Jour 3 : poursuite de l’interrogatoire d’Alieu Kosiah

L’audition d’Alieu Kosiah a repris ce lundi 7 décembre 2020. Le juge a indiqué à ce dernier qu’il avait encore beaucoup de questions à lui poser et qu’il devait être complet mais également succinct dans ses réponses.  Le Tribunal a commencé par lui poser des questions concernant son implication dans la première guerre civile libérienne puis concernant chacun des vingt-cinq chefs d’accusation dirigés contre lui. Il a terminé la journée en lui posant différentes questions générales en relation avec les différents propos émis les jours précédents.

Questions générales quant à la participation d’Alieu Kosiah dans la guerre

Le juge a alors commencé par lui poser des questions quant à sa participation dans la guerre.

Il lui a alors demandé d’expliquer sa présence pendant la première guerre civile, sa participation en tant que militaire, son début dans les rangs de l’ULIMO ainsi que sa formation militaire. Alieu Kosiah a alors répondu qu’il avait quitté le Liberia en 1990 lors de la chute du président Doe. Il est ensuite parti en Sierra Leone pendant quelques mois, puis a rendu visite à sa mère en Guinée en tant que civil avant de revenir en Sierra Leone. Il a expliqué qu’il est revenu ensuite au Liberia en 1991 avec l’ULIMO depuis la Sierra Leone et qu’il s’est battu à leurs côtés jusqu’à la fin de la première guerre civile, en 1996. Il a mentionné qu’il n’avait pas eu de formation militaire au sein de l’ULIMO car il avait déjà été soldat, et a rempli un code de conduite en Sierra Leone.

Le Tribunal lui a ensuite demandé de détailler ses différents grades pendant la guerre au sein de l’ULIMO. Alieu Kosiah a expliqué avoir été successivement sergent ou sergent opérationnel en Sierra Leone en 1991 sous le commandement de War Bus, deuxième lieutenant au début de la guerre au Liberia en 1992 sous le commandement de Abas Kenneh, capitaine à Todi en 1993 sous le commandement de Omaru Kelleh, et toujours capitaine et officier flottant (c’est-à-dire sans affectation) jusqu’à son arrivée dans le Lofa.  Il était là sous le commandement de Pepper and Salt et a  été promu commandant de bataillon, (« battalion commander »)  il a ensuite été envoyé à Zorzor, où il a obtenu le grade de lieutenant- colonel en 1994 ou 1995, après la capture de Gbarnga. Finalement, il est devenu commandant régional pour Zorzor (regional commander), avec un bataillon sous ses ordres, avec un grade de colonel à part entière (full colonel),  fin 1995. De plus, entre ses responsabilités de « Battalion Commander » et « Regional Commander » il a été pendant une courte période « Battalion Investigating Officer »à Voinjama en 1995.

Le juge lui a alors demandé de détailler pour chaque grade, leur fonction, leur affectation et leurs prérogatives. Alieu Kosiah a expliqué qu’au début de la guerre, lorsqu’il était sergent opérationnel, il transmettait seulement les ordres mais n’en donnait pas, et il n’avait pas d’hommes directement sous ses ordres. La même chose était vraie en tant que deuxième lieutenant où il ne donnait pas d’ordre et n’avait pas d’hommes sous ses ordres. La situation a changé quand il a été promu capitaine et donc commandant. Là, il avait pour mission de capturer Todi en tant que capitaine et adjoint du commandant principal. Alieu Kosiah a en effet indiqué avoir été le premier à capturer Todi avec environ 100 hommes. Avec le commandant principal, ils contrôlaient entre 50 et 100 hommes. En tant que lieutenant-colonel il avait entre 100 et 150 hommes sous ses ordres, la situation était la même quand il est devenu colonel à part entière.

Alieu Kosiah a expliqué qu’il existait une différence entre le grade et l’affectation, et que l’on pouvait être colonel sans affectation ou capitaine mais avec une affectation. Le grade prévalait sur l’affectation, mais l’affectation restait primordiale. Ainsi, s’il se rendait en tant que colonel à Zorzor, ville qui relevait de l’affectation d’un major, ce dernier devait le saluer. Toutefois, le major commandait toujours là où il était affecté.

Par ailleurs lorsqu’il combattait en Sierra Leone il y avait plus de discipline et d’organisation. Cela a changé avec l’entrée au Liberia et le niveau de discipline a alors baissé.

Alieu Kosiah, intérrogé sur son rôle de « big man » au sein de l’ULIMO, a expliqué que le concept du « big man » était relatif, et à part les personnes les plus hautes gradées de l’organisation militaire qui elles sont unanimement considérées comme des « big man », on est un « big man » pour certains quand on reste un « small man » pour d’autres. Quant à lui, il était un commandant, mais quant au fait de savoir s’il était un « big man », il explique que cela reste encore une fois relatif. Il a toutefois estimé ne pas en être un car ces derniers restaient à l’arrière à profiter de l’air conditionné alors que lui était pendant les six ans de la guerre sur la ligne de front, notamment à Zorzor.

Le prévenu a indiqué que sous le commandement de Omaru Kelleh lors de la prise de Todi, il ne donnait pas des ordres mais il faisait des suggestions à son commandant, comme par exemple de ne pas attendre la nuit pour traverser la rivière et remonter la rivière, traverser plus haut et prendre Todi à revers, ce qu’ils ont fait. Il a ajouté avoir reçu des missions bien définies comme précisément lors de la prise de Todi, ou lorsque le général Dumbuya lui a demandé un jour d’aller amener du renfort au chef rebelle Prince Yormie Johnson à Zorzor, période durant laquelle il a combattu au côté de Kunti à Belfanai.

Le prévenu a ensuite expliqué que le « Headquarter and Headquarter commandant » (H&H) était au sein des ULIMO la personne qui gérait les activités au quartier général notamment les munitions, l’essence et la nourriture. Il n’a d’après lui jamais exercé cette fonction. Toutefois, il a relevé le fait que le H&H désigne davantage un lieu qu’un individu.

Alieu Kosiah a ensuite déclaré qu’un commandant n’est responsable des actions de ses soldats que lorsqu’il est là et qu’il ne veut pas empêcher un crime d’être commis. S’il n’est pas présent, alors le commandant n’est pas responsable, et c’est le soldat qui est responsable. Il a expliqué aussi qu’il vérifiait tout de même si les ordres qu’il donnait étaient respectés même si la plupart de ses ordres étaient de nature stratégique lors des combats. Et selon lui, si le commandant était mis au courant de choses faites par les soldats derrière son dos, il devait punir ses soldats si les ordres n’avaient pas été respectés.

Sur les bataillons ULIMO le prévenu a expliqué qu’Alligator avait été le premier à avoir été créé et que le bataillon Zebra créé après était plus petit. Alieu Kosiah a indiqué qu’il avait été intégré le bataillon Alligator en tant que soldat, dès sa création en 1992. Il a ajouté que ces groupes sont réellement devenus des bataillons qu’après capture de Klay, soit en 1992. Avant, Alligator et Zebra n’étaient que des groupes.

Zebra était, selon ses souvenirs, dirigé par Varmuyan Sheriff. Quant à Alligator, les dirigeants étaient soit T’Kala soit Prince Seo. Le commandant général, c’est-à-dire le chef des deux bataillons, était Major Kamara.

