Jour 12 – Questions complémentaires à l’Accusé

22.02.2021

Cette septième journée, du 22 février 2021, est consacrée aux questions complémentaires adressées par l’Accusation à Alieu Kosiah.

Avant de procéder à l’audition, le tribunal rend ses décisions quant aux interrogatoires des deux victimes MK et MK, ainsi que de JMK. Le Tribunal a ainsi décidé de maintenir ces auditions.

De plus, le Tribunal a informé les parties qu’elle accepte la proposition du Ministère public de la Confédération soutenue en audience le 18 février 2021, de modifier l’acte d’accusation, et plus précisément d’étendre la date temporelle d’un fait reproché au prévenu. En revanche, le Tribunal a refusé de revoir la qualification juridique de la participation de M. Kosiah dans le coup de couteau qu’il aurait assené à une partie plaignante, et de la re-qualifier en co-action avec M. Kosiah comme co-auteur comme l’avait plaidé le Ministère public de la Confédération.

Le Ministère public de la Confédération adresse ses questions complémentaires au prévenu

Il a commencé par soumettre à Alieu Kosiah un rapport de la prison indiquant qu’entre juin 2016 et juin 2017, M. Kosiah aurait reçu 26 visites de Monsieur D. une personne libérienne vivant en Suisse. Le prévenu a alors répondu que ce n’était pas vrai, que le procureur n’avait pas à blâmer la prison pour ce qu’il s’est passé, et que la prison n’a rien fait de faux. Il a ajouté toutefois avoir effectivement reçu des visites de cette personne, mais beaucoup moins que 26, et que la sécurité de la prison était toujours présente, du moins pour les premières rencontres. Il a continué en expliquant qu’ils l’ont une fois emmené en bas de la prison, ajoutant qu’il devait parler à travers un micro et qu’il y avait des caméras et qu’ils pouvaient l’entendre ; et que de toute façon, il ne pouvait faire que ce qu’on lui disait de faire. Il a ensuite dit qu’il y a seulement eu deux ou trois rencontres qui se sont déroulées ainsi. Alieu Kosiah a enfin déclaré qu’il n’avait jamais donné d’instructions à cette personne, qu’il ne lui avait jamais dit de faire quoi que ce soit pour lui, et qu’il lui avait dit de ne pas rentrer en contact avec ses témoins.

Sur question du MPC, le prévenu a refusé d’indiquer le nom de son fils, ajoutant que le procureur connait très bien le nom de son fils et qu’il ne voyait pas pourquoi sa famille devrait être exposée dans la mesure où les familles des autres parties ne doivent pas l’être.

Les parties plaignantes adressent leurs questions complémentaires à Alieu Kosiah

Les questions sont adressées par Me Werner

Me Werner est revenu sur une question posée par le Tribunal en décembre concernant la tuerie perpétrée par Ugly Boy à Foya. En réponse, le prévenu a déclaré que la guerre c’était la guerre, et qu’il était impossible d’avoir une guerre propre. Il a ajouté que, comme dans toutes les guerres, il y a forcément des gens qui ont fait des choses mal, mais qu’il maintenait que la seule chose qu’il pouvait rapporter c’est ce qu’il avait vu et vécu. Pour ce qui est d’Ugly Boy, il a affirmé qu’il avait détenu des rebelles NPFL pendant trois mois et que à la suite des pertes ULIMO, Mami Wata s’est vengé sur eux en les tuant brutalement. Le prévenu a ajouté que cela n’aurait pas dû être fait, et que c’était le seul incident dont il avait pris connaissance.

Me Werner a ensuite soumis diverses informations d’ONG, de la TRC ou de médias à l’égard du comportement des ULIMO pendant la guerre. Le prévenu a déclaré qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la véracité de ces informations, ajoutant que lorsqu’il y a une guerre, la première victime est la vérité, et qu’il fallait par conséquent être très prudent avec ce qui est dit. Il a ensuite indiqué qu’il n’était pas à Foya lors de la capture de la ville, et qu’il n’a pas tiré un seul coup de feu dans le cadre de la capture des villes de Zorzor,Voinjama, Kolahun ou Foya. Il a ajouté que lorsqu’il est arrivé à Foya, tout était calme, et qu’il n’a donc pas entendu parler des atrocités et des meurtres de masse commis par les ULIMO contre les Kissi dans la région de Foya.

