05/04/21 (Liberia) Vingt-cinquième jour: Audition des témoins n°48 et 49

Audition du témoin n°48 

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Soldat 39)

La Défense interroge le témoin n°48

Le témoin a commencé par expliquer que, pendant la Deuxième guerre civile libérienne, il a été affecté à Vahun, près de la frontière avec la Sierra Leone, de décembre 1999 à 2002, où il a servi pour la « Garde présidentielle spéciale». Il a quitté son poste à la fin de l'année 2002 parce qu'il a été blessé, et après être allé à Monrovia pour un traitement médical, il est retourné à Vahun pour les affaires.

Lorsqu'on lui a demandé s'il connaissait JP Koroma, le témoin a répondu qu'il était l'un des officiers de la milice « de ce côté-là », qu'il avait appris sa mort par son officier, et qu'il s'agissait d'une affaire « entre lui et les forces amies, qui avait un rapport avec sa petite amie ». Le témoin a provisoirement déclaré que cela s'était produit en 2001 et qu'à l'époque, il y avait beaucoup de commandos du RUF sur place. Le témoin n°48 a dit que parmi beaucoup d'autres, l'Ange Gabriel et Superman étaient là. La Défense lui a demandé s'il savait qui était responsable de la mort de Koroma, et le témoin a répondu que « le nom que j'ai obtenu » était celui du général Sheriff, qui utilisait différents noms lorsqu'il se rendait sur les lignes de front. Il a poursuivi en ajoutant que le vrai nom de l'Ange Gabriel était Sheriff Massaquoi, et qu'il a causé la mort de Koroma : selon le témoin, il a ordonné à ses hommes d'arrêter Koroma, et s'il résistait, ils devaient tirer à vue. Cela s'est passé entre Masambolahun et Popalahun. C'est son officier [FNM-152], décédé entre-temps, qui lui a dit cela. La Défense a souligné que d'après sa compréhension de l'enquête préliminaire, le témoin avait dit aux officiers qu'il était présent. Le témoin n°48 a répondu qu'il avait dit aux officiers qu'il était à Vahun. 

La Défense a posé des questions concernant Koroma : le témoin a répondu qu'il était « Mandingue, et les Mandingues viennent de Guinée ». Il a ajouté qu'ils s'étaient rencontrés sur le terrain, et que Koroma venait des LURD.

L'Accusation interroge le témoin n°48

L'Accusation a demandé au témoin s'il savait dans quelle ville se trouvait «cet Ange Gabriel Massaquoi » ; le témoin n°48 a répondu qu'il se trouvait à Folima, une ville frontalière proche de Vahun. L'Accusation a demandé au témoin s'il avait été à Kamatahun en même temps qu'Ange Gabriel, et il a répondu par l'affirmative, car il s'agissait de sa zone d'affectation et qu'il s'y arrêtait en allant à Popalahun. Il a poursuivi en disant que ce qu'ils avaient vu faire de la part de l'Ange Gabriel à Kamatahun les avait « choqués ». Interrogé, il a expliqué qu'il y avait là une maison où logeaient des réfugiés venus de différents endroits, y compris des enfants. Ils ont découvert que les enfants étaient à la charge des officiers, et l'Ange Gabriel a ordonné à ses hommes de s'en débarrasser ; ils ont commencé à « tirer à tout va ». Le témoin a ensuite expliqué qu'il avait donné cet ordre car « il percevait tout le monde comme un ennemi ». Le témoin se trouvait à Yandohun au moment des faits et [FNM-152] lui a dit que l'Ange Gabriel, « l'homme invisible », avait donné cet ordre. Cela s'est passé en 2000. 

L'Accusation a demandé au témoin comment [FNM-152] avait obtenu l'information sur Koroma ; il a répondu que [FNM-152] était en ville à ce moment-là. Il a ajouté que cela s'était passé en 2001. 

L'Accusation a demandé au témoin s'il avait vu l'ange Gabriel à Monrovia. Le témoin a répondu qu'entre fin 2002 et 2003, il l'avait vu lui-même avec Benjamin Yeaten. Il n'était plus l'Ange Gabriel, mais Sheriff. Ils logeaient à 12 Houses, et le témoin n°48 l'avait également vu dans la cour de Yeaten, et dans l'enceinte d'Alhaji G. V. Kromah. Il a ajouté que Sheriff était affecté à Yeaten, qu'il avait ses propres officiers, un pick-up et des groupes armés avec lui. Le témoin a expliqué que lorsqu'il se rendait à Monrovia, il travaillait en tant qu'agent d'approvisionnement ; le commandant 50 lui donnait des fournitures et il les apportait « là où ils séjournait ». Il a ajouté que l'Ange Gabriel contrôlait les « garçons de Sierra Leone ». La dernière fois qu'il a vu Ange Gabriel, c'était en 2000, à Monrovia, à l'époque des LURD. Ange Gabriel parlait le krio. 