Le Tribunal s’est alors renseigné sur la date de son arrivée dans le Lofa. Alieu Kosiah a indiqué qu’il s’était trompé dans ses déclarations sur la date de son arrivée car il croyait que Lofa avait été capturé en 1994, et qu’il sait maintenant que Lofa a été capturé en 1993, la prise de Foya étant survenue en juillet et ayant été la dernière ville capturée. Le prévenu a ajouté qu’il n’avait pas pris de notes à l’époque des faits, qu’il n’était pas un ordinateur, et qu’il se basait seulement sur la chronologie des évènements et ne les rattache pas à des dates précises, d’où sa confusion quand il a été accusé d’avoir participé à la capture de Lofa et d’avoir été à Zorzor à ce moment-là.

Quand le Tribunal lui a demandé s’il avait des gardes du corps, M. Kosiah a répondu que ce terme était mal adapté, qu’aucune autorité ne désignait les gardes du corps à un commandant, mais que si une personne appréciait le commandant en question, alors il n’était pas rare qu’elle vienne avec vous et vous accompagne.  Cette personne était dans votre cercle proche, comme une confidente. Ce n’était absolument pas officiel. Il a estimé le nombre de « gardes du corps » à ces côtés à environ six ou sept. Ces personnes étaient pour la plupart tout le temps avec lui. Il a indiqué que le plus jeune avait entre 12 et 13 ans, tandis que les autres avaient entre 16 et 25 ans. Chez ULIMO, les capitaines ou les lieutenants avaient aussi leurs confidents. Toutefois, lorsqu’ils étaient sur le front, ils se battaient chacun pour leur vie et ne protégeaient personne. 

Alieu Kosiah a ensuite indiqué ses différents surnoms pendant la guerre, soit « Kosh » ou « CO Kosiah » ou « Chief Kosh ». Le surnom « Physical Cash » n’a été utilisé que plus tard, quand il a rejoint la police. Il a expliqué aussi qu’il portait un uniforme de camouflage quand il était au Liberia. Il avait comme arme un G3, laquelle était son arme préférée et aussi un AK47. Il a ajouté qu’il avait eu un pistolet au début de la guerre mais qu’il l’avait vendu pour 150 USD. Toutefois, il n’a jamais eu de couteau selon lui, et les seuls qui avaient des couteaux au sein des ULIMO avaient des baïonnettes.

Le prévenu a indiqué qu’il n’avait pas de signe distinctif jusqu’à s’être blessé, ce qui a entraîné une déformation de sa main. Sa main était en quelque sorte recroquevillée, ce qui permettait de le reconnaître plus facilement. C’est seulement à son arrivée en Suisse que sa main a été soignée.

Finalement, il a expliqué au Tribunal qu’il n’avait jamais reçu d’argent de la part de l’ULIMO, mais qu’il en recevait parfois de la part de Alhaji Kromah, sans pour autant connaître l’origine de cet argent.  Le Tribunal lui a ensuite demandé d’indiquer comment il faisait pour subvenir à ses besoins, notamment en nourriture, logement et munitions. Alieu Kosiah a alors répondu qu’il y avait beaucoup de maisons libres pendant la guerre, 80% des gens ayant fui, les logements ne manquaient pas. Concernant la nourriture, cette dernière arrivait de Sierra Leone puis de Guinée quand il se trouvait dans le Lofa, idem pour les munitions. Il a ajouté que la nourriture et les munitions avaient été offertes au ULIMO pendant toute la guerre, même si parfois, il y a eu des problèmes d’approvisionnement pendant un mois et qu’il fallait alors se débrouiller.

Acte d’accusation : introduction

Après avoir demandé à Alieu Kosiah s’il avait compris tout le contenu de l’acte d’accusation, le Tribunal a commencé par lui poser des questions concernant chaque charge retenue contre lui dans l’acte d’accusation, précisant que si une peine devait lui être infligée, ce qui n’avait pas encore été décidé, le degré de collaboration avec la justice serait pris en considération.

Chiffre 1.3.1 Recrutement et utilisation d’un enfant soldat

Alieu Kosiah est accusé d’avoir recruté et utilisé un enfant soldat (ci-après nommé AT) entre 1993 et 1995, enfant soldat qui est un témoin dans cette procédure.

Alieu Kosiah a déclaré qu’il le connaissait personnellement, qu’il était grand pour son âge et qu’il l’avait rencontré pour la première fois lors de la prise de Todi par les ULIMO en février ou mars 1993. Il a indiqué avoir été la personne en charge de la capture de Todi et la plus gradée sur le front, mais que son supérieur était avec lui et AT, l’enfant soldat en question à l’arrière, juste derrière lui. 

Le juge lui a alors demandé pourquoi il avait fait prisonnier le témoin. Le prévenu a répondu que le terme n’était pas le bon, qu’il l’avait « capturé » car ce dernier était soupçonné d’être un soldat NPFL. Il a raconté que le témoin devait avoir probablement 13 ans au moment de sa capture et ce dernier a décidé de le suivre. Les ULIMO avaient décidé de remonter la rivière et de la traverser pour prendre l’ennemi par derrière et voir qui étaient les NPFL qui venaient de tuer huit de leurs hommes. C’est dans ce mouvement qu’ils ont vu l’enfant, sans uniforme, mais qu’ils l’ont soupçonné d’être un enfant soldat du NPFL car il n’y avait pas de civils à cet endroit. Tous les autres soldats ayant pris la fuite, ils ont décidé de le prendre avec eux, et donc pour le prévenu, l’enfant n’a jamais été un prisonnier.  Ainsi, ce dernier est resté derrière avec le commandant du prévenu, Omaru Musa Kelleh et tous ont commencé à avancer sur Kun Town qui était déserte.

Alieu Kosiah a déclaré avoir emmené l’enfant/pré-adolescent de Todi à Klay, et comme il lui a dit qu’il voulait venir avec lui dans le Lofa, il est venu avec Alieu Kosiah et ses hommes.

Alieu Kosiah a ensuite indiqué que la charge retenue contre lui de recrutement d’enfant soldat était un mensonge car il n’avait jamais recruté le témoin comme enfant soldat, le témoin n’ayant d’ailleurs lui-même jamais déclaré cela. Selon le prévenu, lorsque l’on ne force pas la personne, on ne peut pas parler de recrutement, or le témoin avait choisi de venir avec lui et de rejoindre leur rang. Il a encore affirmé que si AT venait à dire que c’est lui qui l’a recruté au sein des ULIMO, alors il serait prêt à plaider coupable.

Le Tribunal a alors demandé au prévenu s’il était possible selon lui qu’un enfant de moins de 15 ans ait la latitude de jugement pour choisir de rejoindre l’armée. Ce à quoi Alieu Kosiah a répondu que oui et qu’il avait lui-même rejoint l’armée nationale avant ses 15 ans par choix car il voulait se battre, et personne ne l’avait empêché. Il a ajouté ne pas être responsable de l’environnement qui prévalait à l’époque.

Le prévenu a également expliqué que le témoin avait rejoint les ULIMO car sa sœur ayant été victime d’une tentative de viol, il avait peur des NPFL, contrairement à ce qui était écrit dans l’acte d’accusation, et qu’il ne lui avait jamais parlé pour qu’il rejoigne ULIMO, n’étant pas présent quand il a décidé de le faire. Le prévenu a ajouté qu’il avait été le commandant du témoin dans le Lofa, mais qu’un autre commandant avait emmené AT pour la première fois sur la ligne de front, selon les propres déclarations du témoin en audience. De plus, le prévenu ajoute qu’il n’a pas utilisé AT afin de bénéficier de ses services comme soldat.