Me Werner l’a ensuite interrogé à propos des déclarations de journaux libériens, expliquant que DN et d’autres civils ont été tués à Foya. M. Kosiah a réitéré que tout était calme à son arrivée à Foya, et que, dans les articles que Me Werner a mentionné, il serait bon de s’attarder sur un article que, selon le prévenu, Me Werner ne souhaite pas mentionner. Alieu Kosiah a continué en disant qu’il pouvait aider Me Werner à ce sujet, et a rappelé que ces journaux mentionnent que DN a été tué parce qu’il était chrétien et qu’il avait une Bible, expliquant alors que ce meurtre n’avait rien à voir avec les parties plaignantes que Me Werner représente.

Revenant sur les propos d’Alieu Kosiah niant tout acte de cannibalisme, me Werner a présenté au prévenu la déclaration d’un journaliste affirmant avoir vu une personne, sûrement un ULIMO, à Monrovia, qui a prélevé le cœur et le foie d’un être humain, et que ces organes sacrés sont souvent pris à l’ennemi.  Alieu Kosiah a répondu qu’il n’avait pas la même lecture que Me Werner à ce sujet, et a indiqué qu’il ne mangeait lui-même pas de jambon ou de porc, étant d’ethnie mandingo, et qu’il ne voyait donc pas comment il pourrait manger un humain.

Interrogé ensuite à propos d’un rapport de Médecins Sans Frontières (MSF) pointant également dans le sens des premiers articles présentés par Me Werner, Alieu Kosiah a déclaré qu’il était absolument impossible que des Mandingos aient mangé des cœurs humains, cela étant incompatible avec leur culture. Il a ajouté que les Mandingos ne buvaient ni de porc, ni d’alcool, et qu’ils ne fumaient pas non plus de la marijuana, sous peine de ne pas pouvoir se marier ; concluant ainsi que les Mandingos était l’ethnie la plus disciplinée.

Me Werner a ensuite posé une question relative au surnom de Pepper & Salt. Le prévenu a tout d’abord souhaité rappeler aux juges pourquoi il était si important pendant une guerre de faire bien attention à ce que l’on entend. Ainsi, il a affirmé qu’il savait exactement où Me Werner voulait en venir, et a expliqué que dans la procédure française, le juge a demandé à M. Kamara si Pepper & Salt avait obtenu ce nomme de guerre parce qu’il ajoutait du sel et du poivre aux morceaux. Alieu Kosiah a alors souhaité donner la « vraie histoire » de ce surnom. De fait, il a expliqué que le surnom « Pepper & Salt » venait du fait qu’il avait une fois pilé du sel, du poivre, et des morceaux de sardine ; et avait mis la poudre obtenue dans un sac en plastique qu’il gardait toujours dans sa poche. Ainsi, quand ils mangeaient du riz, Pepper & Salt avait pour habitude d’ajouter ce mélange pour rendre le riz « plus mangeable ». Il a conclu en disant que toutes les autres histoires étaient de la désinformation.

S’appuyant sur un rapport de MSF affirmant que Pepper & Salt était nommé ainsi parce qu’il aimait assaisonner la chair humaine, Me Werner a demandé à M. Kosiah si ces informations étaient crédibles. Ce dernier a répondu qu’il ne pouvait pas juger la crédibilité des propos de MSF, en ajoutant néanmoins que ce ne sont pas eux qui vont lui dire pourquoi Pepper & Salt s’appelle ainsi, et que c’est plutôt lui qui devrait leur expliquer, connaissant Pepper & Salt depuis tout petit.

Concernant les pillages de villages et les transports forcés, Alieu Kosiah a déclaré qu’il n’en avait jamais fait l’expérience. Il a expliqué que ce genre de transports sont supposés avoir eu lieu durant les trois ou quatre premiers mois de présence dans ULIMO dans le Lofa et que lui n’était pas dans le Lofa pendant ce temps-là et que quand il est arrivé, la situation était calme. Il a ensuite précisé qu’il n’a jamais remis en cause les déclarations de Dukuly, qui avait déclaré que toutes les factions ont effectué ce genre de transports. Il a ajouté qu’il n’avait jamais entendu parler de transports ou de mauvais traitements infligés aux civils, et que, des véhicules venant depuis la Guinée, cela n’avait pas de sens d’effectuer le transport par des personnes.

A la question de savoir comment est-ce que, dans un environnement aussi brutal où toutes les factions ont commis des massacres, Alieu Kosiah expliquait que les ULIMO soit la seule faction qui n’a pas commis de massacres envers les civils ; le prévenu a répondu qu’il parlait de son expérience, et non de celle des ULIMO, lui-même et sa réputation se trouvant devant la Cour, et non les ULIMO. M. Kosiah a ainsi conclu que la question qui devait être posée est celle de savoir s’il avait capturé Zorzor ou Foya, ce à quoi il a répondu qu’il pourra être établi au-delà de tout doute raisonnable par d’anciens soldats ULIMO qu’il n’était pas dans la mission qui a capturé le Lofa, réitérant également qu’il n’a pas tiré un seul coup de feu dans la capture de ces villes.

