Il a illustré son propos avec le cas Agnes Taylor. Il a expliqué avoir transmis des informations à Scotland Yard, qui a passé quatre ans à enquêter avec le soutien logistique de l’ONG. Agnes Taylor a été arrêtée après trois années d’enquête et a passé deux ans en prison. Elle était poursuivie pour torture et s’est entourée des meilleurs avocats anglais qui ont saisi la Cour suprême anglais de la question du contrôle qu’un groupe armé doit avoir pour être considéré comme autorité étatique. A la surprise générale, la Cour a donné une définition très étroite des conditions juridiques pour un tel contrôle, dès lors qu’Agnes Taylor a été libérée. L’avocat a précisé que cette dernière n’avait été ni acquittée ni blanchie, mais simplement qu’elle n’avait pas été jugée en raison de l’absence de preuve sur un des critères juridiques pour prouver l’existence d’un contrôle. 

Me Werner a également souhaité s’exprimer au sujet du procès Massaquoi. Il a précisé que Massaquoi était un ancien RUF et avait le statut de témoin protégé au TSSL, relocalisé en Finlande. C’est à nouveau Civitas Maxima qui a donné des informations aux autorités de poursuite finlandaises concernant les crimes prétendument commis par Massaquoi au Libéria en 2001-2002. Me Werner a précisé que les autorités de poursuite avaient également enquêté de manière spontanée sur des crimes qui auraient été commis par Massaquoi en 2003 au Libéra alors qu’il s’était échappé de sa résidence surveillée en Sierra Leone. L’avocat a expliqué que le tribunal finlandais s’était délocalisé au Libéria et en Sierra Leone pour juger de l’affaire, qui ne compte aucune partie plaignante. Il a ajouté que la défense avait requis l’audition de quatre témoins qui ont prétendu avoir été corrompus par HB. Me Werner a déclaré que dans leur jugement de plus de 850 pages, les juges avaient acquitté Massaquoi sans évoquer une quelconque violation de leurs devoirs par Civitas Maxima ou le GJRP. Il a également précisé que les procureurs finlandais avaient fait appel de ce jugement sur tous les chefs d’acquittement et que la procédure d’appel était actuellement en cours. 

Selon Me Werner, ces deux affaires sont emblématiques des limites inhérentes au modèle de Civitas Maxima, puisque l’implication de l’organisation reste très limitée dans certains systèmes juridiques après la transmission des informations. Elles n’ont en revanche aucunement remis en cause l’intégrité du travail accompli par l’organisation. 

Me Werner a précisé que son équipe travaillait avec des autorités de poursuite dans 9 pays. Il a déclaré être d’avis que le système judiciaire suisse et sa procédure pénale étaient équitables, contrairement à la France, la Belgique ou l’Espagne où il y a parfois des années d’instruction hors présence de l’accusé et de ses conseils.

Me Werner a ensuite évoqué les traits de caractère propres à chaque partie plaignante et souligné leur désir d’obtenir justice et leur reconnaissance envers les autorités suisses. Il s’est souvenu de sa première rencontre au Libéria avec plusieurs d’entre elles et a déclaré avoir été frappé non pas par sur ce qui a été dit au sujet du prévenu, mais sur la description de cette attaque ciblée contre les civils du Lofa, la terreur, le travail forcé, les exécutions sommaires. Me Werner a déclaré que toute la richesse du matériel accumulé et des témoignages recueillis au fil de la procédure n’avait fait que renforcer la crédibilité des parties plaignantes, qui avaient chacune donné un bout du puzzle sur l’attaque sauvage que les ULIMO ont menée contre les civils dans le Lofa. 

L’avocat a terminé sa plaidoirie en évoquant l’inquiétude des parties plaignantes pour leur sécurité. Il a déclaré qu’au-delà de cela, il leur avait été demandé beaucoup, parfois dans des conditions difficiles pour elles, et parfois sans beaucoup de reconnaissance. A cet égard, Me Werner a rappelé que certaines parties plaignantes avaient fait leur premier voyage en Suisse malgré l’épidémie Ebola et une quarantaine imposée d’un mois à Abidjan. Ils sont arrivés à Berne en janvier sous la neige dans un environnement qui leur était totalement étranger. 

Me Werner a évoqué le changement de procureur intervenu en 2015 et a loué le professionnalisme du Procureur Müller, qui a examiné prudemment les preuves. L’avocat a rappelé les propos du Procureur, qui a déclaré que le meurtre de DN lui avait semblé inconcevable. Me Werner a indiqué avoir senti à plusieurs reprises durant l’instruction que certains faits semblaient difficiles à croire pour le Procureur tant la différence culturelle est énorme. Il a déclaré que même à l’intérieur d’un même pays et au sein d’une même minorité linguistique, les référentiels culturels peuvent être différents. A cet égard, Me Werner s’est référé à la photo du petit chevrier d’Heidi présentée par Me Gianoli, dont personne n’a entendu parler à Genève selon lui. 

Me Werner a exprimé sa reconnaissance envers le Procureur pour les efforts déployés afin de comprendre le contexte libérien. Il a également déclaré qu’il avait toujours laissé énormément de place à Alieu Kosiah pour qu’il s’exprime et plaide sa cause en attaquant parfois sans relâche l’intégrité et l’honnêteté des parties plaignantes et de leurs avocats.

Me Werner a rappelé que toutes les parties plaignantes avaient vu leur voyage en Suisse repoussé à de multiples reprises en raison de la pandémie de Covid-19 et que six sur les sept parties plaignantes se sont rendues en Suisse trois fois. L’avocat a affirmé que les parties plaignantes avaient chacune « payé de leur personne » dans cette procédure et qu’elles l’avaient fait ni pour l’argent, ni pour l’asile, mais « mues par un sentiment simple, noble et beau qui s’appelle le sentiment de justice ». 

Il a répété que rien n’avait été fait par Civitas Maxima en vue de nuire aux droits de la défense, contrairement à ce qui était allégué de l’autre côté de la barre. Il a rappelé avoir fait recours contre la décision de la Cour des affaires pénales lui ordonnant de supprimer les retranscriptions d’audience mises en ligne sur le site internet de Civitas Maxima et avoir obtenu gain de cause. 

S’agissant de l’arrestation de Kunti Kamara, Me Werner a indiqué que l’intention de Civitas Maxima n’était pas d’empêcher Kundi de témoigner en faveur d’Alieu Kosiah, mais de s’assurer qu’il soit jugé pour les crimes qu’il aurait prétendument commis à Foya et Foya Dundu. L’avocat a déclaré que c’était en réalité grâce à son arrestation que Kunti Kamara avait témoigné en Suisse. 

En guise de conclusion, Me Werner a déclaré qu’aucune indemnité n’avait été promise aux parties plaignantes. Une fois le verdict des premiers juges connu, il leur a expliqué que personne ne toucherait aucune somme d’argent à son avis. Il a déclaré qu’à sa connaissance, aucune partie plaignante n’avait posé de questions à ce sujet, ce qui le confortait dans sa conviction absolue qu’elles n’étaient pas là pour l’argent. 

* * *

Plaidoirie de Me Wavre (thèmes transversaux)

Me Wavre a pris la parole pour parler d’un thème important qui a été complètement passé sous silence par les juges de première instance : le nom de guerre d’Alieu Kosiah. Selon l’avocat, ce thème est important en ce qu’il permet de comprendre la personnalité du prévenu et l’intensité des pillages commis par Alieu Kosiah et les ULIMO. 

