Jour 21 – cinquième jour des plaidoiries : débats consacrés aux répliques du Ministère Public de la Confédération et des avocats des parties plaignantes ainsi qu’à la duplique de Me Gianoli
5 mars 2021
Le juge Bacher ouvre les débats. Ils seront consacrés aux répliques du Ministère public de la Confédération (MPC) et des parties plaignantes ainsi qu’à la duplique de Me Gianoli.
La parole est donnée au Procureur fédéral Andreas Müller pour la réplique
Le Procureur fédéral ne voit pas à ce stade la nécessité d’ajouter la coaction comme mode de responsabilité pénale, mais ne s’y opposera pas non plus. Concernant la notion juridique d’omission, le MPC s’est déjà prononcé sur la rétroactivité de cette application, et la question est avant tout académique, le fait qu’Alieu Kosaih soit reconnu coupable ou non d’omission n’aura aucune incidence pratique. Ainsi, le MPC s’en remet à l’appréciation de la Cour sur ce point.
Selon le Procureur fédéral, la défense a déterré pendant des heures et des heures de plaidoirie la moindre virgule de six ans d’instruction, et tout y est passé : le grade ou la fonction d’Alieu Kosiah, l’électricité à Pasolahun, la couleur rouge portée par les forces ULIMO, la présence du prévenu à l’époque des faits. Or, toutes les réponses à ces questions se retrouvent dans le dossier.
Il poursuit en indiquant que certains éléments plaidés par Me Gianoli sont tout simplement faux. Ainsi, Kunti Kamara n’a pas été empêché de répondre en tant que témoin pendant la procédure ; idem pour l’autre témoin Kromah mentionné par la défense. Massa Washington n’a jamais fait de fixation sur les Mandingos qui étaient membres de la TRC, et l’une des parties plaignantes n’a pas été conditionné sur la base d’un article présenté par Alain Werner puisque le Procureur fédéral a lui-même posé des questions pendant des heures et des heures avant que Me Werner ne montre cet article.
En plus des erreurs dans sa plaidoirie, il y a aussi, selon le Procureur fédéral, des éléments qui sont ignorés par la défense. Il cite en exemple le fait que la partie plaignante qui a allégué les violences sexuelles contre Alieu Kosiah n’ait pas pu orthographier le nom de son village, alors qu’il est avéré qu’elle est illettrée ! Or le fait que cette même partie plaignante n’ait jamais entendu parler du commandant Pepper & Salt à Voinjama, alors qu’Alieu Kosiah lui-même a dit : « Quand on vient du Bush, c’est possible de ne pas connaître Pepper & Salt ».
Ainsi, selon lui, le prévenu reproche aux parties plaignantes de faire des erreurs dans le récit – chronologie, habits des soldats, type d’armes – comme si la guerre civile au Liberia avait été une grande pièce de théâtre à laquelle les civils assistent du début à la fin en ayant acheté les programmes et les scénarios et devraient ainsi TOUT connaître, ce qui est juste absurde.
Selon le Procureur la moindre contradiction transforme ainsi selon la défense tout le témoignage en faux ! Que peut-t-on dire alors des 700 pages de témoignages d’Alieu Kosiah ?
Il poursuit en disant que même si on avait fait les auditions dans la langue maternelle des parties plaignantes, et non en « anglais libérien » il y aura toujours eu des décalages. Le Procureur cite par exemple la distinction que fait le prévenu en anglais entre « split », « scission » et « separation ». Or c’est la même chose ! Un interprète fait de l’interprétation, et on ne peut pas jouer constamment avec les mots et les significations comme le fait Alieu Kosiah.
Ainsi, selon le Procureur fédéral, il faut prendre de la hauteur, de la distance avec le puzzle général de ce dossier et voir l’image dans son entier. De fait, en ce qui concerne la chronologie, elle a été établie et il est inutile de revenir dessus.
Pour ce qui est des horreurs et atrocités commises par les ULIMO et qui n’ont plus d’échelle, le Procureur fédéral explique qu’elles ont été décrites dans ce dossier. Or le prévenu dit n’en avoir jamais entendu parler.