Faisant référence à des propos que le prévenu avait eu au cours de sa précédente audition, Me Werner lui a demandé si, pendant la guerre du Lofa, il mangeait, cuisinait et se relaxait 80 pourcents du temps. Alieu Kosiah a alors à nouveau déclaré que quand il est arrivé dans le Lofa, Voinjama, Zorzor, Foya et Kolahun avaient déjà été capturées. Il a ajouté que quand il est arrivé, la seule ligne de front qui persistait se situait entre Zorzor et la St-Paul River, et qu’il n’y avait donc pas grand-chose à faire pour ceux qui étaient à Foya ou Voinjama.

Continuant de répondre aux questions de Me Werner, Alieu Kosiah a déclaré qu’il rejoignait sa petite amie à Bolahun à chaque fois qu’il avait le temps. A la question de savoir avec quel argent il y allait, il a expliqué que les ULIMO ne collectaient pas de taxe de douane, et qu’ils n’avaient donc pas de revenus. Ainsi, il a affirmé que les ULIMO demandaient un peu d’argent aux civils qui faisaient des affaires en avoir en vendant du café ou du cacao. Par ailleurs, à la question de savoir ce que les gardes du corps d’Alieu Kosiah appréciaient chez lui, ce dernier a rappelé que parmi toutes les parties plaignantes fabriquées par les avocats, aucune n’a pu mentionner le nom de ses gardes du corps. Il a ensuite répondu à la question en disant que ses hommes lui était fidèle car il n’a jamais abandonné personne sur le front. Il a ajouté que soit ils revenaient tous, ou soit ils mourraient tou

Questionné à propos de la pénurie de riz qu’il y a eu et de la manière dont les ULIMO ont réussi à s’alimenter, Alieu Kosiah a expliqué qu’il y avait toujours quelque chose à manger, comme le manioc, et qu’ils pouvaient également attraper des poissons, mais que cela était toutefois une période difficile. Il a ajouté que, malgré tout, Pepper & Salt a toujours fourni de la nourriture pour « les gars ».

D’après Alieu Kosiah, il est victime d’un complot et d’une conspiration motivé par le lieu où il habite. Il prétend que Me Werner aurait engagé Hassan Bility pour trouver quelque chose sur lui, car il habite en Suisse. Me Werner lui a ensuite demandé pour quel motifs les plaignants fabriqueraient des preuves, l’accusé n’a pas répondu, si ce n’est de dire à Me Werner d’aller demandent directement aux parties plaignantes. Par la suite, il a toutefois illustré ses propos en disant que quand l’on voit un criminel et qu’on lui demande s’il a volé, il ne va pas dire qu’il a volé quelque chose, et va seulement l’admettre s’il est pris. Il a poursuivi en affirmant que Me Werner essayait seulement de se protéger pour des procédures futures. M. Kosiah a ajouté qu’il ne fallait pas qu’il [Me Werner] s’inquiète, parce que les procédures allaient arriver bientôt. Il a conclu en disant à Me Werner qu’il fallait qu’il garde sa défense, lui garantissant ainsi qu’il aura bien besoin de se défendre dans les procédures à venir.

Concernant les demandes d’indemnités de plusieurs milliers de dollars adressées au Tribunal par les témoins amenés par la défense, Alieu Kosiah a indiqué qu’il les jugeait abusives. Il a précisé qu’il n’avait jamais rencontré ces personnes.

Interrogé au sujet de la demande d’asile adressée au procureur de la partie plaignante JMK, M. Kosiah a expliqué qu’il comprenait JMK, et qu’il préférait que quelqu’un dise au procureur vraiment ce qu’il ressent plutôt que quelqu’un qui ment devant les autorités.

Questionné sur le fait qu’un témoin de la défense ne soit finalement pas venu du Liberia pour être interrogé pendant la phase d’instruction, le prévenu a affirmé que ce témoin avait en fait l’intention de fuir dès son arrivée en Suisse et ne pas témoigner. Et c’est pourquoi quand il a compris qu’il devait venir avec un autre témoin qui avait besoin d’aide car il était aveugle il a décidé de ne pas venir.

Interrogé à propos de la déclaration du procureur fédéral, affirmant que ce qu’il [Alieu Kosiah] a toujours accusé les parties civiles de faire, soit de venir pour un autre motif que dire la vérité, ce sont en réalité les témoins de la défense qui le font ; le prévenu a déclaré que chacun a son opinion, mais que la vérité, elle, est unique.

