Jour 5 – Suite et fin des questions de Me Gianoli à Alieu Kosiah

Les questions de Me Gianoli à Alieu Kosiah ont continué ce mercredi 9 décembre 2020.

Me Gianoli a tout d’abord demandé à Alieu Kosiah d’expliquer les problèmes ethniques présents au Liberia avant et pendant la guerre, ainsi que les raisons pour lesquelles les Mandingos avaient été particulièrement visés. Alieu Kosiah a alors raconté qu’au début, en 1847, les seize ethnies formaient un seul et même pays et, qu’un jour, les Mandingos ont été rejetés par leurs « frères ». Il a également raconté qu’en 1990, quand M. Taylor est arrivé, il tuait les Krahns parce qu’ils faisaient partie de l’ethnie du président Samuel Doe. Il a expliqué que les termes « Citoyens de 1990 » représentaient les Mandingos humiliés et tués au début de la guerre par leurs « frères » lorsqu’ils fuyaient vers la Guinée et la Sierra Leone. Il a ajouté que les ULIMO ont été ceux qui ont protégé Monrovia pour que les habitants puissent recevoir des vivres. Selon lui, les Mandingos occupaient des postes à responsabilité, notamment dans l’économie et dans les affaires. Ils détenaient les transports, la plupart des commerces des centres villes, la vente de café et de cacao et également la production de diamants. Ces facteurs ont provoqué selon lui de la jalousie et de la colère chez les autres ethnies. Il a affirmé comprendre le point de vue de ces autres ethnies. De plus, il a ajouté que les Mandingos étaient considérés comme des étrangers dans leur propre pays. C’est donc pour toutes ces raisons que les Mandingos avaient été persécutés pendant la guerre. Le prévenu a pris comme exemple qu’il était difficile pour les femmes Mandingos de se marier avec d’autres hommes d’ethnies différentes pour des raisons religieuses. Il a également comparé la situation au Liberia avec le génocide des Tutsis au Rwanda, expliquant que les Tutsis ont été tués seulement parce qu’ils étaient vus comme des étrangers par les Hutus. Il a conclu en expliquant que ces divisions étaient encore bel et bien présentes aujourd’hui, et que, ce qu’il se passe aujourd’hui au Liberia est également en grande partie dû à ces divisions ethniques qui persistent depuis sa création.

Lorsque Me Gianoli lui a demandé pourquoi les Mandingos détenaient les biens mentionnés et des positions dominantes au Liberia, Alieu Kosiah a expliqué que les Mandingos travaillent dur et qu’ils ne dépensaient pas leur argent n’importe comment contrairement à certaines autres ethnies. Il a ajouté que les Mandingos investissaient directement leur argent dans les marchés pour faire des affaires. Il a ajouté que les biens qu’ils avaient n’étaient pas volés, et qu’après la guerre civile, ce sont les Mandingos qui ont le plus perdu. Il a mentionné que les Mandingos étaient plus productifs, et non pas plus vertueux, et que tous les journalistes pouvaient confirmer cette affirmation. Enfin, M. Kosiah a à nouveau ajouté que cette réussite était jalousée.

Le prévenu a ensuite expliqué qu’il était né dans ces problèmes ethniques et que la maison de son père avait été détruite pour élargir le terrain du « commissioner ». Il a ajouté que les « checkpoints » au Liberia existaient déjà bien avant la guerre et que les contrôles étaient dix fois plus complets pour les Mandingos que pour les non-Mandingos, et que les Européens ignoraient peut-être cela.

Concernant les raisons de son engagement dans les « Armed Forces of Liberia » ( ci-après AFL), Alieu Kosiah a expliqué qu’il avait rejoint l’armée car il voulait protéger son peuple, les Mandingos étant tués dans le Nimba County par le NPFL. Il a ajouté que les Mandingos se sont notamment engagés pour apporter de la stabilité à leur peuple dans la région. Selon lui, les NPFL s’en seraient pris aux Mandingos parce que les Mandingos auraient communiqué des informations à M. Doe sur le fait que les NPFL arrivaient au Liberia. Il a toutefois expliqué ne pas croire à cette histoire car s’en prendre à tout un peuple n’a pas de sens. Il a affirmé que si les Mandingos ont pu être sauvés, c’est grâce aux Manos qui les ont aidés à éviter les embuscades des NPFL.

