Jour 15 – Audition d’une personne appelée à donner des renseignements et de deux témoins
25.02.2021
Pour cette dixième journée du 25 février 2021, le Tribunal procède aux auditions de Kunti Kamara, personne appelée à donner des renseignements, de JMK, plaignant et de MK
Audition de Kunti Kamara
Le Tribunal a commencé par questionner Kunti Kamara en visioconférence depuis le parquet anti-terroriste de Paris. Il lui a d’abord demandé quelle était la nature de sa relation au prévenu. M. Kamara a répondu qu’il le connaissait très bien et qu’il avait formé un groupe armé pour défendre les droits des Mandingos avec Alieu Kosiah, étant tous deux mandingos et leur ethnie ayant été attaquée. Il a ensuite affirmé avoir très bien reconnu, dans la salle d’audience, Alieu Kosiah et ne pas reconnaître le nom des parties plaignantes.
Poursuivant ses réponses, M. Kamara a affirmé que Kunti Kamara était son vrai nom. A la question de savoir pourquoi certaines personnes l’appellent Mohamed Soumawolo, Kunti Kamara a répondu que c’était la première fois qu’il entendait ce nom, et a souhaité savoir qui est-ce qui a utilisé ce nom. Il a ajouté que dans sa culture, les noms Kamara, Soumawolo, Kanté et Kunyaté étaient considérés comme étant le même nom de famille.
Au sujet de sa présence au Liberia lors de la première guerre civile, soit entre 1989 et 1996, Kunti Kamara a indiqué qu’il n’était pas resté pendant toute la guerre au Liberia. Il a affirmé avoir participé seulement à la première guerre civile avec les ULIMO, et non à « l’autre guerre ». Il a poursuivi en expliquant que durant la première guerre les membres des ULIMO se sont enfuis avant de se regrouper pour combattre le criminel Charles Taylor ; et a précisé que lui s’est enfui en Guinée. Il a également expliqué qu’il était au Liberia, en 1989, quand sa ville, Kahnple a été attaquée, et qu’il a perdu sept membres de sa famille lors de cette attaque. Il a conclu en affirmant qu’il a participé à la première guerre civile au Liberia au sein des ULIMO. Etayant ses propos, M. Kamara a indiqué être entré en service dans le comté de Cape Mount en 1992, et être resté ULIMO jusqu’à ce que les ULIMO soient démantelés, en 1997.
En ce qui concerne sa fonction et son grade au sein des ULIMO, Kunti Kamara a expliqué qu’il a été promu en 1995 au titre de colonel (« battle front commander »), après avoir attaqué Charles Taylor à Gbanga. Avant d’être colonel, M. Kamara a indiqué avoir été « frontline commander », bien que certaines personnes l’appelaient parfois « battle front commander ». Il a ensuite ajouté que ses soldats l’appelaient CO Kunti et que cela voulait dire commandant en chef.
À la question de savoir à quelle région il était affecté quand il était chez les ULIMO, M. Kamara a répondu avoir combattu au Comté du Lofa, à Bomi, à Cape Mount, et principalement sur la ligne de front. Il a précisé qu’après son entraînement, il est parti pour Bomi, puis être parti dans le Lofa en 1992 et avoir capturé le Lofa en 1993 ou 1994.
A propos de la tenue vestimentaire qu’il portait durant la première guerre civile, Kunti Kamara a expliqué qu’il portait une tenue de camouflage et qu’il utilisait l’arme « LAR » ainsi qu’un pistolet qu’il avait pris aux rebelles de Charles Taylor ; mais qu’il n’utilisait pas de couteau. Il a ajouté que les ULIMO utilisaient une grande variété d’armes, telles que des AK, mais aussi des G3 et des LAR. Étayant ses propos, M. Kamara a expliqué qu’avant la capture de Gbanga en 1995, les ULIMO avaient seulement des AK, des LAR, ou des RPG ; et qu’après la capture de Gbanga, les ULIMO ont pris beaucoup d’armes aux rebelles de Charles Taylor, parce que ce dernier était, selon lui, un criminel qui détenait tous les biens au Liberia.
Il a ensuite expliqué avoir participé à la capture de Zorzor, Voinjama, Kolahun et Foya. Des rebelles venant de Sierra Leone basés à Foya attaquaient les ULIMO jusqu’à Zorzor, c’est pourquoi les ULIMO ont capturé Foya en 1993 pendant la saison sèche.
Revenant sur la tenue vestimentaire des ULIMO, M. Kamara a indiqué que la plupart des soldats ULIMO portaient une tenue de camouflage, car ils avaient pris beaucoup de tenues de camouflage aux soldats de la RUF et aux rebelles de Charles Taylor, et que certains, une minorité, portaient des tenues civiles.
Le Tribunal lui a ensuite demandé si les ULIMO utilisaient des enfants-soldats, ce à quoi Kunti Kamara a répondu par la négative, en précisant que lui n’avait utilisé aucun enfant soldat. À propos de l’atmosphère à Foya, M. Kamara a déclaré qu’Alieu Kosiah a pris la ville et qu’il commandait les troupes avec Dekou. Deux semaines après la capture, quand M. Kosiah est parti, Pepper & Salt l’a remplacé. Kunti Kamara a ensuite précisé que quand le prévenu est parti, il n’a pas pris la route principale mais a fait un détour pour aller à Voinjama, et c’est à ce moment-là qu’il a rejoint Pepper & Salt. Kunti Kamara a ajouté que pendant tout ce temps, les ULIMO repoussaient les rebelles jusqu’à la frontière. Quant aux lieux où il a été affecté, Kunti Kamara a expliqué qu’une fois que la situation avec les rebelles du Sierra Leone calmée, il a été affecté vers le pont entre le comté du Lofa et le Comté de Bong, en direction de Gbarnga.
Au sujet de la capture de Foya, M. Kamara a déclaré que les ULIMO l’ont capturée en une seule fois, qu’il était présent, et que le commandant Dekou, accompagné des commandants Kosiah et Sky Face Kabbar, a assumé la conduite de la capture de Foya. Des commandants de peloton comme Blacky étaient également présents. Kunti Kamara a ensuite précisé que le prévenu était alors lieutenant et que Dekou et Sky Face étaient capitaines. Il a ajouté que Dekou était le chef pour l’ensemble du district, et qu’à la capture de Foya, les ULIMO ont capturé 160 rebelles NPFL et qu’ils leur ont rendu la liberté. Il a précisé qu’au moment où le général Fayah (responsable des forces de Charles Taylor a fui pour la Sierra Leone, beaucoup des rebelles NPFL de la même ethnie que le général se sont rendus. Kunti Kamara a enfin indiqué qu’il n’avait jamais vu de soldat ULIMO commettre des crimes contre les civils, ces soldats étant musulmans ce n’était pas leur caractère de commettre de tels actes.