Me Wavre a rappelé qu’au début de la procédure, le prévenu entendait tirer profit du fait que les parties plaignantes auditionnées les premières ne connaissaient pas son nom de guerre Physical Cash. Alieu Kosiah avait alors déclaré : « Si on me connaît vraiment, on sait que mon surnom pendant la guerre était Physical Cash. Les plaignants devraient le savoir ». Par la suite, d’autres parties plaignantes ont indiqué connaître ce nom et le prévenu s’est rendu compte de son caractère encombrant compte tenu des pillages qui lui étaient reprochés. Selon Me Wavre, sa position a alors radicalement changé et il a indiqué que c’était seulement lorsqu’il avait rejoint la police que certains l’appelaient Physical Cash. L’avocat a déclaré que ce revirement était une illustration des stratégies fumeuses de la défense. 

Me Wavre a ensuite cité le rapport de la Police judiciaire fédérale, selon lequel certains noms de guerre n’avaient pas de sens particuliers, alors que d’autres reflétaient chez certains combattants « leur modus operandi ou la férocité de leurs atrocités ».

L’avocat a affirmé que plusieurs combattants évoqués dans la procédure avaient reçu un nom de guerre en raison de leur comportement, tel que Ugly Boy, aussi appelé Saah Chuey par les civils de Foya car il tuait au moyen d’un hache (Chuey en Kissi).

Me Wavre a également mentionné Pepper & Salt. A cet égard, il a cité le témoignage d’un humanitaire consigné dans le rapport de MSF qui date de 1995 et qui constitue donc une mémoire quasi immédiate des faits selon l’avocat : « […] Le principal commandant militaire s’appelle Pepper & Salt car il aime la chair humaine assaisonnée ». L’avocat a déclaré que ce témoignage n’était pas très éloigné de celui du colonel Motherblessing dans le documentaire de Christophe Naigeon, qui a expliqué avoir apporté des cœurs humains à Pepper & Salt pour qu’il les mange. 

Me Wavre a affirmé qu’il était important d’établir certains prémices pour comprendre le nom de guerre du prévenu. Premièrement, les soldats ULIMO ne recevaient pas de salaire, car l’organisation était pauvre. Selon l’avocat, tout le monde s’accorde sur ce point, y compris les compagnons d’arme du prévenu. Deuxièmement, malgré l’absence de rémunération, les soldats avaient de l’argent. Me Wavre a déclaré que cet argent provenait des pillages systématiques conformément à ce qu’avaient indiqué plusieurs témoins cités par la défense. L’avocat a affirmé que la logique aurait voulu que les soldats soient pauvres, mais ils ne l’étaient pas car ils pillaient tout ce qu’ils trouvaient et réquisitionnaient des civils pour transporter les marchandises en Guinée où ils les revendaient et encaissaient le butin.

Me Wavre a déclaré que « parmi tous les commandants qui pillaient, il y en avait un au-dessus des autres, un qui pillait encore plus, qui volait encore plus, et qui encaissait encore plus. Tellement plus que ses frères d’armes lui ont attribué un nom en conséquence. Cette personne, c’est Alieu Kosiah. Celui qu’on appelait Physical Cash, tellement il avait d’argent ». Là était la vraie raison de ce nom de guerre selon l’avocat. Le prévenu a profité de la guerre pour « s’en mettre plein les poches », tel qu’il en ressort des témoignages non seulement des parties plaignantes, mais aussi des témoins de la défense cités par l’avocat.

Selon Me Wavre, Alieu Kosiah pillait tout et ordonnait si besoin aux civils de transporter la marchandise, jusqu’en Guinée, quoiqu’il en coûte en termes de vies humaines et de souffrances, afin d’encaisser le produit de la vente. Il a répété que c’était là que le nom de guerre du prévenu trouvait son origine. 

L’avocat a ajouté que le dossier révélait que ce nom avait également été attribué au prévenu en raison de l’usage qu’il faisait de cet argent. A cet égard, Me Wavre a cité les déclarations de Kwamex Fofana, qui a évoqué des dépenses en boîte de nuit de l’autre côté de la frontière pour se procurer de l’alcool et monnayer des relations sexuelles, ce dont le prévenu ne s’était jamais caché. L’avocat a déclaré qu’observer cette dichotomie entre la vie en Guinée et la vie au Lofa avait quelque chose d’assez insoutenable. D’un côté l’horreur absolue, telle que racontée notamment par SS, et de l’autre, les soldats ULIMO avec Alieu Kosiah en chef de file qui dépensaient sans compter tout l’argent obtenu sur le dos des civils. 

Me Wavre a affirmé que cette absence d’humanité et ce mépris complet pour la population civile et pour tous ceux qui lui étaient inférieurs se retrouvaient aujourd’hui encore chez le prévenu, qui remettait en cause la crédibilité des parties plaignantes en disant que les personnes pauvres n’avaient plus de dignité et étaient prêtes à tout pour obtenir de l’argent. L’avocat s’est adressé au prévenu pour lui dire que ses victimes étaient infiniment plus dignes que lui, par leur courage, leur humanité et leur résilience. 

Me Wavre a déclaré que le régime de terreur imposé par Alieu Kosiah, qui avait fait de lui Physical Cash et lui avait permis d’écraser la population civile, était révolu. L’avocat a affirmé que les victimes avaient une voix qui était aujourd’hui entendue. 

* * *

Plaidoirie de Me Jakob (thèmes transversaux)

Me Jakob a déclaré qu’en préparant cet exercice, il s’était demandé s’il était nécessaire de plaider à nouveau, dans la mesure où tout avait été dit et redit et que le jugement de première instance présentait une synthèse solide et satisfaisante du dossier outre ses conclusions correctes et convaincantes. Par ailleurs, la défense s’est, selon l’avocat, contentée de proposer les mêmes arguments qu’en première instance et de formuler des attaques virulentes contre les conseils des parties plaignantes. 

Me Jakob a déclaré que les plaidoiries avaient néanmoins leur raison d’être en raison à ce stade avancé de la procédure, car il y avait une histoire enfouie dans le dossier : celle de la première guerre civile au Libéria, celles des parties plaignantes, de leurs souffrances et des horreurs qu’elles ont vécues, et surtout celle du prévenu et du rôle atroce qu’il a joué dans la vie de ses victimes et dans le saccage d’une région entière. L’avocat a déclaré que pour retrouver le signal de cette histoire dans le dossier, il était nécessaire de « filtrer le bruit » induit par certains facteurs structurels inhérents aux circonstances de la procédure. 

A ce titre, Me Jakob a d’abord évoqué la mémoire, qu’il a qualifiée d’outil délicat, sujet à des fluctuations. Il a rappelé les mots d’AS, qui a déclaré après avoir été confronté à de supposées contradictions : « La mémoire n’était pas automatique, je ne suis pas un ordinateur, des fois on se souvient des choses, des fois on ne s’en souvient pas ». 

Me Jakob a ensuite indiqué que les 8 années de procédure et les allers-retours des parties plaignantes entre la Suisse et le Libéria avaient inévitablement conduit à des altérations entre les déclarations des uns et des autres. Il a expliqué qu’il était évident que les réponses des parties plaignantes étaient plus vagues lorsqu’il s’agissait d’aborder les contradictions, car non seulement elles devaient comprendre en quoi consistait la contradiction, mais le fait de les mettre face à des déclarations contradictoires de quelqu’un d’autre a également pu les mettre mal à l’aise et altérer leurs souvenirs. 