La Défense interroge le témoin n°48 davantage 

Le témoin a expliqué que lorsque Massaquoi était à Monrovia, ils les fournissaient toujours au nom de Benjamin Yeaten. Il savait que Massaquoi était l'un des receveurs. La défense a souligné que dans le résumé de la police, lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu Massaquoi à Monrovia, le témoin a répondu que c'était le cas, mais « par hasard, au début de 2003  », lorsqu'il y avait une guerre contre le LURD et le MODEL. 

A la question de savoir si Massaquoi avait participé aux combats, et si oui, si c'était à Waterside, le témoin a répondu par l'affirmative. La Défense a demandé s'il se souvenait de ce qu'il avait dit à la police à ce sujet ; le témoin a répondu qu'il avait dit avoir vu Massaquoi à Waterside, sur une BZT. La Défense a noté qu'il avait dit qu'il l'avait vu, mais qu'il ne se battait pas. Le témoin n°48 a expliqué qu'il ne pouvait pas donner tous les détails pendant l'entretien, il le faisait donc pendant l'audience. 

A Waterside, il y avait un grand groupe de soldats dirigé par Benjamin Yeaten. Des Sierra-Léonais étaient là, et leur chef était [FNM-159]. Il avait dit à la police que les Sierra-Léonais avaient de « petites unités », et qu'il n'avait pas vu Massaquoi là-bas, mais il était avec Benjamin Yeaten sous le bâtiment E.J. Royce ; le témoin était là et l'a vu. La Défense a souligné que dans le résumé de la police, le témoin a déclaré que Massaquoi n'était pas là. L'Accusation est intervenue et a demandé que l'enregistrement soit diffusé avant que le témoin ne fasse des commentaires à ce sujet. 

Dans l'enregistrement, on entend les policiers interroger le témoin pour savoir s'il a vu Massaquoi « dans le bâtiment » ; le témoin n°48 a répondu qu'il n'était « nulle part dans les environs». Toutes les actions dont il a été témoin de la part de Massaquoi ont eu lieu en Sierra Leone et à Lofa.  

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur JP Koroma, notant que le témoin l'a qualifié de Guinéen au tribunal mais de Sierra-Léonais dans l'entretien avec la police. Le témoin a attribué cela au fait que lui et Koroma « ne se sont rencontrés que sur le terrain ». La Défense a attiré l'attention sur les divergences dans les déclarations du témoin - à la police et à la cour - concernant sa présence au moment de la mort de Koroma. Le témoin n°48 a expliqué qu'il se trouvait dans le comté de Lofa à l'époque, à Vahun, mais pas sur le lieu où Koroma a été tué. Il a ajouté qu'il avait entendu ce qui s'était passé de la bouche d'un officier qui y était affecté. La Défense a insisté sur ce point, suggérant que le témoin avait laissé croire à la police qu'il était présent lorsque Koroma a été tué. La Cour a alors diffusé l'enregistrement de l'interview de la police, après quoi le témoin n°48 a reconnu que son interview donnait l'impression qu'il était présent. Selon le témoin, il n'était pas présent lorsque Koroma a été tué mais il était présent à Yandohun lorsque l'ordre d'arrestation de Koroma a été donné. Le témoin a précisé que Massaquoi avait donné cet ordre.

À ce stade, l'Accusation a souhaité obtenir des précisions sur l'immeuble E. J. Roye et le rôle de Massaquoi. Le témoin a expliqué que Massaquoi se trouvait à proximité de l'immeuble avec Benjamin Yeaten mais « n'est pas allé avec l’arme »..

La Défense a noté que le témoin avait déclaré avoir vu Massaquoi avec son BZT, ce à quoi le témoin a répondu que «  en tant qu'officier, [Massaquoi] avait accès à toutes ces armes ». Devant l'insistance de la défense, le témoin n°48 a répété que Massaquoi était présent dans l'immeuble E. J. Roye mais qu'il ne « portait pas d’arme ».