Le Tribunal a ensuite demandé à Alieu Kosiah si le témoin avait reçu une formation militaire et le prévenu a indiqué que, bien que le témoin lui-même a indiqué cela, il n’en avait pas eu connaissance, n’ayant lui-même jamais formé militairement de soldat.

M. Kosiah a ensuite expliqué qu’après l’avoir rencontré à Todi, il est allé avec lui dans le Lofa et l’a envoyé en Guinée chez ses parents après sa blessure pour qu’il puisse se rendre à l’école. Selon le prévenu, AT est resté en Guinée jusqu’à la fin de la guerre et qu’il ne pense pas que cela puisse être assimilé à quelconque exploitation.

Alieu Kosiah a ensuite expliqué que le témoin n’était pas son garde du corps mais l’un de ses « boys », et qu’il était avec lui pendant son temps dans le Lofa, jusqu’à la blessure du prévenu. Il a ajouté qu’ils allaient ensemble sur la ligne de front, et que le reste du temps ils n’avaient pas d’occupation particulière à part faire la cuisine et manger. Le prévenu a contesté les déclarations du témoin durant l’instruction, selon lesquelles il inspectait la ligne du front pour qu’elle ne soit pas dangereuse pour le prévenu, ajoutant qu’AT avait précisé ses propos par la suite, et avait notamment expliqué que personne ne protégeait personne sur la ligne de front, qu’il n’allait pas sur la ligne de front pour protéger Alieu Kosiah.

Ensuite, le Tribunal a questionné le prévenu concernant les propos d’AT. Ce dernier avait indiqué qu’il goûtait la nourriture pour Alieu Kosiah avant qu’il ne la mange et qu’il le surveillait le prévenu pendant son sommeil. Le prévenu a répliqué que cette déclaration était fausse, que ni AT ni personne d’autre ne goûtait la nourriture pour lui, et qu’également, il n’avait pas besoin de protection pendant qu’il dormait.

Le prévenu a ajouté qu’il ne se souvenait pas s’il avait remis au témoin une AK47 mais qu’en tout cas il ne lui a jamais donné de pistolet car lui-même n’en avait plus à ce moment-là. Il explique également que si AT avait déclaré avoir reçu de la part du prévenu un pistolet à Bomi ou à Klay, cette affirmation serait peut-être vraie. Alieu Kosiah a affirmé que le témoin allait de son plein gré sur la ligne de front, ne l’ayant pas envoyé lui-même, le prévenu se souvenant d’une occasion où ils avaient combattu ensemble, entre Zorzor et le pont. Ainsi, M. Kosiah a indiqué ne pas être d’accord avec le témoin quand ce dernier a déclaré en instruction que le prévenu avait été celui qui l’avait envoyé le plus sur la ligne de front. Et qu’il ne se souvient pas avoir donné des ordres au témoin sur la ligne de front, mais qu’il est vrai qu’AT passait plus de temps avec lui qu’avec les autres commandants.

Il a aussi expliqué que selon lui, un enfant de cet âge pouvait bel et bien décider de se battre et de connaître les raisons pour lesquelles il le faisait, notamment pour défendre son ethnie et ses proches comme le prévenu lui-même avait décidé de le faire, ajoutant que venir juger 20 ans après les faits sans comprendre l’environnement de la guerre est facile.

Le juge a ensuite demandé au prévenu s’il avait bel et bien été présent lorsque le témoin s’était blessé une première fois à l’épaule gauche, comme ce dernier avait déclaré, le prévenu répondant ne pas en avoir le souvenir. Il a illustré ses propos en expliquant qu’AT avait également dit qu’il (Alieu Kosiah) était H&H alors qu’il ne l’était pas, et qu’ainsi, il n’était pas impossible que le témoin se soit trompé dans son récit. Néanmoins, le prévenu a déclaré avoir été présent lors de la deuxième blessure du témoin, blessures aux deux mains et aux fesses, le prévenu ayant envoyé le témoin chez ses parents où il est resté jusqu’à la fin de la guerre et a pu aller à l’école.

Le prévenu a confirmé les déclarations du témoin selon lesquelles le prévenu aimait beaucoup les enfants et prenait soin d’eux, tout en ajoutant qu’il aimait aussi les adultes et qu’il aimait tout le monde. Il a indiqué à nouveau ne pas pouvoir être tenu responsable de l’environnement de la guerre, que les choses semblaient différentes en 1990, et que malgré tout, il avait envoyé le témoin neuf mois chez sa mère, alors qu’il était musulman et non chrétien comme tous les Kpellehs au Liberia ; et que, plus tard, le témoin l’avait rejoint à Monrovia où le prévenu l’avait envoyé à l’école, comme il l’avait fait pour 15 à 20 autres personnes.

Le Tribunal a ensuite demandé à Alieu Kosiah s’il avait tenté de dissuader le témoin de rester dans les rangs de l’ULIMO. A ce sujet, le prévenu a répondu qu’AT avait la tête dure et qu’il se cachait pour se rendre sur la ligne de front. Il a expliqué qu’après la deuxième blessure du témoin, le prévenu l’a emmené en Guinée.

Sur le fait que le témoin ait déclaré avoir été déçu que le prévenu l’ait laissé tomber après la guerre, ce dernier a déclaré comprendre cette déception une fois qu’il avait quitté le Liberia, car les gens qui restent pensent que ceux qui sont partis vont encore aider, et qu’il a eu sa part de difficultés une fois en Europe. Toutefois, il ne l’avait pas laissé tomber quand ils étaient ensemble en Afrique.

Chiffre 1.3.2 : Ordonner les meurtres de sept civils à Zorzor

Alieu Kosiah est accusé d’avoir donné l’ordre d’exécuter sept civils à Zorzor en mars 1993, dont notamment le frère d’une des parties plaignantes. 

Alieu Kosiah a expliqué au Tribunal qu’il n’a pas commis cet acte, n’étant pas à Zorzor au moment où la ville a été capturée, et qu’il y a été affecté seulement en 1995 après la capture de Gbarnga. Il a ajouté que lors de cet évènement, il était capitaine à Todi, ne connaissait pas le nom du frère du plaignant et n’avait jamais rencontré le plaignant.

Le Tribunal lui a ensuite demandé s’il était toutefois présent lors de cet incident, même s’il n’avait pas commis les actes, et Alieu Kosiah a répondu qu’il était à Todi à ce moment et n’a pas capturé Zorzor, donc ne pouvait pas y être, ne pouvant pas voler. Il a ajouté qu’il n’avait jamais entendu parler de ces meurtres et qu’il n’a entendu parler de cela qu’au moment de son arrestation en Suisse.

Chiffre 1.3.3 : Meurtre d’un civil à Babahun

Il est reproché à Alieu Kosiah d’avoir exécuté un civil dans un village dénommé Babahun près de Kolahun entre mars et mai 1993. Ce civil était l’oncle d’une des parties plaignantes qui est ensuite devenu témoin au stade du procès.