À propos des pillages, des transports de marchandises forcés, des viols, de la pratique du « tabé », des actes de cannibalisme, du « Black Monday », ou du « Black Friday », M. Kamara a déclaré qu’il n’en avait jamais entendu parler. Il a précisé qu’il avait seulement entendu parler de viols commis par des NPFL, ajoutant également que cela était une caractéristique des rebelles de Charles Taylor, tout comme la pratique « tabé », et non des ULIMO, et que beaucoup de femmes ont fui les territoires sous contrôle de Charles Taylor à cause des viols. Au sujet du « Black Friday », il a affirmé que tout cela s’était passé à l’époque de Charles Taylor.
Répondant aux questions du Tribunal, Kunti Kamara a indiqué qu’il avait rencontré Alieu Kosiah en 1992 entre Monrovia et Bomi, à Klay, lors de son affectation au bataillon Zebra. Il a expliqué que tout le monde parlait de lui en bien, et a précisé que le prévenu et lui n’étaient pas amis. Il a ensuite expliqué n’avoir jamais été sous les ordres de M. Kosiah, mais avoir été sous les ordres de CO Dekou, et qu’il avait un autre commandant nommé Iron Red. Alieu Kosiah était par ailleurs supérieur à lui. Kunti Kamara a également précisé qu’à Foya, il était sous les ordres de Dekou, qui était alors capitaine ; et qu’ensuite, quand il a été affecté au pont, il était sous les ordres de Pepper & Salt. Quant à M. Kosiah, il était sous les ordres de Dekou jusqu’à ce qu’il (le prévenu) parte après la capture de Foya.
Au sujet du prévenu, M. Kunti a précisé que certaines personnes l’appelaient Physical Cash et qu’il portait une tenue de camouflage américaine parce que c’était un combattant tout comme lui. A propos des armes que M. Kosiah a utilisées, Kunti Kamara a expliqué qu’il ne s’en souvenait pas très bien car il n’était pas souvent avec lui, mais qu’il ne l’avais jamais vu avec un couteau, et qu’il était très probable que le prévenu aie utilisé plusieurs armes différentes. Concernant le comportement du prévenu à l’égard des civils, il a expliqué qu’après la capture de Foya, beaucoup de Mandingos de Guinée sont venus sur leur territoire, à Voinjama, et que, la plupart du temps, Alieu Kosiah passait du temps avec les civils. Kunti Kamara a poursuivi en expliquant que les relations du prévenu avec les civils étaient bonnes, qu’il se rendait parfois en Guinée pour y passer du temps, et qu’il n’avait jamais entendu dire que le prévenu avait organisé des transports forcés de marchandises par des civils, les ULIMO ayant des véhicules pour effectuer ce genre de transports et se rendre en Guinée, ou abusé sexuellement des civils.
Face aux questions du juge, M. Kunti a déclaré ne pas connaître le plaignant LSM. Au sujet de la plainte pénale déposée par LSM contre Alieu Kosiah pour avoir ordonné que sept civils, dont LSM, soient traînés par terre en « tabé » à Foya, en juillet 1993, et également pour le meurtre de six de ces sept civils ; M. Kamara a expliqué qu’il ne savait rien des mauvais traitements et des meurtres de sept civils à Foya, n’étant pas présent lors de cet évènement. Il a ensuite affirmé ne pas avoir été présent lors du coup de couteau infligé à la partie plaignante LSM.
Concernant la déclaration du plaignant selon lesquelles Alieu Kosiah et lui (M. Kamara) souhaitaient le tuer mais qu’un soldat nommé Fanboy l’avait sauvé, Kunti Kamara a réitéré sa méconnaissance des faits, et a toutefois indiqué connaître Fanboy. Il a expliqué que ce dernier était commandant S2 chargé de la communication entre les soldats et les civils. Il a ajouté qu’il disait se dont il se souvenait, n’ayant pas passé beaucoup de temps dans la ville de Foya et étant basé à la frontière avec la Sierra Leone.
Face aux déclarations du même LSM, selon lesquelles il était présent au moment des faits, il a déclaré n’avoir aucune explication, ajoutant que ces témoins étaient de la même ethnie et de la même ethnie que le général Fayah, soit kissi, et qu’ils fabriquaient des faits entre eux, sous-entendant également que les Mandingos ne fabriquaient pas de preuves et ne mentaient pas. Il a ajouté que beaucoup d’entre eux ont combattu pour Charles Taylor, et que, de ce fait, il ne fallait pas être surpris d’où viennent les fausses informations que les parties plaignantes relayent.
M. Kamara a déclaré au Tribunal ne pas connaître DN et ne pas avoir d’explication quant au meurtre et à la profanation du cadavre de DN à Foya, et ne rien savoir à ce propos. Il a précisé que c’est la première fois qu’il est accusé d’avoir participé au meurtre de cet homme et d’avoir participé au repas consistant à manger son cœur et a réitéré sa méconnaissance des faits qui lui sont présentés. Il a ajouté connaître Ugly Boy, en précisant que c’était un soldat ULIMO appartenant à la police militaire mais qu’il ne l’avait vu que deux fois, une fois à Voinjama et une fois à Foya, et qu’il avait entendu dire qu’il était là quand il était à Gbanga mais qu’il ne l’a pas pu le distinguer parmi les nombreux soldats ULIMO présents à ce moment-là.
Poursuivant ses réponses au Tribunal, M. Kamara a indiqué ne pas savoir si Foya était approvisionnée en électricité avant la première guerre civile, ajoutant ainsi qu’il n’était pas à Foya avant la guerre et qu’il ne connait pas Foya. Il a également indiqué ne pas savoir s’il y avait une centrale électrique à Foya et n’a pas fourni d’explication quant au pillage de la centrale électrique de Foya.
Kunti Kamara a expliqué qu’il avait gardé contact avec le prévenu après la guerre et qu’Alieu Kosiah était venu lui rendre visite à Amsterdam avant qu’il reparte pour la Suisse. C’est là la dernière fois qu’il a vu le prévenu. À la question de savoir s’il avait accepté cet interrogatoire aujourd’hui pour aider le prévenu, il a répondu qu’il était un homme libre, et que même si le Tribunal lui demandait de revenir le lendemain, il le ferait. Il a ajouté n’avoir aucun problème de santé, faire du sport à la prison et travailler. Il a précisé qu’Alieu Kosiah n’était pas présent pendant la capture de Zorzor.