Poursuivant ses réponses à Me Werner, M. Kosiah a déclaré que ses subordonnés l’appelaient « Chief Kosh » et que ses supérieurs l’appelaient « Kosh ». À propos de la perception des Mandingos au Libéria, Alieu Kosiah a repris les propos de Massa Washington, une « grande amie » de Me Werner, qui disait selon lui que les Mandingos étaient des Amishs qui ne se mariaient qu’entre eux et qui venaient de Guinée, et donc n’étaient pas des vrais Libériens. Concernant sa perception de la situation au Liberia, M. Kosiah a en effet affirmé que sa perception, qui est celle des années 1990, est bien différente de celle d’aujourd’hui, les choses ayant beaucoup changé.

Interrogé ensuite à propos de l’éventualité, comme l’affirme la partie plaignante KK, que la personne connue sous l’acronyme DU ne soit pas la même que celle qui est venue à Berne témoigner ; Alieu Kosiah a d’abord corrigé l’orthographe du prénom de cette personne, et a ensuite précisé que son surnom était DUC et non DU. Il a enfin déclaré : « Ils ne savent même pas prononcer son nom, comment peuvent-ils le connaître ? ».

Au sujet des « town chiefs » ou chefs de village, Alieu Kosiah a déclaré que dans le système traditionnel il y avait toujours un remplaçant en cas d’absence du chef. Il a ensuite ajouté qu’il ne savait pas si Fine Boy était le S2 à Foya, expliquant qu’il n’avait jamais eu de contact avec lui pendant la guerre.

Interrogé à propos de sa connaissance d’un certain K. de Foya, dont JTC a parlé la semaine dernière, M. Kosiah a répondu qu’il ne le connaissait pas, et que JTC n’a même pas pu reconnaître Fanboy alors qu’il en a parlé une centaine de fois.

Sur le pillage de la Borma Mission, le prévenu a dit qu’il en avait seulement entendu parler après son arrestation en Suisse.

Avant de poser sa question, Me Werner a souhaité rappeler à Alieu Kosiah les propos qu’il avait tenu à l’égard de Jungle Jabbah, soit qu’il le considérait comme un meilleur musulman que lui, qui ne fumait pas de marijuana, qui ne buvait pas, et qui priait cinq fois par jour. Me Werner a ensuite expliqué à M. Kosiah que Jungle Jabbah avait écopé d’une peine de 30 ans de prisons pour des crimes d’immigration liés à la guerre (notamment meurtres, viols, torture, cannibalisme et esclavage), avant de demander au prévenu s’il pensait toujours que Jungle Jabbah était un honnête homme. Ce dernier a alors répondu que la réponse était dans la question, et a affirmé que Me Werner était un manipulateur.

Me Werner a ensuite soumis au prévenu une retranscription téléphonique entre M. Kunti Kamara et une autre personne. Cette retranscription fait état du fait que M. Kamara veut libérer Alieu Kosiah de prison. Le prévenu a répondu qu’il n’en faisait pas la même lecture de cette retranscription que Me Werner. Selon M. Kosiah, cette retranscription indique que M. Kamara a essayé de fuir car il [Alieu Kosiah] a été arrêté. Il a ajouté que Me Werner n’avait qu’à poser ces questions à M. Kamara directement quand il aura l’occasion de l’entendre et de lui parler. Il a conclu en disant à Me Werner que, puisqu’il aime tant le document au sujet de la conversation téléphonique, il devrait aimer tout autant le document contenant les déclarations de LSM dans la procédure française.

Questionné une nouvelle fois sur le meurtre de sept civils à Zorzor, le prévenu a affirmé qu’il n’était pas présent au moment des faits, et qu’il ne savait pas en quelle langue il devait s’exprimer pour que cela soit compris. Il a ensuite relevé certaines incohérences selon lui des déclarations des parties plaignantes, avant d’ajouter que Me Werner fait venir des menteurs et qu’il n’accepte pas la vérité. Par la suite, M. Kosiah a réitéré à plusieurs reprises que les parties plaignantes mentent.

A la question de savoir ce que M. Kosiah ressentait quand il était en train de tuer un civil qui n’avait rien fait durant la guerre, comme demandé par la partie plaignante KK ; Alieu Kosiah a déclaré qu’il y avait une confusion. Le prévenu a ensuite expliqué que pour accuser quelqu’un de crime contre l’humanité, il faut qu’il y ait une tombe et un corps, et que là, tout se basait sur des ouï-dire. Il a conclu en affirmant qu’il fallait être sûr de la crédibilité de la personne qui parle, et que ce n’était pas le cas ici.