Il a mentionné que Taylor n’avait pas l’intention de piller ou de tuer des Mandingos, mais qu’il voulait écarter Samuel Doe du pouvoir ; et que c’est la guerre qui avait provoqué des pillages et des meurtres. Il a ajouté que les biens pillés aux Mandingos étaient revendus sur des grands marchés d’affaires, chose que les étrangers ignorent également selon lui. Ainsi, les Mandingos étaient obligés d’acheté les affaires qui leur ont été pillées pour les ravoir. Il a ensuite expliqué que si la guerre n’avait pas eu lieu, il ne se serait jamais engagé dans les AFL et aurait continué ses études, expliquant ainsi que les Mandingos ne s’intéressent pas à la politique.

Me Gianoli lui a ensuite posé des questions concernant certains propos d’un témoin de la procédure en lien avec le terme « Dingo ». M. Kosiah a indiqué que ce terme était une insulte pour les Mandingos et était relié au terme « chien », et que tous les gens qui avaient été à l’école le savaient. Il a ajouté que ce terme avait été utilisé par un des témoins mais qu’il n’a pas été utilisé pour désigner les ULIMO.

En lien avec des déclarations de différentes personnes qui affirmaient que les Mandingos étaient des étrangers, Alieu Kosiah a répondu que cela ne le surprenait pas et que c’était chose commune. Il a tenu à préciser que les Mandingos ne sont pas arrivés avec les ULIMO au Liberia, et que les Mandingos font partie du Liberia depuis sa création. Il a ajouté des détails concernant la « Truth & Reconciliation Commission » (ci-après « TRC ») et ses déclarations.

Quant à la question de savoir si le transport forcé de café entre Foya et Solomba et ensuite jusqu’à la frontière guinéenne, ce transport n’aurait, selon le prévenu, jamais existé. M. Kosiah a pris comme exemple le témoignage d’un des plaignants : ce dernier a affirmé qu’il avait été poignardé par Alieu Kosiah et qu’il aurait ensuite participé deux semaines plus tard à ce transport forcé. Selon le prévenu, c’est impossible qu’il ait poignardé cet homme, car il n’en aurait pas été capable. Il a également signalé d’autres incohérences dans le témoignage de ce témoin.

Me Gianoli a souhaité par la suite lui poser une série de questions en lien avec un des témoins qui aurait été enfant soldat pour le compte du prévenu. Il lui a demandé les modalités de son entrée dans l’ULIMO et des détails sur leur relation. Alieu Kosiah a affirmé qu’il était impossible que cet enfant ait rejoint les ULIMO dès le premier jour où il s’est retrouvé avec Omaru Kelleh. De plus, il a raconté qu’il était resté trois mois à la caserne de Todi puis trois mois à Todi Junction et c’est à ce moment qu’il aurait revu le témoin pour la deuxième fois. L’enfant soldat en question n’était pas avec lui à la caserne de Todi : c’est Omaru Kelleh qui était avec lui à Todi Junction. Il a expliqué qu’il est allé à Todi Junction quand il a appris qu’Omaru Kelleh était en prison. Il allait là-bas pour le remplacer, et c’est à ce moment-là qu’il a vu cet enfant soldat pour la deuxième fois. Il a ensuite expliqué que le témoin était présent au quartier général à son arrivée et qu’à cette époque il n’y avait pas de combat. Ils se relaxaient, mangeaient et parlaient ensemble. Ils y sont restés pendant environ trois mois. Alieu Kosiah a ensuite précisé qu’il était parti à Klay avec le témoin et personne d’autre, et que ce dernier serait venu de son plein gré, comme expliqué précédemment. Il a précisé que le témoin était venu avec lui car il aimait bien sa manière d’être et son comportement. Alieu Kosiah a ajouté, en parlant de lui-même, qu’il avait toujours été une bonne personne avec un bon tempérament. Il a ajouté qu’avec l’âge, il devenait plus sage et plus calme, mais qu’il est toujours la même personne qu’il était au Liberia, soit une bonne personne. Il a expliqué qu’être jeune est une maladie et que, quand on est jeune, on a forcément un tempérament. Il a souligné que les propos du témoin pendant son audition devant le Ministère public de la Confédération confirmaient sa présence à Todi avec Omaru Kelleh pendant cette période.