Me Jakob a poursuivi en abordant le travail des avocats. Il a expliqué que ce travail consistait à aider les clients à structurer leur récit afin de le rendre compréhensible pour les autorités. Selon lui, cela fait inévitablement courir le risque d’influence sur la mémoire et les questions de l’avocat peuvent cristalliser ou faire réapparaître un souvenir ou même instiller des doutes sur un souvenir dont le client était convaincu. 

L’avocat a ensuite rappelé que l’interprétation et la traduction avaient été un défi constant malgré le travail exceptionnel de l’interprète. Il a souligné le fait qu’il pouvait y avoir une perte ou une altération de l’information au moment de la traduction et qu’il y avait des difficultés insurmontables pour n’importe quel interprète, comme par exemple le fait que la plupart des Libériens ne prononçait pas le « s » à la fin des mots. Me Jakob a également donné l’exemple du bataillon d’attaque n°4 (Strike Four Batallion) mentionné par Me Gianoli dans sa plaidoirie sur la base d’une erreur de retranscription de l’audition de Fofana puisqu’il s’agit en réalité du Strike Force Batallion. L’avocat a insisté sur le fait que de très simples erreurs de traduction sur des minuties pouvaient amener du bruit. 

Me Jakob a ensuite évoqué la difficulté de nature linguistique et culturelle à fournir une réponse directe aux questions. Selon l’avocat, l’explication de la réponse à la question tient souvent lieu de réponse.

Il a ajouté que toutes ces difficultés étaient exacerbées par le contexte judiciaire suisse, qui est profondément étranger aux parties plaignantes et aux témoins. Selon lui, les facteurs de bruit de nature structurelle sont ainsi inévitables. En revanche, il y un facteur de bruit particulier, qui s’est imposé sans être inévitable selon Me Jakob : l’incroyable capacité d’Alieu Kosiah de noyer toute discussion sur un point spécifique par des diatribes interminables sur des aspects parfaitement périphériques, ou en d’autres termes, la faculté du prévenu de noyer le signal en ajoutant du bruit au bruit. 

A cela s’est greffé le bruit apporté par Me Gianoli, qui a notamment reaffirmé que Me Werner avait entravé l’exécution d’actes d’instruction si bien que Lama Sekou Kromah n’avait jamais pu être entendu. Me Jakob a expliqué qu’il avait déjà été rappelé à Me Gianoli lors des débats de première instance que ce témoin avait bel et bien été entendu, mais cela n’a pas empêché l’avocat de la défense de reproposer le même argument en appel malgré son caractère attentatoire à l’honneur. 

Me Jakob a ajouté que les arguments de la défense s’inscrivaient dans les marqueurs classiques des théories du complot. A cet égard, il a évoqué l’histoire de la « magic bullet » – fil rouge de la plaidoirie de Me Gianoli – qui veut que Kennedy ait été tué par la CIA, ou même par Alain Werner, a ironisé Me Jakob. Il en a profité pour remercier la défense pour cette « méta-démonstration » de son propre propos. 

Me Jakob a ensuite listé les arguments de la défense qui fondent la théorie du complot, soit notamment le fait que AS ait choisi comme fausses victimes ses vrais oncles qui seraient encore vivants ou le fait que les déclarations de plusieurs parties plaignantes soient concordantes. La preuve du complot serait aussi le fait que certaines parties plaignantes n’ont pas reconnu le prévenu sur les planches photographiques, alors que d’autres l’ont reconnu car elles ont été préparées. Me Jakob a résumé les arguments de la défense ainsi : « Si les parties plaignantes disent deux choses différentes, elles mentent ; si elles disent la même chose, c’est une leçon apprise ! ». 

L’avocat a déclaré qu’en plus des efforts conscients du prévenu et de son conseil de faire taire les voix des victimes en les assourdissant, on retrouvait chez Alieu Kosiah une forma mentis qui est venue affecter le déroulement du procès, avec deux tendances profondes. 

Selon Me Jakob, la première tendance consiste à déformer les déclarations des uns et des autres en donnant des verbatim imaginaires. L’avocat a cité l’exemple de SS, à laquelle Alieu Kosiah a attribué le propos selon lequel elle n’avait pas subi de violence de la part des ULIMO alors que cette dernière a en réalité déclaré ne pas avoir été battue. 

La deuxième tendance est celle de vouloir transformer le but du procès en un grand concours de connaissances où l’on marque des points si on se souvient de ce que l’on a déjà dit et si on le répète avec les mêmes mots, et où l’on perd des points si l’on est plus hésitant. Selon Me Jakob, le conseil du prévenu a pleinement épousé cette logique puisqu’il a plaidé qu’il fallait retenir en faveur de son client « sa parfaite connaissance du dossier ». Me Jakob a déclaré que cette façon de détourner le procès pénal de son but avait amené la cour et les parties à se concentrer sur une myriade d’aspects périphériques pendant des heures et avait eu pour effet de créer « du bruit sur du bruit sur du bruit ».

L’avocat est ensuite revenu sur le colonel Pokor et son fils, le commandant Chester Pokor, évoqués par LSM. Il a cité les déclarations concordantes de LSM, AT et Kwamex Fofana à cet égard, et celles – fluctuantes – d’Alieu Kosiah. Selon Me Jakob, le prévenu s’est gardé par tous les moyens d’accréditer les propos de LSM car rien ne compte plus pour Alieu Kosiah que de pouvoir enlever des points à LSM dans le grand décompte qu’il tient pour savoir qui connaît le mieux le dossier. L’avocat a déclaré qu’il s’agissait d’un exemple parmi tant d’autres du bruit apporté par le prévenu et, reprenant les propos du Procureur, il a affirmé que cela n’était « même pas un sujet », comme tant d’autres éléments du dossier. 

Me Jakob s’est adressé aux juges en leur indiquant que leur tâche – peu aisée – consistait à filtrer le bruit et à retrouver le signal et l’histoire enfouis sous une saturation de renseignements sur d’autres histoires dénuées de pertinence. L’avocat a expliqué avoir été confronté à cette difficulté depuis le début et avoir tenté de la surmonter en posant un cadre temporel et historique clair. Il a rappelé avoir proposé cet exercice dans sa plaidoirie en première instance et a jugé utile de le faire à nouveau devant les juges d’appel. 

L’avocat a d’abord posé les jalons chronologiques relatifs aux mouvements des forces ULIMO en se référant essentiellement aux dates auxquelles ces événements ont été rapportés par la presse. Sur cette base, il a situé les mouvements d’Alieu Kosiah notamment à Foya et Voinjama en se référant aux déclarations des témoins. Me Jakob a ensuite posé quelques jalons importants en lien avec des événements qui se sont produits en 1993-1994, tels que le pillage du UNHCR à Vahun ou encore la scission du groupe ULIMO à Tubmanburg, avant d’évoquer les mouvements de Pepper & Salt. Il s’est enfin attelé à situer le prévenu lors d’événements auxquels ce dernier a déclaré avoir assisté, afin de le situer dans le temps de sa propre version des faits. 