Le Tribunal a ensuite demandé à Kunti Kamara si, à sa connaissance, Alieu Kosiah a été « Headquarter and Headquarter ». Ce dernier a répondu qu’à sa connaissance, M. Kosiah n’avait pas été « Headquarter and Headquarter », étant resté seulement deux semaines à Foya. Il a ajouté qu’en l’occurrence, la personne qui dirigeait le « Headquarter » à ce moment-là était Dekou.
Interrogé sur la signification de « Physical Cash », le témoin a indiqué que cela signifiait « argent liquide », et qu’il ne savait pas pourquoi il était appelé ainsi, tout comme il a déclaré ne pas savoir pourquoi « Pepper & Salt » s’appelait ainsi, précisant que cela était seulement son nom de combattant.
A propos de la participation d’Alieu Kosiah à la capture de Zorzor, M. Kamara a déclaré qu’il n’a pas participé à la capture, et qu’il est venu avec Pepper & Salt après la capture, en 1993 ou entre 1992 et 1993.
Les questions sont adressées par le Ministère public de la Confédération à Kunti Kamara
Le Ministère public de la Confédération a ensuite adressé quelques questions à M. Kunti. Il lui a soumis des noms, lui demandant de confirmer certaines identités. Il a alors indiqué que Mami Wata était un « platoon commander », qu’il était stationné à Foya quand la ville était capturée, mais qu’il ne pouvait pas parler de sa réputation n’ayant pas passé beaucoup de temps avec lui. Il a ajouté ne pas connaître d’homme d’affaires nommé « Kaké ».
Les questions sont adressées par Me Jakob à Kunti Kamara
M. Kamara a déclaré qu’il ne savait pas ce que le terme « benknife » signifiait, qu’il connaissait en revanche le terme « LAR », et qu’à sa connaissance, il était seulement possible de fixer un couteau sur un AK, et qu’il n’avait jamais vu un couteau fixé sur un AK ou un G3.
Les questions sont adressées par Me Gianoli à Kunti Kamara
Interrogé sur la raison pour laquelle Alieu Kosiah est reparti à Voinjama, M. Kamara a expliqué que Pepper & Salt, alors commandant de toute la région, avait appelé le prévenu en renfort, car Voinjama était attaquée par les RUF. Kunti Kamara a ajouté que l’offensive à Foya a été lancée en raison de la pression des RUF.
A la question de savoir à qui le S2 devait faire ses rapports et s’il devait aller à Tubmanburg pour faire ses rapports, M. Kamara a affirmé qu’il ne pouvait pas répondre à la question posée, expliquant ainsi qu’il y avait beaucoup de commandants à Foya et de commandants S2. Il a poursuivi en expliquant que le S2 était basé à Foya et qu’il était responsable de tout ce qui devait quitter Foya et passer la frontière, des douanes et également responsable des civils. Pour sa part, M. Kamara était « frontline commander ».
Sur question de Me Gianoli, Kunti Kamara a à nouveau expliqué que lorsque la mission du Lofa a commencé, M. Kosiah était basé à Klay, et qu’il est ensuite arrivé avec Pepper & Salt, lorsque Zorzor avait déjà été capturée. En ce qui concerne la capture de Todi, M. Kamara a indiqué ne rien pouvoir dire à ce propos, n’ayant jamais combattu là-bas.
Continuant ses réponses à Me Gianoli, M. Kamara a déclaré ne pas connaître Omaru Musa Kelleh. Interrogé à propos des déclarations de ce dernier selon lesquelles Alieu Kosiah était sous ses ordres à l’époque de la capture de Todi, Kunti Kamara a répondu qu’Alieu Kosiah était sous les ordres de Dekou, que les deux commandants importants à l’époque étaient Alieu Kosiah et Sky Face Kabbar, et que le responsable de la mission était Dekou.
A la question de savoir s’il connaît le témoin AT, Kunti Kamara a déclaré qu’il se souvenait du surnom que l’un des RTO d’Alieu Kosiah avait, mais qu’il ne se souvenait pas du prénom du témoin en question.
Me Jakob a ensuite demandé à Kunti Kamara de se déterminer quant aux déclarations d’un garde du corps d’Alieu Kosiah, selon lesquelles il (le garde du corps) a rencontré M. Kosiah lors de la prise de Todi, et qu’il a ensuite rejoint les ULIMO et qu’ils se sont rendus ensemble, avec le prévenu, au Lofa et que, quand ils sont venus, toutes les grandes villes du Lofa, y compris Foya, étaient capturées. Il a alors déclaré pouvoir seulement parler de ce qu’il savait, soit du fait qu’Alieu Kosiah n’était une personne cruelle et que, quand il est arrivé dans le Lofa, Zorzor avait déjà été capturée.
Il a ajouté ne pas savoir si les gardes du corps d’Alieu Kosiah étaient avec lui lors de la capture de Foya, et qu’il ne se souvient pas si l’enfant-soldat / garde du corps du prévenu était là au moment de la capture de Foya, même s’il se rappelle en effet du fait que la personne en question était un RTO de M. Kosiah.
Au sujet des déclarations de Lamine Kenneh, selon lesquelles quand il est arrivé au Lofa avec le prévenu, le Lofa était déjà complètement capturé, M. Kamara a affirmé ne pas connaître Lamine Kenneh et ne rien pouvoir dire à ce sujet. Kunti Kamara a en revanche réitéré le fait qu’Alieu Kosiah est arrivé seulement après la capture de Zorzor, et qu’ensuite, ils ont été ensemble capturer Voinjama puis Foya. Il a précisé qu’ils avaient laissé Pepper & Salt à Voinjama, et que ce dernier leur a donné l’ordre d’avancer sur Foya, les attaques des RUF ne cessant pas.
Concernant les déclarations de Fanboy, selon lesquelles Alieu Kosiah n’a pas participé à la capture du Lofa et est arrivé à Foya qu’en 1994, M. Kamara a dit qu’il ne pouvait pas se prononcer sur les déclarations de Fanboy, mais qu’il pouvait dire que Fanboy n’était pas vraiment un combattant qui allait sur la ligne de front, et que contrairement à Fanboy, lui était allé sur la ligne de front et pouvait relater ce qu’il avait vu.
Interrogé à propos de sa connaissance d’un certain Abraham Fessu Kromah, surnommé « Advisor », originaire de Kahnple et blessé durant la guerre, Kunti Kamara a expliqué qu’il y avait beaucoup d’« Advisor » au sein des ULIMO, mais qu’il connaissait l’homme en question, et a précisé que, lors de la capture de Foya, ce n’était pas un soldat actif, et qu’il est venu quand Foya avait déjà été capturée. Il a ajouté que cet homme était un « bon frère » et qu’ils étaient tous les deux nés à Kahnple. Kunti Kamara a ensuite expliqué ne rien pouvoir dire au sujet des déclarations d’AFK selon lesquelles le prévenu n’a pas participé à la prise de Foya et qu’il est venu avec lui dans le Lofa lorsque toutes les villes avaient déjà été capturées ; si ce n’est de réitérer le fait qu’Advisor n’était pas là lorsque Foya a été capturée.