Par la suite, Me Gianoli lui a demandé s’il avait influencé la décision du témoin de rejoindre les rangs de l’ULIMO. Il a répondu qu’il n’en a jamais parlé avec lui, et qu’il ne l’en avait jamais dissuadé. Il a ensuite voulu corroborer ses propos en citant ceux du témoin. Alieu Kosiah a expliqué par ailleurs que le témoin avait choisi tout seul de rejoindre l’ULIMO et qu’il était ensuite hébergé et nourrit par eux. Il a affirmé que donner à manger et héberger quelqu’un afin de lui donner une vie confortable ne constitue pas un crime. Il a ajouté qu’il ne choisissait pas qui recruter et pourquoi les ULIMO enrôlaient des enfants soldats, cela étant les choix du « chairman» Alhaji Kromah.

A la question de savoir si le témoin avait été présent à Todi le jour de la scission des ULIMO et s’il était un soldat à ce moment-là, Alieu Kosiah a répondu qu’il était présent ce jour-là mais qu’il ne savait pas s’il avait déjà intégré les ULIMO. Il a toutefois ajouté que 27 ans après l’évènement, il ne peut pas se souvenir de ces évènements de manière précise. Il a également expliqué que le témoin en question était déjà ULIMO au moment de la scission. Il a ensuite réitéré l’importance pour lui que ce témoin vienne témoigner pour qu’il puisse confirmer qu’il n’a pas participé dans les crimes affreux dont il est accusé, n’étant pas dans le Lofa au moment où ces crimes se seraient déroulés. Il a conclu en affirmant qu’il savait pour sa part qu’il n’avait rien fait et qu’il ne craignait personne, si ce n’est Dieu.

Me Gianoli lui a demandé s’il avait donné l’ordre au témoin de se rendre avec lui dans le Lofa et si le cas échéant, il était avec lui dans cette région après. M. Kosiah a raconté qu’il ne lui avait rien dit et qu’il avait décidé de venir. Il a expliqué que le témoin était toujours libre dans ses décisions et que parfois, il passait trois ou quatre jours sans le voir parce que parfois il restait avec ses amis plutôt que de le rejoindre. Quant à sa présence dans le Lofa, M. Kosiah a expliqué qu’il l’avait envoyé en Guinée chez ses parents après sa deuxième blessure, et que ni le gouvernement Suisse, ni le Procureur, l’avaient appelé pour qu’il prenne cette décision, et que ce n’est pas non plus le gouvernement Suisse qui a payé pour l’uniforme, l’école privée et les cours particuliers du témoin. Il a de fait affirmé que personne ne pouvait dire que le gouvernement Suisse a mieux pris soin du témoin que lui, et que même le témoin avait dit qu’Alieu Kosiah était la personne qui avait le plus pris soin de lui, à tel point que le témoin le considère comme son père.

En ce qui concerne l’enrôlement de cet enfant soldat dans les ULIMO, M. Kosiah a à nouveau expliqué qu’il n’en était pas responsable, que ce n’est pas lui qui décidait des conditions de recrutement, qu’il était responsable seulement de ses actes et qu’il ne l’aurait pas emmené chez sa mère s’il ne l’aimait pas.