Il ajoute qu’en audience, Alieu Kosiah a dit à nouveau que le Lofa était sous les ULIMO un paradis quand il était là ; et si des crimes ont été commis, alors Alieu Kosiah prétend : « I was not there » ! Ce qui est extraordinaire, c’est que lorsque deux plaignants disent la même chose, c’est un complot selon le prévenu ; et quand deux plaignants disent deux choses différentes, c’est une contradiction et donc soit un mensonge soit un complot.
Le Procureur fédéral relève aussi que selon Alieu Kosiah, tout le monde ment : les médias, les ONG, la TRC, les historiens, la prison : le monde entier ment, c’est une conspiration mondiale. Le seul qui ne ment jamais c’est Alieu Kosiah lui-même et les témoins de la défense.
Il conclut en disant qu’il a toujours essayé de ne pas être cynique mais que face au déni, il faut l’excuser : c’est vraiment « Alieu Kosiah aux Pays des Merveilles du Lofa » ! Mais tout conte de fée a une fin, celui du prévenu s’achève dans cette salle. Le Ministère public de la Confédération maintient l’ensemble de ses accusations.
La parole est donnée à Me Alain Werner pour la réplique
Me Werner relève que la défense a plaidé pendant 12 heures de plaidoiries de la défense et pas un mot pour les victimes, ce qui fait mal. Les victimes ne comptaient pas à l’époque dans le Lofa, elles ne comptent pas plus aujourd’hui. La seule victime pour Alieu Kosiah, c’est lui-même.
Il continue en disant que la défense a laissé tomber la stratégie qui consiste à dire que les témoins étaient intéressés par l’argent et sans moralité. Ce n’est plus pour l’asile, ce n’est plus pour l’argent, pourquoi auraient-elles donc menti ? La raison du complot semble désormais être la haine ethnique si Me Werner a bien compris ce que la défense tente d’articuler.
« Cherchez l’erreur » a répété Me Gianoli en boucle. Pour Me Werner, les juges doivent chercher comment il se fait que toutes les organisations humanitaires, les Nations Unies, les médias, la justice seraient ligués dans une haine ethnique contre Alieu Kosiah et les Mandingos.
L’avocat continue en disant qu’une machination mondiale de la justice est alléguée de l’autre côté de la barre avec une multiplication d’éléments pour empêcher les témoins de la défense de comparaître. Or si un des témoins n’a pas été entendu immédiatement, ce n’est certainement pas à cause de Civitas Maxima, mais à cause d’Alieu Kosiah lui-même. C’est lui qui a signalé la présence dans un pays européen de cet ancien ULIMO actif dans le Lofa, ce qui a déclenché un début d’enquête par ce pays.
Me Werner continue en disant que la défense prétend que Civitas Maxima et le GJRP répandent des fausses informations sur des procédures de justice via des vidéos sur leur site internet. La troupe de théâtre au Liberia dont la vidéo figure sur le site de Civitas Maxima a repris ce qui a été écrit dans le jugement de l’ancien commandant ULIMO Jungle Jabbah à Philadelphie, et ce après la condamnation et non avant.
De la même façon, l’avocat relève aussi que la défense prétend que Civitas Maxima a fait circuler la photo d’Alieu Kosiah et porter atteinte à sa personnalité. Or c’est avec l’accord de la Procureure en charge de l’affaire à l’époque que le communiqué de Civitas Maxima a été publié, plusieurs semaines après son arrestation, et suite à une fuite sur les réseaux sociaux au Liberia où l’information circulait. « Et la publication de sa photo par Civitas Maxima sur les réseaux sociaux ? » interroge Me Werner. Cette photo provenait du site de rencontre que le prévenu fréquentait, a été utilisée de multiple fois par les médias avant que Civitas Maxima ne le fasse, l’organisation n’ayant pas communiqué pendant quatre ans publiquement sur ce cas.
Me Werner rappelle aussi qu’une plainte pénale a été déposée contre lui par Alieu Kosiah pour faux dans les titres à cause de la plainte initiale de quelqu’un qui était partie plaignante pendant l’instruction. Cette plainte contre l’avocat n’a mené à rien, a provoqué une non entrée en matière des autorités judiciaires, or Alieu Kosiah a fait recours jusqu’au Tribunal fédéral pour tenter d’ouvrir une procédure pénale contre l’avocat.