Poursuivant ses réponses à Me Gianoli, M. Kamara a expliqué que le seul endroit où il a combattu avec le prévenu était à Belefanai, après la chute de Foya. Alieu Kosiah était venu en renfort quand les rebelles ont attaqué les ULIMO en direction de Gbanga. Kunti Kamara a ensuite réitéré le fait que lors de la première capture de Zorzor, M. Kosiah n’était pas là.
Comme demandé par Me Gianoli, Kunti Kamara a à nouveau expliqué qu’après la capture de Zorzor, ils ont été rejoints par Pepper & Salt et son groupe, dans lequel se trouvait Alieu Kosiah, qu’ils sont ensuite allés à Voinjama, avec le prévenu, et que le reste du groupe est resté à Zorzor. Il a ensuite indiqué qu’il n’a jamais été affecté au prévenu, et qu’il ne pouvait pas être son « special bodyguard » puisqu’il était « frontline commander ».
Me Gianoli a ensuite présenté deux noms au témoin, en lui demandant s’ils lui évoquaient quelque chose, ce à quoi Kunti Kamara a répondu par la négative.
A la question de savoir s’il y avait un puits au marché de Foya, M. Kamara a indiqué que le marché était le long de la route principale, que le jour de marché était le jeudi, mais qu’il n’était pas sûr à propos du puits car il n’avait pas le temps d’aller au marché. A propos du trou et de la pompe au marché de Foya où l’on pouvait prendre de l’eau, Kunti Kamara a déclaré ne pas s’en souvenir.
Par la suite, le témoin a indiqué connaître Solomba. Il a affirmé qu’il y avait des canoës et ferry pour traverser la frontière, et a ajouté qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu traverser des camions ou des voitures à Solomba. Par ailleurs, le témoin a indiqué ne pas savoir si les soldats pouvaient traverser la frontière avec leurs armes, n’étant allé qu’une seule fois à Solomba pour aller à Guéckédou (sans son arme). Il a ajouté que les gens se rendaient à Solomba principalement pour acheter de l’essence. Il a en revanche expliqué qu’il pourra davantage donner des informations sur la frontière de Menikoma, ayant été plus longtemps dans cette zone-là.
En ce qui concerne le terme « Dingos », mentionné pour parler des « Mandingos », M. Kamara a expliqué que ce terme désignait en effet son ethnie, et que « Dingo » est simplement une manière d’appeler l’ethnie « Mandingo » et non une insulte.
Les questions sont adressées par le Ministère public de la Confédération
Revenant sur les déclarations précédentes du témoin, selon lesquelles, à son retour de Foya, Alieu Kosiah n’a pas pris les routes principales pour rejoindre Voinjama, le Ministère public de la Confédération lui a demandé par où est passé le prévenu. C’est ainsi que M. Kamara a décrit son trajet : le prévenu aurait en effet pris une route annexe passant par la forêt jusqu’à rejoindre Kolahun, puis il a rejoint une autre ville, et enfin de cette dernière ville à Voinjama.
Les questions sont adressées par Maître Gianoli
Me Gianoli a ensuite demandé au témoin s’il y avait des véhicules pendant qu’il était à Foya. Kunti Kamara a de fait répondu qu’il possédait une voiture qu’il avait pris aux rebelles de Sierra Leone. M. Kamara a également affirmé que le prévenu possédait une moto et une voiture, sans toutefois pouvoir la décrire. Kunti Kamara a cependant expliqué que la plupart des soldats ULIMO utilisaient des Land Cruisers ou des motos, et qu’il y en avait également beaucoup parmi les rebelles.
Concernant les marchés au Liberia, le témoin a indiqué qu’il y en avait à Kolahun et également à Massabolahun, et que, tout leur territoire étant libre et les Libériens aussi, des voitures circulaient entre ces deux marchés et venaient même parfois de Guinée.
Les questions sont adressées par la Cour
Au sujet du commandant responsable de la capture de Zorzor, M. Kamara a affirmé que c’était Abu Keita, et que Philip Kamara était le commandant responsable de l’ensemble de la mission pour le Lofa était Philip Kamara. Steven Dorley était également un commandant qui faisait partie de la mission de capture de Zorzor, même s’il ne participait pas aux combats.
Le Tribunal a ensuite procédé à l’audition du témoin JMK
Face au Tribunal, le témoin a déclaré ne pas connaitre Alieu Kosiah, et n’avoir vu le prévenu qu’une seule fois, à Berne, en 2019. Il a ensuite expliqué ne jamais avoir parlé avec lui et ne pas vouloir regarder son visage car il ne voulait pas avoir à le décrire. Parmi les parties plaignantes, JMK a reconnu KK et AS alias TS et a expliqué qu’il était leur oncle, ce que les parties plaignantes ont démenti.
Le juge a alors demandé aux parties plaignantes AS et KK de nommer toutes les personnes de leur famille qu’ils connaissaient, et en a fait de même avec le témoin. Les réponses des deux parties ont, pour une très large part, coïncidé.
Le juge a ensuite demandé à JMK où est-ce qu’il avait vécu durant la première guerre civile au Liberia, soit entre 1989 et 1996. JMK a de fait indiqué qu’il vivait à Monrovia le 24 décembre 1989 lorsque la guerre a éclaté, et a ajouté avoir quitté Monrovia le 10 juillet 1990, à pied, jusqu’au marché de Pasolahun. Interrogé au sujet du nombres de maisons à Pasolahun à l’époque, JMK a expliqué qu’il n’a pas pensé à compter les maisons, étant concentré à lutter pour sa survie.
A propos des homonymes au Liberia, JMK a déclaré qu’il était fréquent au Liberia que deux personnes portent un prénom et/ou un nom similaire.
En ce qui concerne l’atmosphère à Pasolahun durant la première guerre civile, JMK a expliqué que les soldats ne venaient jamais pour les tuer, mais venaient la plupart du temps pour avoir quelque chose à manger. JMK a en revanche affirmé que la pire chose qui leur est arrivée est quand les ULIMO ont pris la génératrice. Étayant ses propos, JMK a expliqué que les ULIMO détenaient parfois le chef du village jusqu’à ce que les villageois apportent de la nourriture et du riz pour eux, et qu’ils avaient parfois besoin de villageois pour qu’ils « portent des choses ». JMK a finalement affirmé que les hommes étaient forcés de le faire.