Sur question du Tribunal, M. Kosiah a déclaré ne pas avoir tué cette personne et n’avoir appris l’existence de ce village seulement au moment de son arrestation. Il a expliqué que pendant les faits mentionnés, il était également à Todi entre mars et mai 1993 et n’avait rencontré pendant la guerre ni la victime ni son neveu.

Selon le prévenu, l’histoire du témoin sur le meurtre de son oncle ne colle pas, les ULIMO ne sont pas venus de Guinée pour attaquer comme le témoin l’avait déclaré, et le prévenu n’a pas pu venir lui-même depuis la route de Foya car cette ville n’était pas encore prise. Il a également émis des doutes quant au réel rôle du témoin pendant la guerre, et a déclaré que selon lui, ce dernier n’était pas un civil mais bien un soldat NPFL comme l’a déclaré l’un des témoins de la défense à qui on avait montré des listes de noms pendant l’instruction.

Chiffre 1.3.4 : Ordonner le traitement cruel de sept civils à Foya 

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné le traitement cruel de sept civils dont un des plaignants à Foya en juillet 1993. Il aurait ordonné à ses hommes d’attacher les sept civils par les bras en tirant ceux-ci très fort derrière leur dos. Cette technique de torture est appelée « tabé ». Il aurait ensuite ordonné de traîner le plaignant sur plus de cent-vingt mètres, lui provoquant de sérieuses blessures.

Alieu Kosiah a déclaré qu’en juillet 1993 il était probablement entre Todi et Bomi, et pas à Foya. Il a ajouté n’avoir ordonné ni la torture sous forme de « tabé », ni le fait de devoir traîner le plaignant sur plus de cent-vingt mètres. Il a encore expliqué qu’il ne s’est rendu à Foya qu’à la fin de 1993, début 1994 et qu’il n’avait jamais rencontré le plaignant.

Sur l’existence du commandant ULIMO Kunti, aussi mentionné par le plaignant dans ces événements, le prévenu a déclaré avoir le souvenir clair de l’avoir vu une ou deux fois à Foya, où Kunti était basé, et que si ce dernier pouvait témoigner il viendrait déclarer que le prévenu n’était pas à Foya au moment de la capture de la ville. Kunti était lieutenant ou capitaine et le prévenu était toujours son supérieur. Par rapport à un autre ULIMO, Fanboy, dont le nom a été mentionné sur cet événement, le prévenu a déclaré qu’il connaissait son existence mais ne le connaissait pas lui-même, et il était probablement inférieur au prévenu en termes de rang.

Sur question du Tribunal, Alieu Kosiah a également indiqué connaître le chant « Kele Kele », qui, selon lui, était chanté quand les ULIMO allaient sur la ligne de front. Ce chant n’était pas chanté avec les civils, et c’était à l’origine un chant NPFL qui lui-même est un chant Gio adapté de l’anglais parlé au Liberia. Ce chant a été adapté, mais il parlait à l’origine des personnes gardiennes de la tradition. Il était utilisé par les ULIMO pour que les soldats se sentent motivés lors de la capture d’une ville.

Alieu Kosiah a déclaré n’avoir entendu parler de cet épisode que lors de son arrestation. Il a assuré ne pas savoir si les victimes ont été les premières à parler de cet épisode, et qu’il fallait de ce fait poser la question au procureur. Il a ajouté que selon lui, il a été kidnappé par le gouvernement suisse mais qu’il n’a pas déposé plainte pour cela.

Chiffre 1.3.5 : Ordre d’exécuter six civils à Foya 

Il est reproché au prévenu dans la suite de l’événement précèdent d’avoir ensuite donné l’ordre d’exécuter six des sept personnes qui avaient été traités cruellement.

Sur les accusations d’avoir exécuté six civils au même moment à Foya, soit en juillet 1993, le prévenu a expliqué que c’était impossible et qu’il n’y avait aucune chance qu’il ait été là à cette période.  Il a affirmé que ces accusations sont une fabrication de la partie plaignante, un complot du témoin, de Me Werner et d’Hassan Bility. Il a comparé ces derniers à la trinité, en expliquant que Me Werner serait le père, Hassan Bility le fils, et les plaignants le Saint-Esprit.

Chiffre 1.3.6 : Assener un coup de couteau à l’un des plaignants à Foya 

Lors des mêmes événements cités ci-dessus, il est également reproché à M. Kosiah d’avoir asséné un coup de couteau au même plaignant qui a été traîné sur plus de 120 mètres à Foya en juillet 1993.

Le prévenu a indiqué qu’il n’avait jamais fait ça, qu’il n’était pas présent, et qu’il n’a jamais entendu parler de cela avant son arrestation.  Il a ajouté avoir la preuve que c’est Kunti, selon le plaignant, qui a asséné le coup de couteau et non lui, puisque dans la procédure en France diligentée contre Kunti, la partie plaignante a déclaré que ce n’était pas Alieu Kosiah qui lui avait assené le coup de couteau mais en fait Kunti. Il a à nouveau affirmé que tout cela est la preuve que toute cette affaire est une conspiration, Alain Werner ayant mis la pression sur Hassan Bility car le prévenu habitait en Suisse, Hassan Bility ayant obéi et par ailleurs fait une fausse déposition dans la procédure. Le prévenu a aussi déclaré avoir déposé plainte et contre Alain Werner et contre Hassan Bility, mais que le procureur ne veut pas la recevoir jusqu’à que la décision soit rendue quant à la condamnation ou non d’Alieu Kosiah.

Chiffre 1.3.7 : Ordonner et diriger un transport forcé de café, cacao et huile de palme par des civils, de Foya et Solomba, jusqu’à la frontière guinéenne

Il est aussi reproché à Alieu Kosiah le fait d’avoir ordonné et dirigé un transport forcé de café et d’huile de palme par des civils, des villes de Foya et Solomba, et de là à la frontière guinéenne entre juillet et août 1993.

Après la question de savoir s’il l’avait fait, Alieu Kosiah a répondu que non, et que s’il avait dû le faire, il l’aurait fait en voiture et non à pied. Il a également indiqué n’avoir entendu parler de ce transport seulement au moment de son arrestation. Il a dit ne pas se souvenir s’il avait été à Foya entre juillet et que ce transport n’a à son avis jamais eu lieu. Il a reconnu avoir déclaré s’être rendu à Foya seulement trois mois après la capture de la ville, mais dans son souvenir d’alors, cette capture s’était déroulée en 1994, quand deux de ses soldats étaient partis pour Foya alors qu’il se trouvait avec eux à Voinjama. Il a affirmé ne pas avoir placé la capture en 1994 pour tromper qui que ce soit, et que s’il avait voulu le faire, il aurait placé la capture en 1992. Selon le prévenu, Foya était un endroit où on allait pour se détendre quand on ne combattait pas, mais il n’y était pas basé et il y allait de temps en temps mais pour de très courts séjours.

Le prévenu n’a pas pu préciser le temps de marche entre Foya et la Guinée en passant par Solomba, car il a toujours fait ce trajet en voiture et en moto, en indiquant toutefois que la distance était entre 18 et 20 km. Il a précisé que ce chemin était impraticable en camion lors de la saison des pluies soit entre juin et août, la route étant petite avec beaucoup de fossés et de collines à traverser ; mais que, pendant cette période, en 4X4 ou en moto c’était peut-être faisable, et que pendant la saison sèche, la route était tout à fait praticable.

