Pour cette journée du 17 février 2021, le Tribunal a procédé à l’audition de la partie plaignante JTC, née en 1969.
Le président de la Cour a donné la parole au Procureur du Ministère public de la confédération. Celui-ci a expliqué qu’il enverra une lettre d’ici midi pour une requête concernant l’acte d’accusation.
Le président a tout d’abord par quelques questions sur la situation personnelle de JTC. Dans un premier temps, le président a interrogé la partie plaignante à propos de ses relations avec les autres parties plaignantes présentes, ce à quoi JTC a répondu qu’il reconnaît les juges, les avocats, le prévenu, les avocats ainsi que les parties plaignantes avec qui il a voyagé.
Dans un second temps, questionné à propos de sa situation personnelle, JTC a alors expliqué qu’il avait grandi à Foya Airfield, ainsi que dans le village de sa mère et de son père, avant de retourner à nouveau à Foya Airfield à l’âge de 11 ou 15 ans. Il est ensuite allé à Monrovia pour ses études en 1985, mais continuait toujours à revenir à Foya Airfield pendant les vacances avant de s’y installer pendant une plus longue période à partir de 1990. Quand la première guerre civile a débuté, JTC résidait à Monrovia. Il a déclaré habiter maintenant à Voinjama, même s’il a également une résidence permanente à Monrovia.
JTC a ensuite expliqué être allé aux Etats-Unis pour poursuivre ses études et qu’il travaille actuellement.
Concernant le contexte de la guerre civile entre 1993 et 1995 au Libéria
Décrivant l’atmosphère durant la première guerre civile au Libéria entre 1989 et 1996, le plaignant a expliqué que c’était une période terrible et dangereuse, tant il y avait de violence, de traitements inhumains et de profanations de corps humains.
A la question de savoir quelles étaient les factions rebelles impliquées dans la première guerre civile, JTC a indiqué que c’était les groupes rebelles NPFL, puis les ULIMO et enfin les LURD. JCT a indiqué qu’en 1990, les NPFL ont pris le contrôle de la ville aux troupes gouvernementales, les « Armed Forces of Liberia ». Puis, ce sont les ULIMO qui ont capturé Foya en 1993, durant la deuxième moitié de l’année, autour de juin – septembre. JTC a précisé qu’ils y sont restés toute l’année 1994, ainsi qu’une partie de 1995, mais qu’ils ont dû s’y prendre à trois reprises pour réussir à capturer la ville aux alentours de juillet-août 1993, la manœuvre ayant duré au total environ un mois.
Ainsi, JTC a indiqué que lorsqu’ils avaient capturé Foya, lui se trouvait dans la brousse environnante et qu’il ne savait pas à ce moment-là qui commandait les troupes ULIMO. Il a expliqué avoir appris plus tard, lorsqu’il a été ramené à Foya, que Dekou était le « ground commander ». Il a alors raconté qu’il vivait dans un climat d’insécurité, pouvant être tué à n’importe quel moment si une faction opposée le voyait. JTC a poursuivi sa déclaration en disant qu’il y avait différents leaders au sein du mouvement ULIMO, il a notamment cité les commandants Ugly boy, Kunti et Mami Wata et M. Kosiah. Il a ajouté que CO Kosiah lui a été présenté comme un des personnages les plus important dans la hiérarchie ULIMO, étant supérieur à Dekou et pouvant se rendre où il voulait dans le Lofa.
Continuant de répondre aux questions du juge, JTC a déclaré avoir vu des enfants soldats autant chez les NPFL que chez les ULIMO. Il a ensuite précisé que les soldats ULIMO avaient un comportement mauvais, qu’ils ne traitaient pas les gens comme des êtres humains, mais des animaux de la pire espèce et que les civils avaient été victimes des pires tortures et de traumatismes inimaginables. Il a également précisé qu’à Foya, le comportement des ULIMO était le pire parmi toutes les factions présentes. JTC a ajouté se sentir mal à l’aise en pensant à tout cela et que, s’il a survécu, c’est selon lui seulement par la volonté de Dieu.
Le président a demandé à JTC s’il avait participé à la guerre, soutenu ou aidé une faction impliquée, ce à quoi JTC a répondu négativement.
Pour reconnaître les soldats impliqués dans la guerre civile, JTC a déclaré au président que ceux-ci écrivaient le nom de leur faction sur les murs à leur arrivée, criaient leurs noms, et le nom de leurs commandants. Par exemple, les NPFL proclamaient leur nom « NPFL Charles Taylor » et l’écrivaient sur les murs ou leurs t-shirts. Cela se passait de la même façon avec les ULIMO. Il a ensuite précisé qu’il n’y avait pas de tenue fixe pour les soldats, ni de couleur fixe par faction. Les seules personnes qui portaient un uniforme étaient les hauts gradés.
Le président a ensuite questionné JTC sur le « Black Monday ». JTC a répondu qu’il s’agissait d’une journée de terreur où des actes de cruauté sur les êtres humains ont été accomplis à Voinjama. JTC a également déclaré qu’il avait également eu connaissance d’un « Black Friday » à Foya. Ce jour-là, les ULIMO ont tué à grande échelle, puis dépecé les cadavres et exposé leurs organes au public, notamment dans des brouettes, ce qui a causé la fuite de beaucoup de personnes. Il s’agissait d’une journée arbitrairement choisie pour s’en prendre à la population, la détruire et la terrifier, dans le but de démontrer une certaine emprise, un certain pouvoir sur la population. JTC a expliqué que cela se produisait régulièrement, les lundis à Voinjama et les vendredis à Foya, sans toutefois pouvoir dénombrer le nombre de journées où ces crimes haineux ont été produits.
Répondant aux questions du Tribunal, JTC a expliqué que les termes « Black Monday » et « Black Friday » étaient particulièrement connus en zone urbaine et dans le Lofa. Il a ajouté que la plupart des gens savaient que des carnages, des actes de cannibalisme et des actes horribles ont été produits durant ces journées. JTC était déjà à Foya quand tout cela s’est produit.