Quant aux contradictions entre les propos de ce témoin et les siens, Alieu Kosiah a expliqué que le témoin se trompait dans la chronologie des événements et leurs dates. Il a pris comme exemples d’une part que les deux étaient d’accord qu’ils étaient arrivés après la capture de Foya mais que le témoin se trompait sur date de cette dernière, et d’autre part le fait que le témoin place leur départ dans le Lofa courant 1992 ou 1993, mais qu’ils se sont seulement rencontrés en 1992.

Après la pause midi, lorsque Me Gianoli lui a demandé qui avait capturé Zorzor. Alieu Kosiah a expliqué que même avant de connaître le dossier au moment de son arrestation, il avait déjà mentionné que c’était Steven Dorleh qui avait capturé Zorzor. En relation avec certains propos d’un témoin qui a mentionné que c’était Abu Keita qui avait capturé Zorzor, Alieu Kosiah a rappelé qu’une des parties plaignantes avait dit que c’était le prévenu qui avait capturé Zorzor. Alieu Kosiah a expliqué que ce témoin avait été incapable de reconnaître les personnes qui ont vraiment capturé Zorzor selon lui, ni même de les décrire.

Quand Me Gianoli a demandé à M. Kosiah la date de sa première arrivée à Zorzor, il a répondu qu’il était arrivé après l’incident de Bomi entre un dénommé Kelleh qui faisait partie de ULIMO et un autre soldat ULIMO. Il a indiqué être arrivé en pick-up avec Pepper and Salt. Il a ajouté n’être resté à peine que quelques heures et serait reparti pour Voinjama ensuite. L’avocat a ajouté que l’acte d’accusation mentionnait sa présence à Zorzor en mars 1993, ce à quoi Alieu Kosiah a encore expliqué que cette référence est liée au témoignage d’un plaignant qui aurait menti selon lui.

En lien avec des propos d’un plaignant qui relatent qu’il aurait été à Zorzor en 1994 pendant trois mois et qu’il aurait donné l’ordre d’exécuter sept civils, M. Kosiah a rappelé les propos d’un des témoins et a ajouté que le plaignant se trompait sur la date de la capture de Zorzor de plusieurs mois et donc que ce dernier ne pouvait pas attester de sa présence sur les lieux.

Le Président du Tribunal a ensuite dit à l’avocat de la défense que les réponses de son client ne répondaient pas aux questions posées, ajoutant que certains des arguments devront être exposés au moment des plaidoiries en 2021.

Me Gianoli a ensuite repris ses questions. En référence à des déclarations d’une partie plaignante, Me Gianoli a demandé au prévenu s’il était possible d’avoir vécu dans la région du Lofa durant la guerre et ne pas connaitre le commandant Pepper and Salt. Alieu Kosiah a affirmé que cela n’était pas possible, et a ajouté que Pepper and Salt n’était pas un commandant quelconque mais qu’il était l’un des commandants les plus connus et appréciés du Lofa.

L’avocat du prévenu a continué en questionnant Alieu Kosiah sur d’éventuelles marques qui figuraient sur son corps. Le prévenu a expliqué qu’il avait une grande cicatrice, au niveau de la cuisse, qu’il s’était faite avant la guerre.

Me Gianoli a ensuite questionné M. Kosiah sur les déclarations de diverses parties plaignantes et témoins de la procédure. Le prévenu a de nouveau expliqué qu’il s’agissait de mensonges selon lui.

Interrogé à propos des déclarations de Madame F, selon lesquelles elle explique ne pas savoir si le prévenu avait des tatouages et des cicatrices sur son torse, la luminosité étant très faible et le prévenu n’ayant jamais enlevé son t-shirt ; Alieu Kosiah a répondu qu’il ne faisait pas sombre 24 heures par jour en Afrique, qu’il était impossible que Madame F ne connaisse pas cette cicatrice, et que sa description de l’endroit où il vivait ne concorde pas avec celle de deux autres témoins. Il a ajouté que sa blessure datait d’avant la guerre, quand il avait entre dix et quinze ans, et qu’elle se situait bel et bien sur sa cuisse, et a souligné qu’il pensait avant que le mot cuisse en français désignait les fesses, d’où d’éventuelles contradictions dans son témoignage.