Sur le commandant ULIMO Dekou le prévenu a déclaré l’avoir connu quand il était petit, qu’il faisait partie de sa famille, qu’il l’avait ensuite revu avec les ULIMO à Foya début 1994, et que ce dernier avait alors le même grade que lui, étant ensuite devenu son supérieur en 1994 comme « deputy chief of staff ».

Alieu Kosiah a ensuite déclaré que les trois premiers mois de l’occupation ULIMO les choses étaient difficiles, et que tous ceux qui n’étaient pas passer par l’ONG pouvaient confirmer son affirmation. Le prévenu a continué son récit en expliquant que, de manière générale, après ces trois mois, il y avait des activités régulières des civils qui donnaient lieu à des aller-retours entre les différents marchés et la frontière, avec des voitures et des camions qui faisaient les trajets, et même un marché à Massabolahun avec parfois jusqu’à 3000 personnes à ce marché. Il a également indiqué n’avoir jamais vu de transports forcés de manière générale, ni n’y avoir jamais participé, et n’avoir jamais entendu que des civils avaient été frappés pour transporter quoi que ce soit, en tous cas pas chez les ULIMO. Il a conclu en disant qu’il faudrait écouter les témoins qui ne sont pas passés par les ONG pour en avoir le cœur net. Il a ajouté que certaines personnes portaient des choses de leur plein gré car ils étaient payés et non forcés comme l’ont déclaré deux témoins dans la procédure.

Chiffre 1.3.8 : Participation au meurtre d’un civil à Foya

Alieu Kosiah est aussi accusé d’avoir participé au meurtre d’un civil à Foya entre juillet et le 4 octobre 1993.

Concernant le meurtre de ce civil, Alieu Kosiah a expliqué n’y avoir pas pris part. Il a expliqué qu’il n’était pas à Foya à ce moment et qu’il ne connaissait pas la victime. Il a ajouté n’avoir jamais entendu parler de cette histoire avant d’être arrêté en Suisse, et que la partie plaignante mentait quand elle avait raconté l’histoire de ce meurtre et impliqué le prévenu, ce dernier n’ayant pas capturé Foya, contrairement à ce que la partie plaignante avait dit.

Le prévenu a également indiqué avoir rencontré à Foya le militaire ULIMO Ugly Boy, mort depuis et impliqué dans le meurtre présumé de ce civil. Or, selon le prévenu, il y a bel et bien eu un incident dont il avait déjà parlé, où Ugly Boy et un autre ULIMO dénommé Mami Wata ont capturé puis découpé 5 ou 6 soldats NPFL par mesure de vengeance suite à la mort d’un combattant ULIMO survenue après l’explosion d’une mine à Zorzor. Suite à cet évènement, Ugly Boy a dû quitter Foya et a été affecté à Zorzor.   Il était soit lieutenant soit capitaine, mais le prévenu était son supérieur. Selon le prévenu, il n’avait pas d’autre relation avec Ugly Boy et ne le connaissait pas « très bien » comme l’a déclaré un témoin de la défense, lui-même ancien ULIMO. Et personne n’a pu parler avec Ugly Boy après son arrestation, car ce dernier est mort en 1994 ou 1995.

Chiffre 1.3.9 : Profanation du cadavre d’un civil à Foya 

Il lui est également reproché d’avoir profané le cadavre du même civil dont il est question sous chiffre 1.3.8, en mangeant une partie de son cœur cru juste après son meurtre.

Alieu Kosiah a précisé n’avoir également jamais entendu parler de cette histoire avant son arrestation. Il a expliqué qu’un des plaignants, supposé présent pendant les faits, serait un menteur notamment sur le contact initial avec le Global Justice and Research Project (GJRP) soi-disant via le site internet du GJRP, version qu’il a ensuite modifiée, l’avocat d’une autre partie plaignante, Me Maleh, lui ayant dit comment mentir. Il a ensuite encore changé sa version en Hollande. Par ailleurs, le prévenu a expliqué que le même plaignant n’a pas mentionné le nom de la victime lors de sa plainte, ce qui prouve également qu’il ment, car il est d’ethnie Kissi et que le prévenu est Mandingo. Il a ajouté que la partie plaignante n’a aussi pas pu reconnaître le prévenu sur les photos qui lui ont été montré, et a ajouté qu’il est invraisemblable de manger un cœur cru et non cuit ; cela étant preuve, encore une fois, que le témoin ment. Le prévenu a accepté le fait que le nom de la victime du meurtre et de la profanation était apparu sur un journal libérien de l’époque, mais il a ajouté qu’il était mentionné dans le journal que la victime et d’autres avaient été tuées car ils étaient chrétiens et portaient une bible, et non pour une autre raison ; mais que, les ULIMO étant chrétiens et musulmans, le prévenu ne voit aucune raison pour laquelle les victimes auraient été tuées.

Par ailleurs, le prévenu a ajouté que le témoin lisait ses notes pendant toute son audition, ce qui figure également au procès-verbal. Selon Alieu Kosiah, cela illustre la conspiration qu’il y a contre lui. Le prévenu a conclu en disant qu’il avait déposé une plainte contre la grande majorité des plaignants.

Chiffre 1.3.10 : Ordonner et diriger un transport forcé de café par des civils entre Foya et Solomba, et de là à la frontière guinéenne 

Il est également reproché au prévenu d’avoir ordonné et dirigé un transport forcé de café entre Foya et Solomba, et de là à la frontière guinéenne au cours de la deuxième moitié de 1993, respectivement à la fin de l’année 1993.

Concernant ces faits, M. Kosiah a également précisé ne pas avoir ordonné ou dirigé ce transport, qu’il s’agit d’une conspiration, que le seul crime qu’il ait commis est d’habiter en Suisse comme Alain Werner, demandant aussi comment les parties plaignantes peuvent l’incriminer si elles n’ont pas été capables de le reconnaître sur des photos d’époque.

Chiffre 1.3.11 : Ordonner de piller le moteur de la centrale électrique de Foya

Alieu Kosiah est accusé d’avoir, avec d’autres commandants dont Kunti, ordonné le pillage de la centrale électrique de Foya entre juillet et décembre 1993 ou entre mars 1994 et décembre 1995.

Il a nié avoir participé à ce pillage, notant qu’il est bien passé par Foya entre mars 1994 et décembre 1995 mais pour se détendre du retour du front. Il passait aussi par Foya en route en moto pour aller à la frontière avec la Guinée pour acheter quelque chose, et ensuite il allait à Bolahun où il avait une petite amie à l’époque. Il n’a jamais su qu’il y avait une centrale électrique à Foya.

Chiffre 1.3.12 : Ordonner et diriger le transport forcé du moteur de la centrale électrique de Foya par des civils, ce de Foya à Solomba, et de là à la frontière avec la Guinée

Alieu Kosiah est accusé d’avoir, avec d’autres commandants dont Kunti, ordonné le transport forcé du moteur de la génératrice par des civils, de Foya à Solomba, et de là à la frontière avec la Guinée. Ces évènements auraient eu lieu entre juillet et décembre 1993 ou entre mars 1994 et décembre 1995.

Alieu Kosiah a déclaré n’avoir ni ordonné ni dirigé ce transport, qu’il connaissait bien un chauffeur ULIMO du nom de Senssi Bebe, mais que de dire que ce dernier avait été sous ses ordres était un mensonge. Le prévenu a aussi déclaré n’avoir jamais entendu parler de ce transport forcé jusqu’à son arrestation en Suisse.