Me Jakob a rappelé qu’il avait proposé de tirer quatre leçons de ce qui précède en première instance et s’est aventuré à en présenter une cinquième. Selon l’avocat, la première leçon consiste à constater que le prévenu n’a aucun alibi. La seconde, d’ores et déjà retenue par le MPC, est que Alieu Kosiah a sciemment essayé de faire dérailler l’enquête en consacrant des dizaines d’heures d’audition et des centaines de pages de procès-verbal à des événements sans aucune pertinence avec les faits qui lui sont reprochés. Me Jakob a poursuivi avec la troisième leçon à tirer, à savoir le fait que le prévenu avait sciemment menti en adaptant sa version des faits au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête. S’agissant de la quatrième leçon, l’avocat a expliqué que la chronologie permettait de le conforter dans l’exactitude du portrait d’Alieu Kosiah dressé par le MPC et par Me Wavre. Il a ajouté que Me Werner avait évoqué un lion comme celui de la chanson que les ULIMO chantaient pour s’auto-grlorifier, mais que lui avait toujours eu l’image d’une bande de hyènes. Il a également rappelé les propos de LSM, qui a dit du prévenu qu’il était un massive looter.

Selon Me Jakob, la cinquième leçon à tirer est la commission de crimes contre l’humanité. Il a affirmé que l’application de l’art. 264a CP s’imposait car la réponse à la question de savoir si les actes s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque systématique ou généralisée contre la population civile était claire et univoque. L’avocat a déclaré que la chronologie était jalonnée d’événements sanglants et d’atrocités commises contre les civils du Lofa et que les documents contemporains dépeignaient déjà une politique de terreur mise en œuvre par l’ULIMO, en particulier par le groupe de Pepper & Salt. Selon Me Jakob, les actes reprochés au prévenu n’ont malheureusement rien d’exceptionnel dans le Lofa à cette période, étant donné que les mêmes actes ont été commis sur une échelle de masse. Ces éléments ont permis à l’avocat d’affirmer que tant le critère de généralité de l’attaque – de nature plutôt quantitative – que le critère alternatif de systématicité sont remplis.

Me Jakob a conclu sa plaidoirie en affirmant que les crimes particulièrement graves reprochés à Alieu Kosiah avaient commis sur cet arrière-plan et avec une cruauté particulière que les parties plaignantes avaient mieux décrite que l’avocat n’aurait su le faire, ce qui l’a amené à requérir l’application de l’art. 264a CP. 

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Plaidoirie de Me Toutou-Mpondo (thèmes transversaux)

Me Toutou-Mpondo s’est penchée sur les caractéristiques personnelles du prévenu. Elle a commencé par rappeler que la question du nom du prévenu avait toujours constitué un argument prisé par la défense pour tenter de discréditer les parties plaignantes qui ont identifié Alieu Kosiah de façon unanime. Selon l’avocate, le prévenu avait osé affirmer qu’il n’existait pas au Libéria plusieurs manières d’écrire son nom de famille, sous-entendant ainsi qu’il n’était pas la personne désignée par la TRC sous le nom d’Alieu Korsia parmi les perpetrators de la première guerre civile. Cela étant, l’avocate a affirmé avoir retrouvé dans le dossier de procédure pas moins de cinq orthographes du patronyme du prévenu en sus du consacré « Kosiah » (Kwesia, Kosia – dans un laissez-passer produit par le prévenu lui-même –, Koisiah et Koshel), ce qui illustre selon elle la capacité du prévenu à professer des contre-vérités flagrantes . 

Me Toutou-Mpondo a ensuite évoqué l’apparence physique du prévenu et a déclaré que l’ensemble des parties plaignantes avaient donné une description concordante des caractéristiques physiques d’Alieu Kosiah à l’époque des faits. Selon l’avocate, la caractéristique la plus marquante mentionnée de manière récurrente par toutes les parties plaignantes est les yeux globuleux du prévenu (pop eyes). Elle a indiqué que l’argument de la défense consistait à dire que dans la mesure où toutes les parties plaignantes avaient souligné cette particularité, il s’agissait forcément d’une leçon apprise. Cela étant, la défense a, selon l’avocate, volontairement occulté le fait que de nombreux témoins avaient également évoqué les yeux globuleux d’Alieu Kosiah. A ce titre, Me Toutou-Mpondo a cité les déclarations de plusieurs témoins cités par le prévenu. Elle a ajouté qu’Alieu Kosiah lui-même avait reconnu avoir de « big eyeballs », ce qui correspondait à la définition de « pop eyes » donnée par [expurgé].

L’avocate a poursuivi sa plaidoirie en abordant la question de l’identification du prévenu par les parties plaignantes sur planches photographiques. Elle a rappelé qu’Alieu Kosiah avait fait grand-cas du fait que la plupart des plaignants ne l’avaient pas reconnu sur les planches photos présentées par le MPC. Néanmoins, tous les plaignants l’ont décrit physiquement et l’ont reconnu lorsqu’ils ont été confrontés à lui. L’avocate a affirmé qu’il ne subsistait dès lors plus le moindre doute raisonnable sur l’identification du prévenu par les parties plaignantes. Elle a ajouté que l’exercice d’identification sur planches photographiques proposé aux victimes présentait certaines difficultés. A cet égard, l’avocate a mentionné les photos pixellisées sur lesquelles l’utilisation du flash avait fait perdre presque 6 teintes de peau du prévenu, alors que toutes les parties plaignantes se souvenaient de son teint particulièrement foncé. Elle a également rappelé que les parties plaignantes, dont la plupart étaient mineures à l’époque des faits, n’avaient pas revu Alieu Kosiah depuis des décennies et l’avaient côtoyé dans un contexte très spécifique. 

Me Toutou-Mpondo s’est ensuite penchée sur la tenue vestimentaire d’Alieu Kosiah. Elle a rappelé que le prévenu avait démenti les propos des parties plaignantes et contesté avoir porté une veste militaire en raison des températures trop élevées. L’avocate s’est alors référée à une photographie versée au dossier, sur laquelle l’on voit un groupe de soldats ULIMO portant des chemises à manches longues. Selon elle, la veste militaire évoquée par certaines parties plaignantes est naturellement du même type que celles figurant sur la photo. Le prévenu considère quant à lui que les parties plaignantes ont décrit la veste qu’il portait sur une photo de lui issue de son profil Facebook et ayant circulé dans la presse après son arrestation. L’avocate a expliqué que l’argument d’Alieu Kosiah consistait à dire que les parties plaignantes ne pouvaient le décrire que sur la base du photo récente publiée dans les journaux puisqu’elles ne l’avaient jamais vu auparavant. Me Toutou-Mpondo a déclaré que ces explications versaient dans le kafkaïen notamment car la veste portée par le prévenu ne présentait aucun motif militaire. Selon l’avocate, le prévenu est même allé un cran plus loin dans l’insolite en affirmant lors des débats d’appel qu’il mettait son uniforme uniquement pour aller sur la ligne de front, à l’encontre de nombreux témoignages, dont celui de [expurgé] qui a déclaré qu’Alieu Kosiah portait toujours un uniforme (i.e. une tenue de camouflage) et mettait des tenues civiles uniquement lorsqu’il se rendait en Guinée pour prendre du bon temps. 

S’agissant enfin de la personnalité du prévenu, Me Toutou-Mpondo a évoqué ses effusions de colère qui avaient caractérisé sa participation à l’instruction et aux débats de première instance et avaient rappelé de douloureux souvenirs aux parties plaignantes. Elle a déclaré que les débats d’appel n’avaient pas été marqués par la même colère, mais que les propos du prévenu ne furent pas moins d’une grande violence à l’égard de toutes les personnes présentes, avec en première ligne les parties plaignantes. Alieu Kosiah a en effet déclaré que les parties plaignantes n’étaient pas crédibles car elles étaient pauvres et africaines, ce qui signifiait qu’elles avaient perdu toute dignité et étaient capables de pleurer sur commande. Selon l’avocate, le fait qu’Alieu Kosiah se soit senti à tenir des propos d’une telle condescendance témoigne de son absence totale de considération à l’égard de ses semblables et de son sentiment d’impunité. 