A propos des déclarations d’Hassan Bility, selon lesquelles Madame F avait été trouvée dans le Lofa à travers EBJ, plaignant dans cette procédure, qui l’a référée au GJRP, le prévenu a déclaré que c’était un mensonge, et que c’est en réalité Krubo Akoi, à qui elle avait raconté son histoire, qui a informé EB.

En lien avec les propos de plusieurs témoins, affirmant que MK aurait été tué par M. Kosiah durant le transport de la génératrice de Pasolahun à Kolahun, le prévenu a affirmé qu’il n’est jamais allé à Pasolahun, comme l’a confirmé AT, et que les récits des témoins ne concordent pas avec les éléments du dossier.

Alieu Kosiah a ensuite été questionné à propos des informations relayées par Maître Alain Werner en procédure, selon lesquelles MK et MK de Pasolahun seraient des homonymes des victimes qu’il aurait exécutées. Il a en effet expliqué que ces informations étaient fausses, et qu’il faut remonter à l’origine de la génératrice pour comprendre en quoi ces déclarations sont fausses. Il a conclu en expliquant que la Cour devra trancher pour que la vérité soit faite, et qu’Alain Werner ne pourra tromper personne en essayant de faire croire qu’ils s’agissent de deux histoires différentes.

Le président du Tribunal a souhaité rappeler à la défense que la procédure en Suisse n’est pas comparable à celle du droit anglo-saxon ou « common law». Il a expliqué qu’en Suisse, toutes les pièces du dossier seront prises en compte et qu’il n’y avait pas besoin de les lire.

Le président a ensuite demandé à Alieu Kosiah de donner son sentiment et ses impressions quant aux faits qui lui sont reprochés. Il a ajouté que le Tribunal analysera tous les éléments disponibles et prendrait en compte les contradictions, mais que ses réponses devaient rester les plus proches possibles de l’acte d’accusation.

Par la suite, Me Gianoli a repris les questions à son client.

Il a demandé à ce dernier de confirmer ses différents aller-retours entre la Suisse et le Liberia entre la fin de la guerre et son arrestation. Il lui a notamment demandé de détailler sa rencontre entre Hassan Bility et Me Werner à Monrovia.  Alieu Kosiah a indiqué être allé trois fois au Liberia durant cette période mais n’avoir rencontré Hassan Bility qu’une fois, et que, quand il s’est dirigé vers lui et lui a serré la main, c’est là que son cauchemar a commencé. Il a ajouté qu’il n’arrivait pas à se souvenir si Me Werner était présent. Sur questions de Me Gianoli, M. Kosiah a dit que le seul moment où ils auraient pu se rencontrer aurait été entre septembre 2012 et janvier 2013.

Me Gianoli a ensuite invité son client à se prononcer sur un rapport de la police judiciaire fédérale versé au dossier. Alieu Kosiah a notamment souligné que selon lui la « Lofa Defense Force » (ci-après LDF) n’avait pas de lien avec la Guinée, et que malgré les différentes histoires relatant que l’ULIMO était associé à la Guinée, ces dernières étaient fausses. Selon le prévenu, l’ULIMO aurait été fondé en Sierra Leone. Sur question de Me Gianoli, Alieu Kosiah a également affirmé qu’il n’était pas d’accord avec le contenu du rapport, relevant certaines contradictions par rapport aux dates des événements, contradictions aussi contenues dans les déclarations des parties plaignantes.

Avant de conclure ses questions, Me Gianoli a demandé à Alieu Kosiah comment il faisait pour tenir bon malgré une vie difficile après son arrestation. Ce dernier a expliqué que c’était grâce à sa croyance en Dieu et le fait qu’il était un ancien soldat, et donc une personne disciplinée. Il a également affirmé que c’était dur, mais qu’il allait continuer à se battre. Il a conclu en disant que sa situation est compliquée mais qu’au fur et à mesure des témoignages, des braises apparaissent, et que ces braisent allaient un jour forcément prendre feu.

