Jour 20 – quatrième jour des plaidoiries : l’avocat de la défense Me Gianoli
04.03.2021
Le juge Bacher ouvre l’audience. Il donne la parole à l’avocat de la défense Me Dimitri Gianoli, qui poursuit la plaidoirie entamée la veille.
Tout d’abord, Me Gianoli annonce qu’il reprendra dans le détail ce que sont selon lui, les incohérences et contradictions contenues d’une part dans les déclarations des parties plaignantes, et d’autre part entre toutes les déclarations (plainte initiale, auditions devant le Ministère public et audiences du procès) de chaque partie plaignante et des témoins à charge.
Puis, Me Gianoli dit qu’il parlera de la personnalité de son client et du parcours de ce dernier au Liberia, avant de plaider l’acquittement et une demande d’indemnité.
L’avocat commence par dire qu’il est possible de pointer les multiples contradictions et incohérences des parties plaignantes comme autant de preuves du manque de crédibilité de ces dernières.
Déclarations contradictoires de la première partie plaignante : GMS
Divergences entre la plainte initiale et déclarations devant le Ministère public (MPC)
Me Gianoli explique que :
- Le plaignant dit qu’il était à Zorzor dans sa plainte initiale quand la ville a été capturée. Cependant, devant le MPC, il dit ne pas savoir quand Zorzor a été prise.
- Le plaignant dit avoir passé trois mois à Zorzor dans sa plainte initiale, puis dit devant le MPC qu’il y a passé plusieurs années. De plus, il nie avoir dit cela au moment d’être confronté.
- Le plaignant dit qu’Alieu Kosiah était le chef à Zorzor, mais devant le MPC, GMS affirme que le commandant Steven Dorley était le chef.
- Le plaignant a dit dans sa plainte qu’il était présent quand une femme enceinte a été éventrée. Puis,interrogé devant le MPC, il dit qu’il n’était pas là au moment des faits, étant arrivé après..
- Le plaignant a soi-disant entendu dire que M. Kosiah à Foya découpait et vendait la chair humaine de porte en porte avec une brouette. Pourtant, le plaignant était à Zorzor au moment où les faits se seraient déroulés : comment aurait-elle pu le savoir ? Il a dit cela uniquement pour tenter de « coller » aux histoires des autres parties plaignantes.
En somme, selon Me Gianoli, il est clair que dans tous les cas, le récit a été adapté uniquement pour corroborer d’autres récits de parties plaignantes et accuser autant que possible Alieu Kosiah.
Contradictions dans les déclarations devant le MPC
Me Gianoli relève que :
- Le plaignant a dit devant le MPC avoir vu Alieu Kosiah dans un journal (« Daily Observer ») en 2014 et c’est la raison pour laquelle il a porté plainte. Toutefois, c’est sa plainte initiale qui a notamment mené à l’arrestation d’Alieu Kosiah. Ainsi, Me Gianoli ajoute que le Procureur fédéral a cherché à lever cette contradiction en audience, en vain.
- Le plaignant était à Monrovia quand il a vu la photo de M. Kosiah. Or, dans ses déclarations devant le MPC, il a dit qu’il était à Zorzor à ce moment-là.
Contradictions avec les déclarations des autres témoins
Selon Me Gianoli :
- Concernant la prise de Zorzor, il est étonnant que le plaignant ne reconnaisse pas le commandant ULMO Abu Keita, dont le nom lui a été soumis lors de son audition, alors que c’est Abu Keita qui a finalement pris la ville.
- Le plaignant a dit ne pas associer les noms « Steven » à « Dorley» et n’a pas su le décrire, alors que Steven Dorley a également joué un rôle dans la prise de Zorzor.
- Alors que nous savons, selon l’avocat, que c’est sous le commandement du commandant ULIMO Pepper & Salt que les villes de Lofa ont été prises, la partie plaignante déclare ne pas connaître le nom de Pepper & Salt. Or, comment connaître Alieu Kosiah et ne pas connaître Pepper & Salt ?
- Le plaignant a dit qu’il parlait avec quelqu’un qui lui disait avoir vu le prévenu dans les journaux. Un homme plus loin l’écoutait. Selon l’avocat c’était Hassan Bility, qui est alors venu vers lui pour lui proposer son aide et celle de GJRP. Or, plus tard, le plaignant a tenté de dire que cette personne n’était en fait pas Hassan Bility.
- Selon le plaignant, les ULIMO sont venus à Zorzor pendant la saison des pluies. Cependant, cela contredit un article de journal datant de janvier 1993 qui est dans le dossier, selon lequel le commandant ULIMO Steven Dorley a fait le siège de Zorzor. Cet article explique également que la prise de Zorzor a eu lieu en février 1993. La saison des pluies ayant eu lieu entre avril à septembre, la déclaration de la partie plaignante affirmant que la capture de Zorzor aurait eu lieu pendant la saison des pluies est fausse.
Contradictions pendant l’audience du procès
Selon Me Gianoli :
- Le plaignant aurait dit qu’elle ne connaissait pas le nom complet d’Alieu Kosiah avant de venir en Suisse. Cependant, le plaignante a également affirmé que le titre du journal qu’elle a vu était « Alieu Kosiah arrested in Switzerland ». Les déclarations du plaignant n’ont donc aucun sens.
- Le 15 février, le plaignant a complété ses déclarations initiales concernant l’épisode du fœtus, et cela n’est pas concordant avec ce qui a été dit avant.
- Le plaignant a dit qu’au Liberia on pouvait être tué parce que l’on témoignait contre le prévenu, mais il n’a pas été capable de fournir le moindre élément qui rend crédible cette déclaration.
