Pour cette quatrième journée d’audience, le Tribunal a procédé à l’audition de KK.

À l’ouverture de l’audience, le Ministère public de la confédération a d’abord motivé sa requête de modification de l’acte d’accusation relative aux points 1.3.2, 1.3.5 et 1.3.6. Il a en effet affirmé ne pas pouvoir exclure que certains faits se soient déroulés entre février et avril 1993. Certains témoignages poussent également à revoir la participation directe du prévenu et de M. Kunti, comme co-auteurs, du coup de couteau porté à l’encontre d’une partie plaignante déjà entendue. Les avocats des parties plaignantes ont soutenu la requête du Ministère public. Me Gianoli a indiqué qu’il n’avait pas d’observation à faire sur cette requête. Le président a indiqué que la Cour donnerait sa décision quant à cette modification prochainement.

La partie plaignante a ensuite indiqué qu’aucun motif ne l’empêchait de témoigner, ce que la Cour a également constaté.

Le Tribunal a commencé par adresser quelques questions sur la situation personnelle de KK

Lors de ses réponses, KK a expliqué connaître AS, une autre partie plaignante, depuis l’enfance, tous deux étant nés à Pasolahun et vivant dans le même village. Il a déclaré être lié d’amitié avec AS. KK a ensuite expliqué qu’il n’était pas allé à l’école et qu’il travaillait sur les chantiers. Il a affirmé que depuis sa naissance, c’était seulement la deuxième fois qu’il quittait le Libéria, la première étant pour aller témoigner à Berne lors de l’instruction.

Évoquant la guerre civile, la partie plaignante a déclaré qu’il y avait de la violence et que les choses allaient mal, notamment à cause des NPFL et des ULIMO. Elle a expliqué que Pasolahun avait d’abord été capturé par le NPFL, puis par les ULIMO vers 1993.

Le Président a ensuite questionné KK sur la prise de Pasolahun, ainsi que sur la chaîne de commandement des ULIMO. Celui-ci a souligné qu’il n’était pas dans le village lors de sa capture. Il a précisé avoir été à la ferme avec son père et qu’ils nettoyaient des machettes lorsque les soldats sont venus rassembler la population près de la maison du chef du village. KK a expliqué que Johnlo Pikin Sheriff était alors la personne la plus importante sur place à ce moment-là. Après avoir capturé le village, le « ground commander » était Jungle Rock.

KK a poursuivi en déclarant que des enfants soldats de 12 ,13 ou 14 ans étaient présents dans toutes les factions impliquées dans la guerre civile. Il a ensuite indiqué que les soldats se comportaient mal de manière générale à l’égard des civils, et qu’il n’avait jamais soutenu ou participé à la guerre pour l’une ou l’autre des factions. Évoquant la prise de Pasolahun par les NPFL, KK a expliqué que lorsque les soldats de Charles Taylor étaient arrivés, ils avaient mangé les animaux. Il a ensuite souligné que les ULIMO étaient pires que les NPFL selon lui.

La partie plaignante a ensuite expliqué qu’on pouvait faire la différence entre les ULIMO et les NPFL car ils proclamaient leur nom. Les gradés portaient parfois des uniformes, mais que ce n’était pas le cas des simples soldats, qui eux avaient des habits de civils. Il reconnaissait la présence des rebelles par le fait qu’ils portaient des armes.

Le président a ensuite abordé un épisode surnommé « Black Monday ». KK a expliqué en avoir entendu parler comme d’un jour où beaucoup de gens avaient été tué. Selon lui, les gens habitant dans le Lofa savaient à quoi le « Black Monday » correspondait. Le président a également demandé si la famille de KK s’était vue confisquer des biens par les ULIMO. KK a alors affirmé que sa famille s’était fait voler du riz, de l’huile, du cacao, et du café.

En répondant aux questions suivantes, la partie plaignante a expliqué qu’elle avait entendu dire que les ULIMO mangeaient des parties de corps humain. Elle a poursuivi en déclarant que les ULIMO considéraient les civils comme des animaux.

Concernant les homonymes, KK a indiqué qu’il était fréquent que deux personne portent le même nom et le même prénom, il a donné l’exemple de sa propre famille.