Me Gianoli a décidé de terminer ses questions pour cette première session du procès. Il s’est gardé le droit de poser de nouvelles questions lors de la reprise des débats en 2021.

Questions du Ministère public de la Confédération à Alieu Kosiah

Me Gianoli a indiqué qu’Alieu Kosiah était prêt à répondre aux questions du Ministère public de la Confédération sur les deux articles de presse versés au dossier. Le premier article était un article du journal Neue Zürcher Zeitung (Nouvelle Gazette Zurichoise, ci-après NZZ) et le deuxième de FrontPage Africa.

Le Tribunal a ensuite demandé au Procureur du Ministère public de la Confédération de poser ses questions.

Le Procureur a commencé par expliquer que le premier article était signé du journaliste Michael Schilliger, qui s’était rendu à Foya et Monrovia et avait mené une enquête. Il a ensuite demandé à Alieu Kosiah de se déterminer sur les déclarations d’une femme qui affirmait que ce dernier aurait torturé puis tué son mari. Le prévenu a expliqué qu’il n’était pas sur place aux moments des faits.

Le Procureur a ensuite demandé à M. Kosiah de se déterminer sur les déclarations d’un témoin qui affirmait qu’il aurait reçu l’ordre de la part d’Alhaji Kromah de punir des soldats après le pillage du fourgon Oxfam mais qu’il ne l’aurait pas fait. Alieu Kosiah a affirmé qu’il avait déjà tout expliqué en détail auparavant et que tout figurait déjà au dossier. Il a notamment ajouté qu’il était en colère, qu’il n’était pas sur place au moment des faits, étant occupé à chercher de la nourriture pour les soldats sur le front, mais que même s’il avait été là, il n’aurait pas pu arrêter les soldats parce qu’ils étaient trop nombreux. Il a ajouté qu’une fois à Zorzor il s’était empressé de rendre tout ce qui avait été pillé à Oxfam, et qu’en voyant leurs visages effrayés, il leur a conseillé de retourner à Monrovia ou Gbarnga.

Pour conclure ses questions sur ce premier article, le Procureur a cité les propos d’Alhaji Kromah et a demandé à Alieu Kosiah de se déterminer sur ces propos. Alhaji Kromah aurait notamment dit qu’Alieu Kosiah était accusé de faits courants. Alieu Kosiah a demandé à plusieurs reprises au Procureur de préciser sa question, expliquant notamment qu’Alhaji Kromah n’avait fait aucune mention de crimes et qu’il serait étonné que ce dernier dise des choses négatives à son sujet.

Le Procureur a ensuite questionné Alieu Kosiah sur l’article de FontPageAfrica. Il a expliqué que le deuxième article semblait confirmer les faits du premier concernant la torture et meurtre d’un homme. Il a ensuite demandé à Alieu Kosiah de se prononcer sur cela. Ce dernier a expliqué que le journaliste qui avait écrit cet article était probablement d’ethnie Kissi. Le prévenu a ensuite ajouté qu’il n’était pas à Foya aux moments des faits.

Le Procureur a demandé également à M. Kosiah de se prononcer sur trois autres histoires relatées dans l’article de FrontPageAfrica. La première concernait une femme poignardée à mort à Foya alors qu’elle portait son enfant sur le dos. La seconde concernait l’ordre qu’il aurait donné de fouiller les maisons de Foya en précisant de tuer toutes les personnes qui pleuraient. La troisième concernait une personne qui aurait été découpée en morceaux, cuite puis mangée. Alieu Kosiah a affirmé que ces deux histoires étaient fausses, et que les gens qui le connaissent savaient que c’est une bonne personne. Il a ajouté que se baser sur les faits relatés dans les journaux ne suffit pas à inculper quelqu’un, et a invité le Tribunal à se renseigner sur lui pour qu’il comprenne qu’il n’aurait jamais fait cela. Il a conclu en disant que ces articles mensongers ont été écrits dans l’optique de manipuler les lecteurs.