En réponse aux questions du juge, le témoin a déclaré que les ULIMO avaient capturé le village de Pasolahun en 1993 pendant la saison des pluies, et que, quand ils sont arrivés, ils ont écrit « les ULIMO sont là » sur les murs. JMK a indiqué qu’au moment où ils ont su que les ULIMO étaient arrivés, ils ont fui dans différentes communautés aux alentours, et qu’après une semaine, les ULIMO ont écrit sur les murs qu’ils devaient rentrer au village. Il a ensuite expliqué ne pas avoir pris part à la première guerre civile au Liberia en tant que soldat, et a indiqué espérer, grâce à Dieu, rester civil jusqu’à sa mort. JMK a cependant expliqué qu’il avait été « town chief » sous les NPFL en 1992, et également « town chief » sous les ULIMO à partir d’octobre 2001 jusqu’en 2002. Étayant ses propos, JMK a indiqué que les personnes qui ne transportaient pas de charges avaient d’autres travaux à faire au sein du village. Il a illustré ses propos en expliquant que lorsque des soldats ULIMO voulaient manger, le « town chief » lui demandait de rassembler de la nourriture et de la faire préparer par la « chairlady ». Il a également cité l’exemple du « young boy chief », dont la tâche était de rassembler des hommes pour transporter des charges.
La Cour a ensuite interrogé JMK à propos de sa connaissance de BK et de VK, ce à quoi il a répondu par la négative. Par la suite, interrogé à propos du nombre d’habitants à Pasolahun durant la guerre, le témoin a déclaré qu’au moment de la guerre, il n’y avait pas de vrai gouvernement capable de faire un recensement, et a ajouté que lui ne pouvait pas estimer le nombre d’habitants dans le village, d’autant plus que beaucoup de personnes venaient dans le village mais n’y restaient pas de manière permanente.
Confronté à ses déclarations faites devant le Ministère public de la Confédération, selon lesquelles il aurait été « town chief » de 1992 à 2002, JMK a expliqué qu’un an avant l’arrivée des ULIMO, il était déjà responsable de préparer de la nourriture pour les soldats qui venaient à Pasolahun, et que cette tâche lui avait été confiée par le « town chief » général.
Interrogé au sujet de ses déclarations tenues en 2019, selon lesquelles il aurait déclaré que « pendant la guerre, on ne connaissait pas toujours les gens qui venaient habiter dans le village ou dans les fermes environnantes dans la brousse », le témoin a indiqué qu’il ne confirmait pas cette déclaration. Il a expliqué qu’il lui avait été demandé s’il connaissait des soldats, ce à quoi il aurait répondu qu’il ne connaissait qu’un seul commandant, soit Chief Sherif.
Au sujet des enfants-soldats, JMK a déclaré ne pas savoir si les ULIMO en utilisaient. Il a expliqué qu’ils n’étaient pas près de la route principale, qu’ils vivaient dans un endroit isolé, et que, quand il voyait un soldat avec une arme, il l’appelait « chief ». Le témoin a conclu en affirmant ne jamais avoir vu d’enfants-soldats parmi les soldats qu’il a croisé.
Concernant les mauvais traitements à l’égard civils et les cas de viols le témoin a expliqué n’en avoir jamais vu, tout en précisant qu’il partait souvent, notamment en Guinée, pour faire ses affaires.
Enfin, en ce qui concerne les pillages commis durant la première guerre civile, le témoin a expliqué qu’à part la « machine » qu’ils sont venus prendre ils n’ont jamais pillé dans le village, ajoutant également que si des pillages ont été commis, il ne les a pas vus.
Interrogé à propos des transports forcés effectués par des civils lors de la première guerre civile, JMK a indiqué que des civils portaient en effet des charges pour les soldats, et a ajouté qu’il y avait parfois des soldats d’autres communautés qui venaient jusqu’à chez eux, et qu’ils étaient ensuite responsables du transport de ces marchandises jusqu’à la communauté suivante.
Poursuivant ses réponses à la Cour, le témoin a expliqué qu’il n’avait jamais vu un civil refuser le transport d’une charge parce qu’ils étaient forcés de le faire et que, les soldats ayant une arme, ils n’avaient pas envie de mourir. Il a ajouté que les civils ne recevaient pas de salaire pour ces transports, que des civils lui ont déjà dit qu’ils n’avaient pas reçu à manger, et que les transports, notamment ceux de munitions, s’effectuaient parfois sur de longues distances. N’ayant lui-même pas fait de transport, JMK a indiqué qu’il n’avait jamais vu un civil subir des violences durant ce genre de transports.
La Cour a ensuite rappelé à JMK qu’en 2019, lors de son audition, à la question de savoir ce qui se passait quand, lors d’un transport de marchandises, les civils n’arrivaient pas à suivre le rythme, il a déclaré : « quand ils leur disaient de marcher vite, ils marchaient vite ». Ainsi, la Cour a demandé au témoin quelles étaient les bases factuelles qui lui permettaient d’affirmer cela, s’il n’a jamais été dans un transport, comme il l’a indiqué à la question précédente. JMK a alors réitéré qu’il n’a jamais porté de charges, du début jusqu’à la fin de la guerre, et qu’il tenait ces informations de civils qui racontaient le déroulé du transport auquel ils ont participé.
Il a ensuite précisé ne pas connaître la pratique du « tabé », étant loin de la route principale.
Il a affirmé ne jamais avoir eu connaissance de cas de cannibalisme, et ignorer ce qu’est le « Black Monday ». Par la suite, confronté à ses déclarations faites lors de son interrogatoire en 2019, selon lesquelles les ULIMO n’ont tué personne, JMK a demandé comment est-ce qu’il pourrait dire qu’ils n’ont jamais tué personne puisqu’il ne s’est jamais rendu sur la ligne de front. À nouveau confronté à ses propos tenus lors de son interrogatoire en 2019, selon lesquels à partir du moment où les ULIMO sont arrivés aucune arme à feu n’a été pointée sur un civil du village, JMK a réitéré le fait qu’il n’a jamais vu, quand il était au village, une arme pointée sur un civil ou un civil se faire tirer dessus.
Le témoin a indiqué tout ignorer du prévenu, l’ayant rencontré pour la première fois en Suisse et ne l’ayant ainsi jamais côtoyé durant la première guerre civile.
JMK, interrogé à propos du nom des soldats ULIMO qui sont venus à Pasolahun, a indiqué que beaucoup de soldats sont passés et qu’ils les appelaient tous Chief. Sur question du Tribunal, le témoin a indiqué connaître un commandant du nom de « Sherif ».