Selon le témoin, la guerre à Waterside s'est déroulée « fin 2002 début 2003 », précisant que la guerre était « tendue ». La défense a noté une certaine incohérence avec une déclaration antérieure dans laquelle le témoin se souvenait avoir vu Massaquoi au début de 2003 et que la guerre « ne se passait pas trop bien »..

Après quelques discussions entre la Défense et l'Accusation, la première a posé deux dernières questions au témoin. La Défense voulait savoir quand - selon le témoin - la guerre à Waterside avait commencé et quand le dernier combat impliquant les LURD avait eu lieu à Monrovia. Le témoin a eu du mal à s'en souvenir car ils ne pensaient pas à ces choses, mais il sait que la guerre a pris fin en 2003 en vertu de la résolution 1509 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les juges ont demandé au témoin quel était son grade militaire et s'il avait des noms de guerre. Le témoin a répondu qu'il était officier de planification et de formation et qu'il n'avait pas de nom de guerre. 

Audition du témoin n°49

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Soldat 22)

La Défense interroge le témoin n°49

La Défense a commencé son interrogatoire par la deuxième guerre civile libérienne. Le témoin a expliqué qu'il a servi comme soldat pour le NPFL, qu'il a combattu entre 1991 et 2003, et qu'on l'appelait « petit capitaine ». Il a ajouté qu'à cette époque, ils formaient des « milices avec la Small Boys Unit » (SBU). Le témoin n°49 avait de nombreux commandants, parmi lesquels il a nommé [FNM-168], commandant à Lofa, Roland Duo, commandant de la Division de la Marine, et Benjamin Yeaten, également connu sous le nom de « Chef 50 ».

Lorsque la Défense lui a demandé s'il savait quelque chose concernant la mort de Johnny Paul Koroma, le témoin a déclaré qu'à Lofa, ils ont entendu des gens dire que Koroma avait été arrêté par Ange Gabriel. Il a ensuite entendu l'exécution. La Défense a rappelé au témoin qu'il avait précédemment déclaré à la police qu'il avait vu le corps, mais le témoin n°49 a répondu que c'était un « oubli ». Il a ajouté que «vous savez qu'ils ne vont pas garder ce genre de corps pour que les gens le voient »..”

Le témoin a rappelé que quelqu'un de plus haut placé était en colère contre le meurtre. Il a répété qu'il n'avait pas vu le corps, mais qu'il se souvenait qu'il y avait eu un ordre de l'ancien président Taylor, dont Benjamin Yeaten discutait ce jour-là. Il ne pouvait pas se rappeler ce qu'ils disaient, mais il se souvient qu'ils en ont discuté.

Il a précisé qu’Ange Gabriel était comme le porte-parole de son groupe et que le témoin pensait qu'il était « l'un des meilleurs éléments parmi ces hommes ». Le témoin n°49 a également déclaré qu'il ne se souvenait pas du nom complet d'Ange Gabriel.

Le témoin expliqua ensuite qu'il se trouvait à Monrovia en 2003 et qu'il est parti en exil la même année. 

L'Accusation interroge le témoin n°49

L'Accusation a commencé par demander des clarification sur « Ange Gabriel ». Le témoin n°49 a précisé qu'Ange Gabriel était l'adjoint de Sam Bockarie et qu'il avait beaucoup d'autorité. Interrogé sur les « atrocités » commises par Ange Gabriel, le témoin a précisé que cela s'était produit à Lofa mais n'a pas pu se rappeler le nom de l'endroit où l'événement s'était produit. 

Le témoin a ensuite donné une explication du nom « Ange Gabriel », en disant que si Ange Gabriel passait près de vous et que « vous étiez sauf, vous seriez joyeux et vous mettriez vos mains en l'air pour dire que l'Ange vous a épargné aujourd’hui »..