Chiffre 1.3.13 : Ordonner le pillage de la génératrice du village de Pasolahun

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné le pillage de la génératrice d’un village de la région de Kolahun, soit Pasolahun, entre octobre et novembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Le prévenu a nié avoir commis ces crimes. Il a notamment précisé qu’il n’avait connu l’existence de ce village qu’à son arrestation en Suisse, et de même pour la génératrice qui s’y trouvait. Il a ajouté que les parties plaignantes qui avaient parlé de ces faits étaient des menteurs. Interrogé sur un militaire dénommé Sky Face Kabbah, le prévenu a confirmé qu’il en connaissait un qui était un colonel ou général très important au sein des ULIMO.

Chiffre 1.3.14 : Ordonner le transport forcé de la génératrice de Pasolahun par des civils, de Pasolahun à Kolahun

Le prévenu est aussi accusé d’avoir ordonné ce transport forcé de la génératrice de Pasolahun par des civils de Pasolahun à Kolahun, ce entre octobre et novembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il avait ordonné le transport de la génératrice depuis Pasolahun. Ce dernier a répondu que cette histoire était un autre mensonge dans la procédure, qu’il y avait bel et bien eu une génératrice dans ce village, et que le chef du village est venu en Suisse et a précisé qui l’avait prise. Pour sa part, il n’avait jamais entendu parler de ce pillage et de ce transport forcé jusqu’à son arrestation en Suisse.

Chiffre 1.3.15 : Meurtre d’un civil aux abords de la rivière Kehair 

Le prévenu est également accusé d’avoir tué un civil lors du transport forcé évoqué ci-dessus, aux abords de la rivière Kehair. Ces événements auraient eu lieu entre octobre et novembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Concernant le meurtre présumé d’un civil, Alieu Kosiah a affirmé ne pas connaître la victime. Il a également soulevé les incohérences, qui selon lui, entouraient la mort de cette victime, notamment le fait que la victime serait morte de trois façons différentes selon les versions et a ajouté qu’en tous cas, au Liberia, il était impossible de mourir trois fois. M. Kosiah a aussi déclaré avoir demandé l’audition d’un civil portant le même nom que la victime, cette dernière n’étant en fait pas morte selon le prévenu. Le Tribunal s’est alors enquis de savoir si le prévenu était sûr qu’il ne s’agissait pas d’un homonyme. Le prévenu a expliqué que selon lui, un tel homonyme était impossible au vu de la petite taille du village en question et des liens de parenté en question. Les propos d’Alieu Kosiah concernaient également une seconde victime qu’il aurait assassinée selon l’acte d’accusation lors du transport de munitions jusqu’à Fassama (voir ci-dessous chiffre 1.3.17), le prévenu ayant affirmé que pour cette seconde victime aussi il démontrerait en faisant témoigner un deuxième civil que ce second meurtre n’avait pas non plus eu lieu, la victime n’étant également pas morte.

Sur le fait que deux parties plaignantes et un témoin corroborent le meurtre aux abords de la rivière Kehair, le prévenu a déclaré que toutes ces personnes étaient passées par Alain Werner et les ONG et que si elles n’étaient pas passées par eux, elles auraient dit des choses différentes. Le prévenu a ensuite été rendu attentif au fait que mentir à la justice peut conduire à la prison, ce sur quoi il a répondu qu’il confirmait « à 2000% » ses déclarations, élaborant sur les faits que les parties plaignantes et les témoins avaient déclaré selon lui des choses contradictoires et incompatibles entre elles sur le fait de savoir si elles se connaissaient ou pas. Il a conclu en affirmant que bien qu’il est en prison depuis six fois 365 jours, qu’il n’est pas un criminel, et que le Tribunal allait bientôt voir qui dit la vérité ou non.

Chiffre 1.3.16 : Ordonner et diriger un transport forcé de munitions par des civils de Gondolahun à Fassama 

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné et dirigé un transport forcé de munitions par des civils d’un village de la région de Kolahun à Fassama. Ces événements auraient eu lieu entre novembre et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il avait ordonné un transport de munitions juqu’à Fassama, ce dernier répondant par la négative, ajoutant aussi que ces endroits étaient loin dans la brousse, pas accessible, et qu’il ne connaissait même pas le nom de Gondolahun, étant venu à Fassama par la direction opposée. Il a aussi déclaré ne pas en avoir entendu parler de ce transport, ni d’autres transports, ni des transports forcés entre Gondolahun et Fassama.  Selon le prévenu, faire transporter des munitions par des civils entre Gondolahun et Fassama ne fait aucun sens militairement, la route étant difficile d’accès. Le prévenu a cependant expliqué que cela faisait sens pour les LURD d’effectuer ce transport de munition, puisqu’ils venaient par la direction opposée à celle que prenait les ULIMO.

Sur ses liens avec le commandant ULIMO Jungle Jabbah, le prévenu a notamment expliqué qu’il avait rencontré Jungle Jabbah en 1991 quand les ULIMO ont été créés. Alieu Kosiah a ensuite expliqué que Jungle Jabbah était au Lofa bridge, qu’il a toujours été plus gradé que lui, mais qu’il ne lui donnait pas d’ordres puisqu’ils n’étaient pas affectés à la même région.

Chiffre 1.3.17 : Meurtre d’un civil aux abords de la rivière Lofa

Le prévenu est accusé d’avoir tué un civil lors du transport forcé évoqué sous chiffre 1.3.16. Ces événements auraient eu lieu entre novembre et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Alieu Kosiah a déclaré ne pas avoir eu connaissance jusqu’à son arrestation d’un meurtre dans le cadre du transport forcé évoqué au chiffre 1.3.17, ni de l’identité de la personne tuée lors de ce transport. ll a réitéré son point de vue selon lequel la personne prétendument morte durant ce transport était en fait encore vivante, que le chef du village de Pasolahun était venu en Suisse durant l’instruction déclarer qu’il n’y avait pas eu de victimes de la guerre à Pasolahun, et qu’il fallait l’écouter puisque, selon lui, personne dans la salle ne connaît mieux les faits que le chef du village, d’autant plus qu’il a été chef de village de 1993 à 2002. A la question de savoir comment se faisait-il que trois personnes différentes l’aient incriminé dans le meurtre du civil aux abords de la rivière Lofa, Alieu Kosiah a répondu à nouveau que cela était uniquement possible car ces personnes étaient passés par les ONG et que sinon elles ne sauraient même pas qui était M. Kosiah. Il a aussi réitéré son espoir quant au fait que le chef du village vienne témoigner au procès afin de confirmer que personne n’est mort, qu’il puisse expliquer qui a pris la génératrice, et expliquer que des personnes sont en effet parties pour porter la génératrice mais que tout le monde est revenu, ce qui est très différent de ce qui a été raconté dans cette procédure. Rendu attentif au fait que la question du Tribunal ne portait pas sur cette génératrice, Alieu Kosiah s’est dit désolé et a à nouveau affirmé que les trois personnes l’ont incriminé parce qu’elles étaient sous l’influence des ONG.