Me Toutou-Mpondo a enfin déclaré qu’Alieu Kosiah n’écoutait rien, pas même les injonctions de la Cour, ce qui pouvait peut-être s’expliquer par son habitude de diriger, et a ajouté qu’il ne jouait jamais fair-play, peut-être en raison de son habitude des combats déséquilibrés.

L’avocate a conclu sa plaidoirie en insistant sur le fait qu’il ne faisait aucun doute que les parties plaignantes avaient bel et bien été confrontées au prévenu à l’époque des faits, qu’Alieu Kosiah était bien l’auteur des faits qui lui sont reprochés et que ses dénégations étaient dépourvues de toute consistance. 

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Plaidoirie de Me Wakim

Me Wakim a pris la parole pour évoquer la thématique des violences sexuelles et les actes subis par sa mandante KMF. Elle a déclaré qu’à la barbarie des crimes de masse s’ajoutait la barbarie de l’anonymat, avant d’insister sur le fait que les violences sexuelles avaient naturellement fait partie intégrante de la stratégie de guerre des ULIMO puisque le viol était une arme universelle. 

L’avocate s’est ensuite attelée à démontrer le caractère systématique et généralisé des violences sexuelles dans le cadre de la première guerre civile libérienne. Elle s’est notamment appuyée sur un sondage du CICR, sur le témoignage de Massa Washington devant les juridictions françaises et sur le rapport de la TRC, qui évoque une planification orchestrée et organisée de crimes tels que les viols, l’esclavage sexuel ou les mariages forcés. Selon l’avocate, le rapport de la TRC précise que les violences sexuelles ne sont pas uniquement une affaire privée, mais sont également commises en public et de manière brutale pour terroriser les civils. 

Me Wakim s’est également référé aux témoignages recueillis dans le cadre du procès de Jungle Jabbah aux États-Unis, qui évoquent notamment des viols collectifs commis sous menace de mort.  Elle les a qualifiés d’insoutenables à lire. 

L’avocate a cité les conclusions de la Cour d’assises dans l’affaire Kunti Kamara, qui a considéré les actes de viol et de torture sexuelle comme la mise en œuvre d’une pratique massive et systématique de réduction en esclavage domestique et sexuel. 

Me Wakim est enfin revenue sur les déclarations de 15 personnes entendues durant la procédure ouverte contre Alieu Kosiah, qui ont confirmé le caractère systématique et généralisé des violences sexuelles. Elle a précisé que même les témoins cités par la défense avaient confirmé la généralisation des violences faites aux femmes et que trois parties plaignantes avaient directement mis en cause Alieu Kosiah. 

S’agissant de sa mandante KMF, Me Wakim a déclaré que les juges de première instance avaient eu l’occasion d’éprouver la crédibilité de son récit et que la constance de ses déclarations, ses explications sur les contradictions existantes, et la corroboration de ses dépositions par d’autres participants à la procédure avaient été déterminantes. L’avocate a relevé la constatation des premiers juges, selon laquelle KMF, au regard de ses aptitudes, n’aurait pas réussi à rendre ses réponses cohérentes et compatibles avec ses déclarations antérieures si elles n’avaient pas reposé sur un souvenir effectif, visuel ou auditif. 

Selon l’avocate, rien de ce qui a été produit ou dit depuis la décision de première instance ne permet de remettre en question ces constatations. Au contraire, le témoignage de SS confirme l’étendue et la barbarie des violences sexuelles commises par les ULIMO durant la guerre. S’agissant du rapport produit par la défense, selon lequel personne n’aurait entendu parler de KMF dans son village d’origine, l’avocate a affirmé que les enquêteurs s’étaient rendu dans le village de Bethesu dans le Upper Waum, qui se trouve à plus de 150 km du village de Botosu où vivait KMF.

Me Wakim a poursuivi sa plaidoirie en abordant la qualification juridique des crimes. Elle a renvoyé au jugement de première instance s’agissant des crimes de viol, de pillage et de transport forcé. Elle a rappelé les trois principes clé qui régissent le crime de viol dans les conflits armés, à savoir l’absence de consentement présumée, le fait que l’exercice de la force en tant que telle n’est pas un élément constitutif du viol et enfin l’absence d’obligation juridique de corroborer la preuve des violences sexuelles. 

Me Wakim a ajouté que les viols subis par sa mandante remplissaient les conditions de toutes les circonstances aggravantes (i.e. le nombre d’occurrences, le jeune âge, la vulnérabilité particulière et la cruauté particulière). 

L’avocate a conclu sa plaidoirie en persistant dans les conclusions prises dans son appel joint. 

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Plaidoirie de Me Wavre

Me Wavre a repris la parole pour, cette fois-ci, se concentrer sur AS et KK. Il a affirmé que la défense n’avait apporté aucun nouvel argument ni aucune critique du jugement de première instance, de sorte qu’il n’était pas aisé de trouver le ton et l’ampleur de la réponse à apporter. Selon l’avocat, le fil rouge de la plaidoirie de la défense n’est pas la fameuse balle magique, mais plutôt une litanie de prétendues contradictions. 

Me Wavre a reconnu qu’il existait des contradictions, dont certaines étaient irréconciliables, qui se justifiaient par le jeu du temps qui s’écoule. Selon l’avocat, ces contradictions ne justifient en revanche aucunement l’avalanche de commentaires, souvent erronés, qui s’est abattue sur les parties plaignantes. 

Me Wavre s’est étonné de la soudaine amnésie qui a frappé la défense, qui semble selon lui avoir oublié quatre années d’instructions. A cet égard, l’avocat a cité plusieurs exemples, dont l’argument selon lequel KK ne serait pas crédible car le témoin clé de la défense, James Morlu Kamara, n’aurait pas reconnu les noms de KK et de son frère E. Or, la défense s’appuie sur ce même témoin pour démontrer que MuK et MoK sont vivants, au motif qu’il a pu réciter les noms de tous les membres de la famille de KK, y compris le frère. 

Me Wavre a poursuivi en déclarant qu’Alieu Kosiah avait l’avantage très bien connaître non seulement le Libéria et sa culture, mais aussi la culture suisse. Il sait par conséquent ce qui risque, pour un auditoire occidental, de créer des blocages ou des incompréhensions. Selon l’avocat, le prévenu en a ainsi profité pour décrédibiliser les victimes en mettant en exergue ce qui semble être des incongruités pour des occidentaux, alors qu’au Libéria, il s’agit de pratiques courantes. Selon Me Wavre, tel a été le cas des homonymes, de certains aménagements publics, ou encore de la géographie du Libéria. 

A titre d’exemple, l’avocat a rappelé que la défense avait fait grand-cas de l’électrification du village de Pasolahun et de la mention par KK de poteaux électriques en bois, qui une fois plantés, recommençaient à pousser. Le prévenu sait selon Me Wavre qu’un tel récit est incongru pour un juge suisse et le fait que AS ait confirmé les déclarations de KK a été considéré comme la preuve du complot par la défense. Me Wavre a néanmoins attiré l’attention des juges sur une vidéo de Foya versée au dossier, sur laquelle l’on peut voir un poteau électrique en bois, qui a recommencé à pousser. L’avocat a déclaré qu’il s’agissait là d’un nouvel exemple de la mauvaise foi du prévenu, qui a grandi au Libéria et qui sait pertinemment que ce genre de poteaux existent. Alieu Kosiah profite de ses connaissances du Libéria et du monde occidental pour inventer des contradictions ou des incohérences qui n’existent pas. 