Le témoin n°49 a déclaré avoir été lui-même témoin d'atrocités commises par « Ange Gabriel ». Le témoin a décrit une occasion survenue quelque part dans les environs de Masambolahun et Kololahun - il n'était pas sûr du nom de la ville en question - en 2001. Le NPFL et le RUF combattaient ensemble et patrouillaient à la frontière avec la Guinée pour prévenir l'éventualité d'une entrée des forces du LURD au Liberia. Alors qu'ils patrouillaient, le témoin et d'autres personnes ont rencontré Ange Gabriel. Il avait attaché des hommes en ville et disposait d'un pick-up. Ange Gabriel a déclaré que ces personnes « apportaient un soutien à l’ennemi ». L'un des généraux en charge de la ligne de front, [soldat 07], a demandé à Ange Gabriel qui étaient les personnes attachées. L'Ange Gabriel lui a dit de ne pas faire se préoccuper de ces personnes, et qu' «il allait les exécuter » parce qu'elles étaient « l'ennemi ». Le [soldat 07] a répondu à Ange Gabriel qu'il pouvait s'occuper de ses prisonniers de guerre et a décidé que ses soldats, y compris le témoin, allaient partir. Lorsqu'ils sont revenus, ils n'ont vu que des corps. Le témoin pense qu'il y avait six ou sept corps au total, et il a indiqué qu'il était sorti de la voiture pour vérifier les corps. Le témoin a précisé par la suite que les personnes qui ont été exécutées n'étaient pas des soldats, sur la base de sa propre enquête. Le témoin a demandé à d'autres personnes qui étaient ces personnes et a découvert que « c'étaient des civils en exil », précisant qu'ils utilisaient « exil » pour désigner la Sierra Leone.

Interrogé par l'Accusation, le témoin 49 a décrit Ange Gabriel comme un « type intelligent » qui parlait anglais. Selon le témoin, Ange Gabriel mentionnait régulièrement qu'il allait « parler avec la BBC ». Il a noté avoir entendu l'ange Gabriel dire qu'il allait parler avec la BBC peu après l'arrivée de son groupe de soldats à Lofa, « à partir de 1999, 2000-2001 », près de Vahun.

L'Accusation a posé des questions sur la police finlandaise. Le témoin a rappelé qu'un de ses collègues, [FNM-131], ancien soldat à Lofa, lui avait dit qu'il y avait « des gens de Finlande » qui cherchaient des informations sur les événements de Lofa. Interrogé sur [l'employé 1], le témoin n°49 a répondu qu'il l'avait vu lors de sa première rencontre avec la police finlandaise. Il a ajouté qu'il n'avait jamais parlé avec [l'employé 1], mais seulement avec [FNM-131].

Interrogé sur le fait de savoir s'il se souvenait du nom complet de l'ange Gabriel, le témoin a estimé qu'il s'agissait d’une « sorte de Dugbeh Washington ». Il a proposé d'appeler [FNM-131] pour que le nom soit exact, mais l'Accusation a refusé. 

La Défense interroge le témoin n°49

Le témoin n°49 a déclaré que le RUF était venu de Sierra Leone avec Ange Gabriel en 1999.

L'Accusation interroge le témoin n°49 davantage

L'Accusation a demandé des éclaircissements sur le rôle d'Ange Gabriel au sein du RUF. Le témoin a expliqué qu'Ange Gabriel était « comme un porte-parole ». L'Accusation a noté que le témoin n°49 avait déclaré à la police finlandaise qu'ange Gabriel était le porte-parole. Cependant, devant le tribunal, le témoin a déclaré qu'il n'était pas sûr qu'Ange Gabriel soit le porte-parole officiel, mais qu'il agissait en tout cas comme s'il l'était. Le témoin n°49 a ajouté qu'Ange Gabriel faisait partie de la structure initiale du RUF lorsqu'il est arrivé au Liberia. Le témoin a indiqué qu'Ange Gabriel avait un nom complet, puis a déclaré que le nom était cliqué sur la base de quelque chose que l'Accusation venait de dire. L'Accusation a noté que la police avait noté « Gibril Massaquoi », et le témoin a indiqué que c'était bien ce nom. Il a précisé qu'il devrait rentrer chez lui pour vérifier son  « dossier » afin d'être sûr du nom, mais que le nom complet d'Ange Gabriel comportait une sorte de « Massaquoi » . Le témoin a indiqué qu'il avait écrit des notes dans son journal personnel, qu'il utilise pour garder une trace des choses importantes de sa vie. Le témoin n°49 a précisé que son journal est postérieur à la guerre et qu'il n'a pas tenu un registre quotidien de la guerre.

A ce moment, la Défense est intervenue pour demander au témoin ce qui s'est passé après la mort de Koroma. Le témoin a indiqué que Charles Taylor avait transféré les troupes pour qu'elles se rendent à Bomi Hills et qu'il pensait qu'Ange Gabriel les accompagnait. Interrogé à ce sujet, il a rappelé que le RUF était arrivé au Liberia en provenance de la Sierra Leone en 1999. Le témoin n°49 ne savait pas si le RUF était resté à Lofa pendant toute cette période, de 1999 jusqu'à leur transfert vers les collines de Bomi.

Fin de la déposition.

Laisser un commentaire