Sur le prévenu Alieu Kosiah

Lors de ses déclarations au président, KK a expliqué qu’il connaissait le prévenu comme rebelle, sous l’appellation de « Chief Kosiah ». Il ne portait pas d’uniforme. Interrogé sur la région d’affectation d’Alieu Kosiah, la partie plaignante a indiqué que M. Kosiah était dans le Lofa. A partir du moment où il a commencé à entendre parler de lui, il a entendu dire qu’il était autour de Voinjama, Kolahun, Vahun, Foya. KK a expliqué ne pas connaître les grades militaires, n’étant pas soldat lui-même, et a poursuivi en disant qu’il avait rencontré le prévenu dans la vieille ville de Kolahun, probablement en 1993.

KK a ensuite reconnu Kosiah en audience, expliquant qu’il avait pris du poids, mais qu’il avait toujours le même visage sombre, et la même voix, et des gros yeux comme les siens, avec le teint foncé.

Le président a ensuite demandé à KK pourquoi il n’avait pas reconnu le prévenu sur les photos du Ministère public de la confédération. KK a expliqué que ces photos étaient sombres, mais qu’il l’avait reconnu tout de suite lorsqu’il avait été amené en audience, et qu’il a reconnu son comportement quand ce dernier s’est emporté en audience. Il a ajouté que quand Alieu Kosiah se fâchait, il pouvait faire tuer des civils.

Questions relatives au pillage de la génératrice de Pasolahun

Questionné par le président, KK a confirmé sa déposition donnée aux procureurs pendant l’instruction, et a expliqué que le pillage avait dû se dérouler en 1993, durant la saison sèche. La génératrice se trouvait près du terrain de foot, et un abri avait été construit pour protéger la machine. La partie plaignante a ensuite déclaré que c’était le commissionnaire Kemba qui l’avait offerte car les villageois faisaient pousser du riz pour ce dernier. La génératrice servait pour l’éclairage et tous les villageois en profitaient.

À propos de l’implication de M. Kosiah dans le pillage de la génératrice, KK a répondu au président que les ULIMO étaient arrivés pour prendre la machine, sous ordre de Kosiah, comme ils l’ont eux-mêmes annoncé à ce moment-là au chef du village. Ils ont démonté la génératrice avec un mécanicien. La partie plaignante a déclaré que le soldat ULIMO Sky Face Kabbar était alors le chef des rebelles présents au moment du démontage.

KK a ensuite déclaré que les ULIMO avaient rassemblé les villageois le lendemain, dans le but de transporter la génératrice, précisant qu’après cela il n’y avait plus d’électricité dans le village.

Questions relatives à l’ordre de transporter la génératrice de Pasolahun à Kolahun

Lors de ses réponses, la partie plaignante a expliqué avoir été réquisitionnée de force par les ULIMO, tôt le matin, le jour suivant le démontage de la génératrice. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait pas savoir si M. Kosiah avait lui-même reçu l’ordre de transporter cette génératrice d’un supérieur.

Le président a demandé à KK s’il pouvait estimer le nombre de civils à avoir participé au transport. Il a répondu que cela était difficile, mais que beaucoup étaient là, dont des enfants, et que la seule chose qui l’inquiétait à ce moment-là était sa vie. Il a précisé qu’en cas de refus, les civils pouvaient être tués.

En réponse aux questions du président, KK a déclaré qu’un dénommé AK ainsi que la partie plaignante AS étaient présents lors du transport. Il a ensuite nommé 14 personnes également présentes à ce moment-là et toujours vivantes au Libéria. A la question de savoir si elle avait demandé à ces gens de venir témoigner, KK a expliqué que non, et précisé qu’il avait caché sa présence en Suisse pour cette procédure à ses propres parents. Il a ensuite affirmé que venir témoigner en Suisse était très risqué pour eux.

KK a ensuite déclaré qu’il n’avait pas compté le nombre de rebelles durant ces événements car il était sous tension. KK a ensuite affirmé avoir vu M. Kosiah pour la première fois, lors de ce transport, au « checkpoint » à Kolahun où les biens pillés avaient été transportés.