Chiffre 1.3.18 : Meurtre d’un civil à Voinjama

Alieu Kosiah est accusé d’avoir tué un civil à Voinjama durant le « Black Monday ». Cet événement aurait eu lieu en décembre 1993 ou début 1994 et mai 1994.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il avait exécuté un jeune civil à Voinjama lorsque ce dernier avait refusé de monter dans son pick up, ce que ce dernier a nié, ajoutant également qu’il a entendu parler du « Black Monday » qu’après son arrestation. Le prévenu a notamment expliqué qu’il ne croyait pas à l’histoire du « Black Monday », bien que la Truth and Reconciliation Commission (ci-nommée après TRC) en ait parlé. Il a déclaré avoir été à Voinjama en mai 1994 sous la demande du commandant Pepper and Salt, mais que les événements décrits par la partie plaignante qui l’incrimine dans les massacres du « Black Monday » sont incohérents chronologiquement, le plaignant ayant situé le « Black Monday » en 1993 alors que la TRC le place en 1994, le TRC parlant également d’un évènement du « Black Monday » alors que la partie plaignante parle de plusieurs événements, plusieurs lundis consécutifs. Enfin, le prévenu relève que la partie plaignante parle du meurtre de soldats de l’ethnie Krahn, alors que l’événement qui a démarré le conflit entre les Krahns et les Mandingos, soit la scission, n’avait pas encore eu lieu.

Chiffre 1.3.19 : Ordonner un transport forcé, par des civils, de Voinjama à Gbarlyeloh en Guinée

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné le transport forcé par des civils de Voinjama à Gbarlyeloh, en Guinée. Cet événement aurait eu lieu entre septembre 1993 et décembre 1993 ou début 1994 et mai 1994.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il avait organisé un tel transport de marchandise de Voinjama à Gbarlyeloh, et il a déclaré ne pas l’avoir fait. Cependant, Alieu Kosiah a confirmé à nouveau qu’il était à Voinjama en 1994, car il faisait la guerre là-bas avec ULIMO, mais qu’il était au quartier général et non sur le front. Il a ensuite déclaré ne jamais avoir été à pied de Voinjama à Gbarlyeloh et n’avoir jamais vu durant la guerre la partie plaignante qui a parlé de cet événement.

Chiffre 1.3.20 : Ordonner un transport forcé, par des civils, de Voinjama à Solomba, et de là à la frontière guinéenne

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné un transport forcé par des civils, de Voinjama à Solomba, et de là à la frontière guinéenne. Cet événement aurait eu lieu entre septembre 1993 et décembre 1993 ou entre début 1994 et mai 1994.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il avait ordonné le transport forcé d’une cargaison par des civils entre Voinjama et Solomba, ce dernier répondant ne pas l’avoir fait et n’avoir jamais entendu parler de ce transport pendant la guerre. Selon le prévenu, ce transport aurait duré une journée entière avec un véhicule et que pendant la saison des pluies, la route était praticable qu’avec un 4×4. Il a cependant expliqué qu’un tel transport ne faisait pas sens, au vu des très nombreux points de passages entre Voinjama et la Guinée. Alieu Kosiah a illustré ses propos en donnant l’exemple d’une personne qui partait de Genève pour se rendre en France en passant par Neuchâtel.

Chiffre 1.3.21 : Ordonner les meurtres de deux combattants ULIMO d’ethnie Krahn

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné le meurtre de deux combattants ULIMO d’éthnie Krahn. Cet événement aurait lieu entre septembre 1993 à décembre 1993 ou début 1994 à mai 1994.

Le Tribunal a demandé si M. Kosiah avait ordonné le meurtre de deux combattants d’éthnie Krahn, le prévenu répondant qu’il n’avait pas fait cela. Il a indiqué qu’il se trouvait à Tubmanburg, dans le comté de Bomi,  au moment de la scission des ULIMO. Alieu Kosiah a confirmé qu’il était ULIMO-K après la scission puisqu’il était Mandingo. Le prévenu a confirmé avoir connu un check point dénommé Iron Gate à un ou deux kilomètres de Voinjama, mais a affirmé qu’il n’a jamais vu sur ce check point des restes de corps humains exposés.

Chiffre 1.3.22 : Ordonner le pillage du village de Botosu 

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné le pillage d’un village et d’avoir forcé les civils à transporter les biens pillés hors du village de Botosu. Cet événement aurait eu lieu entre mars et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il savait où le village se situait. Ce dernier a répondu qu’il le savait maintenant car il avait regardé sur une carte, mais qu’il ne s’y était jamais rendu pendant la guerre, n’ayant jamais entendu parler du pillage de ce village pendant la guerre. Il a aussi réitéré ne jamais avoir assisté pendant la guerre à des pillages de nourriture de civils par des soldats.

Chiffre 1.3.23 : Ordonner et diriger un transport forcé de biens, par des civils, depuis Botosu

Alieu Kosiah est accusé d’avoir ordonné et dirigé un transport forcé de biens depuis le village de Botosu par des civils entre mars et décembre 1993 ou entre mars 1994 et fin 1995.

Le prévenu a déclaré ne pas avoir ordonné un transport de biens dont de la nourriture et des munitions depuis Botosu, n’ayant pas eu connaissance de ce transport durant la guerre. Il a malgré tout affirmé savoir que différentes choses se sont passées, même s’il n’y a pas assisté. Il a ajouté qu’il ne connaissait pas le village de Botosu, qu’il sait maintenant le placer sur une carte mais qu’il n’avait jamais entendu auparavant parler de ce village et qu’il ignorait de fait son existence.

Chiffre 1.3.24 : Ordonner le viol d’une civile

Alieu Kosiah est accusé d’avoir violé une civile à Voinjama, entre mars et décembre 1993, ou entre mars 1994 et fin 1995. Cette partie de l’audition du prévenu s’est déroulée en huis clos partiel. Le Tribunal a par conséquent demandé au public de sortir de la salle du Tribunal pénal fédéral. 

Le prévenu a déclaré ne jamais avoir commis ce viol, et qu’un tel acte est impossible, sa petite amie étant dix fois plus jolie que la partie plaignante qui l’accuse de ce viol. Il a ajouté que la partie plaignante ne savait rien des ULIMO quand elle est venue témoigner durant l’instruction et qu’elle ne savait même pas qu’Alieu Kosiah était membre des ULIMO. Selon le prévenu, n’étant pas psychologue, il ne peut pas connaître la motivation de la partie plaignante à dénoncer cet épisode, mais il sait qu’elle ne l’aurait pas fait si elle n’était pas passé par les ONG. Il a conclu en déclarant que tout cela est de la manipulation, la partie plaignante ne connaissant même pas Pepper and Salt, ce qui était impossible pour quelqu’un qui se rendait comme elle à Voinjama.

Chiffre 1.3.25 : Ordonner et diriger un transport forcé de biens, par des civils, de Zorzor à Salayae

M. Kosiah est accusé d’avoir ordonné et dirigé le transport de biens, y compris des munitions et des armes, par des civils de Zorzor à Salayea. Cet événement aurait eu lieu entre mars et décembre 1993 ou mars 1994 et fin 1995.

Le Tribunal a demandé à Alieu Kosiah s’il avait organisé un transport de biens par des civils entre Zorzor et Salayea, ce dernier répondant ne pas l’avoir fait. Il a également expliqué qu’il n’avait pas entendu parler de ce transport forcé pendant la guerre.