Les questions sont adressées par Me Wavre

En réponses aux questions de Me Wavre, Alieu Kosiah a affirmé qu’il n’était pas présent au moment des transports évoqués par KK et AS, mais que cela faisait du sens si les LURD étaient concernés par les transports forcés, car ils venaient depuis la Guinée en direction de Bomi, contrairement aux ULIMO qui venaient en sens opposé. Il a ensuite expliqué qu’il aurait choisi un autre itinéraire s’il avait été présent, pour éviter de faire un grand détour pour rien. Il a toutefois déclaré qu’il est possible que ces transports aient eu lieu quand il n’était pas là, et a ajouté que les trois parties plaignantes qui l’accusaient n’avaient pas dit que quelqu’un était mort durant ces transports.

Interrogé sur la raison pour laquelle il ne connaissait pas une ligne d’approvisionnement en munitions durant la guerre (ligne sur laquelle les transports forcés sont supposés avoir eu lieu), lui qui avait déclaré précédemment pouvoir dire tout ce qu’il y avait à savoir sur les ULIMO. Il a déclaré ne pas pouvoir répondre à cette question, expliquant qu’il ne la comprenait pas, car cela n’avait aucun sens militairement. Il a toutefois ajouté que ces transports forcés ont peut-être eu lieu, mais qu’il n’en n’avait aucune idée.

Soumis au rapport de la TRC, et notamment au fait que son nom figure dans une liste où apparaissent les noms de tous les principaux dirigeants politiques et financiers des différentes factions belligérantes et des groupes armés, identifiés par la TRC pour leur responsabilité en ce qui concerne la violation des droits humains, des lois internationales et du droit interne ; le prévenu a expliqué que Me Wavre ne semblait pas comprendre que, lorsque nous sommes soupçonnés de quelque chose, cela ne signifie pas que nous l’avons fait, ajoutant qu’il fallait des preuves au-delà de tout doute raisonnable pour que le Tribunal prenne sa décision.

Les questions sont adressées par Me Laghzaoui

Répondant aux questions, Alieu Kosiah a confirmé à 100 pourcents que Kakata a été capturée par les ULIMO pendant la guerre.

Me Laghzaoui a ensuite interrogé le prévenu sur ce qu’il faisait entre ses 10 et 15 ans à Kakata, ce à quoi M. Kosiah a répondu que pendant les vacances scolaires, il allait voir son oncle qui habitant là-bas.

Les questions sont adressées par Maître Jakob

Me Jakob a ensuite interrogé le prévenu sur ses déclarations de la matinée, disant qu’il avait spécifiquement demandé à Monsieur D., qu’il aurait rencontré de nombreuses fois en prison, de ne pas entrer en contact avec les témoins. Alieu Kosiah a à nouveau affirmé qu’il n’avait jamais demandé à Monsieur D. d’entrer en contact avec des témoins, et que Monsieur D. et son avocat se coordonnaient directement entre eux pour savoir comment contacter les témoins.

A la question de savoir s’il avait malgré tout demandé à Monsieur D. de contacter son frère pour que celui-ci prenne contact avec Fine Boy, Alieu Kosiah a répondu par l’affirmative, en expliquant que Fan Boy était un témoin clé, pouvait écarter l’accusation de LSM, selon laquelle Fan Boy aurait empêché le prévenu de le tuer. Il a précisé que LSM aurait dû trouver ce témoin, mais comme il ne l’a pas fait et qu’il [M. Kosiah] n’a rien à se reprocher, il l’a fait lui-même. Il a ensuite précisé être passé par son avocat, par l’intermédiaire de M. D. pour atteindre un autre témoin, JMK, puis à travers JMK, atteindre les deux victimes MK et MK.

A la question de savoir si, pendant les 26 fois où le prévenu a vu Monsieur D. sans supervision, il a mis Monsieur D. en contact avec d’autres personnes que son frère, Kosiah conteste avoir vu 26 fois en prison et sans supervision Monsieur D., expliquant que cela est techniquement impossible, le nombre de visites étant limitées et la période où il a vu ce Monsieur était courte.  

À la question du juge de savoir s’il avait accès à un téléphone, le prévenu a répondu négativement, précisant qu’il était le mieux discipliné de la prison. Me Jakob a demandé de confirmer plusieurs déclarations faites devant le Ministère public de la Confédération en 2015, par un témoin de la défense., ainsi que par le prévenu lui-même. Après avoir affirmé que Me Jakob essaie de compliquer des choses très simples, Alieu Kosiah a à nouveau expliqué comment est-ce que JMK, puis les deux victimes MK et MK avaient été trouvés. De fait, M. Kosiah a confirmé ne pas le connaitre. Me Jakob a ensuite demandé comment Alieu Kosiah avait réussi à remonter jusqu’à Fanboy pour qu’il vienne témoigner sachant qu’il ne le connaissait pas. Alieu Kosiah a répondu que son avocat contactait ses frères et que, grâce à la communauté mandingo, son frère avait réussi à le retrouver.