- Le plaignant a ajouté que sa propre mère était aussi présente au moment de l’exécution de son frère prétendument par Alieu Kosiah. Or, l’avocat demande : pourquoi en parler seulement maintenant ? Et pourquoi sa mère ne fait pas partie de la procédure comme partie plaignante ?
Ainsi, selon l’avocat, pour cette première partie plaignante seulement, il y aurait plus de 20 incohérences relevées dans ses différentes dépositions, ce qui rend nulle sa crédibilité.
Déclarations contradictoires de la seconde partie plaignante LSM
Selon Me Gianoli, les allégations de la seconde partie plaignante sur les prétendus gestes d’intimidation d’Alieu Kosiah en cours d’audience sont fausses, cela n’étant jamais arrivé.
L’avocat liste ensuite les contradictions qui existent selon lui dans les diverses déclarations données par la partie plaignante dans cette procédure. Selon Me Gianoli :
- Le plaignant vit à Kolahun mais résidait à Foya aux moments des événements qu’il évoque dans sa plainte. Il a également dit qu’il a toujours vécu autour de Monrovia, mais ni Kolahun, ni Foya, ni Bolahun ne sont autour de Monrovia. Son témoignage est donc construit de toutes pièces, puisqu’on ne peut pas même connaître où il vit.
- Le plaignant dit que les évènements se sont déroulés à Noël, en 1994 ; mais il déclare par la suite que tout s’est passé en 1993.
- Le plaignant a dit que la ville de Foya a été prise en 1994. Néanmoins, il affirme ensuite que les soldats l’ont délogé de la ferme à la saison des pluies en 1993, ce qui est contradictoire. Deux parties plaignantes sont venues avec lui en Suisse en janvier 2015 pour la déposition devant le Ministère public. Il est donc très clair que les parties plaignantes ont arrangé leur version ensemble.
- Le plaignant a dit qu’il est venu en Suisse pour que lumière soit faite sur le déroulement de la guerre. Cependant, il a constamment adapté son témoignage en fonction de la chronologie établie en cours de procédure, et notamment en fonction de ce qu’Alieu Kosiah a déclaré pendant la procédure.
- Le plaignant s’est réfugié dans la forêt au moment de la prise de Foya. Toutefois, lors de son audition, il a dit qu’il était dans une ferme, ou une plantation. L’avocat note que selon lui, il est fort commode de ne pas décrire comment se sont déroulés les événements.
- Le récit des actes que le plaignant a soi-disant subi (torture du « tabé », traîné parterre) a aussi été adapté, selon l’avocat, pour que sa déclaration colle au dossier.
- En ce qui concerne son arrestation par ULIMO, le plaignant a dit qu’il a été attrapé par les pieds puis traîné jusqu’au marché, avant d’être ramené vers les autres civils qui avaient été arrêtés, et un coup de couteau lui a été assené. Alieu Kosiah lui a ensuite dit qu’il s’occuperait de lui après avoir tué les six autres civils. Or, selon Me Gianoli, la chronologie des faits n’est pas cohérent puisque la dispute a eu lieu après la mort des six civils, selon les propres déclarations du plaignant en Suisse.
- Par ailleurs, le plaignant a constamment changé de version quant au lieu où il a été traîné, ce qui rend évident selon Me Gianoli le fait qu’il n’a en réalité pas vécu ces événements.
- En ce qui concerne les transports forcés, ils ne figurent pas dans la plainte initiale du plaignant.
- S’agissant de la manière dont il a été enrôlé dans les rangs des ULIMO, le plaignant a d’abord dit qu’il a été forcé, puis qu’en fait il était volontaire. Selon l’avocat, cette version est inventée de toutes pièces, et adaptée aux besoins de la procédure.
- Concernant la description que le plaignant fait de M. Kosiah, ce n’est selon l’avocat qu’une suite d’incohérences et d’erreurs. Il n’a donc en réalité jamais vu Alieu Kosiah sur place, mais seulement en photo dans le journal et sur la photo fournie pendant la procédure. Me Gianoli considère que le plaignant ment et a été préparé.
- Selon le plaignant, Alieu Kosiah portait parfois une veste militaire. Or, cela est impossible dans un pays comme le Liberia où il fait entre 25 et 30 degrés.
- Le plaignant affirme avoir vu M. Kosiah dans quatre villes différentes, puis il dit qu’en fait il n’a vu Alieu Kosiah qu’à Foya.
- Le plaignant déclare qu’Alieu Kosiah avait un pistolet 44. Puis, il montre qu’il sait faire la différence entre les différents pistolets, mais explique finalementqu’il ne sait plus quelle arme M. Kosiah avait précisément, tout en affrmant qu’il avait une arme. Ainsi, selon l’avocat, être vague permet de ne pas être contredit.
- Le plaignant a dit avoir été traîné parce qu’il protestait de son innocence, contrairement aux autres qui ne disaient rien et ont été tués. Or, selon l’avocat si le plaignant se comportait comme un agitateur, pourquoi ne pas l’avoir tué tout de suite ? Il conclut sur ce point que cela n’a aucune logique.
- La partie plaignante dit avoir été traîné par les jambes, puis sur les fesses. Or, selon l’avocat, cela ne correspond pas aux blessures qu’elle a décrit.
- CO Kunti était petit selon une autre partie plaignante dans cette procédure. Par conséquent, il n’aurait pas pu traîner la partie plaignante qui a une très grande carrure selon l’avocat.