JTC a ensuite expliqué que pendant la guerre, le pillage de biens civils par les ULIMO n’était pas occasionnel : la zone étant déserte, les soldats prenaient avec eux ce qui les intéressait. JTC a précisé que les ULIMO ne pouvaient pas vivre sans les civils car la zone était désertée sans eux. Il a raconté que, lorsque les soldats ULIMO disaient « Any bush shake », cela voulait dire que s’il y avait le moindre mouvement dans la brousse, les civils seraient tués, et leurs cœurs mangés par les soldats. Manger le cœur était quelque chose de normal pour les ULIMO. Il s’agissait de pratiques rituelles, a déclaré JTC.
À propos des noms et prénoms communs au Libéria, JTC a expliqué que c’était très courant de porter des noms identiques, passer par le système légal n’étant pas obligatoire au Libéria pour donner un nom à son nouveau-né. Le président a demandé s’il suffisait d’un acte de naissance pour obtenir un passeport. JTC a alors expliqué qu’il fallait également une autorisation de la police, et parfois une lettre de recommandation de sa communauté. JTC a expliqué que le certificat de naissance était établi par le Ministère de la Santé, et le passeport par celui des affaires étrangères.
Interrogé à propos de son éventuelle connaissance de la partie plaignante LSM, JTC a affirmé qu’il ne la connaissait pas, et qu’il l’a vu pour la première fois dans cette procédure, au Libéria, dans le cadre de la préparation du voyage en Suisse.
A propos du prévenu Alieu Kosiah
JTC a indiqué qu’il le connaissait comme Alieu Kosiah et CO Kosiah, et uniquement en tant que militaire ou rebelle. Il a ajouté qu’il préférait utiliser le terme de rebelle, et que M. Kosiah portait parfois un uniforme composé d’une veste ou d’un t-shirt militaire ainsi qu’un jean simple.
À la question du président quant à l’affectation du prévenu pendant la guerre, de 1993 à 1995, JTC a expliqué que lorsqu’il était à Foya, il ne savait pas exactement ou était M. Kosiah, mais qu’il savait qu’il était important car il était le numéro deux du Lofa durant cette période , en précisant qu’il n’avait pas de grade précis ou d’insigne, les soldats se désignant alors en fonction de ce qu’ils pensaient être leur grade. Il a ajouté qu’il était en mouvement dans le Lofa dans son ensemble. JTC a expliqué que de par ses grands mouvements, et de ce que les soldats en disaient, le prévenu était quelqu’un d’important.
Poursuivant ses réponses au Tribunal, JTC a répondu qu’il n’était pas là à ce moment, et qu’il ne sait donc pas si Alieu Kosiah était là ou non au moment de la capture de Foya par les soldats ULIMO. Il a expliqué qu’il l’a rencontré lorsqu’il a été ramené de la brousse à la ville et que les soldats l’appelaient fréquemment. JTC a ensuite déclaré que M. Dekou était le numéro 1 pour la ville de Foya, étant le « ground commander », mais que l’ensemble du Lofa était sous le contrôle d’Alieu Kosiah et de Pepper & Salt. Il a ensuite entendu que le chef le plus important était Pepper & Salt, qui était le chef de tous à Voinjama, mais n’a jamais entendu parler de personnes au-dessus de lui.
Par la suite, JTC a déclaré qu’il avait rencontré Alieu Kosiah durant la deuxième moitié de 1993, entre juillet et octobre. JTC reconnaît aujourd’hui le prévenu à son comportement dur, le décrivant comme un lion qui rugit, voulant soumettre sa proie. Il le reconnaît également à son teint, à la couleur de ses yeux, et au nom auquel il répond. JTC a ajouté sentir la même cruauté chez le prévenu que quand il était au Libéria.
Le président est alors revenu sur les photos présentées par le Ministère public de la confédération durant l’instruction, sur lesquelles JTC n’avait pas reconnu le prévenu. JTC a affirmé qu’il souhaitait qu’on lui remontre ces photos pour qu’il puisse dire pourquoi il n’avait pas pu identifier le prévenu. Il a ainsi expliqué que les photos étant petites, la luminosité n’étant pas idéale et et les photos montrant plusieurs personnes, cela l’a confus et induit en erreur.
Participation au meurtre du civil DN à Foya
Pour rappel, il est reproché à Alieu Kosiah d’avoir, dans le contexte du conflit armé interne s’étant déroulé au Libéria de 1989 à 1996 et en qualité de membre de la faction armée ULIMO, participé au meurtre du civil DN à Foya, entre juillet et le 4 octobre 1993.
JTC a expliqué que les faits s’étaient déroulés durant la deuxième moitié de 1993, mais que la date n’est pas claire à ses yeux. Il a ajouté que DN était un ami très proche, puisqu’il était résident de Foya et membre de l’église pentecôtiste où il était enseignant. DN était un des ainés de l’église et, comme la partie plaignante, enseignant.
Le président a repris les déclarations de JTC au Ministère public de la confédération. La partie plaignante a confirmé sa déclaration, affirmant que DN était monté dans une voiture de travailleurs humanitaires et qu’il s’était rendu avec eux à la « Borma Mission » de l’Eglise pentecôtiste libre qui avait été pillée et endommagée. Il a précisé que la « Borma Mission » était une mission de l’Eglise pentecôtiste qui comprenait une école, une église et un hôpital. JTC a déclaré qu’il n’était pas présent au moment où DN est monté dans la voiture humanitaire mais qu’il était bien présent quand il en est descendu et au moment où il a été interpellé par les soldats ULIMO. La partie plaignante a ensuite confirmé sa déposition selon laquelle DN avait dénoncé les ULIMO aux travailleurs humanitaires pour avoir la « Borma mission ». Lorsque DN est descendu du véhicule à la « Borma mission » accompagné des humanitaires, les ULIMO l’ont interpellé et l’ont saisi pour voir le S2 et lui dire qu’il était un traitre car il les avait dénoncés aux travailleurs humanitaires. Il a expliqué que plusieurs commandants, dont Alieu Kosiah, Dekou, Ugly Boy, Fanboy, Mami Wata et Kunti étaient présents au moment où il a été interpellé puis emmené à l’aérodrome, près du domicile de Ugly Boy. Il a précisé que M. Kosiah était le commandant au grade ke plus élevé sur place. JTC, qui a assisté à toute la scène, a raconté qu’une fois arrivé là-bas, JTC a été roué de coups, les soldats n’ayant même pas pris la peine de l’interroger avant de lui attacher les mains et de lui faire subir des traitements terribles.