Me Jakob a ensuite demandé si le prévenu connaissait MS, accusé par la partie plaignante LSM d’être co-auteur de l’agression qu’il a subie. M. Kosiah a alors répondu que le seul M. qu’il connaît habite à Genève, et qu’il était venu témoigner dans la procédure. Il a ensuite soulevé une incohérence dans le témoignage de LSM, notamment le fait que plusieurs personnes décrivent différentes versions des faits que LSM.

Me Jakob a ensuite repris les déclarations du témoin enfant-soldat. Selon celles-ci, les ULIMO pratiquaient activement le « tabé », torturaient les civils et les forçaient à participer aux transports. Elles faisaient également état du fait qu’Alieu Kosiah était le H&H dans le Lofa. Alors interrogé sur l’éventualité que l’enfant-soldat change son témoignage à son arrivée en Suisse, le prévenu a répondu par la négative, ajoutant que les informations mentionnées prêtent à confusion. M. Kosiah a également que de manière générale, les déclarations de l’enfant-soldat contredisaient celles des parties plaignantes. Il a ensuite ajouté qu’il était arrivé dans le Lofa avant la scission des ULIMO mais que beaucoup de villes avaient déjà été capturées, exactement comme l’a dit l’enfant-soldat dans son précédent témoignage. Il a ensuite demandé à Me Jakob de citer l’intégralité du paragraphe la prochaine fois qu’il cite des propos de parties plaignantes, et qu’il ne choisisse pas.

Me Jakob a ensuite demandé au prévenu pourquoi, alors qu’il était un des combattants les plus expérimentés sur place, il n’a pas participé à la capture de Foya, et a plutôt envoyé certains de ses propres « boys ». Il a ajouté qu’il ne s’est rendu à Foya seulement deux ou trois mois après la capture, étant à Voinjama au moment de la prise de Foya.

À une question de Me Jakob, le prévenu a répondu qu’en tant que commandant ULIMO et même en tant que « floating officer », rien ni quiconque ne l’empêchait de se déplacer à Foya, excepté si Pepper & Salt ou le général Dumbaya lui confiaient une mission précise.

Concernant les déclarations de plusieurs parties plaignantes selon lesquelles les NPFL et les RUF étaient tapis dans la brousse autour de Foya et représentaient donc un risque constant pour les ULIMO, Alieu Kosiah a déclaré qu’il fallait d’abord relire les déclarations de l’enfant-soldat, celles-ci démontrant qu’ils sont arrivés quand Foya était calme, et que les combats se déroulaient entre Zorzor et le pont. Il a ajouté que, de son expérience, les RUF et les ULIMO ne se sont jamais attaqués mutuellement.

Toujours à propos de la ville de Foya, Alieu Kosiah a indiqué n’être jamais allé au marché de la ville, mais qu’il lui est arrivé de le traverser. Il a ajouté qu’il allait toujours en moto Yamaha rouge au plus grand marché du Lofa, soit à Massabolahun, car il avait une petite amie à Bolahun. A propos du puits près de la place du marché de Foya, le prévenu a indiqué ne pas en avoir connaissance, mais que quelqu’un lui avait dit que ce puits avait été fermé et qu’il y avait une pompe.

Après que Me Jakob lui ait soumis une photo, le prévenu a déclaré qu’il reconnaissait la maison de Dekou, à Foya. Sur question Alieu Kosiah a confirmé être ami avec Dekou, celui-ci étant son jeune oncle, et qu’ils se connaissent depuis que le prévenu est tout petit. Sur question, il a affirmé avoir parlé avec lui de combats et de tactiques.

Interrogé sur la raison pour laquelle il n’a jamais mentionné dans toutes ses précédentes auditions qu’il faisait partie de la Jungle Fire Platoon, M. Kosiah a d’abord expliqué que c’était l’Opération Jungle Fire et non Jungle Fire Platoon. Il a ensuite dit qu’il était resté un mois dans cette « platoon », étant tombé malade, et qu’il a ensuite rejoint Zebra. Il a précisé que cela n’avait rien à voir avec la capture du Lofa.