Me Wavre a poursuivi en citant l’exemple des homonymes au sein d’une même famille, et a démontré que, contrairement aux affirmations du prévenu, ils étaient légion. 

L’avocat est ensuite revenu sur les faits décrits par AS et KK. Il a rappelé que pas moins de huit témoins avaient fait des déclarations en lien avec ces faits et qu’il se limiterait à évoquer certains points importants sans revenir en détail sur tous les éléments. 

Il a rappelé le contexte de pillage généralisé décrit par Me Werner et a invité les juges à prendre en considération les déclarations de KK et AS dans ce contexte. Me Wavre a ensuite évoqué le pillage de la génératrice de Pasolahun et son transport. Selon l’avocat, tous les témoins et parties plaignantes ont décrit un procédé identique, qui résonne d’ailleurs avec d’autres pillages évoqués dans le cadre de la procédure. Me Wavre a affirmé que la manière de procéder lors des pillages et de transports n’était ainsi pas unique, mais entrait dans une systématique ou un mode opératoire qu’Alieu Kosiah et les ULIMO avaient utilisé à de nombreuses reprises. A ce titre, l’avocat s’est également référé aux déclarations d’un témoin cité par la défense, qui a décrit le même modus operandi

S’agissant du trajet effectué et de la durée du transport forcé, l’avocat a souligné une fois encore les similitudes entre les déclarations des victimes. Me Wavre a également évoqué les mauvais traitements infligés aux civils lors du transport en insistant sur le fait qu’ils étaient menacés, frappés et battus avec des crosses de fusils ou des bâtons. Il a cité les déclarations de ses mandants sur les circonstances effroyables dans lesquelles ils ont été contraints d’effectuer cette marche forcée, que l’avocat a résumé comme un contexte de violence constante, gratuite, inouïe et déraisonnée. 

Me Wavre est ensuite revenu sur les meurtres de BS et KS, sur lesquels les juges de première instance se sont penchés uniquement lorsqu’il s’est agi d’évaluer la crédibilité de KK et AS. Il a rappelé que les déclarations de ses mandants et du témoin AK étaient précises et concordantes au sujet de ces meurtres. L’avocat a cité les récits des uns et des autres, afin d’illustrer son propos.

Il s’est arrêté quelques instants sur les intenses souffrances subies par ses mandants, qui selon lui, ont été noyées par les innombrables et interminables déclarations du prévenu. L’avocat a invité les juges à se mettre à la place de AS et KK lorsqu’ils ont été réquisitionnés pour le transport forcé. Il a rappelé que l’organisation par les ULIMO de telles marches forcées était notoire et que les civils savaient qu’ils se feraient exécuter sur le champ à la moindre défaillance. L’avocat a décrit une nouvelle fois les circonstances terribles dans lesquelles se déroulaient ces transports. Il a déclaré qu’au moment où BS et KS ont été exécuté, AS et KK étaient probablement exténués et ont certainement ressenti une terreur encore plus profonde. L’avocat a affirmé que l’exécution de ces deux civils n’était pas uniquement un punition à l’encontre de ceux qui n’en pouvaient plus, mais également une menace à l’encontre de ceux sur le point de flancher, tels que AS et KK, qui ont continué de marcher, épuisés, avec cette menace de mort immédiate et permanente. 

Me Wavre a ensuite évoqué le meurtre de MuK et a souligné une fois de plus les concordances dans les récits des parties plaignantes. Il a relevé un détail primordial, à savoir le fait que tous s’accordaient à dire que le commandant sur place était Alieu Kosiah et qu’il attendait le convoi de l’autre côté de la rivière. Selon l’avocat, tous ont également décrit le prévenu de manière identique (i.e. peau particulièrement noire et yeux globuleux) et AK l’a même identifié sur des photos d’époque. Me Wavre a affirmé que l’identification du prévenu ne faisait ainsi aucun doute et que sa position de chef fondait sa responsabilité pénale. 

S’agissant de la traversée de la rivière par MuK, l’avocat a déclaré que les croquis esquissés par AS et AK représentaient une scène identique et que leurs déclarations étaient une fois encore concordantes. Me Wavre a reconnu qu’il existait une contradiction au sujet de l’arme à feu utilisée par Alieu Kosiah pour abattre MuK, sur laquelle s’appuyait lourdement la défense pour décrédibiliser les plaignants. L’avocat a renvoyé la Cour d’appel aux constatations des juges de première instance, qui ont notamment relevé qu’en plus des circonstances particulièrement choquantes et anciennes qui peuvent influer sur la mémoire, il n’était pas impossible que le AK-47 ait été replié, donnant ainsi au fusil l’apparence d’une arme courte. 

Afin d’illustrer l’immense terreur infligée aux civils par les ULIMO et d’expliquer certaines contradictions dans les récits des parties plaignantes, Me Wavre s’est référé au témoignage d’un témoin cité par le MPC, qui a notamment déclaré : « Je n’avais pas le temps de réfléchir à des questions de dates. L’horizon, c’était la minute d’après. Que ce soit un groupe ou l’autre, ils faisaient exactement la même chose. […] C’est tout ce dont je me souviens, car je vivais un stress intense. […] Nous n’avions pas le temps de penser à des questions d’heures ou de dates. Il y avait des personnes âgées et des enfants qui disparaissaient et qui mourraient ». Selon l’avocat, c’est dans ce contexte que les contradictions entre les victimes doivent s’apprécier. 

S’agissant des contradictions au sein d’un même récit relevées par la défense, Me Wavre a reconnu qu’elles pouvaient être difficiles à comprendre. L’avocat a évoqué en particulier son mandant KK et a déclaré que le fait qu’il ne soit pas allé à l’école ne l’empêchait pas d’être un témoin sincère et honnête. L’absence d’éducation a néanmoins pour conséquence, selon Me Wavre, que son esprit est structuré différemment et que l’orientation dans le temps entre différents événements n’est pas forcément aisée. L’avocat a affirmé que rien de tout cela ne devait néanmoins impacter la sincérité des déclarations de son mandant. 

Me Wavre a donné plusieurs explications pour comprendre l’évolution du témoignage de son client. Tout d’abord, il a rappelé que six ans s’étaient écoulés entre ses premières et ses dernières déclarations. L’avocat a ensuite indiqué qu’il était possible que KK se soit replongé dans ses souvenirs à son retour au Libéria et se soit souvenu de certaines choses qu’il n’avait plus en tête lors de sa première audition. Enfin, Me Wavre a déclaré que le faible niveau d’éducation de KK l’empêchait de différencier clairement ce qu’il avait appris au cours de la procédure et ce qu’il savait avant sa première audition, d’autant plus que KK et les autres parties plaignantes ont été bombardées d’informations au cours de la procédure. 

L’avocat s’est demandé si cela faisait de KK un menteur. Il a répondu qu’à l’évidence, non, et a ajouté que cela ne faisait pas non plus douter du fait que KK était une victime d’Alieu Kosiah. Me Wavre a martelé qu’il restait une constante malgré l’évolution des témoignages : Alieu Kosiah a ordonné le pillage et le transport de la génératrice et a exécuté MuK. Il a dès lors demandé aux juges de reconnaître le prévenu coupable de ces faits, de les qualifier de crimes contre l’humanité et de confirmer pour le surplus le jugement de première instance.