JMK a ensuite confirmé qu’il y avait une génératrice à Pasolahun et que MuK lui avait rapporté qu’elle avait été pillée par Chief Lusine, et qu’ensuite, des civils l’ont transportée. Sur question de la Cour, le témoin a indiqué avoir vu, en rentrant de la ferme, un groupe de personnes qui portaient des pièces de la machine sur la tête, supervisés par les soldats ULIMO, et qu’il s’est donc caché. Le témoin a indiqué ne pas se souvenir, même approximativement, de la date du pillage de la génératrice, et a ajouté qu’à l’époque, la route avait été envahie par la végétation et qu’aucune voiture ne pouvait passer, ce qui explique pourquoi les civils ont été réquisitionnés pour transporter ces charges. A la question de savoir si Alieu Kosiah était présent lors du transport, JMK a répondu qu’il était trop loin pour se souvenir de quelqu’un. Il a ensuite cité le nom de quelques-uns des civils qui ont pris part au transport, et a expliqué que les civils étaient dirigés par Monsieur F., le civil qui était responsable du transport. Quant au nombre de civils qui ont participé au transport, le témoin a indiqué que c’était une grande machine qui ne pouvait pas se porter qu’à deux ou trois personnes.
Concernant la raison pour laquelle MuK a pu échapper au transport, JMK a expliqué que c’était un des « leaders » du village à l’époque, et que s’il y avait assez de civils pour porter les charges, il n’avait pas à participer au transport. Il a ajouté que MuK était bien plus âgé que lui. À la question de savoir s’il est possible qu’il y ait plusieurs MuK, le témoin a répondu par la négative, ajoutant que le MuK dont il parle est le seul qu’il connait. Donnant davantage de renseignements sur MuK, JMK a indiqué que c’était le neveu d’une des parties plaignantes ; puis, il a cité ses frères et sœurs et a affirmé qu’il était toujours en vie.
JMK a ensuite expliqué qu’il n’a pas été mis au courant de personne morte pendant les transports, et que, de manière générale, les personnes qui partent le temps d’un transport reviennent toujours.
Le témoin a ensuite confirmé le déroulement d’un transport de munitions par des civils de Gondolahun à Fassama entre fin 1993 et fin 1995. Il a donné le nom de plusieurs civils ayant participé à ce transport, dont MoK qui, à son retour du transport s’est plaint du poids de la charge et a indiqué ne plus vouloir participer à des transports. JMK n’a personnellement pas assisté à ce transport car le point de départ, soit Gondolahun (là où se situe la base des soldats) est loin de Pasolahun. Il a également avoir pu y échapper car le nombre requis de civils ayant été fourni aux soldats, ils n’avaient pas besoin de lui pour le transport. Le témoin a ajouté qu’au total, d’après ce qu’il a vu, seulement quatre civils sont partis de Pasolahun pour ce transport.
Étayant ses propos, JMK a indiqué ne pas savoir combien de personnes ont été réquisitionnées pour le transport de Gondolahun à Fassama, et a ajouté que des soldats dont il ignorait le chef avaient ordonné ce transport. Le témoin a également précisé que JMK ne se sentait pas bien à l’arrivée des soldats ULIMO, et c’est la raison pour laquelle il avait demandé à être chargé d’autres tâches que celle du transport, mais a affirmé qu’il n’a pas été blessé durant ce transport.
A propos de la participation des parties plaignantes AS et KK à un ou deux de ces transports, JMK a indiqué ne pas les avoir vus.
La Cour a ensuite demandé davantage de renseignements à propos de MoK. JMK a donc indiqué que MoK était l’oncle d’une des parties plaignantes et a indiqué sa date de naissance. Il a ajouté ne connaître qu’un seul MoK.
Le témoin a indiqué ne pas avoir fait l’objet de menaces ou intimidation en lien avec sa participation à la procédure, et ne pas avoir peur de parler devant le Tribunal. Il a ajouté avoir espéré faire comprendre qu’il n’a pas été à l’origine du transport de munitions. Le Tribunal a demandé avec qui il avait été en contact avant de venir, le témoin a répondu avoir uniquement été contacté par le chef du village et que ce dernier lui avait dit qu’une femme d’affaires était passée au village et qu’il devait aller à Monrovia. Il a expliqué y être allé même s’il ne connaissait pas la femme en question car il lui semblait bon de suivre le conseil de son chef de village.
A la question de savoir si quelqu’un lui a promis quelque chose en échange de son témoignage, JMK a expliqué avoir demandé aux villageois de lui payer le transport, mais que personne ne lui a rien payé excepté sa femme.
A la question de savoir s’il a été en contact, avant de venir en Suisse, avec VD, Mohamed Kosiah, ou encore Morisara Doumbia, JMK a répondu par la négative. Sur question, JMK a indiqué que personne ne lui a dit quoi dire ou ne pas dire lors de son audition.
Le Tribunal a demandé s’il avait fait une demande d’indemnisation, le témoin a répondu par l’affirmative, mais qu’il n’avait pas demandé de montant précis, il a ensuite nié avoir envoyé un email demandant 10’000 USD comme compensation.
Les questions sont adressées par le Ministère Public de la Confédération
JMK a indiqué qu’il y avait deux différentes personnes nommées après le même nom de la partie plaignante KK. Il a expliqué avoir déclaré devant le Ministère public de la Confédération ne connaître aucun des deux car si on lui demande s’il connaît KK, qu’il répond par l’affirmative, et que la personne qu’il voit n’est pas celle qu’il connaissait, alors il sera traité de menteur.
Il a ensuite déclaré ne connaître aucune date exceptée celle du 10 juillet 1990, date à laquelle il a quitté Monrovia, et celle du 10 juillet 1993, date à laquelle les ULIMO sont arrivés à Pasolahun, puisque cette date-là était inscrite sur les murs.
Les questions sont adressées par Maître Wavre
Me Wavre a questionné le témoin, sur sa connaissance de différent nom et l’organisation du village. Ainsi, JMK a indiqué connaître DU et l’avoir rencontré en 2014 parce qu’ils se faisaient tous deux soigner au même endroit. Il a également affirmé ne pas avoir connu de DU durant la guerre.
Poursuivant ses réponses à Me Jakob, JMK a déclaré que son grand frère était le « general town chief » durant la guerre, et qu’il le remplaçait lorsqu’il s’absentait pour ses affaires, et notamment quand il allait vendre des marchandises pour subvenir aux besoins de sa famille.
Quant à la question de savoir si c’était en raison de sa position de chef qu’il n’avait jamais eu à porter de charge, JMK a expliqué que les « young boys » (les hommes chargés des transports) du village étaient assez nombreux, et qu’il ne faisait pas partie de ce qu’ils appellent les « liberal ». Par ailleurs, interrogé sur la raison pour laquelle il a dû se cacher quand les soldats sont venus chercher la machine, JMK a expliqué que la guerre était quelque chose de mauvais, qu’il fallait être prudent quand il se passait quelque chose d’inattendu, et que, ce jour-là, il a préféré rester prudent.