L’avocat continue en demandant comment la défense peut décemment s’étonner de l’absence au procès de la mère de l’une des parties plaignantes, GMS, alors qu’elle aurait selon la partie plaignante aussi assisté aux meurtres prétendument commis par Alieu Kosiah ? Me Werner s’insurge du culot de la défense. La mère n’a pas voulu venir car elle a peur, elle a peur pour sa sécurité, à tel point qu’elle ne voulait même pas que son fils participe à la procédure, et ce d’aucune façon ; ce que la partie plaignante a expliqué très clairement en audience.
Me Werner s’indigne aussi que la défense cite juste des bouts de phrases mentionnées par les témoins à charge comme par exemple l’une mentionnée par l’un d’entre eux : « les Mandingos possèdent ces journaux », ce pour faire penser qu’il a du mépris pour les Mandingos et lui fait dire tout le contraire de ce qu’il a dit dans le contexte où cela a été dit.
L’avocat continue en disant qu’une chose est admise dans ce dossier, c’est que Kwamex Fofana n’est pas passé par Civitas Maxima et le GJRP pour se retrouver à témoigner dans la procédure. Or, Kwamex Fofana a dit très clairement pendant son interrogatoire que certains de ces rapports qu’il recevait au quartier général des ULIMO sur ces crimes commis dans le Lofa par les soldats ULIMO concernaient bel et bien Alieu Kosiah.
[Le juge demande à Alieu Kosiah de se taire]
Me Werner lit les déclarations en audience d’instruction de Kwamex Fofana, ancien haut gradé ULIMO :
Question : « Avez-vous le nom de Alieu Kosiah sur les rapports ? » -Réponse « Oui je suis familier avec ce nom».
Question : « Ce nom était sur les rapports ? » – Réponse : « Oui »
Question « Sur les rapports concernant ces crimes ? » – Réponse « Oui»
Alors, Me Werner pose trois questions :
- Comment se fait-il qu’un tel haut gradé ULIMO a pu entendre parler des crimes commis par les forces ULIMO dans le Lofa, alors qu’il était basé dans le quartier général à Bomi, et qu’Alieu Kosiah n’en ait jamais entendu parler ?
- Comment se fait-il que ce même haut gradé ULIMO ait pu parler par les rapports qu’il recevait de la présence d’Alieu Kosiah dans le Lofa si Alieu Kosiah en fait n’y était pas ?
- Comment ce même haut gradé ULIMO a-t-il pu entendre parler des crimes d’Alieu Kosiah dans le Lofa si Alieu Kosiah n’en a jamais commis ?
Me Werner conclut en disant qu’il se réjouit d’entendre les réponses de la défense sur ces trois questions.
La parole est donnée à Me Romain Wavre pour la répllique
Me Wavre commence en disant qu’il avait pensé prendre un échantillonnage des erreurs contenues dans les plaidoiries de la défense mais le Procureur fédéral a déjà fait l’exercice. La conspiration alléguée n’existe pas.
L’avocat poursuit en disant que la défense soutient que les trois témoins de la défense sont parfaitement crédibles par rapport aux crimes commis et allégués par deux des parties plaignantes lors des marches forcées avec des villageois de Pasolahun. La question demeure : qu’est-ce qui pourrait bien avoir été la raison pour ces trois témoins de la défense de venir témoigner :
- Les 10 000 USD que chacun a demandé selon l’email lu en audience ?
- Une demande d’asile qui a été évoquée par l’une des personnes qui est venue témoigner ?
- D’autres avantages promis ? En effet, l’une des personnes a dit en substance en audience : « Ils m’ont dit que si mon témoignage offrait du succès à la défense, cela ne sera pas oublié et que je serais satisfait en retour ».
L’avocat ajoute que l’email produit en audience avec les demandes extravagantes de compensations financières était écrit dans un anglais parfait par une personne encore non-identifiée qui visiblement n’est pas l’une des personnes qui sont venues en audience. On ne sait donc toujours pas qui est à l’origine de ce mail.