- Si le plaignant était encore attaché en « tabé » quand il a reçu le coup de couteau, un tel coup n’aurait pas pu avoir été donné. Ensuite, selon l’avocat, le plaignant a changé de version et a déclaré qu’il était détaché. Mais si l’intention du commandant Kunti était de tuer le plaignant, encore une fois, pourquoi l’avoir détaché ? Ce n’est pas logique selon l’avocat. Selon Me Gianoli, à propos du plaignant : « Ne pas être tué quand on est un agitateur, être détaché quand on est le dernier survivant et enfin être sauvé par un subalterne est impossible. Ou alors il aurait dû jouer au loto ce jour-là. »
- Dans ses déclarations dans la procédure en France, ce n’est plus le prévenu mais le commandant ULIMO Kunti Kamara qui l’aurait poignardé. Et ce n’est plus le membre ULIMO Fan Boy qui lui a dit cela, mais quelqu’un d’autre.
- Le plaignant a reconnu Alieu Kosiah sur une photo actuelle mais pas une ancienne, ce qui est très bizarre selon Me Gianoli.
- Pour le plaignant, l’événement décrit comme « Black Monday » aurait eu lieu à Foya et Voinjama selon certaines de ses déclarations. Puis à Foya uniquement, selon d’autres déclarations de sa part.
- Pour le plaignant, c’est le commandant Pepper & Salt qui avait le titre de « H&H ». Or, ensuite, il a affirmé qu’Alieu Kosiah serait devenu lui-même « H&H », et il a dit cela seulement quand le Procureur fédéral lui a posé la question.
- Le plaignant a changé de version concernant le puits – où les corps auraient été jetés – de forme pour soutenir la version de la cause.
- Le plaignant a déclaré que chacun devait se trouver sa nourriture alors qu’il a affirmé à un autre moment que certaines personnes transportaient la nourriture et cuisinaient pour tout le monde.
- Le plaignant a dit avoir assisté à l’événement dit du « Black Monday » alors que précédemment il avait dit qu’il avait juste entendu parler de ces événements, des « Black Monday ».
Me Gianoli conclut qu’au total pas moins de 25 contradictions ont été relevées concernant cette seconde partie plaignante et la liste n’est pas exhaustive.
L’avocat relève par ailleurs des divergences entre les déclarations de la partie plaignante T3 et les déclarations des autres témoins ou autres parties plaignantes. Dans cette catégorie, l’avocat relève les contradictions suivantes :
- Contradictions à propos de l’apparence du commandant ULIMO dénommé Mami Wata.
- Contradictions avec certaines déclarations de l’ancien enfant soldat cité par la défense.
- Contradictions avec certaines déclarations de l’ancien haut gradé ULIMO Kwamex Fofana cité par la défense.
- Contradictions avec certaines déclarations d’une autre partie plaignante T4
Déclarations contradictoires de la troisième partie plaignante JTC
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les diverses déclarations données par la troisième partie plaignante dans cette procédure et notamment les divergences entre les faits soulevés dans sa plainte et ses autres déclarations. Selon Me Gianoli :
- A propos de la centrale électrique de Foya qui aurait été pillée par ULIMO, le plaignant a dit que c’était à cause de ce pillage qu’il n’y avait plus d’électricité dans la ville de Foya. Toutefois, le plaignant a montré des photos de la centrale en audience, et cette centrale est encore debout selon l’avocat.
- Par ailleurs si on met bout à bout les différentes versions concernant le pillage de cette centrale électrique, on doit conclure qu’elle est magique ! Elle disparaît avec les NPFL, elle réapparaît avec les ULIMO, pour être à nouveau pillée par ces derniers.
- Enfin, le plaignant n’a pas assisté au meurtre du civil par le commandant ULIMO Ugly Boy. Or, dans la procédure en France, il dit au contraire que c’est le commandant Kunti Kamara qui était présent pendant cet événement, alors qu’en Suisse, c’est Alieu Kosiah qui est présent, comme par hasard !
L’avocat relève par ailleurs des divergences entre les déclarations de la partie plaignante T3 et les déclarations des autres témoins ou autres parties plaignantes, ou des invraisemblances dans leurs déclarations. Dans cette catégorie l’avocat relève les contradictions suivantes :
- Le plaignant dit qu’Alieu Kosiah était là à la capture de Foya. Or, l’ancien enfant soldat de M. Kosiah et un autre témoin de la défense ont dit qu’Alieu Kosiah était bel et bien arrivé après la prise de Foya.
- Pour le plaignant, la version autour des meurtres et du découpage des corps transportés dans une brouette et vendus de force à des civils s’inscrit dans le cadre d’un événement qu’il appelle « Black Monday ». Or, selon Me Gianoli, son client a clairement expliqué que cet événement était arrivé dans le cadre d’une vengeance de la part du commandant ULIMO Mami Wata suite à la mort de son frère sur la ligne de front. Les autres témoins dans cette procédure au sujet de cet événement ont quant à eux d’autres versions ou n’ont jamais entendu parler de cet événement.
- Selon le plaignant, la ville de Foya a été attaquée trois fois avant d’être prise. Cela est faux et fallacieux selon le prévenu.
- Selon le plaignant, il n’était pas possible de porter plainte en temps de guerre au Liberia, et la Commission Réconciliation Vérité ou TRC ne pouvait pas entendre les victimes de tous les crimes. Pourtant, la TRC est allée à Voinjama, et y a effectué 25 audiences. Cherchez l’erreur.
- Il n’y a que ce plaignant qui mentionne la présence de Alieu Kosiah au moment du meurtre du civil par Ugly Boy, et ce contre une multitude d’autres témoins, dont l’épouse du défunt qui ne cite pas le prévenu.
- Aussi, selon toute logique, un camion chargé de pièces de centrales électriques est plus facile à tirer qu’à pousser, or la partie plaignante a dit que le camion a été poussé. Ce n’est pas logique.