En réponse aux questions du président relatives au transport, KK a déclaré qu’Alieu Kosiah n’avait pas participé au transport et qu’il attendait les soldats ULIMO au « checkpoint » à Kolahun. Il a précisé que l’on pouvait facilement discerner trois crânes humains au « checkpoint », et qu’à partir de là, « Chief Kosiah » était la personne la plus importante.  Il a expliqué que le convoi a eu lieu le lendemain du pillage et que des enfants soldats ont participé à la marche. KK a ajouté qu’aucune femme n’a participé à ce convoi. Ce sont les anciens du village qui ont été chargés par les ULIMO de trouver des hommes pour le transport, sous la menace que les soldats brûleraient la zone s’ils ne trouvaient pas assez d’hommes.  Le soldat Sky Face Kabbar faisant partie des ULIMO était celui qui donnait les ordres pendant le transport. KK a ajouté que la marche a duré entre dix et douze heures, et que le convoi est arrivé en fin d’après-midi, vers 17h ou 19h.

Concernant la marchandise, en plus des pièces de la génératrice,  du riz et de l’huile étaient transportés. Les civils portaient les charges sur leur tête. KK lui a porté une lourde pièce de métal. La route n’était pas asphaltée. De plus, KK a indiqué avoir pu s’arrêter pour boire mais ne pas avoir eu de pause pour se reposer ni pour pouvoir manger. Les soldats étaient mélangés parmi les civils de manière à qu’ils ne puissent pas s’enfuir. KK a précisé que les pièces de la génératrice et que les biens pillés étaient en général vendus.

Le Tribunal a ensuite demandé à KK comment se comportaient les soldats pendant le transport. Dans sa réponse, elle a indiqué que la majorité des soldats portaient des armes, et qu’ils les menaçaient, leur donnant des coups de crosse dans le dos pour qu’ils avancent plus vite. KK a ajouté que les soldats disaient que s’ils n’avançaient pas assez vite, alors les mouches allaient apporter le message aux parents, ce qui signifiait qu’ils seraient tués. Elle a précisé que le prévenu portait un pistolet, et que les soldats battaient également les autres civils. KK a expliqué qu’il n’avait pas vu le prévenu empêcher ces mauvais traitements. Il a ensuite déclaré avoir vu deux personnes mortes, au sol, car il se trouvait à l’arrière du groupe. KK a dit que ces deux personnes étaient dénommées KS et BS. Suite aux questions du Président, KK a précisé que le dénommé AK lui avait dit que ces personnes avaient été tuées par Sky Face Kabbar. KK a déclaré qu’à ce moment-là, M. Kosiah n’était pas là. KK a ensuite dit que les corps avaient été laissés sur place.

Questions relatives au meurtre du MK sur ce même transport

Le président est revenu sur les déclarations de la partie plaignante face au Ministère public de la confédération à Berne. M. KK a expliqué qu’il ne connaissait pas particulièrement MK. Le président a demandé des précisions sur les circonstances de la mort de MK. Dans sa réponse, KK a déclaré que MK se trouvait dans le dernier groupe de ce transport et qu’il s’était fait tirer dessus par Alieu Kosiah, avec son pistolet. Elle a ensuite déclaré qu’elle avait vu MK agoniser après s’être disputé avec M. Kosiah, et qu’elle se trouvait à une distance d’environ une quinzaine de mètres. Selon KK, M. Kosiah et MK se trouvaient à 1,5m l’un de l’autre.

Le président a ensuite confronté KK à la plainte de la partie plaignante AS, selon laquelle MK était mort par suffocation. Le Président a demandé à la partie plaignante combien de temps s’était écoulé entre le coup de feu et la constatation de la mort de MK. La partie plaignante KK a répondu que MK avait agonisé après le tir, et qu’il agonisait encore lorsque la partie plaignante était repartie avec le convoi. Dans sa réponse, KK a affirmé que MK s’était fait tirer dessus car il était trop fatigué, qu’il n’arrivait plus à marcher, et qu’il avait été laissé sur place. La partie plaignante ne se souvient pas de ce qu’il est advenu du corps de la victime MK.  KK a ensuite indiqué avoir eu très peur pour sa vie lors de ce transport, et qu’il craint toujours pour sa vie lors de son retour au Libéria après avoir témoigné. Il a ajouté ne pas avoir tenté de fuir durant le transport, parce que sinon il aurait été tué.