La parole est donnée à Maître Hikmat Maleh pour la réplique
Me Maleh commence par dire qu’à propos de la notion juridique de l’enrôlement d’enfant soldat dans un groupe armé, ce crime peut être puni même à supposer que l’enfant soit volontaire, mais que l’ex-enfant lui-même ne peut pas être puni pour cet enrôlement.
L’avocat continue en disant que la défense se repose sur des affirmations fausses et sur des erreurs. Selon lui, son mandant n’a jamais corrigé les dates de sa plainte. Il n’y a pas de contradictions entre la plainte initiale et les auditions, et l’avocat donne plusieurs exemples, tel le « choix » de prendre de l’huile lors d’un transport forcé, la torture dite du « tabé » subie, et le fait de connaître quelqu’un qui a subi cette forme de torture.
Me Maleh poursuit en disant que Kwamex Fofana a en effet dit que Alieu Kosiah ne portait pas de pistolet car on fournissait des AK-47 aux soldats ULIMO. Sauf qu’Alieu Kosiah a dit lui-même dans la procédure qu’il avait un pistolet, dont il se serait débarrassé. La défense veut faire feu de tout bois.
Le mandant de Me Maleh a parlé de sa tristesse face à ce qui s’est passé pendant la guerre et ce qui lui est arrivé. L’avocat dit qu’il se demande si cette tristesse ne se serait pas transformée en colère si son mandant qui est retourné au Liberia avant les plaidoiries avait écouté les arguments de la défense.
L’avocat continue en disant que la défense a plaidé que si son client disait la vérité sur les événements, il serait mort pendant la guerre. Cela revient à nier la victime dans son entière personnalité. La défense selon Me Maleh adopte une logique criminelle, elle se met dans le cerveau d’un truand et raisonne selon lui, ce qui est très choquant.
Me Maleh poursuit en parlant d’un civil dans le récit de son mandant (« J ») dont la défense a dit dans sa plaidoirie : « J n’était même pas un civil, c’est confirmé par l’ancien enfant soldat ». Voici un récit que l’avocat appelle « La métamorphose de J dans l’esprit d’Alieu Kosiah » : en 2015, le mandant de Me Maleh parle de J qui s’enfuit de l’emprise des ULIMO et meurt de mort naturelle le 2 février 2009. Alieu Kosiah dit ensuite pendant la procédure : « Je connais un J, soldat, petit avec des gros yeux rouges, on m’a dit que c’était un ancien NPFL ». Un mois plus tard, J est devenu policier militaire (MP) à Voinjama dans le récit d’Alieu Kosiah. Puis, Me Gianoli demande à l’ancien enfant soldat pendant son audition s’il se souvient de quelqu’un dans le mouvement ULIMO appelé « MP J », et l’ancien enfant soldat répond que c’était un policier militaire. Plus tard, Alieu Kosiah dit en audience : « Peut-être que les deux J. sont frères ». Puis Alieu Kosiah se demande dans une autre audience comment est mort J., et rapporte qu’il y a eu un meurtre à Voinjama. Finalement, il en vient à déclarer dans la procédure que J. est décrit comme un civil par le mandant de Me Maleh mais que c’est en fait un soldat NPFL devenu MP ULIMO tué dans un affrontement avec les LURD. Cette transformation de l’évocation de J. par le mandant de Me Maleh est selon l’avocat un condensé de la manière dont s’organise la défense du prévenu.
La parole est donnée à Maître Zeina Wakim pour la réplique
Me Wakim déclare ne pas avoir réussi à suivre la trame de réflexion de la défense. Mais la défense a constamment fait des liens de causalité entre deux choses fausses.
La seule chose tangible sur laquelle l’avocate déclare pouvoir revenir c’est le fait que sa mandante n’a pas pu reconnaître Alieu Kosiah parce qu’elle l’appelait « General Kosiah » alors qu’Alieu Kosiah a déclaré ne jamais avoir été un général. Or l’avocat relève que le prévenu a reçu deux correspondances en prison de la part de personnes qu’il connaissait et qui sont adressées à « Monsieur le général Kosiah ».