Me Wavre s’est finalement penché sur le transport forcé de munitions de Gondolahun à Fassama, qui permet selon lui de comprendre l’étendue des crimes commis par le prévenu et de mettre en lumière son attitude durant la procédure. En effet, l’avocat a déclaré qu’Alieu Kosiah avait fait preuve d’une immense prétention lorsqu’il s’est rendu compte qu’il connaissait mieux que personne les détails de la guerre. La théorie du prévenu consiste ainsi à dire que ce transport ne faisait aucun sens militairement parlant. 

Selon Me Wavre, le dossier démontre le contraire. L’avocat a d’abord cité le rapport de la PJF qui mentionne la scission entre ULIMO-K et ULIMO-J en mars 1994 et a indiqué que des munitions avaient été transportées au nouveau quartier-général des ULIMO-K à Voinjama dans ce contexte de conflit. Par ailleurs, selon l’avocat, Gondolahun était une ville importante dans laquelle les ULIMO ont établi l’une de leurs bases reculées après la conquête du Lofa, ce qui expliquait pourquoi des armes et des munitions y transitaient. Me Wavre s’est notamment appuyé sur les déclarations de plusieurs témoins cités par la défense qui confirment l’existence de ces transports et l’importance de la ville de Gondolahun. 

Me Wavre a ainsi insisté sur le fait que ces marches forcées ne sortaient pas tout droit de l’imagination de ses mandants, mais entraient dans une logique historique, militaire et géographique démontrée par les éléments du dossier. 

L’avocat a rappelé les arguments du prévenu et évoqué la carte utilisée par ce dernier pour expliquer qu’un transport de munitions entre Voinjama et Fassama en passant par Gondolahun ne faisait aucun sens. Me Wavre a expliqué avoir découvert qu’une autre ville du nom de Fassama se trouvait dans le comté de Gbarpolu, dans la ligne directe des villes mentionnées par les parties plaignantes en lien avec le transport, ce qu’Alieu Kosiah savait pertinemment. Selon l’avocat, le prévenu s’est ostensiblement moqué du Tribunal et du Procureur en dessinant délibérément un trajet inexact sur la carte. 

S’agissant du transport en lui-même, Me Wavre a une fois encore indiqué que les déclarations des plaignants et témoins étaient concordantes et que les ordres venaient manifestement d’Alieu Kosiah. L’avocat a renvoyé la Cour à sa plaidoirie de première instance en ce qui concerne les conditions du transport, qui sont sensiblement les mêmes que celles évoquées en lien avec le transport forcé de la génératrice de Pasolahun. 

Enfin, Me Wavre a affirmé que les déclarations étaient toujours concordantes s’agissant du meurtre de MoK, à savoir que MoK était extenué en arrivant à la rivière et a été exécuté par Alieu Kosiah. L’avocat a ainsi requis la confirmation du jugement de première instance, y compris sur les conclusions civiles, et la qualification de crimes contre l’humanité dans la mesure où les faits s’inscrivent selon lui dans le cadre d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile.

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Plaidoirie de Me Werner

Me Werner s’est exprimé au sujet de ses mandants GS et JTC. A titre liminaire, il a indiqué se référer entièrement à ses notes de plaidoiries déposées en 2021 et a annoncé vouloir uniquement mettre en exergue certains éléments de l’histoire de GS, respectivement de JTC. 

S’agissant tout d’abord du meurtre de YS et de six autres civils à Zorzor, Me Werner a rappelé l’argument du prévenu, selon lequel il ne peut pas avoir commis ces crimes puisqu’il ne se trouvait pas à Zorzor lors de la capture de la ville par les ULIMO. Or, selon l’avocat, les témoignages des anciens ULIMO rendent évidente la présence du prévenu à Zorzor très peu de temps avant la prise finale de la ville. A titre d’exemple, Me Werner a notamment cité le témoignage de Kwamex Fofana, auquel la défense n’a cessé de se référer en considérant qu’il faisait autorité, et celui de Kundi. 

L’avocat a ensuite expliqué que GS avait vu et entendu le nom du prévenu pour la première fois lors du rassemblement à la station d’essence, lorsque Mami Wata et War Boss l’ont appelé « Chief Kosiah » à son arrivée. Me Werner a reconnu que GS était le seul à avoir parlé de ces meurtres dans le cadre de la procédure. Néanmoins, l’avocat a indiqué qu’une dépêche de l’AFP relatait l’exécution de 14 jeunes hommes à Zorzor au mois de mars 1993 par les forces ULIMO, car ils étaient accusés d’appartenir au NPFL. Selon Me Werner, cela corrobore plusieurs éléments fondamentaux du récit de GS. 

Il a ajouté que la crédibilité de l’information relayée par l’AFP avait été considérée comme suffisamment établie pour que Amnesty International inclue la même information dans son rapport annuel de 1994. L’avocat a déclaré que la seule variation par rapport aux déclarations de GS résidait dans le nombre de personnes exécutées. Selon Me Werner, cela s’explique par le fait que les événements relatés par les personnes qui fuyaient et repris par l’AFP concernaient très probablement plusieurs événements et non un seul. Cette grille de lecture est d’ailleurs corroborée par le rapport de la TRC, qui fait état de 114 exécutions sommaires de jeunes hommes à Zorzor, soupçonnés d’être affiliés au NPFL. 

Quant au modus operandi, Me Werner a précisé que le fait d’exécuter des personnes désignées au hasard comme des ennemis NPFL résonnait dans cette procédure à travers les témoignages de LSM et JTC. Il s’agit selon l’avocat d’une marque de fabrique de l’ULIMO, que l’on retrouve partout dans la procédure.

Me Werner a ensuite abordé le transport forcé de munitions entre Zorzor et Salayea. Selon l’avocat, le transport décrit par GS fait sens et est corroboré par le témoignage de [expurgé], qui a déclaré avoir attaqué Salayea depuis Zorzor et confirmé que les ULIMO utilisaient des civils pour transporter des munitions. 

Me Werner a ajouté que la réquisition de civils par les ULIMO pour transporter des munitions, telle que décrite par GS, trouvait un très large écho dans la procédure. A cet égard, l’avocat a donné l’exemple de KK, AK et AS, qui ont tous les trois été réquisitionnés pour transporter des munitions. Il a également mentionné les témoignages de FF, Varney Kanneh, [expurgé], Morlu Kollie, Omaru Musa Kelleh, qui ont tous fait mention de transports de munitions par des civils. L’avocat a déclaré avoir ainsi énuméré 8 témoins, dont 4 appelés par la défense, qui ont corroboré les déclarations de GS. 

Me Werner s’est rapporté à ses notes de plaidoiries déposées en 2021 en ce qui concerne les indications géographiques données par son mandant en lien avec ce transport. 

L’avocat est ensuite revenu sur deux événements qui ont, selon lui, démontré de façon éclatante l’authenticité de GS. Le premier événement évoqué par Me Werner s’est déroulé lors de l’audition de GS devant le MPC. L’avocat a raconté que GS avait été amené à donner une description physique d’Alieu Kosiah, avant qu’une planche photographique lui soit présentée. Selon Me Werner, non seulement son mandant a donné une description similaire à celle donnée par d’autres témoins, mais il a également reconnu le prévenu parmi 8 autres personnes sur la planche photo de l’époque et a réagi avec émotion en regardant les photos. Me Werner a ajouté qu’une autre planche représentant six photographies, dont une du prévenu prise très longtemps après la guerre, avait ensuite été présentée à GS. Son mandant a pointé deux photos dont celle d’Alieu Kosiah. 