Sur sa présence à Zorzor, le prévenu a déclaré avoir été une première fois à Zorzor, une nuit seulement, quand Pepper and Salt l’a amené dans le Lofa. Ensuite, il a déclaré y être passé plusieurs fois pour se rendre sur la ligne de front, avant d’y être nommé en tant que « batallion commander » entre 1994 et 1995. Par la route, il fallait deux à trois heures de Zorzor à Salayea.

Questions additionnelles

Après avoir terminé de poser des questions concernant les différents chefs d’accusation, le Tribunal a souhaité poser à Alieu Kosiah des questions additionnelles.

Tout d’abord, le Tribunal lui a demandé d’expliquer pourquoi selon lui sept personnes différentes l’ont dénoncé pour ces crimes graves, en le reconnaissant notamment sur des photos pour certains et en vrai pour d’autres. M. Kosiah a répondu qu’il constatait que personne à part une partie plaignante n’avait pu le reconnaître sur des photos de l’époque des faits, alors que trois témoins de la défense l’avaient reconnu sur cette même photo.

Sur la motivation des parties plaignantes à l’incriminer, le prévenu a répondu ne pas connaître la teneur des accords entre ces parties plaignantes et les ONG, et donc ne pouvoir qu’amener les preuves que ces parties plaignantes ont menti. Il a ensuite détaillé trois incohérences factuelles de l’une des parties plaignantes qui constituent selon lui autant de mensonges, dont le fait qu’elle aurait appris l’arrestation du prévenu dans les journaux et seulement ensuite aurait déposé plainte, alors que selon M. Kosiah c’est justement à cause de sa plainte qu’il avait été arrêté.

Le Tribunal a ensuite insisté pour qu’Alieu Kosiah explique le but des conspirateurs si tout ceci était en effet une conspiration. Ce dernier a expliqué que la pauvreté pouvait faire perdre la dignité aux gens, cette pauvreté poussant des africains à traverser la Méditerranée en bateau même si beaucoup meurent en route. Et dès lors, la crédibilité des histoires des parties plaignantes était en question.

Le Tribunal a ensuite demandé à Alieu Kosiah d’étayer ses propos tenus durant l’instruction selon lesquels les parties plaignantes feraient parties d’une organisation criminelle. Le prévenu a expliqué qu’Hassan Bility, Directeur du GJRP, avait fabriqué des documents, ce qui est un crime en droit suisse comme ça l’est au Liberia, et aussi fait des fausses déclarations en audience. Il a illustré ses propos en expliquant qu’Hassan Bility avait lui-même déclaré avoir trouvé la partie plaignante (EBJ) à travers une autre partie plaignante mais que quand il a été demandé à cette dernière ce qu’elle savait d’EBJ, elle a déclaré ne pas connaître EBJ, et qu’elle l’a vu pour la première fois quand ils ont pris l’avion. Il a ajouté que ceux qui sont venus témoigner contre lui sont peut-être victimes, et qu’on leur avait promis l’asile contre leur témoignage, comment expliquer sinon qu’elles soient venues témoigner contre quelqu’un qui ne leur avait rien fait. Par ailleurs, le prévenu a encore ajouté avoir des documents qui ont été établi par Hassan Bility et Alain Werner dans une demande d’asile qui ne concerne pas cette procédure, et que la personne a reçu l’asile grâce à ces documents. La personne bénéficiaire de l’asile a été entendue dans la procédure et son histoire ne correspondait pas à la réalité, ce que la teneur du témoignage d’Hassan Bility a confirmé.

Sur le fait de savoir comment on peut être sûr qu’il ne ment pas dans cette procédure alors qu’il a reconnu avoir menti aux autorités suisses lors de la procédure d’asile, Alieu Kosiah a répondu ne pas avoir menti sur le fait d’avoir combattu pendant la guerre ni les raisons de son départ du Liberia, et que le seul mensonge portait sur Daouda Drame. Par ailleurs, il a expliqué que le gouvernement suisse lui avait menti aussi puisqu’il avait établi qu’il était nigérian, Alieu Kosiah ajoutant n’avoir plus confiance envers le gouvernement, mais ayant confiance envers les tribunaux, son fils ayant pu venir grâce à la voie judiciaire en Suisse, et non grâce au gouvernement.

A propos d’un témoignage dans la procédure qu’Alieu Kosiah avait considéré comme étant rempli de haine envers les Mandingos, le prévenu a expliqué que les Mandingos représentaient selon lui seulement cinq pourcent de la population et pourtant contrôlaient toute l’économie au Liberia. Selon lui, cela avait pour conséquence qu’au Liberia la population mandingo avait toujours été considérée par jalousie comme des étrangers, à savoir des Guinéens.

Concernant des propos d’Alieu Kosiah selon lesquels il fallait faire attention au contenu de la TRC et des journaux parce que ces derniers étaient composés de groupes opposés aux Mandingos, le Tribunal a demandé s’il s’agissait d’une autre conspiration. Le prévenu a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une conspiration, et il a cité l’exemple d’une ancienne membre de la TRC qui avait déclaré que l’ULIMO-K était la pire faction pendant la guerre et créait des troubles jusqu’aux États-Unis. Alieu Kosiah a expliqué que les Mandingos avaient le plus perdu pendant la guerre et n’ont jusqu’à ce jour pas réussi à récupérer notamment toutes leurs maisons, alors que les autres ethnies ont pu les récupérer.

Le prévenu a ensuite expliqué n’avoir pas reçu l’asile en Suisse malgré les discriminations contre les Mandingos car les Suisses n’ont même pas accepté qu’il soit libérien, lui refusant l’asile au prétexte qu’il était nigérian.

Le Tribunal a ensuite questionné Alieu Kosiah sur ses contacts éventuels avec des témoins. Le prévenu a alors expliqué qu’il était dans l’obligation de passer soit par son frère soit par un ami libérien résidant en Suisse pour contacter ses témoins, car il n’avait aucun accès à l’extérieur étant en prison, et son avocat ne pouvait pas aider avec le contact de personnes se trouvant au Liberia. Il a ajouté à cela que toutes les conversations qu’il a eu en prison depuis six ans s’effectuaient en présence d’un policier fédéral qui lui a une fois interdit de parler à sa sœur mais qui n’a jamais interrompu ses conversations avec Monsieur D. et que donc il n’y avait aucune chance qu’il soit entré en contact avec ses témoins grâce à l’aide d’un tiers.

Le Tribunal a terminé cette deuxième journée d’audience d’Alieu Kosiah en le questionnant sur la conquête du Lofa par les ULIMO. Le Tribunal a d’abord demandé quand est-ce que le Lofa avait été conquis. Le prévenu a expliqué qu’il n’était pas celui qui avait commencé la mission de conquête du Lofa et par conséquent il n’était pas sûr, ayant pensé que cette conquête avait eu lieu en 1994 alors qu’elle s’était passée en 1993, Foya ayant été la dernière ville capturée en juillet 1993 d’après les déclarations fiables de soldats ULIMO.

Le Tribunal a ensuite demandé au prévenu quel était l’effectif total des troupes ULIMO. Alieu Kosiah a estimé un nombre de 5 000 à 6 000 soldats pour tout le groupe, et entre 1 000 et 2 000 personnes pour l’ULIMO-K après la scission.

Le Président Bacher a ensuite levé la séance. L’audition d’Alieu Kosiah reprendra le lendemain, mardi 8 décembre 2020.