La défense a dit que sa mandante mentait parce qu’elle a déclaré que la marche forcée au départ de son village se serait déroulée la nuit avant d’affirmer que la marche aurait eu lieu de jour. Or la seule chose que sa mandante a dit était : « It’s getting dark », ou qu’il ne faisait pas nuit ou jour mais que le ciel était couvert
Me Wakim conclut en disant qu’il est trop difficile pour Alieu Kosiah de supporter les accusations, raison pour laquelle il a déposé une plainte pénale contre la mandante de Me Wakim.
La parole est donnée à Maître Raphaël Jacob pour la réplique
Me Jakob commence par dire qu’il n’est pas d’accord avec le Procureur fédéral concernant l’impossibilité de pratiquer la rétroactivité du principe de coacteur, et ce car le droit pénal militaire de l’époque renvoyait au droit pénal international, de même qu’au droit coutumier. Quant au concept d’omission, c’était également déjà contenu dans le droit pénal militaire.
L’avocat déclare ensuite revenir sur le carnaval de la mauvaise foi fait par la défense. Pour lui, parmi les caractéristiques de la théorie du complot, il y a sept marqueurs. Me Jakok explique qu’on peut employer ces sept marqueurs pour analyser la défense d’Alieu Kosiah.
- Les théories du complot sont contradictoires. Ses théoriciens ne reculent pas devant le fait de présenter des éléments contradictoires, ce que la défense d’Alieu Kosiah a fait en permanence.
- « On nous cache quelque chose ». Quand on démontre que le complotiste a tort, celui-ci pense qu’il y a quand même quelque chose pour justifier sa croyance. Me Jakob cite l’exemple du pistolet d’Alieu Kosiah dans la procédure.
- Le conspirationniste prête toujours des intentions néfastes aux autres : « Les mandataires ont été préparés dans le seul but d’étayer l’accusation ». Or selon Me Jakob « préparer » est un terme anodin. C’est normal que les avocats préparent les témoins, les avocats ne sont pas là pour décorer. La « préparation » est le travail normal de l’avocat. Dans la bouche de la défense, le mot « préparation » devient un dessin néfaste.
- La suspicion extrême. On ne peut rien croire de ce que les gens disent.
- La persécution. Les partisans des théories du complot se voient comme victimes d’un système organisé. Or, Me Jakob explique qu’il n’y a aucun témoin de la défense qu’il voudrait voir retirer du dossier car tous ont contribué au cas contre Alieu Kosiah. La défense s’étonne que Kunti Kamara ait été arrêté, or bien évidemment que son arrestation a été recherchée ! Si les avocats des victimes apprennent son adresse, ils n’allaient pas lui envoyer des fleurs ! Et c’est Alieu Kosiah lui-même qui a fourni son adresse ! La défense a plaidé l’illicéité pour le recrutement de l’enfant soldat. Ce n’est pas l’intelligence qui manque à Alieu Kosiah selon Me Jakob, c’est l’empathie.
- Imperméabilité à la preuve. Toutes les preuves qui ne confortent pas la théorie du complot sont rejetées. Le mandant de Me Jakob a dit qu’Alieu Kosiah portait un jour un gant, ce qu’a confirmé précisément un témoin de la défense, mais cela ne compte pas. Fanboy serait un témoin hostile parce qu’il a sauvé le plaignant LSM. Cependant, Fanboy est un criminel de guerre proche de Kosiah. Kunti Kamara pourtant appelé par la défense confirme la présence d’Alieu Kosiah lors de la prise de Foya et affirme avoir combattu avec Alieu Kosiah à ce moment-là, mais cela ne compte pas car il s’est trompé de toute façon en disant que la prise de la ville a eu lieu pendant la saison sèche.
- Réinterprétation de l’aléa. Les petits détails sont la preuve du complot. Chaque erreur ou contradiction est la preuve du complot. Paroxysme de la réinterprétation de l’aléa : quand la défense plaide qu’il est impossible qu’Alieu Kosaih ait pu renoncer de tuer le mandant de Me Jakob, ou qu’il est impossible que le mandant de Me Jakob n’ait pas été tué en premier car c’est celui qui parlait le plus et qui était un agitateur. Ou encore, quand la défense plaide que le mandant de Me Jakob selon son récit était tellement chanceux de ne pas avoir été tué qu’il aurait dû jouer au loto ce jour-là.