Le président a repris les déclarations de M. Kosiah sur le fait qu’il n’était pas possible qu’autant de personnes importantes soient présentes au même endroit au même moment. JTC a alors déclaré que l’officier le plus gradé sur place était Alieu Kosiah.
Le président a posé une question sur le bureau S2, où DN aurait été, selon le dossier, amené avant d’être emmené à l’aérodrome. JTC a alors déclaré que non, les soldats ne l’ont pas emmené dedans, ils sont directement allés à l’aérodrome. DN était attaché.
JTC a ensuite expliqué que l’ordre de déplacer DN est venu de M. Kosiah. JTC a raconté que DN ne touchait pas terre, qu’il a été transporté de force. Une fois arrivés à l’aérodrome, il a été attaché en « tabé », de manière à ce qu’il puisse à peine respirer. JTC a poursuivi en déclarant qu’ils l’avaient torturé et battu, avant qu’Ugly Boy ne l’ouvre avec une hache. JTC a ajouté qu’Ugly Boy était connu sous le nom de « Saah Chuey », ce qui veut dire en langue kissi : « premier né avec une hache ». JTC a affirmé qu’Alieu Kosiah était présent pendant que tout cela s’est produit.
Le président a alors demandé quelle implication avait M. Kosiah lorsque DN a été battu puis ouvert. JTC a déclaré que le prévenu avait été très dur lorsqu’il avait appris la dénonciation des ULIMO : il a assené DN de coups de pieds, et n’est pas intervenu lorsque l’homme s’est fait battre, attaché puis charcuté par les autres soldats. Le président a demandé si M. Kosiah avait ainsi participé au meurtre de DN, ou seulement aux coups. JTC a indiqué que M. Kosiah avait participé en tant qu’officier du plus haut rang sur place, et que lorsqu’ils ont extrait son cœur, c’est lui qui a amené le cœur de DN à la maison d’Ugly Boy.
A la question de savoir si Ugly Boy avait ainsi pris l’initiative de tuer DN, JTC a expliqué qu’il l’avait fait sous les ordres de M. Kosiah, et que ce dernier savait pertinemment que DN allait être tué par Ugly Boy, et qu’il n’avait nullement empêché cela.
Le président est revenu sur les déclarations de JTC selon lesquelles le cœur de DN avait été mangé. JTC a déclaré avoir été présent à une distance de quelques mètres pendant cette scène, et avoir vu Kunti et M. Kosiah manger le cœur cru. Il a ajouté qu’il ne pouvait pas décrire les vêtements que portait DN, car il avait été déshabillé au moment d’être attaché. JTC a par la suite déclaré qu’ils avaient laissé son corps à la vue du public, et que c’est seulement plus tard que des civils ont été envoyés pour enlever le corps et le recouvrir d’un peu de terre.
Interrogé sur les déclarations de plusieurs proches de DN qui auraient indiqué que ce dernier aurait passé plusieurs jours en prison, JTC a déclaré qu’en tant que témoin sur place, il pouvait affirmer que ces déclarations étaient fausses. Il a par ailleurs indiqué ne pas connaître ni avoir vu les témoins en question au moment des faits.
Sur question du Tribunal, DN a ensuite expliqué que Dekou donnait parfois des ordres à Alieu Kosiah, mais que ceux n’étaient pas des ordres à proprement parler, sans toutefois donner plus de précisions à ce sujet.
Le président a ensuite demandé à JTC pourquoi il n’avait pas expressément cité M. Kosiah aux autorités françaises dans la description de cette scène. Il a alors répondu que la raison de sa présence en France et les questions des autorités françaises étaient sur M. Kunti et non M. Kosiah, car lui n’était pas poursuivi en France.
Interrogé à propos de la personne qui aurait pu empêcher Ugly Boy de tuer DN et de prélever son cœur, JTC a déclaré que M. Kosiah aurait été le plus apte à le faire, étant le commandant le plus haut gradé sur les lieux.
Le président a enfin repris les déclarations de la veuve de DN, selon lesquelles son mari avait été découpé en morceaux, et qu’il était aux côtés de sa mère lorsqu’il avait été intercepté. JTC a affirmé qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la présence de la mère de DN au moment de ces faits, et qu’il ne l’avait pas vu alors sur les lieux, de même pour une autre témoin.
Ordonner et diriger un transport forcé, par des civils, de Foya à Solomba, et de là à la frontière guinéenne
Pour rappel, il est reproché à Alieu Kosiah d’avoir, dans le contexte du conflit armé interne s’étant déroulé au Libéria de 1989 à 1996 et en qualité de membre de la faction armée ULIMO, ordonné et dirigé un transport forcé de marchandises (notamment du café), par des civils, de Foya à Solomba, au cours de la deuxième moitié de l’année 1993 respectivement à la fin de l’année 1993.
JTC a confirmé ses propos ainsi que sa dénonciation à l’encontre de M. Kosiah. Il a déclaré avoir été présent à ce transport de café, durant la seconde moitié de 1993 et qu’à cette époque, les transports forcés étaient courants. JTC a affirmé avoir été réquisitionné le matin, à Foya, par les soldats de CO Kosiah, pour transporter du café jusqu’à la frontière et le revendre en Guinée. La partie plaignante a ensuite expliqué que les marchandises que lui et les autres civils devaient transporter appartenaient à M. Kosiah, et qu’il n’y avait pas seulement du café : il y avait également des biens pillés et du cacao. La partie plaignante a expliqué avoir vu M. Kosiah donner cet ordre, en expression anglaise « till go », alors très souvent utilisée.
Au moment de l’ordre, JTC a déclaré qu’il n’y avait aucun autre commandant, mais que d’autres soldats étaient présents. JTC a détaillé ses propos, en expliquant notamment qu’ approximativement 25 ou 30 civils, que des hommes, ont été forcés d’effectuer ce transport, accompagnés par beaucoup de soldats et d’enfants-soldats, sous peine d’être tués sur place s’ils n’obéissaient pas. JTC a indiqué qu’il connaissait encore des civils qui étaient présents lors des faits et auxquels il n’a pas demandé de témoigner car il soit ne savait pas où ils se situaient, ou soit, considérant que venir témoigner en Suisse représente un risque considérable pour sa vie et pour sa famille au Libéria, il a préféré ne pas leur dire de témoigner. JTC a ensuite déclaré avoir vu personnellement le prévenu pendant le transport. Selon lui, M. Kosiah était le chef du groupe, et il n’y avait personne hiérarchiquement supérieur à lui durant le transport.