- La partie plaignante a aussi déclaré d’autres choses incohérentes à propos du camion qui aurait transporté les morceaux de la centrale électrique.
Déclarations contradictoires de la quatrième partie plaignante KK.
Selon Me Gianoli, notamment pendant les audiences devant le Ministère public de la Confédération à Berne, au vu du fait que les versions évoluaient en fonction des pauses et discussions avec leurs avocats, il avait demandé que chaque version soit consignée avant chaque pause.
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les déclarations de cette partie plaignante :
- Selon le plaignant, il était présent quand des ULIMO ont violé sa sœur dans son village. Il a d’abord déclaré que cet événement s’est passé dans la ville de Kolahun, et qu’Alieu Kosiah était là. Puis, il a dit que ça s’était en réalité passé dans la ville de Pasolahun et qu’Alieu Kosiah en fait n’était pas là.
- Par ailleurs, il a dit une fois que sa sœur qui avait subi ces violences sexuelles est aujourd’hui décédée, et il a une autre fois affirmé qu’elle vit aujourd’hui à Kolahun.
- Dans la première version, il y a un village qui sépare les corps des victimes, puis dans la deuxième version, il n’y a plus que 10 mètres.
- Par ailleurs, celui décrit comme l’oncle serait mort de trois façons différentes selon les deux parties plaignantes et le témoin qui ont rapporté ces faits.
Ainsi, selon Me Gianoli, les récits sont construits de toutes pièces dans le but d’étayer des accusations mensongères à l’encontre de son client.
Déclarations contradictoires de la cinquième partie plaignante AS
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les déclarations de ce plaignant, et notamment les différences entre la version des faits dans la plainte initiale et les déclarations faites à Berne devant le Ministère public. Sont listées aussi les invraisemblances selon l’avocat ou les affirmations qui montrent que le plaignant n’est pas crédible.
- Le fait que le plaignant a varié ses explications sur le fait que les écoles étaient encore ouvertes ou non pendant la guerre.
- Le fait que le plaignant ait aussi varié sur la pratique de la torture dite du « tabé ».
- Le plaignant a également varié sur le fait de savoir si le symbole de ULIMO était le drapeau blanc, comme il l’a dit finalement de façon affirmative car il avait été préparé, ou s’il était de toutes sortes d’autres couleurs comme il l’a dit d’abord pour noyer le poisson.
- Le fait que le plaignant n’a jamais évoqué le « Black Monday » alors que prétendument tout le monde dans le Lofa connaît le « Black Monday ».
- Le fait qu’il ne sache pas comment l’une des personnes prétendument ait été assassinée sur la marche, et qu’il se rallie aux déclarations de la précédente partie plaignante pour cela.
- Le fait que le plaignant justifie ses erreurs ou invraisemblances par le fait qu’il était jeune à l’époque. Or, quand il assure être précis, la jeunesse ne compte plus.
- Le fait que le plaignant ait varié sur ce que portait pendant la marche forcée une des personnes prétendument assassinée par Alieu Kosiah, parlant de munitions à un moment et de barres de fer à un autre moment.
- Le fait que le plaignant ait varié sur la question de savoir si le commandant ULIMO Jungle Jabbah a été présent ou non lors de certains des événements.
Ainsi, selon Me Gianoli, ces déclarations qui varient constamment démontrent que les plaignants ont été préparés de manière professionnelle.
Déclarations contradictoires de la sixième partie plaignante EBJ
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les déclarations de cette sixième partie plaignante, et notamment les différences entre la version des faits dans la plainte initiale et les déclarations faites à Berne devant le Ministère public. Sont listées aussi les invraisemblances selon l’avocat ou les affirmations qui montrent que la partie plaignante n’est pas crédible.
- Le fait qu’il existe autant de différences selon l’avocat entre la plainte initiale du plaignant et ce qu’il a déclaré ensuite pendant les auditions. Cela lui fait perdre toute crédibilité, et on s’interroge sur le fait de savoir si le plaignant a bel et bien vécu tous les événements qu’il invoque, l’avocat invoquant sa certitude que le plaignant n’a pas pu voir Alieu Kosiah à Voinjama comme il le dit.
- Le fait que le plaignant prétende ne pas pouvoir donner plus de détails sur Alieu Kosiah car il n’aurait jamais été tout près de lui, ce qui est contredit par une autre de ses déclarations.
- Le fait que le plaignant ait orienté dans sa plainte puis lissé ses subséquentes déclarations sur les circonstances dans lesquelles son frère aurait réussi à s’enfuir pendant une marche forcée à laquelle le plaignant a aussi participé.
- Le fait que pour l’un des transports forcés qu’il déclare d’abord que c’est Alieu Kosiah qui aurait ordonné ce transport, puis qu’il se montre moins sûr de ce fait.
- Le fait que ce que raconte le plaignant au sujet du trajet du second transport de marchandise jusqu’à Solomba n’a aucun sens. En effet, il n’y a pas pu y avoir d’embuscade dans une zone contrôlée par des ULIMO.
- Le fait que le plaignant prétend ne pas connaître tous les noms des soldats ULIMO à part celui d’Alieu Kosiah, ce alors que sa propre tante avec laquelle il était cuisinait pour les soldats ULIMO.
- Le fait que le plaignant chante à Berne devant le MPC de façon gaie et enjouée la chanson utilisée par les soldats ULIIMO supposée être chantée de façon guerrière. Or, quand c’est le prévenu qui la chante à son tour, la partie plaignante demande à sortir de la salle d’audience ! Et ce alors que la chanson n’invite à aucune violence comme l’a expliqué Alieu Kosiah.