Concernant le tribunal qui aurait été monté par les ULIMO pour juger des actes de pillage et de vengeance, y compris le meurtre de civils innocents par Apollo Jay Swen, combattant membre de la Jungle Fire Platoon, le prévenu a demandé s’il pouvait être éclairé au sujet du moment où cela s’est passé, et dans quelle partie du Liberia cela se serait passé. Après avoir obtenu la réponse de la part de Me Jakob, M. Kosiah a expliqué que c’était une histoire fausse, premièrement parce que la Jungle Fire Platoon n’a jamais existé dans le Lofa, et deuxièmement parce que le tribunal auquel Me Jakob fait référence est un tribunal qui a été monté à Macenta.

Interrogé à propos de ses déclarations contradictoires au sujet de sa connaissance du nom Appolus Swain, le prévenu a expliqué que Appolus Swain devrait plutôt être connecté avec les NPFL et non avec les ULIMO, contrairement à ce qu’il a déclaré devant les autorités norvégiennes. Il a toutefois ajouté qu’il pouvait se tromper.

Me Jakob lui a ensuite demandé s’il lui était arrivé de donner des fausses informations pour décrédibiliser les parties plaignantes. Alieu Kosiah lui a alors répondu qu’il vivait dans une réalité alternative, évoquant le chef d’accusation de crimes contre l’humanité qui n’a pas été retenu à son encontre. L’accusé a indiqué être jugé au même titre qu’Hitler ou Staline, sur la base de mensonges, et que la partie plaignante qui est le mandant de Me Jakob est un menteur. Me Jakob a demandé pour quelles raisons son mandant mentirait, ce à quoi Alieu Kosiah a répondu que c’est à Me Jakob de plaider la crédibilité de son client, et que ce sera ensuite aux juges de décider.

Me Jakob a ensuite confronté M. Kosiah au témoignage public de Monsieur Jimmy Saah devant la TRC, racontant notamment que lorsqu’il a refusé de prendre part au second transport, les membres de sa famille ont été brûlés vifs dans leur maison, qu’il a été sauvagement frappé et émasculé, et qu’Ugly Boy terrorisait la population Kissi avec sa hache et se livrait à des actes de cannibalisme visant des personnes ayant la peau claire. Il a demandé au prévenu si ce récit relève également de fabrications et de mensonges, ce à quoi il a répondu qu’il était là question d’Ugly Boy, et qu’il ne voyait donc pas pourquoi il en était question dans cette procédure. Il a ensuite expliqué que si l’on admettait que tout cela soit vrai, il ne comprenait alors pas pourquoi, puisqu’il est le commandant hiérarchiquement le plus élevé et si les déclarations des parties plaignantes sont exactes et qu’il a commis les choses dont il est accusé, son nom ne figure pas dans ce témoignage. 

Par ailleurs, Me Jakob lui a demandé s’il maintenait que le pire crime commis par les ULIMO était le meurtre de six ou sept prisonniers NPFL. Le prévenu a répondu affirmativement, précisant qu’il se basait seulement sur les choses dont il a été mis au courant, et non sur toutes les choses qui auraient pu se dérouler. Il a ensuite voulu préciser que la bataille opposant les ULIMO au général Faya lors de la capture de Foya, le général Faya a pris la fuite et beaucoup de civils ont alors pris la fuite, ayant pris peur des combats, mais qu’un grand nombre d’entre eux sont morts en traversant la rivière.

Enfin, à la question de savoir pourquoi il a tué ses anciens camarades krahns, comme cela a été demandé par la partie plaignante LSM ; Alieu Kosiah a déclaré que cela était marrant car LSM ne l’avait pas visé quand il a été interrogé en France, et qu’il avait visé les ULIMO-K. Il a ensuite émis l’hypothèse que lors de ses déclarations, LSM avait trop bu ou qu’il était fatigué, prétendant que ses propos ne lui ont pas été traduits après. Il a conclu en demandant ce que cela laissait penser de sa crédibilité.

Les questions sont adressées par la Cour

Le juge a ensuite demandé au prévenu si, après la première semaine d’audition, il reconnaissait aujourd’hui un des 25 chefs d’accusation. Alieu Kosiah a répondu qu’il ne reconnaissait aucun fait qui lui était reproché, ajoutant que s’il avait capturé Zorzor ou Foya, alors peut-être qu’il mentirait, mais que vu que cela n’est pas le cas, il se demande comment est-ce qu’il pourrait être accusé.

La défense a ensuite posé ses questions complémentaires au prévenu.