Le président a ensuite interrogé la partie plaignante sur le déroulement du transport forcé. A propos du trajet emprunté jusqu’à la frontière, JTC a expliqué qu’ils passaient par Solomba pour arriver à la frontière Guinéenne parce que c’était la zone frontière la plus commerçante et la plus importante entre le Libéria et la Guinée, où ils pouvaient vendre ce qu’ils voulaient.
Ainsi, le transport a débuté dans la matinée, et est arrivé dans la soirée, la marche ayant duré six ou sept heures, via une route carrossable. Durant le trajet, JTC ne se souvient pas avoir eu des pauses, mais il se rappelle qu’il n’y avait pas de nourriture, ni d’eau. De plus, JTC a expliqué avoir porté une marchandise particulièrement lourde, d’un peu plus de 75kg, sur la tête. Interrogé au sujet du comportement des soldats durant le trajet, JTC a expliqué que les soldats se comportaient durement avec les civils, les battant avec les fusils ou des armes s’ils ne marchaient pas, ou pas assez vite. Il a toutefois indiqué ne pas avoir vu personnellement Alieu Kosiah battre des civils, étant concentré sur le fait d’avancer suffisamment vite pour ne pas se faire frapper, même s’il a déclaré que M. Kosiah s’est effectivement montré très dur. Les soldars portaient des armes de type AK car c’était l’arme la plus répandue, tandis que certains portaient des couteaux. Alieu Kosiah quant à lui ne portait pas d’armes lourdes, ses armes étaient confiées à ses gardes du corps. Il avait cependant un pistolet qu’il portait sur lui. JTC a déclaré qu’il avait été menacé, comme les autres civils, par le son des armes à feu des soldats, et que ce transport s’est avéré être très traumatisant pour lui. Toutefois, malgré les menaces et violences physiques subies par tous les civils, JTC a affirmé ne pas avoir vu quelqu’un se faire tuer durant ce transport en particulier.
Continuant de répondre aux questions du Tribunal, JTC a expliqué que M. Kosiah était là et qu’il se déplaçait autour du groupe durant tout le transport. Il a affirmé que ce dernier pouvait voir le groupe, ce qui se passait, mais qu’il ne l’a jamais vu empêcher un mauvais traitement. Même si JTC a indiqué avoir eu très peur pour sa vie, la partie plaignante n’a pas tenté de s’échapper, par peur d’être tuée.
JTC a ensuite expliqué qu’au départ de Foya, le groupe était formé en une colonne droite, mais qu’une fois dans la brousse, la colonne s’est déformée et chacun s’est reparti de manière à bien avancer. Les soldats se déplaçaient autour du groupe en fonction de la direction à prendre. Alieu Kosiah lui se déplaçait également autour du groupe afin de s’assurer que tout le monde suivait. Les civils ont déposé la marchandise à la frontière avant d’être libérés et de rejoindre leurs familles respectives. La plupart des soldats sont, quant à eux, restés avec les commandants.
En réponse aux questions du président, JTC a affirmé que les transports forcés étaient une pratique courante des ULIMO, que même les femmes et les enfants en avaient souffert, et qu’il n’avait pas été rémunéré pour avoir participé à ce transport. Les ULIMO n’utilisaient pas de véhicules car il n’y en avait pas, toutes ayant déjà été pillées. JTC a précisé que même les véhicules des ONG avaient été pillés. Ainsi, le moyen de transport le plus simple était de faire souffrir des civils.
Ordonner le pillage de la centrale électrique de Foya.
Pour rappel, il est reproché à Alieu Kosiah d’avoir, dans le contexte du conflit armé interne s’étant déroulé au Libéria de 1989 à 1996 et en qualité de membre de la faction armée ULIMO, ordonné le pillage de la centrale électrique de Foya entre juillet et décembre 1993 ou entre mars 1994 et décembre 1995.
JTC a confirmé sa dénonciation à l’encontre d’Alieu Kosiah. Il a indiqué que la centrale électrique était la seule source d’électricité de Foya, pour l’éclairage et les commerçants. Il ne se souvient cependant pas de la date à laquelle la centrale électrique a été pillée.
Revenant sur ses propos de 2016, dans lesquels il avait affirmé que M. Kosiah avait pillé la centrale avec l’aide d’autres soldats. JTC a précisé que Dekou, Kunti, Ugly Boy, Fanboy et Wata Wata, soit tout le leadership des ULIMO, étaient là avec le prévenu lors du pillage de la centrale, avec. M. Kosiah était le plus haut gradé de tous les soldats présents. JTC a déclaré qu’il n’avait pas entendu ou vu d’ordre de pillage émaner de M. Kosiah spécifiquement.
Par la suite, JTC a expliqué que le pillage a consisté à enlever le générateur de secours, car il était possible de le déplacer, ainsi que d’enlever certaines parties du générateur principal. Ce sont les soldats qui ont fait cela. Les civils, eux, se sont chargés du transport des pièces pillées. JTC a déclaré qu’il avait été réquisitionné qu’une fois que la machine avait été démontée. Ainsi, lui et les autres civils ont dû déplacer la machine et les pièces jusqu’au camion, ou « truck ». M. Kosiah était également présent à ce moment-là. Après ce pillage, Foya a été complètement privée d’électricité.
Ordonner et diriger le transport forcé du moteur de la centrale électrique de
Foya, par des civils, de Foya à Solomba, et de là à la frontière avec la Guinée
Pour rappel, il est reproché à Alieu Kosiah d’avoir, dans le contexte du conflit armé interne s’étant déroulé au Liberia de 1989 à 1996 et en qualité de membre de la faction armée ULIMO, ordonné et dirigé le transport forcé du moteur de la centrale électrique de Foya jusqu’à Solom-ba, par des civils, entre juillet et décembre 1993 ou entre mars 1994 et décembre 1995.