Alieu Kosiah a accompagné le convoi du « checkpoint » à l’entrepôt au centre de Kolahun où les marchandises ont été déposées. Après cela, KK s’est rendu chez sa sœur ainée, dans la communauté de Kemela, pour y passer la nuit. Il n’a pas été rémunéré pour ce transport.

Questions relatives à l’ordre de transporter des munitions de Gondolahun à Fassama

KK a expliqué avoir été réquisitionnée par les ULIMO à Pasolahun en début de journée, lorsqu’il était à la ferme en train de récolter du riz. Il a dû se rendre à Gondolahun pour y passer la nuit, enfermé avec d’autres civils, la veille du transport. KK a expliqué ne pas savoir qui avait donné l’ordre du transport. Il a précisé que lorsque les soldats, armés, faisaient une demande, il n’était pas possible de refuser.

En tout, un peu plus d’une vingtaine de civils de Pasolahun ont participé au transport. Parmi elles, KK a souligné la présence de la partie plaignante AS et de AK, qu’il avait vu. La partie plaignante a dit ne pas avoir vu Alieu Kosiah ordonner ce transport. À la question de savoir pour quelle raison ce transport avait été ordonné, KK a affirmé qu’il s’agissait sûrement d’apporter des munitions dans les zones de combat. Durant le transport, les ULIMO Sky face Kabbar, Senegalee et Lalali étaient les leaders des rebelles durant le transport. La partie plaignante a dû porter deux fusils sur sa tête.

[PAUSE DE MIDI]

Le président a repris ses questions sur le déroulement du transport. KK a été enfermé la nuit à Gondolahun dans un local à clé avec environ 25 autres civils. Lors de ses réponses, KK a expliqué qu’il avait fallu une journée de marche pour atteindre Sasahun. Il a précisé que le groupe de civils était mélangé aux ULIMO, de sorte que les civils ne puissent pas déposer leurs charges. La partie plaignante a déclaré ne pas avoir vu M. Kosiah lors de ce transport. Elle a ajouté que le convoi était grand et qu’il y avait de nombreux civils. Selon elle, les civils n’avaient pas reçu à manger, et les soldats se comportaient de manière cruelle, les menaçant et frappant pour qu’ils avancent plus vite. KK a expliqué avoir eu peur pour sa vie lors de ce transport. Quand le groupe a déposé la marchandise à Sassahun, il était passé 18h. Certains civils sont alors partis pour ne pas avoir à porter de nouvelles charges. D’autres sont restés dormir là-bas, cachés, pour repartir le lendemain, c’est ce qu’a fait la partie plaignante.

Le président a demandé à KK s’il avait été témoin du meurtre de civils pendant ce transport. Il a affirmé que MK s’était fait tuer. Il a ensuite ajouté qu’AK, dont il avait déjà parlé, le lui avait dit.

Le président a demandé si, à sa connaissance, le plaignant AS avait été témoin de la mort de MK, ce à quoi KK a répondu qu’il ne le savait pas. Suite aux questions du président, il a ajouté que la partie plaignante AS ne le lui en avait en tout cas pas parlé. KK a aussi affirmé avoir vu le corps de MK au point de franchissement de la rivière et a indiqué avoir eu peur pour sa vie lors du transport. KK a expliqué avoir déposé la marchandise devant une maison ronde, à Sassahun. Ils sont arrivés passé 18h et se sont ensuite enfuis pour ne pas devoir réaliser un autre transport. KK s’est caché jusqu’au petit matin, puis est rentré. KK a déclaré ne pas savoir si Sassahun était la destination finale ou si le convoi est ensuite allé plus loin. Il a ajouté avoir vu AK et AS le lendemain. Par ailleurs, KK a affirmé ne pas avoir vu Alieu Kosiah parmi le groupe avec lequel il a effectué le transport.

Le président a demandé à KK s’il avait demandé à d’autres personnes qu’AS et AK de témoigner devant cette Cour. Celui-ci a répondu qu’il ne pouvait pas le faire et a répété qu’il n’avait même pas signalé à ses propres parents qu’il était en Suisse pour cette procédure.