- Le fait que selon le plaignant, seuls les soldats du NPF portaient des bandeaux rouges et que les soldats ULIMO portaient des bandeaux blancs ; ce alors même que le même plaignant déclare par ailleurs être incapable de faire la différence entre les ULIMO et les NPFL.
- S’agissant du premier transport de marchandises, selon le plaignant, les civils pouvaient choisir quoi porter. En l’occurrence, le plaignant a expliqué qu’il a choisi de porter l’huile. Néanmoins, elle a par la suite affirmé que les soldats ordonnaient aux civils qui devait porter quoi. Cela prouve une fois encore que toutes ces déclarations sont en fait des souvenirs inventés au fur et à mesure.
- Le fait que selon le plaignant, Alieu Kosiah a donné l’ordre d’exécuter les deux soldats d’ethnie Krahn « avec un couteau », puis il a affirmé au contraire qu’Alieu Kosiah a seulement dit « execute them », sans mentionner de quelle façon.
- Le fait que le plaignant a déclaré ne pas connaître Pepper & Salt alors que c’est ce commandant qui a pris la ville de Voinjama ; information qui a par ailleurs été confirmée par le haut gradé ULIMO Kwamex Fofana pendant son audition dans le dossier.
- Le fait que le plaignant ne connaisse pas le surnom du prévenu « Physical Cash» ; surnom qui a également été confirmé par Kwamex Fofana.
- Les affirmations du plaignant contre M. Kosiah concernent notamment Voinjama alors que d’autres parties plaigantes parlent de crimes dans trois ou quatre autres villes du Lofa entre 1993 et 1994, ce qui confère un don d’ubiquité, selon Me Gianoli, à son client.
- Selon un témoin de la défense, la tante du plaignant ou « Chair lady » était une femme à qui on amenait simplement de la nourriture pour qu’elle cuisine pour tout le monde.
- Selon le témoin Kwamex Fofana, Alieu Kosiah a occupé des fonctions officielles seulement en 1995 et pas avant. Or la partie plaignante dit qu’il était appelé “General Kosiah” en 1993-1994.
- Les soldats ULIMO ne portaient pas de pistolet, ce qui ressort du dossier selon l’avocat, donc Alieu Kosiah n’avait pas de pistolet, encore moins pour passer la frontière guinéenne comme l’a pourtant mentionné la partie plaignante.
- Enfin, le récit de la partie plaignante ressemble étrangement à ceux d’autres témoignages parus dans un journal, et ce alors qu’aucun élément de la TRC, selon Me Gianoli, ne viennent accuser son client.
Déclarations contradictoires de la septième partie plaignante Mme F.
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les déclarations de cette septième et dernière partie plaignante, et notamment les différences entre la version des faits dans la plainte initiale et les déclarations faites à Berne devant le Ministère public. Sont listées aussi les invraisemblances selon l’avocat ou les affirmations qui montrent que la partie plaignante n’est pas crédible.
- Le fait que la partie plaignante ait d’abord déclaré que les ULIMO ne lui avaient jamais rien fait à elle, qu’elle ne savait pas si les forces qui sont entrées dans son village étaient ULIMO ou pas, et qu’elle a seulement entendu le nom « General Kosiah ».
- Le fait qu’elle ait déclaré que les hommes de son village furent « tabé » dès l’arrivée des ULIMO, alors qu’elle déclara à un autre moment que ce fut seulement à partir du 26ème homme emmené qu’ils ligotèrent les hommes selon le « tabé».
- Le fait qu’elle ait dans un premier temps déclaré qu’après avoir emmené les hommes du village les soldats ULIMO sont revenus les couteaux pleins de sang, alors que dans un second temps elle a dit que seul M. Kosiah avait au retour un couteau plein de sang, mais qu’il n’avait pas de sang sur lui.
- Sur son arrestation à Voinjama, avant d’être abusée sexuellement, Mme F a d’abord dit que des hommes l’ont arrêtée, et qu’ils lui ont dit qu’ils l’amèneraient vers le général Alieu Kosiah. Par la suite, sa version a changé, et c’est un seul « boy» qui est venu vers elle pour l’emmener vers M. Kosiah, puis c’est Alieu Kosiah qui a envoyé le « boy » pour aller la chercher ».
- Le fait qu’elle ait déclaré que quand Alieu Kosiah l’a emmené, il avait un couteau, alors qu’elle a aussi dit qu’il avait un pistolet et un AK-47.
- Sur le fait de savoir pourquoi elle ne connaissait pas le nom de Pepper & Salt, elle a dit qu’elle se cachait, et qu’elle connait le nom du prévenu uniquement parce que quand elle l’a vu, elle n’a pas pu se cacher. Ainsi, elle a entendu les soldats dire « General Kosiah », ayant alors déjà entendu parler de lui mais sans jamais l’avoir vu. Or, cela n’explique toujours pas comment elle n’avait jamais entendu parler du nom de Pepper & Salt, le commandant ULIMO le plus important de Voinjama.
- Le fait qu’elle ait déclaré avoir rencontré le plaignant EBJ pendant la guerre parce que cette partie civile et sa famille étaient venus dans son village, ayant été déplacés par la guerre. Or, EBJ, selon ses déclarations et son itinéraire, sa famille et lui ne sont pas passés par le village de la partie plaignante en question, Mme F.
- Le fait qu’elle a déclaré que les troupes du général Kosiah portaient un foulard rouge. Or, une autre partie civile a déclaré que les rebelles NPFL portait du rouge et les ULIMO portaient du blanc.
- Le fait que selon les versions elle ait déclaré avoir rencontré Hassan Bility pour son interview à Botosu, à Voinjama ou à Monrovia.
- Finalement, l’avocat relève que les propos de la partie plaignante sont le plus souvent incohérents.