Interrogé à propos du déroulement du pillage de la centrale électrique, JTC a indiqué que le pillage en lui-même avait duré plusieurs jours, car il y avait de nombreuses pièces de valeur, ne pouvant toutefois pas donner un nombre de jours exact. Il a expliqué que ce sont les commandants qui ont réquisitionné les civils pour le transport, mais qu’ils ont eu du mal à trouver assez de civils pour participer au transport. JTC a expliqué se trouver chez lui lorsque les commandants ULIMO sont arrivés.
Le transport a été réalisé par beaucoup de personnes, entre 50 et 100 civils, essentiellement des hommes, ainsi que beaucoup de soldats et d’enfants-soldats. JTC a expliqué connaître des civils qui ont participé à ce transport, mais il ne leur a pas demandé de témoigner, craignant pour leur sécurité. JTC a expliqué que M. Kunti et M. Kosiah ont été présents tout au long du transport, mais ne se souvient toutefois pas d’avoir vu la partie plaignante LSM. Le transport est parti le matin, et a duré entre sept et huit heures. Il est arrivé en fin de soirée. Les groupes se relayaient pour pousser le camion – qui n’avait plus de moteur – sur lequel avaient été chargées les pièces de la machine et les autres biens pillés aux civils, et tout cela sous les menaces et les coups de feu des soldats. Il s’est déroulé sur la même route et dans les mêmes conditions, voire pire que le transport de café, mais cette fois-ci il fallait pousser et non porter. Les soldats ne leur ont donné ni à boire, ni à manger et répétaient tout le temps ces expressions : « any bush shake your heart » ou encore « till go ». JTC a ajouté que tout cela était très terrifiant.
Continuant de répondre aux questions du juge, JTC a déclaré qu’Alieu Kosiah avait un pistolet. Il a également expliqué n’avoir vu personne se faire tuer, mais qu’il ne pouvait pas exclure cette éventualité parce que le groupe était grand et que les coups de feu retentissaient très régulièrement. JTC a lui-même eu très peur pour sa vie, mais il n’a pas tenté de fuir par peur pour sa vie. Il a affirmé n’avoir vu à aucun moment Alieu Kosiah empêcher de menacer ou de battre des civils. Une fois arrivés à la frontière, des personnes attendaient pour réceptionner la marchandise. De grands canoës servaient à transporter les pièces importantes de la génératrice sur la rivière. Des barils servaient de radeaux. Certains soldats ont traversé la frontière avec leurs armes et les remettaient aux autorités guinéennes. Les soldats les plus importants ont franchi la frontière guinéenne, mais les civils, eux, sont restés du côté du Libéria et pouvaient repartir libres. Pour conclure, JTC a indiqué qu’il fallait parfois prendre des détours sur le retour pour ne pas être à nouveau réquisitionné par des soldats ULIMO qui auraient des charges à porter à nouveau vers la frontière guinéenne. JTC a ainsi expliqué être rentré très tard à Foya et ne pas avoir été rémunéré pour avoir participé à ce transport.
Questions finales du Tribunal
Le président a tout d’abord demandé à JTC pourquoi il avait déposé plainte en Suisse contre Alieu Kosiah. JTC a expliqué qu’il voulait obtenir justice, étant toujours très traumatisé par les très mauvais traitements qu’il a subis. JTC a également ajouté qu’il n’avait pas peur d’Alieu Kosiah dans les circonstances présentes, mais qu’à son retour au Libéria, il aura peut-être peur. Continuant ses déclarations, JTC a expliqué qu’il n’avait jusqu’à présent pas été menacé ou intimidé du fait de sa participation à cette procédure, et que personne ne l’a convaincu de dire ou de ne pas dire certaines choses. De plus, interrogé sur l’éventualité que quelqu’un lui ait dit qu’il était important que ses déclarations ne contredisent pas celles de LSM, JTC a répondu par la négative. Par ailleurs, continuant de répondre aux questions du Tribunal, JTC a expliqué qu’il n’avait jamais témoigné contre Alieu Kosiah devant la TRC, racontant ainsi que la TRC n’étant pas allée dans les campagnes pour recueillir des témoignages, son travail est de fait questionnable. JTC a poursuivi en expliquant qu’il n’a pas non plus adressé une plainte aux tribunaux ou au procureur du Libéria ; le gouvernement en place ayant participé à la guerre, il est selon JTC ridicule et inutile d’adresser une plaine au Libéria, si ce n’est pour se mettre en danger.
Il a conclu en affirmant qu’il était heureux d’avoir pu témoigner en Suisse afin d’expliquer le carnage et la situation barbare que les civils ont vécu durant la guerre au Libéria.
Les questions sont adressées par le Ministère public de la confédération
Interrogé au sujet du certificat de naissance délivré par le personnel de l’immigration, JTC a indiqué que le personnel vérifiait avant tout si l’enfant avait bien la nationalité libérienne, et qu’il ne s’agit pas de savoir si quelqu’un d’autre porte le même prénom et le même nom de famille.
JTC a également précisé que c’était bel et bien M. Kosiah qui avait ordonné le déplacement de DN à l’aérodrome.
Me Werner pose les questions pour les parties plaignantes
Me Werner est revenu sur le surnom de M. Kosiah, relevé par la partie plaignante plus tôt pendant la procédure d’instruction, soit « physical cash ». JTC a déclaré que M. Kosiah portait à son avis ce surnom parce que ce dernier était connu pour être très proche des affaires et aimer l’argent.
Par la suite, en réponse à une question de Me Werner, JTC a indiqué connaître un certain Kaké et l’avoir vu à la frontière de Solomba. Il a ensuite précisé que Kaké était de l’ethnie des Mandingos. C’était le principal marchand des ULIMO de l’autre côté et faisait des affaires avec eux pour les biens pillés.
JTC a aussi déclaré qu’un membre des ULIMO, Sensi Bebe, se déplaçait avec M. Kosiah dans le Lofa à l’époque de la guerre et qu’il l’avait connu comme petit garçon ou « small sodier », et qu’il était très mal poli et arrogant.