Me Wavre a ensuite questionné le témoin sur les membres de sa famille, et lui a également demandé de donner leurs noms. Le Tribunal lui a par ailleurs demander d’expliquer pourquoi en 2019 il avait indiqué ne pouvoir citer que deux ou trois noms de la famille K, s’il était capable aujourd’hui de citer toute la généalogie de la famille. Le témoin a alors expliqué qu’il avait déjà cité les deux tiers de la famille avant de dire qu’il ne connaissait pas d’autres noms, et a ajouté qu’il y avait parfois des problèmes de communication parce qu’il ne comprend pas bien les questions posées ou parce que la Cour le comprend mal.
Les questions sont adressées par Me Jakob
Me Jakob a interrogé le témoin à propos de ses frères et sœurs en demandant pour chaque personne si elle était mariée ou non.
Les questions sont adressées par Me Gianoli
Après avoir brièvement interrogé JMK à propos du père de son neveu ; Me Gianoli a demandé de confirmer les propos qu’il a tenu cet après-midi, selon lesquels lorsque les ULIMO sont arrivés la première fois à Pasolahun, ils ont monté leur drapeau. Le témoin a confirmé cette affirmation, et a précisé que le drapeau était blanc et qu’ils ont inscrit la date « 1993 » sur les murs.
Me Gianoli a ensuite demandé à JMK s’il y avait une école à Pasolahun, ce à quoi JMK a répondu par la négative.
Interrogé au sujet de la fonction qu’occupe son frère, JMK a indiqué qu’il était le « paramount chief » du district.
Poursuivant ses réponses à me Gianoli, JMK a expliqué que « Fatoma », « Maifoba » et « Piamalomeh » étaient des noms masculins et que « Fatuma » était un nom de femme. Il a également indiqué ne pas savoir à quelle ethnie pouvait être rattaché le nom Fayah.
Me Gianoli a conclu ses questions en lui demandant si, selon lui, beaucoup de civils faisaient comme lui des affaires dans le Lofa, ce à quoi JMK a répondu par l’affirmative.
Me Jakob a enfin interrogé très brièvement le témoin au sujet de ses frère et sœurs.
Ainsi, sur question du Tribunal, le témoin a indiqué vouloir être compensé pour son séjour en suisse. Le Tribunal indique qu’il sera rémunéré dans l’avion retour, sans que la demande de 10’000 USD ne soit examinée.
Le Tribunal a ensuite procédé à l’audition de MoK, témoin de la défense
Devant le Tribunal, le témoin a indiqué ne pas connaître Alieu Kosiah, mais reconnaître KK, AS, ainsi que JMK. Il a expliqué que AS était le fils de sa sœur, que KK était son beau-frère et que JMK était son frère, les deux vivant ensemble. KK a quant à lui expliqué que le témoin n’était pas son beau-frère. Quant à AS il a indiqué ne pas connaitre le témoin, MoK.
Interrogé sur les faits en cause, le témoin a indiqué avoir vécu à Pasolahun pendant la guerre et ne pas avoir participé à celle-ci en tant que militaire. Il a également indiqué être la seule personne à s’appeler de la sorte à Pasolahun. MuK a ajouté que le « town chief » était Varney Kamara.
Interrogé sur le nombre de personnes qui portaient son nom à Pasolahun, MoK a affirmé être le seul à porter ce nom, et a ajouté qu’il pouvait en être sûr parce qu’il connait tous les habitants de la région. Il a également indiqué qu’il y avait 200 maisons ou plus à Pasolahun, et ne pas savoir combien il y avait de personnes par maison.
Le Tribunal a ensuite longuement questionné le témoin sur la composition de sa famille.
Concernant les pratiques de mauvais traitement des civils et du pillage, le témoin a déclaré ne pas en avoir entendu parler. Il a indiqué qu’il n’y avait pas de transports forcés de marchandises, les civils pouvant refuser de porter des charges, mais a néanmoins affirmé que les soldats arrivaient parfois au village avec des charges à porter jusqu’au prochain village. Il a ajouté que les civils n’étaient pas payés pour effectuer les transports et qu’il n’est jamais arrivé que des civils soient frappés ou maltraités durant ces transports. Le témoin a dit ignorer ce qu’était la pratique du « tabé ». En ce qui concerne les actes de cannibalisme, MoK a répondu en avoir entendu parler mais que c’était les NPFL et non les ULIMO qui le pratiquaient. Il a déclaré ne pas avoir entendu parler du « Black Monday », ni avoir vu Alieu Kosiah durant la guerre.
Au sujet du transport forcé de munitions depuis Gondolahun jusqu’à la Lofa River, le témoin a déclaré y avoir participé en 1994. Le témoin a également indiqué qu’au moins quatre civils venaient du village de Pasolahun, sans pouvoir donner leur identité, et qu’au total, 200 personnes ont pris part au transport. La destination finale de ce transport était Sassau (phon.), un village se situant non loin de la Lofa River. MoK quant à lui s’est arrêté à Paphun, et n’est pas allé jusqu’à Sassau. Étayant ses propos, MoK a indiqué que la destination finale se situait à neuf heures de marche depuis Gondolahun. Il a poursuivi ses déclarations en expliquant que Chief Moris conduisait le transport et qu’aucun civil n’a été blessé ou tué pendant ce transport. De plus, MoK a déclaré que beaucoup de soldats étaient présents, qu’aucune des personnes présentes dans la salle n’a participé à ce transport avec lui, et que, depuis ce jour, il n’a plus jamais transporté de munitions dans ce contexte. Le témoin a par ailleurs précisé que M. Kosiah ne faisait pas partie du transport.
A propos de la déclaration d’un autre plaignant de Pasolahun, affirmant qu’un homme ayant le même prénom/nom que le témoin a été tué durant ce transport, MoK a à nouveau déclaré que beaucoup de personnes portaient le même prénom que lui, mais qu’il était le seul parmi tous ceux qui ont le même prénom que lui à porter ce nom de famille.
Au sujet de la génératrice à Pasolahun, le témoin a déclaré qu’elle ne fonctionnait pas, qu’elle n’a jamais produit d’électricité ne serait-ce qu’une journée ; et qu’un jour, deux soldats venant de Kolahun l’ont prise. MoK n’a toutefois pas su dire quelle était la destination de ces deux soldats. De plus, il a affirmé avoir également participé à ce transport : il était en train de traverser le village pour aller voir sa sœur quand les soldats lui ont donné l’ordre transporter la génératrice avec d’autres personnes du village. Il a précisé qu’ils étaient nombreux à avoir été réquisitionnés pour ce transport, et qu’ils se relayaient pour transporter la pièce qu’ils avaient mise sur des morceaux de bois. Précisant ses propos, MoK a indiqué qu’ils étaient au total quatre civils à avoir transporter la pièce en question, que d’autres villageois se sont chargés de transporter le moteur principal, et qu’il était sûr que MuK ni personne dans la salle n’avait participé au transport.