Le président a ensuite demandé à KK à combien de transports forcés il avait dû participer, celui-ci a répondu à tellement qu’il ne les a pas comptés. Le Président a également demandé s’il n’avait pas cherché à changer de région pour éviter cela. KK a indiqué que changer de région n’aurait pas évité d’autres transports, et qu’il souhaitait rester auprès de ses parents.

Conclusion

À la question de savoir pourquoi il avait déposé une plainte pénale en Suisse, et s’il avait bénéficié d’une aide, il a répondu qu’il souhaitait obtenir justice, puis ajouté qu’il s’était d’abord adressé au GJRP, auprès de la partie plaignante AS, puis de M. Keita. À la poursuite des questions, KK a expliqué que Me Werner l’avait aidé à rédiger sa plainte. Il a ensuite dit qu’il n’avait pas peur de M. Kosiah en ce moment, en Suisse. Il a en revanche expliqué qu’il craignait de retourner au Libéria, là où M. Kosiah a des hommes et du pouvoir. Il a toutefois expliqué que si le prévenu avait une arme à feu ou un couteau, il ne serait pas resté assis là où il était.

Le président a ensuite questionné la partie plaignante sur le déroulement de la procédure, lui demandant si elle avait discuté des faits reprochés à M. Kosiah avec la partie plaignante AS, ce à quoi elle a répondu négativement. Elle a également indiqué ne pas s’être adressé à la TRC, ne connaissant cette commission. Il n’a pas non plus adressé de plainte au Libéria, puisque, selon lui, il n’y a pas de justice pour les pauvres.

Le président et revenu sur les deux transports évoqués plus tôt. Il a demandé à KK s’il avait rencontré les deux victimes MK et MK avant les transports forcés, à noter que ces personnes ont précédemment été nommés comme ayant participé aux transports décrits dans la plainte. KK a répondu que tous les trois habitaient Pasolahun. En réponse aux questions du Président, il a ensuite déclaré qu’il ne pouvait pas se souvenir de leurs visages si longtemps après leur mort.

Le président a soumis deux photos à la partie plaignante en lui demandant si elle reconnaissait les personnes sur ces photos KK a répondu qu’il s’agissait de personnes avec les mêmes noms que les deux personnes dont ils avaient parlé lors de cette audition (MK et MK). Le président a ensuite demandé si ces personnes sur les photographies avaient un lien avec les transports forcés décrits plus tôt. La partie plaignante a expliqué qu’elles portaient les mêmes noms que les victimes, et que la partie plaignante les connaissait bien. Suite aux questions du président, KK a déclaré ne pas savoir si MK et MK, tous deux décédés lors des transports étaient frères avec les deux personnes portant le même nom et dont les photographies lui avaient été montrées par le président.

Le président a enfin invité KK à ajouter quelque chose s’il le souhaitait. La partie plaignante a alors expliqué que dans sa famille il y avait énormément de gens qui portaient le même nom.

Le Procureur du Ministère public de la confédération a indiqué qu’il n’avait pas de questions.

Les questions sont désormais adressées par Me Wavre à la partie plaignante

Me Wavre a commencé par soumettre une capture d’écran d’audience du Ministère public de la confédération à KK en lui demandant s’il reconnaissait les personnes présentes. Celui-ci a répondu qu’il reconnaissait un avocat qui représente les parties plaignantes, et une présente nommée AK, ou le même nom que le AK précédemment nommé en audience par la partie plaignante.

Me Wavre a ensuite demandé à la partie plaignante si la personne sur la photo s’agissait bien de la personne présente lors des transports forcés et dont il avait donné le nom en audience. La partie plaignante a répondu négativement en précisant le deuxième prénom de la personne présente sur la photo, cette personne étant donc un différent AK que la personne dont lui-même avait fait mention plusieurs fois pendant son audition aujourd’hui.

Me Wavre a soumis une seconde photo à KK, lui posant la même question. La partie plaignante a déclaré qu’il s’agissait de MJ.K, de Pasolahun. Me Wavre a rapporté que cette personne déclarait être le « town chief » de Pasolahun, ce que KK a démenti, expliquant que le chef du village était en fait le grand frère de cette personne et s’appelait WK.

La partie plaignante a indiqué qu’elle attendait de ce procès que justice soit faite.