Questionné à nouveau sur ses déclarations devant les procureurs à Berne pendant l’instruction, JTC a déclaré se rappeler d’un certain Kotio, ajoutant que cette personne était active pour les ULIMO à Foya, dans les affaires de secrétariat, et qu’il avait discuté avec lui des morts en lien avec le puits à Foya.
JTC a ensuite déclaré sur question avoir d’abord connu le nom de CO Kosiah avant de connaître son prénom. À propos des « Black Friday » et des « Black Monday » il a confirmé qu’il s’agissait bel et bien de deux journées différentes. Quant à ses déclarations à propos d’un « Black Saturday » plus tôt dans la journée, JTC a indiqué qu’il s’était trompé et que sa langue a probablement fourché.
Plus tôt dans la matinée, JTC avait également mentionné que les Kissis étaient des gens pacifiques. Me Werner lui a alors demandé d’expliquer comment le Général Fayah, individu Kissis qui combattait les ULIMO dans le Lofa aux côtés des NPFL, pouvait faire partie d’un groupe ethnique pacifique. JTC a indiqué qu’il s’agissait d’un seul individu, et il y a un grand nombre de Kissi au Libéria, et que, par conséquent, tous ne pouvaient pas être pacifiques mais que si l’on regarde l’ensemble, les hommes kissis ne combattaient jamais.
Interrogée à propos des saisons pendant la guerre, et notamment sur sa déclaration qu’il pouvait pleuvoir pendant la saison sèche, JTC a expliqué que les hommes n’avaient pas le contrôle des phénomènes naturels, la volonté de Dieu étant la seule responsable ; et qu’il était ainsi possible qu’il ait plu pendant la saison sèche.
Me Werner a ensuite demandé à JTC comment il avait pris contact avec GJRP. Ce à quoi ce dernier a répondu qu’il a tenté à travers beaucoup de sources d’atteindre GJRP, et qu’il a également posé des questions à de nombreuses de personnes et essayer de regarder sur des sources en ligne mais ce n’était pas facile au Libéria d’avoir accès aux journaux et à internet. De fait, il a obtenu le numéro par un ami qui lui a demandé de ne pas dire son nom. C’est ainsi qu’il est entré en contact avec GJRP.
A propos de la marche pour le transport de cacao, Me Werner a demandé à JTC de confirmer le poids de la charge s’élevant à 75kg, articulé plus tôt aujourd’hui. JTC a expliqué qu’il pouvait se tromper sur le poids mais que c’était une charge lourde et qu’il l’avait portée contre sa volonté, et qu’à partir du moment où il a été contraint à porter cette charge, cela ne fait pas de différence si la charge pèse 100, 50 ou 25kg.
Me Werner est revenu sur les contradictions alléguées concernant l’interrogatoire de DN au bureau du S2 : à savoir si oui ou non DN a été amené au poste de police après son interpellation. JTC a alors expliqué que selon son souvenir, il n’y avait eu aucune procédure formelle ou interrogatoire au moment de l’arrestation de DN.
À propos du cœur de DN mangé cru par les soldats, JTC a déclaré que quelqu’un avait déjà été mangé cru dans les années 80, et que l’ancien ministre de la défense au Libéria avait aussi été tué et saigné à mort, son sang ayant été bu. Ainsi, selon la partie plaignante, les ULIMO mangeaient bel et bien des gens crus, et que manger le cœur faisait partie d’une sorte de rituel.
Me Werner a soumis 5 photos à JTC. Il a répondu qu’il s’agissait sur la première photo de l’emplacement de l’ancien poste de police à Foya, qui n’est plus au même endroit aujourd’hui. Sur la photo suivante, ainsi que la troisième, JTC a indiqué qu’il s’agit de ce qui reste de l’ancienne centrale électrique. Pour ce qui est des deux dernières photos, il a expliqué qu’il s’agit des restes de la machine ou générateur de la centrale électrique.
Me Werner a demandé à JTC s’il aurait aussi déposé une plainte pénale si le prévenu avait été d’une autre ethnie. JTC a expliqué que oui, et que même s’il s’était agi de son propre fils, elle aurait déposé plainte. Il a ajouté ne pas avoir de préjugés contre les Mandingos, toutes les ethnies vivant selon lui en paix aujourd’hui à Voinjama. La partie plaignante a aussi expliqué avoir eu une petite amie Mandingo avant d’avoir été marié. Elle a poursuivi en expliquant que le mot « dingo » pour « Mandingo » n’avait pas de mauvaise connotation dans le langage de tous les jours au Libéria. Elle a continué en expliquant de pas avoir de motivation à venir mentir devant le tribunal.
Sur la dernière photo qui lui est soumise, la partie plaignante a reconnu la rivière à la frontière Solomba et précisé qu’il s’agissait sur la photo de canoës en haut à gauche.
Les questions sont adressées par Me Gianoli
Me Gianoli a tout d’abord demandé à JTC si, à son avis, les commandants étaient respectés des soldats. Il a répondu que certains oui et d’autres non. Il a ajouté qu’il était possible pour un soldat de s’opposer à un ordre mais que cela dépendait de qui vous étiez. En cas d’opposition, le commandant pourrait décider de sanctions.
Me Gianoli lui a ensuite demandé si Dekou aurait pu s’opposer à l’ordre de M. Kosiah, ce à quoi JTC ne pouvait pas répondre en général. il a ensuite répondu la même chose à propos du commandant Fanboy, expliquant qu’il n’était pas à l’intérieur de leur rang ULIMO pour savoir cela.
À propos des « Black Monday » et « Black Friday », la partie plaignante a expliqué sur question que les gens se souviendraient toute leur vie de ces lundis et vendredis. Me Gianoli est revenu sur une contradiction alléguée avec les propos de JTC à Bern, notamment le fait qu’il ne se rappelait pas très bien du « Black Friday », mais plutôt d’un « Dark Friday ». Me Maleh est alors intervenu pour relever que la question est tendancieuse, car la partie plaignante avait bel et bien parlé du Black Friday à Berne pendant l’instruction.
À propos des noms et prénoms communs au Libéria, Me Gianoli a demandé à JTC si cela était probable dans un village de 50 maisons que deux personnes aient les mêmes noms et prénoms. JTC a répondu que le village de sa mère était petit et que cela était le cas dans ce village.