Déclarations contradictoires du témoin AK
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les déclarations de ce témoin et notamment les différences entre la version des faits devant le Ministère public à Berne où il fut déjà entendu comme témoin et les déclarations faites à Berne devant le Ministère Public
- Le fait que les déclarations de ce témoin ajoutent encore de la confusion sur la façon dont une des personnes assassinées a été tuée : pistolet, AK-47 ou autrement.
- Les variations et confusions dans son récit sur le nombre de morts sur la marche et sur la présence ou non d’un pont.
- Le fait que selon ses déclarations, l’une des parties civiles qui le mentionne, T6, ne le connait pas.
- La contradiction dans son récit à la question de savoir s’il y avait ou non des véhicules pendant la guerre.
- L’incohérence sur l’heure du départ de la marche depuis Gondolahun.
- Le fait qu’il n’a pas vu les corps des personnes soi-disant assassinées sur le chemin du retour, ce qui contredit le récit des parties plaignantes.
- L’avocat relève enfin sur cette partie plaignante que quand on oublie un élément cela peut arriver, mais quand on en oublie plusieurs, alors cela devient une conspiration, il n’y a pas d’autre terme.
Déclarations contradictoires du témoin FK
L’avocat liste les contradictions qui existent selon lui dans les déclarations de ce témoin et notamment les différences entre la version des faits dans la plainte initiale et les déclarations faites à Berne devant le Ministère public. Il est à rappeler que ce témoin avait le statut de partie plaignante jusqu’à l’ordonnance du renvoi du procureur, et qu’il a été ensuite été considéré dans la procédure comme un témoin, raison pour laquelle il existe pour lui une plainte initiale.
- Selon l’avocat, le témoin a varié sur sa date de naissance : soit 1977, soit 1978.
- Le fait que le témoin n’aurait pas parlé de l’argent volé à son oncle dans la plainte initiale.
- Le fait qu’il n’ait pas toujours fait mention dans la procédure du fait que son oncle a été attaché par les soldats ULIMO.
- Le fait qu’il ait varié dans ses déclarations au sujet du nombre de coups de feu qu’il aurait entendu, un seul ou deux coups de feu.
- Le fait qu’il a varié sur le fait de savoir s’il a vu M. Kosiah tirer sur son oncle ou s’il a seulement vu une balle arriver dans le corps de son oncle puis avoir vu Alieu Kosiah qui rangeait son arme.
- Le fait qu’il ait varié sur la question de savoir si oui ou non il y avait des civils mandingos dans le village qui savaient que son oncle avait de l’argent.
Sur la cohérence pendant les audiences des témoins appelés par la défense
Sur ce thème, Me Gianoli commence par expliquer que l’ancien enfant soldat appelé à témoigner par la défense a eu l’occasion de confirmer les informations qu’il avait déjà prononcées durant les auditions devant le Ministère public de la Confédération. Il fait appel à des souvenirs profondément ancrés et cohérents dans le temps, contrairement à ceux des parties plaignantes.
L’avocat continue avec le témoin de la défense Fanboy, qui a confirmé sans aucun doute possible que Alieu Kosiah était bel et bien arrivé en 1994 à Foya. M. Kosiah n’a pas eu peur de faire venir ce témoin car il était certain que ce dernier allait confirmer son parcours et pas l’inverse. A l’inverse, demande Me Gianoli, pourquoi d’autres personnes à charge contre son client et dont les noms apparaissent dans la procédure ne viennent pas témoigner ? Simplement parce que ces personnes ne peuvent pas confirmer les propos des parties plaignantes.
Enfin, à propos de Kunti Kamara, l’avocat rappelle qu’il n’a reconnu aucune des parties plaignantes et aucun des témoins à charge. Il n’a reconnu qu’Alieu Kosiah, ce qui démontre qui ment dans cette procédure. Une des personnes appelées à charge a prétendument reconnu Kunti Kamara, alors que cette personne avait aussi dit avoir seulement entendu parler de Kunti Kamara, ce qui n’est pas crédible. Kunti Kamara a été quant à lui très clair sur le fait que les atrocités reprochées aux soldats ULIMO, et également les viols, étaient en réalité commis par les soldats NPFL qui portaient des foulards rouges pendant la guerre.
Sur la personnalité d’Alieu Kosiah
Me Gianoli commence sur ce sujet en déclarant qu’Alieu Kosiah est un homme avec ses qualités et ses défauts. On lui demande de se rappeler d’événements qui datent de bien plus de 20 ans. Si quelques dates qu’il a donné en début d’instruction ont été corrigées ensuite par l’accusé lui-même en cours de procédure, c’est bien naturel selon l’avocat. En effet, la guerre s’est déroulée il y a longtemps, et grâce à l’enquête, Alieu Kosiah a pu remettre les événements dans leur ordre chronologique et ainsi corriger certaines de ses premières déclarations.
L’avocat poursuit en rappelant que son client a toujours collaboré à l’instruction, et grâce à ses très bonnes connaissances historiques du Liberia, il a ainsi éduqué toutes les parties à la procédure.
Au sujet de ce qui s’est passé pendant sa demande d’asile, l’avocat rappelle en substance les déclarations de son client : « Si la vérité est importante pour moi, il y a des moments où il faut faire des compromis, surtout quand on vient d’un pays pauvre », a expliqué Alieu Kosiah. C’est pourquoi il s’est comporté comme il l’a fait pour sa demande d’asile en Suisse, et a parfois adapté ses réponses en conséquence, au vu de la nécessité pour sa sécurité d’obtenir l’asile.