Le Procureur a conclu que ces deux articles relataient d’histoires d’horreurs que des gens à Foya reprochaient à Alieu Kosiah. Il a demandé au prévenu s’il pensait que ces témoignages étaient passés par le GJRP. M. Kosiah a alors expliqué qu’il ne connaissait pas les personnes qui avaient témoigné, qu’il ne les avait jamais vu et qu’il n’accusait pas sans avoir de faits solides. Cependant M. Kosiah a souligné que d’autres informations importantes étaient à soulever dans ces articles, commeles déclarations d’une femme dont il était accusé d’avoir tué le mari, ou encore le fait que les ULIMO ont été fondés en 1991 en Guinée.

Questions des avocats des parties plaignantes à Alieu Kosiah

Les avocats des parties plaignantes ont ensuite souhaité poser quelques questions sur les deux articles de presse.

Me Jakob a demandé au prévenu si les déclarations d’un témoin dans l’article de la NZZ concernant les comportements des soldats ULIMO à Voinjama reflétaient la réalité selon lui. Alieu Kosiah a répondu que non, à l’exception d’un événement dont il avait déjà parlé.

Questions de Me Gianoli à Alieu Kosiah

Me Gianoli a ensuite souhaité poser quelques questions supplémentaires à son client concernant les deux articles de presse.

Tout d’abord, à la question de savoir si Alieu Kosiah était surpris ou non par la déclaration d’Alhaji Kromah affirmant qu’il serait impossible pour lui de croire que le prévenu ait commis des crimes de guerre, M. Kosiah a répondu ne pas être surpris.

Ensuite, sur question, Alieu Kosiah a expliqué qu’une des témoins mentionnées par les articles l’avait accusé de tuer son mari, mais que cette dernière n’avait pas mentionné le nom du prévenu lors d’audience en France et au Liberia, et qu’elle ne connaissait seulement le nom de Kunti, ce qui démontrait donc selon le prévenu qu’il n’avait pas tuer son mari.

Enfin, Me Gianoli a demandé à Alieu Kosiah de se déterminer concernant les propos de l’article de FrontPageAfrica faisant référence à un « Black Monday ». Alieu Kosiah a expliqué que de nombreuses personnes en provenance de Foya avaient été entendues dans la procédure française et aucune d’entre elle n’avait parlé de l’existence d’un « Black Monday » dans cette ville. Il a expliqué vouloir démontrer qu’il faut faire très attention à l’origine des informations et la vérifier, ajoutant qu’il y avait un aspect tribal dans ce contexte.

Questions du Tribunal à Alieu Kosiah

Le président du Tribunal a conclu l’audition d’Alieu Kosiah en lui posant ses dernières questions. Il a demandé à Alieu Kosiah de se déterminer sur le contenu de l’article de la NZZ lorsqu’Alhaji Kromah a contesté le mot « rebelle ». Alieu Kosiah a expliqué qu’il n’a pas d’opinion à ce sujet, et qu’il se demandait dans quelle mesure Alhaji Kromah pouvait parler de la création de l’ULIMO puisqu’il n’y était pas, ayant rejoint les ULIMO un an et demi après leur création.

Conclusion des débats

Me Gianoli a ensuite exprimé le souhait de photographier la cicatrice du prévenu sur la cuisse à travers une personne neutre. Après discussion, le président du Tribunal a indiqué qu’ils pouvaient le faire en prison avec le personnel médical et que ces derniers pourraient ajouter une jauge qui permettrait d’apprécier la taille de la cicatrice.

Le Président a alors suspendu les débats pour cette année. Les débats reprendront en 2021, les dates de cette session n’ont pas encore été déterminées mais devraient se dérouler entre février et mars. Elle portera sur l’audition des témoins, des parties plaignantes et des plaidoiries. Le Tribunal pénal fédéral rendra son jugement à l’issu de cette deuxième partie.