La parole est donnée à Maître Dimitri Gianoli pour la duplique
Me Gianoli explique avoir plaidé le dossier sur la base des éléments qui y sont contenus. Il ajoute que la vérité ne peut pas changer en 24 heures. De plus, il dit avoir plaidé en son âme et conscience et avec conviction ; et comme le soldat Alieu Kosiah dans le Lofa, il dit avoir été fidèle à sa mission.
Il y a quand même un argument non mentionné par Me Alain Werner dans sa plaidoirie. L’ancien commandant ULIMO Jungle Jabbah a été arrêté aux Etats-Unis pour violation de la loi sur l’asile, et pas pour crimes de guerre. Me Alain Werner aurait pu avoir l’honnêteté de le dire.
Pour le reste, selon Me Gianoli, tout est une question de contexte. Selon lui « Une partie qui réplique, est une partie qui défaille », et il ne voit pas la nécessité de faire de dupliquer.
La parole pour conclure les débats est donnée à Alieu Kosiah
Alieu Kosiah félicite les juges pour ce qu’ils ont fait. Il déclare avoir été encouragé par les juges qui ont procédé à un réel contre-interrogatoire tant pour lui que pour les parties plaignantes et les témoins.
Il continue en disant que les êtres humains sont différents des animaux car ils savent ce qu’est la justice et l’injustice.
Il déclare croire en la justice car toute personne qui commet des crimes doit être jugée, mais le problème est, selon lui, de savoir comment et quand on rend justice. Il y a sept parties plaignantes contre lui dans ce procès, et demande ainsi si c’est cela la justice, compte tenu du fait qu’il n’a pas tiré une seule balle contre des civils.
Alieu Kosiah ajoute que tout le monde a des émotions, mais qu’il faut être honnête malgré l’émotion. Or, il n’y a pas de corps, pas de vidéo, pas de tombe pour prouver sa culpabilité, et il se retrouve en procès simplement parce que quelqu’un prétend quelque chose.
Il poursuit en déclarant que le travail du Procureur fédéral est de dire la vérité, il défend l’Etat, pas les parties plaignantes. Par conséquent, il doit corriger son « erreur » quand il se rend compte que le dossier est vide. Pour obtenir justice, il ne faut pas chercher l’injustice, sinon c’est de la moquerie. Ainsi, Alieu Kosiah accuse le Procureur fédéral de ternir sa réputation pour des raisons politiques.
Il ajoute que Jungle Jabbah n’était pas à Lofa lorsque les crimes présumés ont été commis, et que si Varvley Dolley est arrêté, il y aura une guerre civile au Liberia. La faute incombera à Alain Werner.
Alieu Kosiah réitère ses affirmations sur les mérites non reconnus des Mandingos et prétend que le groupe ULIMO a sauvé Monrovia des NPFL, et qu’il a perdu huit hommes. Or, Alieu Kosiah déclare qu’on ne peut pas en parler et on ne reconnaît pas ces faits parce qu’ils ont été réalisés par des Mandingos.
Il réitère ensuite le fait qu’il n’était pas présent lorsque Pepper & Salt a capturé Lofa. Il a chassé Pepper & Salt du Lofa sur les ordres du leader ULIMO Alhaji Kromah. Cela ne correspond pas à la « narration » de Civitas Maxima.
Alieu Kosiah accuse ensuite une fois encore le Procureur fédéral d’agir uniquement sur la base de ce que les plaignants ont dit. Il compare son cas à celui de Sadam Hussein, dont la destinée a été déterminée par une gaffe de l’administration Bush. Dans son cas, tout est de la faute d’Alain Werner. Hassan Bility a tout fait pour trouver quelque chose sur lui parce qu’il a été payé par Alain Werner. Toutefois, le prévenu pense qu’au fond le Procureur fédéral est une bonne personne et Alieu Kosiah s’excuse s’il l’a offensé.
Pour conclure, M. Kosiah déclare ne pas demander de favoritisme. Il demande seulement que la vérité prévale. La justice n’a pas de couleur.