Me Gianoli poursuit en citant une des phrases citées par les rebelles du NPFL qui combattaient les forces ULIMO pendant la guerre : « Civilians don’t have blood » (« les civils n’ont pas de sang »). Or, pour l’avocat, cette phrase est le contraire de valeurs d’Alieu Kosiah, comme ce dernier l’a expliqué très clairement en audience. S’agissant de son parcours au Liberia, le prévenu s’est toujours montré précis sur les événements selon son avocat et malgré le temps écoulé. En effet, quand on dit la vérité, on ne peut pas se tromper ; c’est pourquoi ses déclarations n’ont jamais changé en substance sur les faits.
L’avocat poursuit en disant que la formation militaire de son client lui a transmis le respect de la hiérarchie et lui a aussi permis de supporter ses conditions pendant la guerre. Il considère Alieu Kosiah comme est un garçon instruit, fier, intelligent, et aussi sympathique. Selon lui, il était un soldat qui accompagne volontiers ses camarades sur la ligne de front et qui n’avait pas peur.
Il conclut sur ce thème en disant qu’un homme ne change pas fondamentalement ; quand un homme est bon, il reste bon, malgré le passage du temps.
Sur le rapport de l’administration de la prison sur le comportement d’Alieu Kosiah
Me Gianoli commence par dire que selon ce rapport, Alieu Kosiah se comporte bien en prison. Il aime échanger avec les détenus, fait volontiers la médiation entre les ces derniers et le personnel, il joue volontiers ou discute avec les autres détenus, effectue volontiers la marche journalière. Il connaît bien l’entreprise, ce qui lui permet de former les nouveaux arrivants.
L’avocat poursuit en disant que selon ce rapport la cellule d’Alieu Kosiah est toujours bien rangée, qu’il y a beaucoup de documents papiers dans son dossier, ce qui prend beaucoup de place, parce qu’il travaille beaucoup dessus. Par ailleurs, le prévenu a effectué des travaux de pliage pour des entreprises privées, et le travail de nettoyage qu’il effectue en prison est fait à leur entière satisfaction.
L’avocat conclut en disant que c’est un très bon rapport, qu’il n’y a jamais eu de retours négatifs sur M. Kosiah de la part de l’administration pénitentiaire durant toutes ces années.
Toutefois, selon Me Gianoli, son client a évidemment eu du mal à s’habituer à la prison. De fait, Me Gianoli a eu beaucoup de discussions à ce sujet avec son client. De plus, les signes de fatigue de son mandant à cause de son incarcération deviennent perceptibles
Sur le fait que ce comportement fiable et honnête d’Alieu Kosiah apparaît aussi chez les témoins convoqués en audience :
Me Gianoli rappelle les paroles de l’ancien enfant soldat sur M. Kosiah dans cette procédure : « Quand je l’ai rencontré, il a fait des bonnes choses en ma présence », a-t-il dit. Une autre personne dans cette procédure a parlé à propos d’Alieu Kosiah d’« un gentleman »
Alors bien sûr, selon l’avocat, le prévenu n’est sans doute pas parfait, il a aussi fait des erreurs, mais ce qui transparait si clairement de sa personnalité à travers ses actes sont son honnêteté et sa fiabilité.
L’avocat rappelle encore qu’avant cette affaire, Alieu Kosiah n’était pas connu de la justice.
« Non, non ! Ce n’est pas possible ! » a répondu un journaliste de la NZZ à la question du juge qui lui demandait si Alieu Kosiah pouvait être ce criminel de guerre.
Sur le parcours libérien d’Alieu Kosiah et son et statut militaire
Me Gianoli commence à ce sujet par dire que les parties plaignantes libériennes auraient tout vécu, mais sans être présentes. Elles sauraient tout mais en fait sans connaître ce dont elles parlent. Ainsi, parce qu’Alieu Kosiah n’est pas le groupe ULIMO, il ne peut parler qu’en tant que personne individuelle. Par conséquent, le prévenu a très souvent dû recentrer les débats pour que l’amalgame ne soit pas fait entre les actes des rebelles ULIMO et lui, entre son propre comportement et les horreurs possiblement commises par d’autres pendant la guerre. C’est pourquoi il faut établir à nouveau le parcours individuel d’Alieu Kosiah au Liberia pendant la guerre.
« Si j’ai commis quelque chose, c’est dans la région du Grand Cape Mount ou dans le Lofa » a ainsi dit Alieu Kosiah selon son avocat dans la toute première audience devant le Ministère public. Il a aussi dit : « Je n’ai jamais dormi à Kolahun, mais je suis passé par là. ». Sans connaître les détails de l’enquête, et dès sa première audition, il a selon son avocat dit qu’il était dans le Lofa en 1994 et pas avant. Il se trouvait à Klee et n’était pas à Zorzor lors de sa prise par le commandant ULIMO Steven Dorley en mars 1993. Si Alieu Kosiah a évoqué la prise de cette ville, il n’a jamais dit dans cette procédure qu’il accompagnait le commandant ULIMO Dorley pendant la capture de Zorzor. Le prévenu était basé à Zorzor comme commandant ULIMO qu’à la fin de la guerre, quand il y avait un cessez-le-feu.
Concernant son grade, Alieu Kosiah a dit selon son avocat qu’il était sergent en Sierra Leone, officier, puis commandant régional à Zorzor. C’est lui qui voulait faire témoigner Kwamex Fofana ainsi que Lamine Kanneh et l’ancien enfant soldat qui l’ont accompagné dans tous ses déplacements pour prouver où il était vraiment dans le Lofa et à quel moment pendant la guerre. Le prévenu a tenté de faire témoigner au début de la procédure un autre ancien ULIMO qui pouvait confirmer que Alieu Kosiah n’était pas à Foya au moment de la capture de Foya, car cet ancien ULIMO était lui à Foya pendant la capture, comme d’autres dont Kunti Kamara.