Le témoin a déclaré ne pas avoir été menacé ou intimidé en lien avec sa participation à la procédure, et a ajouté ne pas avoir peur de témoigner devant le Tribunal. A la question de savoir si quelqu’un lui a demandé de venir témoigner en Suisse, MoK a répondu que son frère lui avait dit que son nom était sur Internet, et qu’ils devaient aller en Suisse pour témoigner dans cette affaire. Il a ajouté avoir reçu l’année dernière un coup de téléphone depuis la Suisse, et qu’il avait déjà son passeport sur lui à ce moment-là.
Poursuivant ses réponses au Tribunal, MoK a indiqué ne pas avoir été contacté par VD, ni par Mohamed Kosiah et non plus par Morisara Doumbia. Il a également affirmé que personne ne lui a promis quelque chose en échange de venir témoigner dans cette procédure et que personne ne lui a dit ce qu’il devait dire ou ne pas dire devant la Cour.
La Cour a ensuite expliqué au témoin avoir reçu un courriel dont l’expéditeur semble s’appeler de la même manière que lui, et lui a demandé si c’était alors bien lui l’expéditeur de l’email en question. MoK a répondu par l’affirmative. De fait, la Cour lui a demandé de confirmer si c’était bien lui qui avait fait une demande pour le témoin JMK, ce que le témoin a nié. Interrogé sur le contenu de ce courriel, MoK a expliqué que quand il est parti, il devait faire beaucoup de choses et il a donc « tout laissé en plan ».
A la question de savoir comment est-ce qu’il savait que MuK et JMK devaient venir eux aussi, puisqu’il demande leur indemnisation dans son courriel, MoK a expliqué qu’ils vivaient dans le même village et qu’il les avait vu à Monrovia, et a précisé qu’ils ne sont pas venus ensemble.
La Cour lui a ensuite demandé pourquoi il avait fait une demande d’indemnisation pour MuK et JMK s’il n’a jamais parlé avec eux durant le voyage, ce à quoi MoK a répondu que dans son courriel il ne parlait que de lui et non d’eux.
Répondant aux questions du Tribunal, MoK a expliqué qu’il se souvenait d’avoir demandé 9’000 USD d’indemnité, mais qu’il n’en était pas sûr parce qu’il était illettré. MoK a enfin admis que c’est son petit frère et non lui qui a écrit le courriel. Quant à la somme demandée, le Tribunal a expliqué à MoK qu’elle n’est pas raisonnable, et que les plaignants et le prévenu l’ont également trouvée exorbitante. MoK a alors répondu que le Tribunal pouvait lui donner ce qu’il estimait être une somme juste. Le Tribunal a finalement dit au témoin que le tarif était le même pour toutes les personnes venues témoigner, et qu’il allait recevoir l’argent cash le jour de son départ quand il montera dans l’avion.
La Cour a ensuite posé quelques questions à MoK à propos de son frère.
S’adressant au témoin JMK, la Cour lui a demandé de confirmer ses propos selon lesquels MoK était plus âgé que lui. JMK a alors expliqué que c’était l’inverse, et qu’il était beaucoup plus âgé que JMK. JMK a par ailleurs confirmé que MoK, qui se situait devant lui, était bien la personne dont il parlait dans ses déclarations.
S’adressant à MoK, Me Wavre a demandé s’il savait de quoi était accusé le prévenu, ce à quoi MoK a répondu par la négative.
Poursuivant ses réponses à Me Wavre, MoK a expliqué que son audition a été sollicitée pour vérifier la véracité des déclarations de Me Wavre selon lesquelles il aurait été tué puis jeté dans la Lofa River.
Par ailleurs, MoK a déclaré ne pas connaître quelqu’un surnommé DU, ni Duke.
Revenant sur la génératrice pillée à Pasolahun, MoK a indiqué que c’était une grande machine jaune, et qu’il fallait être à plusieurs pour la porter. Détaillant davantage le déroulé de son trajet, MoK a expliqué qu’il est parti de son côté avec trois autres personnes, et qu’ils sont d’abord partis pour Kpotohewa (phon.) qui se situe à deux heures de marche, et qu’ils ont ensuite marché pendant trois heures jusqu’à Hanga. D’autres hommes avaient pris le moteur principal mais ils ne sont pas partis avec eux. MoK a ajouté qu’après avoir transporté la pièce, sur le chemin du retour, ils se cachaient sur la route dès qu’ils entendaient quelqu’un pour ne plus avoir à porter de pièces.
Au sujet des déclarations d’un certain MTK venant de Willihaun, et de ses déclarations selon lesquelles un certain homme portant le même nom/prénom que lui serait mort de maladie durant la guerre, MoK a déclaré qu’il n’avait jamais entendu parler de cela.
Me Werner a finalement interrogé le témoin sur la demande d’indemnisation faite auprès de la Cour pour son frère MuK et le témoin JMK, respectivement 11’500 et 10’000 USD, ce dernier estimant qu’il s’agissait d’une demande raisonnable. Le témoin a indiqué qu’il ne savait que pour ses propos affaires, et qu’il ne s’était pas concerté avec son petit frère au sujet de l’indemnisation de MuK et JMK, et a réitéré le fait que si la Cour pensait qu’il faisait une demande raisonnable c’était « bien », et que, le cas échéant, ce n’était pas un problème non plus d’avoir une somme inférieure.
Sur question de Me Werner, MoK a déclaré qu’il avait en effet construit deux maisons à Pasolahun.
Interrogé par Me Jakob, MoK a déclaré que dans ses échanges avec la Cour, en dehors de trois appels qu’il a reçu de la part de la Cour, c’est toujours son petit frère qui a échangé par courriel avec la Cour.
Interrogé par Me Gianoli au sujet de l’origine de la génératrice de Pasolahun, MoK a indiqué que c’était M. Kemba qui avait amené la machine, et qu’elle se situait à côté du terrain de foot.
Maître Wavre a enfin demandé à JMK si c’est également le petit frère de MoK qui a organisé son voyage, ce à quoi il a répondu que le petit frère lui avait dit que la Cour pouvait le dédommager mais sans toutefois discuter d’un montant en particulier.
Le lendemain matin, Me Werner a conclu l’audition du témoin en lui posant des questions brèves au sujet de son petit frère.