Questions à la partie plaignante par Me Gianoli, avocat de la défense

Me Gianoli a demandé à KK pourquoi il avait indiqué au Tribunal avoir vécu un an à Monrovia, pendant la présidence de Charles Taylor, alors qu’il avait déclaré au Ministère public de la confédération à Berne qu’il ne connaissait pas la capitale lorsqu’il s’était rendu au GJRP. KK a rappelé qu’il avait ses enfants à Monrovia, et qu’il connaissait bien la capitale, Monrovia, et qu’à ce moment-là, il disait seulement qu’il ne connaissait pas la TRC.

Me Gianoli est également revenu sur les déclarations de la partie plaignante, lui demandant de décrire Jungle Rock, ce que la partie plaignante a fait. Me Gianoli lui a également demandé combien de temps ce dernier était resté à Pasolahun, et de quelle ethnie il était, ce que la partie plaignante ignorait.

Me Gianoli a aussi demandé s’il restait des volailles et des veaux à Pasolahun à l’arrivée des ULIMO, ce à quoi la partie plaignante a répondu affirmativement puisque les habitants avaient emporté leurs animaux dans la brousse pour les ramener ensuite, ces animaux étant alors pillés par ULIMO. Me Gianoli lui a ensuite demandé de faire un lien entre « Black Monday » et un lieu. KK a alors cité la ville de Voinjama. Il a ajouté connaître le terme de « Black Monday » depuis 1993, qu’il associe au régime ULIMO. Il a ensuite expliqué qu’il avait pris connaissance de ce terme autour de la période des transports forcés.

Me Gianoli lui a alors demandé pourquoi le terme de « Black Friday » ne lui disait rien lors de son audition à Bern. KK a expliqué qu’il était normal de ne pas se rappeler de tout, et qu’il avait en fait entendu parler d’un « Black Friday » qui se déroulait à Foya.

Me Gianoli a ensuite demandé à la partie plaignante de donner l’identité de ses frères et sœurs. Le Président a alors expliqué à KK qu’il avait le droit de garder le silence. KK n’a en conséquence pas répondu à cette question.

L’avocat de la défense a ensuite demandé à KK s’il était présent lorsque les soldats ULIMO ont dit au chef de village de Pasolahun que des civils devaient venir démonter la machine sous ordre de Kosiah. KK a indiqué qu’il était présent à ce moment-là, car il se trouvait avec les anciens, tous étant rassemblés vers la maison du chef du village. KK a précisé par la suite que le soldat ULIMO ayant parlé au chef du village s’appelait Sky Face Kabbar.

Me Gianoli a demandé si la génératrice de Pasolahun fournissait de l’électricité pour les rues et maison de Pasolahun avant le pillage. La partie plaignante a répondu que oui, il y avait de l’électricité avant la guerre au Libéria. Il a été demandé d’expliciter le terme de « démontage » de la génératrice. KK a expliqué qu’il s’agissait de défaire les pièces de la génératrice. Pour donner suite à des demandes de précision, il a ajouté que la machine était plus grande que la table de l’interprète.

Me Gianoli a ensuite abordé la relation entre KK et le GJRP. Il a demandé à KK s’il avait hésité à répondre favorablement à la demande de la partie plaignante AS de parler au GJRP. KK a souligné qu’il était heureux de pouvoir raconter sans crainte ce qui lui était arrivé pendant la guerre au Libéria. KK a ensuite déclaré qu’après avoir discuté avec AS, il s’était passé une semaine avant que KK ne soit contacté par M. Keita du GJRP pour se rendre à Monrovia. KK a précisé qu’il s’y était rendu avec un taxi collectif pour des trajets de longue distance. Sur questions de la défense, KK a précisé qu’il n’y avait pas d’interprète lorsque Keita a présenté Me Werner à la partie plaignante, ni plus tard.

Me Gianoli est revenu sur les déclarations de KK selon lesquelles il avait dormi chez sa grande sœur à Kolahun après un des transports forcés. Il a alors donné son identité en ajoutant qu’elle était décédée.

Me Gianoli a demandé à KK comment et quand il avait appris la mort de MK. Il a indiqué que c’était AK qui le lui avait dit lors du transport de munitions, avant que la partie plaignante ne voie le corps. L’avocat de la défense l’a alors confronté aux déclarations données à Berne au Ministère public de la confédération. KK a déclaré qu’il n’y avait pas de contradiction, précisant qu’il avait vu le corps de MK, le décrivant en sang.