Sur question de Me Gianoli sur le nombre d’habitant à Foya sous les ULIMO, JTC a poursuivi en expliquant qu’il y avait très peu de gens qui vivaient la, car beaucoup avaient fui. Il a déclaré ne pas pouvoir chiffrer le nombre de soldats ULIMO y vivant à l’époque car cela pouvait évoluer rapidement.
Me Gianoli a ensuite questionné JTC sur le lieu principal de résidence de M. Kosiah. Il a alors répondu que CO Kosiah n’était pas basé à Foya de manière permanente, mais que Foya était alors économiquement stratégique. Selon la partie plaignante, Alieu Kosiah se déplaçait à pied ou à moto, ou par un autre moyen de transport, ce qui était possible.
Il a été demandé ensuite à JTC s’il était plus facile d’identifier des camarades de classes de plus de 20 ans sur une photo d’époque ou une photo récente. JTC a répondu que c’est une question qui reste ouverte, et que cela dépend surtout du temps passé avec cette personne.
Sur sa rencontre avec DN, Me Gianoli a demandé à JTC s’il est sûr de la présence pendant cet épisode des commandants dont il a évoqué les noms. La partie plaignante a répondu en être sûre, mais a toutefois indiqué que ce n’était pas une liste exhaustive. Me Gianoli lui a alors demandé alors si Fanboy était présent et pourquoi alors ne pas l’avoir évoqué pendant l’instruction à Berne. JTC indique alors que Fanboy était bel et bien présent et qu’il n’allait pas donner la liste intégrale des soldats présents à ce moment-là. A la question de savoir pourquoi si FanBoy était un simple soldat portait-il le titre de CO, JTC a répondu qu’il fallait demander aux ULIMO ; puisque ce n’était pas lui qui avait choisi de l’appeler comme cela.
Me Gianoli a demandé ensuite pour quelles raisons DN avait été emmené à l’aéroport s’ils avaient déjà statué sur le fait qu’il était un espion, un traitre qui avait collaboré avec une ONG. JTC a répondu qu’il y avait été emmené pour être tué.
Me Gianoli a ensuite demandé pourquoi JTC n’avait pas mentionné avant les coups de pieds prétendument donnés à DN par M. Kosiah, ce à quoi il a répondu avoir déjà expliqué cette situation, mais qu’au fond, dans son esprit, cela avait été un détail, et ce qui était important était le fait qu’ils l’avaient tué.
Par rapport aux déclarations de la femme de DN et d’un dénommé B, version selon laquelle DN avait été mis en prison après son interpellation, JTC a répondu qu’il ne pouvait pas dire que ces personnes avaient menti. Il a cependant rappelé qu’il n’avait vu ni l’un ni l’autre au moment des faits, et que leur déclaration s’apparentait à de l’ouïe dire, précisant que la femme de DN avait été traumatisée par la mort de son mari.
Me Gianoli a ensuite demandé des explications quant au fait que ces mêmes deux personnes n’avaient pas mentionné le nom de Kosiah, en lien avec le meurtre de DN. La partie plaignante a répondu que tout ce qu’elle pouvait dire à ce sujet était que la femme de DN a perdu un pan immense de sa vie et que cela l’avait traumatisée. JTC a ajouté qu’il ne pouvait raconter que ce qu’il avait vu lui-même.
Me Gianoli a demandé comment était-il possible que les témoins proches de M. Kosiah avaient pu l’identifier sur les photos prises précédemment et non la partie plaignante. JTC a répété qu’il y avait visiblement un problème de couleur sur la photo de l’époque, empêchant l’identification. Il a poursuivi en disant ne pas nier le fait que quelqu’un d’autre avait pu l’identifier. Me Gianoli a ensuite demandé plus de précisions sur ce problème d’identification sur les photos, et la partie plaignante a expliqué une fois encore qu’il ne reconnaissait pas clairement le teint de peau du prévenu sur les photos de l’époque, et qu’il était impossible pour quiconque qui n’avait pas vécu avec Alieu Kosiah avant de le reconnaître sur une photo, expliquant ainsi que les civils le reconnaissaient avant tout parce qu’il répondait à son nom.
L’avocat de la défense a ensuite demandé quel était le rôle des gardes du corps du prévenu. JTC a expliqué que lui-même ne faisait pas partie de la rébellion ULIMO et qu’il ne pouvait donc pas répondre.
Me Gianoli a demandé des précisions au sujet du dénommé Sensi Bebe, supposé être le garde du corps de M. Kosiah. Il a notamment demandé si c’est à cause de sa fonction qu’il accompagnait le prévenu partout. JTC a répondu que par définition, Sensi Bebe était un suiveur, un « small rebel » ou enfant soldat. Il a ajouté que d’autres soldats suivaient également M. Kosiah.
En lien avec le premier transport, Me Gianoli a demandé si la marchandise était partie en Guinée le même jour que son arrivée. La partie plaignante a expliqué qu’avec le stress, elle était uniquement préoccupée par porter sa charge jusqu’à la frontière, et ne peut donc pas répondre à la question. Me Gianoli a ensuite demandé s’il était possible de traverser la frontière de nuit. Ce à quoi JTC a répondu qu’il imaginait que c’était possible, et qu’en circonstances normales, il était possible de traverser une frontière après 18h, et que la douane ou poste frontière de Solomba n’était pas le seul endroit où on pouvait traverser, il y en avait d’autres. JTC a néanmoins expliqué que pendant la rébellion ULIMO, les choses étaient différentes, il y avait des restrictions.
Me Gianoli a ensuite demandé si les NPFL avaient également commis des pillages à Foya, ce à quoi JTC a répondu affirmativement. Concernant la centrale électrique, il a expliqué que sous les NPFL, c’est-à-dire, dans les années 1990, la centrale fonctionnait encore, et que par conséquent, lorsque les ULIMO sont arrivés, la centrale fonctionnait à 100%, étant restée intacte sous les NPFL. JTC a également précisé que beaucoup d’autres bâtiments publics étaient restés intacts, notamment le pressoir à huile, ce que M. Kosiah savait selon la partie plaignante.
Me Gianoli a demandé si Pepper & Salt était présent lors du pillage de la centrale électrique. JTC a répondu qu’il ne le connaissait pas vraiment et avait juste entendu son nom de temps en temps.
