[10/10/2022] Jour 1 : Ouverture du procès

Le Président s’est ensuite livré à la synthèse de l’Ordonnance de mise en accusation rendue par la chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Paris le 1er avril 2021, qui récapitule les principaux éléments de l’enquête à charge et à décharge à l’égard de M. Kunti Kamara. Le Président a commencé par rappeler brièvement quelques éléments de contexte relatifs à la première guerre civile du Libéria (1989-1997) avant de retracer l’historique de la procédure diligentée à l’encontre de M. Kunti Kamara.

Le Président a ensuite précisé que les débats feront l’objet d’un enregistrement, tel que requis par le Parquet National Anti-Terroriste (PNAT) et autorisé par le président de la Cour d’Assises. Ce dernier a ensuite procédé à l’appel des témoins et des experts qui seront entendus au cours des débats, en rappelant pour chacun leurs date et heure de passage. Certains d’entre eux seront entendus au moyen d’une visioconférence, au vu des difficultés logistiques que pose parfois le déplacement des protagonistes à Paris. Le Président a également indiqué qu’une réponse des autorités suisses était attendue au sujet de la demande d’entraide internationale qui a été déposée afin de solliciter l’audition d’Alieu Kosiah sous la forme d’un prêt de détenu ou, subsidiairement, par visioconférence. Le Président a par ailleurs indiqué que le témoin AT, actuellement réfugié en Suisse, ne souhaitait pas déposer devant la Cour pour des raisons de sécurité.

The Presiding judge then summarized the indictment issued by the Investigating Chamber of the Paris Court of Appeal on April 1, 2021, which outlines the main elements of the investigation against Mr. Kunti Kamara. The Presiding judge began by briefly recalling some of the background of the first civil war in Liberia (1989-1997) before discussing the history of the proceedings against Mr. Kunti Kamara.

Il a précisé qu’une plainte avait été déposée le 23 juillet 2018 par l’Organisation non gouvernementale Civitas Maxima à l’encontre de M. Kunti Kamara en lien avec les nombreuses exactions (actes de torture, meurtre, cannibalisme, réduction en esclavage de villages entiers, recours à des enfants-soldats) – constitutives de crimes contre l’humanité – qu’il aurait commises dans le comté du Lofa entre 1993 et 1997.

Le Président a également rappelé que les autorités françaises ont été saisies d’une demande d’entraide pénale délivrée en juillet 2018 par les autorités suisses. Cette demande visait l’audition de M. Kunti Kamara dans le cadre d’une procédure ouverte du chef de crime de guerre à l’encontre de M. Alieu Kosiah, dans laquelle il était personnellement mis en cause par divers témoins.

Le Président a ensuite rappelé qu’une enquête préliminaire avait été ouverte par le Procureur de Paris, qui l’a confiée à l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH) . Cette enquête a conduit à l’arrestation de M. Kunti Kamara alors que ce dernier préparait sa fuite vers la Guinée.

Le 6 septembre 2018, les juges d’instruction du pôle “crimes contre l’humanité et crimes et délits de guerre” du TGI de Paris ont mis M. Kunti Kamara en examen des chefs d’actes de torture et actes de barbarie aggravés et de crimes contre l’humanité. Le Président a précisé que l’instruction qui s'en est suivie fut longue et fouillée, aussi bien en France et aux Pays-Bas (au moyen d'enquêtes européennes) qu’au Libéria (au moyen de commissions rogatoires successives). Les éléments recueillis ont permis de retracer le parcours de M. Kunti Kamara depuis la fin des années 80.

Se référant de manière constante à l’Ordonnance de mise en accusation, le Président a retracé les éléments saillants du parcours de M. Kunti Kamara ainsi que les faits qui lui sont reprochés. Le Président a également évoqué les témoignages des personnes qui se sont constituées parties civiles dans le cadre du présent procès, ainsi que leurs confrontations avec l’accusé, tout en précisant que M. Kunti Kamara a fermement réfuté chacun des témoignages et clamé son innocence à plusieurs reprises.

Le Président a ensuite fait état des transports contradictoires ayant eu lieu au Libéria (dans la région du Lofa, notamment à Foya et Foya Dundu), respectivement du 23 avril au 3 mai 2019, et du 6 au 15 janvier 2020. A ces occasions, des remises en situation ont eu lieu et d’autres témoins sur place ont été auditionnés pour corroborer les dépositions des parties civiles.

 Le Président a souligné les difficultés d’ordres logistique, géographique et climatique auxquelles ont été confrontés les enquêteurs sur place dans l’identification et la géolocalisation des témoins.

Le Président a présenté très brièvement des éléments de personnalité de M. Kunti Kamara, indiquant que ce dernier est né le 1er décembre 1974 à Kamplay City, au Libéria, et qu’il était père de deux enfants. Il aurait fui le Libéria en 1997 pour se rendre aux Pays-Bas, où il a obtenu la nationalité néerlandaise. Il est resté douze ans dans ce pays, où il a exercé notamment comme électricien, avant de se rendre en Belgique puis en France. Les expertises de personnalité, qui seront discutées le lendemain, n’ont relevé ni un état dangereux ni d’anomalie mentale ni de rapport distendu avec la réalité.

Revenant sur la procédure, le Président a rappelé que M. Kunti Kamara a été placé en détention provisoire le 6 septembre 2018. Une irrégularité de procédure a provoqué son placement sous contrôle judiciaire le 20 août 2019. Néanmoins, la violation de ses obligations a conduit le juge des libertés et de la détention à le placer à nouveau en détention provisoire le 10 janvier 2020. Par ordonnance du 26 novembre 2020, les juges d’instruction ont rendu une ordonnance de mise en accusation à l’encontre de l’intéressé, frappée d’appel du PNAT qui contestait un non-lieu concernant la qualification de crime contre l’humanité.

Le Président est ensuite revenu sur la décision de la Chambre de l’instruction du 1er avril 2021, qui a retenu la compétence des juridictions françaises, y compris en ce qui concerne les infractions qualifiées de crimes contre l’humanité.

Le Président a énuméré les charges retenues par la Chambre à l’encontre de M. Kunti Kamara, à savoir (i) la complicité de crimes contre l’humanité relativement aux viols commis au préjudice de RK et EN, (ii) la commission d’actes de torture et d’actes de barbarie aggravés au préjudice de DN, KT, SC, JTC et LSM et (iii) la complicité d’actes de torture et d’actes de barbarie aggravés à l’encontre de RK et EN.

Le Président a rappelé les peines applicables aux actes précités, à savoir la réclusion criminelle à perpétuité en ce qui concerne l’infraction de complicité de crimes contre l’humanité et 20 ans de réclusion criminelle pour les actes de torture et les actes de barbarie aggravés.

S’agissant des actes commis au préjudice de RK et EN, le Président a soulevé la question de savoir si ces actes pouvaient être poursuivis à la fois sous l’angle des crimes contre l’humanité et sous celui des actes de torture et de barbarie en application du principe ne bis in idem .

Ayant terminé sa synthèse de l’Ordonnance de mise en accusation, le Président s’est adressé à M. Kunti Kamara pour s’assurer qu’il avait bien eu connaissance des charges qui pesaient contre lui, ce qui a été confirmé par ce dernier. M. Kunti Kamara a assuré qu’il répondrait aux questions de la Cour. Il a clamé à nouveau son innocence et déclaré au sujet des témoins à charge : "Devant Dieu je répète que je ne connais aucune de ces personnes [...]; je n’ai jamais connu ces personnes hier et je ne les connaîtrai pas demain".

L'audience a été suspendue à 18 heures.

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