Me Gianoli a demandé à KK s’il avait participé à des discussions entre AK et la partie plaignante AS au sujet du meurtre de Kpandeh. KK a répondu par la négative.

L’avocat de la défense a interrogé KK sur la pratique du « tabé ». La partie plaignante a souligné que son grand frère avait été attaché de la sorte et en porte toujours les marques à l’intérieur des coudes. Elle a aussi expliqué avoir été attachée de cette façon dans le jardin de la ferme de son père par les ULIMO. Les soldats avaient alors tiré autour de la partie plaignante pour l’effrayer. Me Gianoli a demandé si des personnes avaient été attachées en « tabé » lors des transports forcés, ou lorsque les ULIMO sont arrivés à Pasolahun. Concernant les transports, KK a répondu par la négative. KK a ensuite rappelé qu’il n’était pas au village lors de l’arrivée des ULIMO.

Me Gianoli l’a ensuite interrogé sur les différents chefs de villages et de régions, lui soumettant des noms ou lui demandant d’en citer, ce que KK a fait.

Me Gianoli a ensuite demandé le versement d’une photo au dossier. Le président a invité les parties à se prononcer sur le versement de cette pièce supplémentaire. L’accusation et la défense ont déclaré s’en remettre à l’appréciation du président. La Cour est revenue quelques instants plus tard et a annoncé avoir accepté de la verser au dossier.

Me Gianoli a soumis cette photo à KK en lui demandant s’il connaissait la personne présente dessus. La partie plaignante a alors expliqué qu’il s’agissait du grand frère de MK précédemment mentionné, également présent sur une autre photo prise au Ministère public de la confédération à Berne.

Me Gianoli a ensuite demandé à KK les noms du père et de la mère des MK désignés sur les photos présentées l’après-midi. La partie plaignante a indiqué l’identité du père, précisant que cette personne était décédée lorsqu’elle était petite, mais ignore le nom de la mère. La défense a également demandé si le père était le chef du village du Hembé Clan, KK a indiqué ne pas pouvoir répondre car il était petit au moment des faits. Il ignore également le nom de leurs oncles.

Me Gianoli a demandé si on lui avait déjà montré les photos des deux personnes dénommées K. présentées cet après-midi, ce à quoi il a répondu négativement. Il a également indiqué ne pas savoir s’il y avait d’autres homonymes du nom de famille des personnes dénommées K. La défense a demandé comment KK a pu reconnaitre le corps de MK. KK a alors indiqué qu’ils étaient du même village. Me Gianoli a demandé si MK et MK sont parents avec la partie plaignante AS, ainsi que le nom du père, grand-père et oncles d’AS.

Après avoir consulté son avocat, la partie plaignante AS présente en audience manifeste sa volonté que les informations relatives aux membres de sa famille ne soient pas divulguées par KK. 

La suite des questions de Me Gianoli s’est concentrée sur l’organisation des ULIMO, notamment à propos de l’activité et l’identité des S2. Enfin, Me Gianoli a soumis un grand nombre de noms à la partie plaignante, lui demandant s’ils lui évoquaient quelque chose, ou s’ils étaient masculins ou féminins, KK répondant à ces questions par la négative.

Questions finales adressées par les avocats des parties plaignantes

Me Wakim a interrogé la partie plaignante sur les violences sexuelles exercées à l’encontre des femmes pendant la guerre civile. Cette dernière a alors indiqué que c’était quelque chose de courant, puis a déclaré que sa sœur avait été violée par les rebelles ULIMO, et qu’il était présent à ce moment-là. Les rebelles forçaient les femmes et les utilisaient à leur guise. Les plus jeunes avaient 16 ou 17 ans selon lui.

Me Wavre a posé des questions relatives aux deux S2 mentionnés durant les interrogations de Me Gianoli. Il a été demandé à KK de se déterminer sur l’identité d’une de ces personnes, au regard de ses déclarations à Berne, ce que KK a fait. Me Wavre a ensuite demandé quels villages se trouvaient sur la route entre Pasolahun et Kolahun.

L’audience de KK s’est terminée à 18h00