Ainsi selon son avocat Alieu Kosiah a toujours fait état qu’il était arrivé au Lofa qu’en 1994. Et quand il y était, il n’y avait pas le régime de terreur mentionné durant les débats.
Me Gianoli continue en disant que son client n’a eu aucune connaissance du contenu des plaintes et n’a donc pas pu être influencé avant son audition. Pourtant, il était déjà clair sur son parcours dès les premières auditions. Par conséquent, ses déclarations n’ont pas varié et ses déplacements ont été clairs et connus dès le début de la procédure.
A cela, continue son avocat, s’ajoutent les interventions d’autrui : un des témoins qui était un civil appelé par la défense n’a pas vu Alieu Kosiah quand les ULIMO sont entrés dans le Lofa. Quand M. Kosiah est venu dans le Lofa, il n’y avait plus de combat selon ce témoin. Après cette première rencontre, ils sont devenus amis. Alieu Kosiah venait dire qu’il ne fallait pas faire de mal aux civils.
L’avocat poursuit en disant qu’un autre témoin de la défense, Lamine Kenneh, dont le chef était Alieu Kosiah, a quant à lui déclaré : « Je suis allé dans le Lofa avec mon chef après la prise Foya. Nous n’étions pas de la mission de la prise de Lofa. Nous sommes arrivés quand tout le Lofa était sous contrôle ULIMO. Alieu Kosiah était le commandant lors de la prise de Todi. Au moment de la scission des ULIMO nous étions Tubmanburg ». Or, la scission s’est déroulée en 1994.
Un autre témoin, Omaru Kellleh a aussi confirmé qu’Alieu Kosiah était sous ses ordres quand, ensemble, ils ont pris la ville de Todi. Ce témoin a également confirmé qu’Alieu Kosiah se trouvait à Tubmanburg au moment de la scission des ULIMO, soit en 1994. De plus, un autre combattant ULIMO, Advisor, a dit : « J’ai participé personnellement à la prise de Zorzor, Alieu Kosiah n’y était pas, il est venu quand tout était calme ». Enfin, un dernier ancien soldat ULIMO, Fanboy, a participé à la mission de la prise du Lofa à partir de la ville de Zorzor et lui aussi a confirmé les propos d’Alieu Kosiah.
Quant à l’ancien enfant soldat, sa chronologie est forcément fausse, lui qui a dit être arrivé avec Alieu Kosiah en 1993 dans le Lofa. Cette confusion est due à son jeune âge. Toutefois, cet ancien enfant soldat a également confirmé aussi que quand ils sont arrivés dans le Lofa, toutes les villes du Lofa avaient été prises. Une analyse détaillée des déclarations de l’ancien enfant soldat confirme chaque propos que le prévenu a fourni en début de procédure.
Aspects juridiques des actes liés à l’accusation
L’avocat commence par dire qu’Alieu Kosiah conteste avoir recruté un enfant. L’ancien enfant soldat a dit en audience : « J’ai été sauvé par les ULIMO. Je n’ai jamais entendu quelqu’un se plaindre d’avoir été forcé à combattre ». Les déclarations sur ce chef d’accusation sont donc trompeuses : ce ne sont pas les ULIMO qui allaient violer sa sœur ou tuer son frère s’il ne rejoignait pas le groupe armé pour sa protection, mais bel et bien les NPFL.
Selon l’acte d’accusation, l’ancien enfant soldat a été un garde du corps personnel d’Alieu Kosiah. Me Gianoli rappelle néanmoins que ces accusations sont fausses, l’ancien enfant soldat ayant lui-même allégué en audience que cela n’avait pas été le cas.
Pour Me Gianoli, celui qui laisse un enfant s’enrôler lui-même n’est pas punissable selon la doctrine. Le code pénal (art. 21) précise que celui qui ne sait pas qu’une règle est illicite n’agit pas de manière coupable. Toute culpabilité sur le chef 1.3.2. de l’acte d’accusation doit donc être rejetée.
Pour le reste, selon l’avocat, tous les autres actes reprochés à son client ayant eu lieu dans les périodes pendant lesquelles Alieu Kosiah n’était pas dans le Lofa, Me Gianoli déclare les traiter en bloc. Ainsi, son client doit être acquitté de l’ensemble des chefs d’accusation, puisqu’encore une fois, il n’était simplement pas présent dans les Lofa à ce moment-là.
L’avocat continue en disant que ni l’accusation ni les auditions pendant les débats n’ont apporté la preuve de la culpabilité de son client. L’on se trouve donc dans une situation de parole contre parole, Alieu Kosiah n’ayant pas été présent au moment des faits. De plus, même s’il avait été présent, Me Gianoli a demandé comment est-ce que le prévenu pourrait être reconnu coupable face aux versions constamment changeantes des parties plaignantes.
Par conséquent, l’avocat conclut en disant que son client doit être reconnu non coupable.
Demande d’indemnité
Selon Me Gianoli, la longue détention injustifiée dont Alieu Kosiah a fait l’objet de demandes ’d’indemnités, et la Confédération doit être condamnée à l’indemniser.
Pour le dommage économique subi (art. 41 et suivant du Code des Obligations, l’avocat demande 500’000 CHF. Il demande également des réparations pour tort moral et atteinte grave à la personnalité, en raison du dévoilement de son identité dans la presse, et également en raison des dures conditions de détentions ayant induit des douleurs dorsales), soit un total additionnel de 856 000 CHF.
Enfin, Me Gianoli conclut au rejet intégral des conclusions du Ministère public et des prétentions des conclusions civiles des parties plaignantes.