Me Gianoli a demandé pourquoi le dénommé Teddy Taylor n’avait jamais été mentionné auparavant par JTC. Celui-ci a répondu que cette personne avait souffert, comme victime, et qu’il ne voyait pas pourquoi la mentionner.
Me Gianoli a ensuite posé une question sur le lien de parenté du dénommé Teddy Taylor avec le chef tribal Taylor. JTC a déclaré qu’il ne connaissait pas le lien de parenté précis.
À propos des noms des soldats accompagnant les prétendus transports forcés, Me Gianoli a demandé si la partie plaignante connaissait le rang du dénommé Dirty Prick et de Killer. JTC a expliqué qu’ils s’agissaient de surnoms que se donnaient les combattants ULIMO.
Me Gianoli a ensuite demandé si JTC avait témoigné en Hollande et s’il avait mentionné la centrale électrique de Foya. Ce dernier a répondu que oui, qu’il était allé témoigner en Hollande, et avait parlé du pillage de la centrale électrique de Foya. Au sujet de sa déposition devant les autorités françaises, la partie plaignante a affirmé leur avoir également parlé du pillage de la centrale électrique. JTC a ensuite précisé que le générateur de secours faisait partie de la centrale électrique.
À propos du transport de la centrale, Me Gianoli a demandé à JTC si deux groupes distincts poussaient le camion. Ce dernier a répondu qu’il y avait un grand groupe de personnes, et que ce n’était par conséquent pas possible de pousser le camion tous en même temps. Il a précisé ne pas pouvoir chiffrer le nombre d’hommes qui poussaient le camion à ses côtés.
Toujours à ce propos, Me Gianoli a demandé à la partie plaignante d’évaluer la largeur de l’arrière du camion. JTC a répondu qu’il s’agissait de mesures standards. Il a précisé qu’il fallait, selon lui, être six à dix hommes, selon la largeur du véhicule. Suite aux questions de Me Gianoli, la partie plaignante a encore expliqué être arrivée dans la soirée à la frontière.
Toujours sur ce même transport, Me Gianoli est revenu sur la déclaration antérieure de JTC expliquant qu’il avait fait demi-tour une fois arrivé à la frontière. Il lui a notamment demandé comment il pouvait dire que des soldats ULIMO avaient alors traversé la frontière avec leurs armes. JTC a expliqué qu’il parlait de manière générale. Me Gianoli a alors présenté le cas concret de ce transport en particulier à la JTC, et celui-ci a alors affirmé que traverser la frontière guinéenne était une chose habituelle pour les commandants ULIMO. Suite aux questions de la défense, la partie plaignante a précisé qu’Alieu Kosiah était en effet présent à la frontière lors du transport de la génératrice.
Me Gianoli a cité un témoin à la procédure, décrivant le passage de la rivière JTC a alors déclaré avoir déjà répondu à cette question, ajoutant que des gens étaient déjà de l’autre côté de la frontière quand il était arrivé. Des fûts et des canoës pouvaient être utilisés, selon JTC, pour faire traverser la génératrice et les pièces.
Me Gianoli a demandé si la partie plaignante avait vu le dénommé M. Kotio depuis son audition à Berne. Celle-ci a répondu négativement.
L’avocat de la défense a demandé si JTC connaissait un dénommé S.C. Celui-ci a répondu négativement.
Il a ensuite demandé si la déposition devant l’instruction française dans le cas diligenté contre M. Kunti s’était déroulée avec un interprète. La partie plaignante a répondu qu’un interprète était effectivement présent. Elle a ajouté qu’il y avait un procès-verbal et qu’il lui avait été relu, mais qu’elle ne se souvient pas si le PV lui avait été traduit avant de lui être relu.
Me Gianoli lui a demandé s’il savait pourquoi les gens d’ethnie Mandingo étaient appelés « citoyens de 1990 » au Libéria par les autres ethnies. JTC a répondu qu’il ne savait pas.
Au sujet des écoles élémentaires, la partie plaignante a affirmé qu’elles étaient ouvertes sous l’occupation NPFL dans le Lofa.
Me Gianoli a ensuite cité plusieurs noms et demandé à JTC si ceux-ci lui évoquaient quelque chose, ce dernier répondant à chaque fois par la négative, ou très approximativement.
Questions finales des parties
Me Jakob a soumis au président du Tribunal le souhait d’ajouter deux documents au dossier, relatifs à la génératrice. Après avoir plaidé sur cet ajout, les avocats des parties plaignantes se sont ralliés à la demande de Me Jakob, et Me Gianoli ne s’y est pas opposé. Après délibération, la Cour a décidé d’accepter l’ajout de ces photos au dossier.
La Cour a présenté l’une de ces photos à JTC, lui demandant s’ il avait déjà vu une machine comme celle-ci. La partie plaignante a répondu que cette génératrice avait des ressemblances avec celle qui avait été pillée à Foya.
Me Jakob a demandé si la partie plaignante était rentrée dans la centrale avant son démantèlement par les forces ULIMO, ce à quoi JTC a répondu négativement. À son souvenir, la génératrice était installée en tout cas en 1990.
Le président a demandé à JTC combien il y avait de générateurs immédiatement avant la guerre. Celui-ci a répondu qu’il y en avait d’abord eu un trop grand pour les besoins de la ville et qu’un plus petit avait été installé, le générateur dit de secours. JTC a expliqué ne pas connaître la date de fonctionnement de ces deux générateurs.
Me Jakob est revenu sur les déclarations de son client LSM selon lesquelles il avait vu un cadavre sur le chemin du retour de la marche à Solomba. La partie plaignante a répondu ne pas se souvenir d’avoir vu un cadavre au retour de ce transport, mais qu’il était possible qu’il ait pris des coups de feu tirés sur une ou plusieurs personnes pour des coups de feu tirés en l’air visant à les faire avancer. Me Jakob a finalement demandé à JTC ce que lui faisait le fait de savoir que LSM, qui a témoigné dans cette procédure à l’encontre d’Alieu Kosiah, avait escorté le convoi comme soldat ULIMO. JTC a indiqué que cela ne faisait que confirmer ses propres propos en ce qui concerne la culpabilité de M. Kosiah face aux actes dont il est accusé.