L’avocat a précisé avoir demandé à GS s’il avait pu voir d’une manière ou d’une autre Alieu Kosiah, qui suivait l’audition dans une autre salle par vidéoconférence ou s’il avait été préparé à reconnaître le prévenu. Selon Me Werner, les réponses de son mandant ont été claires et sans ambiguïtés sur le fait qu’il n’avait pas vu Alieu Kosiah à l’écran avant de regarder les planches photographiques et que personne ne lui avait jamais montré les planches pour le préparer. 

L’avocat a rappelé qu’Alieu Kosiah est ensuite entré dans la salle d’audition et le Procureur a demandé à GS s’il le reconnaissait. GS a répondu par l’affirmative et l’émotion dont ce dernier a été saisi à l’arrivée du prévenu a fait l’objet d’une mention au procès-verbal. Me Werner a indiqué que le Procureur avait alors demandé à GS de raconter l’histoire de la station d’essence. GS a raconté cet épisode, notamment le fait qu’Alieu Kosiah était au centre et pointait des hommes du doigt, dont le frère de GS, en les accusant d’être des rebelles du NPFL avant d’ordonner leur exécution. Me Werner a tenu à préciser une nouvelle fois la mention au procès-verbal, selon laquelle GS était toujours en larmes. 

L’avocat a déclaré que cette scène les avait tous marqués, tant la sincérité de GS était évidente. Il a invité les juges à visionner la vidéo de cette audition. Me Werner a déclaré que ce qui s’était passé ce jour-là était à la fois simple et bouleversant : GS a reconnu par deux fois l’homme qui avait ordonné le meurtre sauvage de son frère et par deux fois cela a provoqué chez lui une grande émotion, spontanée, non contenue et absolument sincère. 

Le second événement sur lequel Me Werner a souhaité revenir s’est déroulé lors des débats de première instance. Me Werner a indiqué qu’Alieu Kosiah, qui était assis à proximité de GS, s’était mis à crier lors de l’audition de GS, ce qui avait effrayé ce dernier. Me Werner a donné lecture des mentions inscrites au procès-verbal, en particulier le fait que le Président avait demandé au prévenu de se calmer avant d’ordonner une suspension de l’audience. Lors de la reprise, Me Werner a informé la Cour que GS ne souhaitait plus revenir à la barre mais préférait poursuivre son audition en restant à côté de ses avocats, car il avait eu peu de la réaction du prévenu. Le Président a demandé à GS s’il avait eu peur et ce dernier a répondu par l’affirmative en précisant que c’était la même manière de crier qu’Alieu Kosiah avait pendant la guerre. 

Me Werner a déclaré pouvoir attester que GS tremblait comme une feuille lors de la suspension de l’audience et a précisé qu’il était resté avec ses avocats tout au long de la suite de sa déposition. 

S’agissant enfin de deux erreurs périphériques de GS sur lesquelles la défense s’obstine à revenir, l’avocat a renvoyé à ses notes de plaidoirie et déclaré qu’il s’agissait de tentatives de dépistage désespérées, rien de plus, rien de moins.

Me Werner s’est ensuite exprimé au sujet de JTC. Il a posé la question de savoir pourquoi JTC se serait exposé à l’examen serré de sa crédibilité devant la justice française s’il n’était qu’un « pantin » pour Civitas Maxima. L’avocat a rappelé que la crédibilité de JTC avait été établie par la justice française et en particulier par une expertise psychologique conduite dans le cadre de cette procédure, qui n’a mis en exergue strictement aucune motivation en lien avec un besoin de vengeance contre les commandants ULIMO ou d’autres pour ce qui s’est passé durant la guerre. Au contraire, le psychologue a noté que JTC s’était montré quelque peu fataliste. 

Me Werner a ajouté que l’expert avait également relevé depuis la fin de la guerre un profond engagement religieux chez JTC. Il a précisé que la justice française avait aussi ordonné une expertise médicale sur son mandant afin de vérifier si les charges qu’il a portées à l’époque lors des transports forcés étaient compatibles avec un examen clinique. L’avocat a relevé qu’il ressortait de la procédure française que JTC, comme les autres plaignants, était modéré dans ses propos et ne chargeait pas la barque. Il n’a ainsi jamais déclaré que tous les commandants ULIMO étaient des monstres, mais a au contraire toujours différencié les comportements de chacun. 

A titre d’exemple, Me Werner a notamment indiqué que JTC n’avait jamais déclaré qu’Alieu Kosiah ou Kunti, dont il a pourtant été victime, étaient les pires commandants. Selon JTC, le pire de tous était en effet Ugly Boy. L’avocat a ajouté qu’y compris le juge d’instruction français avait spontanément relevé la tendance naturelle de JTC à ne pas en rajouter et le caractère particulièrement mesuré des accusations portées par JTC contre Kunti. Selon Me Werner, le juge d’instruction a également souligné l’absence de variations au sein des déclarations de JTC. 

S’agissant de la mort de DN et du pillage de la génératrice de Foya, Me Werner a déclaré qu’il faisait siennes les remarques et conclusions du MPC. Il a affirmé que le rôle central joué par Alieu Kosiah dans les actes de pillage de l’ULIMO ressortait de tout le dossier et a déclaré avoir été particulièrement marqué par le témoignage de LSM à cet égard, puisqu’il a traité le prévenu de « general looter » et de « mass looter ». L’avocat a rappelé que JTC avait également mis en cause Alieu Kosiah en lien avec plusieurs pillages, notamment le pillage du moulin à huile à Foya. Me Werner a cité les déclarations de JTC à cet égard, qui a affirmé que Alieu Kosiah et ses bodyguards avaient démantelé le pressoir et que d’autres commandants étaient également présents. JTC a ajouté que c’était comme « un gros poisson » que tout le monde venait manger. 

Me Werner a déclaré que la centrale électrique était probablement le plus gros poisson dans tout Foya, de sorte qu’il était évident que le responsable des pillages ULIMO, Alieu Kosiah, le pilleur en chef ou le pilleur de masse, était pleinement impliqué. 

L’avocat a ajouté que le pillage était également la cause directe de l’exécution de DN, qui a révélé à une organisation humanitaire le fait que les ULIMO étaient responsables du pillage de la centrale électrique de la mission Borma, ce qui a provoqué la fureur absolue des ULIMO. Me Werner a affirmé que le témoignage de SS semblait impliquer Alieu Kosiah dans ce pillage, puisqu’elle a déclaré lors des débats d’appel que Kunti et Kosiah étaient toujours ensemble et a impliqué le prévenu dans le pillage du générateur d’un hôpital. L’avocat a déclaré que l’implication d’Alieu Kosiah aux côtés de Kunti dans le pillage de l’hôpital de la Borma Mission avait tout son sens dans le contexte global des pillages de l’ULIMO dans le Lofa et compte tenu du rôle de pilleur en chef du prévenu. 

Me Werner a affirmé que, comme la retenu le MPC, la participation d’Alieu Kosiah dans le massacre de DN était également évidente à la lecture des déclarations de JTC, qui ont d’ailleurs été confirmées par SK puisque celui-ci a indiqué que DN avait été tué le jour de son arrestation. Selon l’avocat, cette participation s’est vue renforcée par le témoignage de SS, qui n’a aucun lien avec Civitas Maxima. 

Me Werner a ainsi conclu au rejet de l’appel principal et a persisté dans les conclusions prises dans son appel joint.  

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