Me Gianoli a demandé s’il pouvait y avoir deux Alieu Kosiah dans le groupe ULIMO, comme Massa Washington l’indiquait dans son audition, ce à quoi le prévenu a répondu par la négative. Me Gianoli a ensuite demandé au prévenu comment il se positionnait face à l’affirmation de Massa Washington disant que les Mandingos venaient de Guinée. M. Kosiah a répondu en expliquant qu’elle essayait d’inventer une histoire et que dès-lors, la vérité était morte, ajoutant que Massa Washington aurait dû être objective parce qu’elle est membre de la TRC.

Me Gianoli est revenu sur chacune des auditions en demandant au prévenu s’il avait des commentaires. Ainsi, à propos de la partie plaignante LSM, Alieu Kosiah a mentionné notamment la distinction que ce dernier avait faite des ULIMO-K et des ULIMO. Il a ajouté qu’il était nécessaire de demander aux soldats ULIMO leur version des faits, notamment pour comprendre qu’il n’a jamais été l’adjoint de Pepper & Salt, contrairement à ce qu’affirment les parties plaignantes JTC et LSM. A propos de la partie plaignante JTC, le prévenu a soulevé son erreur en mentionnant que Senssi Bebe était son garde du corps, et a ajouté que William Saah a délibérément communiqué de fausses informations pour protéger les personnes qui ont pris contact avec l’ONG.

A propos de la partie plaignante KK, M. Kosiah a mentionné des incohérences qu’il y avait selon lui, et a corrigé le lieu d’origine de MK, auquel KK fait référence dans ses auditions, ajoutant qu’il s’appuyait sur une preuve au-delà de tout doute raisonnable. A propos de la partie plaignante AS, Alieu Kosiah a indiqué qu’il n’avait pas deux noms comme AS l’avait lui-même indiqué lors de son audition, expliquant ainsi que ses propos sont mensongers. Il a ajouté qu’AS pouvait faire croire cette histoire qux juges s’il le souhaitait mais pas à lui.  A propos de la partie plaignante EBJ, le prévenu a mis en doute son témoignage, expliquant que le plaignant n’avait pas reconnu les noms qui lui avaient été soumis, dont celui de Pepper & Salt, ajoutant que cela était très étrange que quelqu’un qui vivait à Voinjama entre 1993 et 1995 ne connaisse pas Pepper & Salt.

Interrogé à propos de la dernière fois où il a vu Jungle Jabbah physiquement, M. Kosiah a répondu que c’était en prison. Il a ajouté qu’il n’est pas en bons termes avec lui, mais que ce n’était pas pour autant qu’il devait ternir sa réputation, ajoutant que c’est lui qui l’a mis en « tabé », et qu’il en garde encore des marques aujourd’hui. Il a toutefois affirmé qu’il ne buvait pas, ne fumait pas, et qu’il faisait sa prière tous les jours, ce qui faisait de lui une bonne personne.

S’agissant du chef d’accusation de Jungle Jabbah, Alieu Kosiah a déclaré qu’il avait été condamné pour violation des droits de l’immigration, ajoutant qu’il a menti au FBI. Il a complété ses propos en disant qu’il a fait la même chose que les « gens autour de Trump », mais qu’aucun des deux n’a été en prison pour cela.

Répondant aux questions de son avocat, le prévenu a soulevé une contradiction selon lui entre le témoignage de LSM et les déclarations de Hassan Billity quant aux menaces et attaques que LSM avait prétendument reçues au Libéria.

Les questions sont adressées par Me Werner

Sur question, Alieu Kosiah a affirmé ne pas connaître le Lutheran Training Institute.

Interrogé sur la temporalité de l’épisode à Foya où Dekou a tiré sur Ugly Boy et Mami Wata, le prévenu a déclaré ne pas pouvoir situer de repère temporel par rapport aux évènements dont il a parlé.

Me Werner a ensuite demandé si, à sa connaissance, Ugly Boy est revenu à Foya après sa mutation à Zorzor en raison des tueries qui avaient eu lieu. M. Kosiah a répondu qu’Ugly Boy était à Zorzor quand il est arrivé. Il a ensuite raconté que ce dernier avait une petite amie, et qu’après une dispute entre Ugly Boy et sa petite amie, le prévenu a dit à Ugly Boy qu’il ne voulait plus le voir. Il a ajouté que deux ou trois mois plus tard, il avait encore commis un crime en Guinée : il aurait tué un jeune chauffeur de taxi mandingo, suite à quoi il a été arrêté. Il a conclu en déclarant que certains disaient qu’Ugly Boy avait été tué par des Guinéens.

Avant que le juge ne clôture l’audition, le prévenu a tenu à donner du contexte avant l’audition des deux victimes MK et MK. Il a de fait ajouté que, selon lui, le témoin AKB appelé à témoigner en Suisse dans ce procès n’était pas la bonne personne.