[10/17/2022] Jour 6 : conclusion du premier incident
Le Président a évoqué les incertitudes quant à la capacité de témoigner de NS, lequel a été hospitalisé.
Audition de SK en qualité de témoin cité par le Ministère public
Avant de donner la parole à SK, le Président a précisé qu’il avait été entendu par le juge d’instruction le 9 janvier 2020.
SK a commencé en indiquant qu’il était né en 1973 et qu’il était fermier à Foya. Il a ensuite évoqué les faits concernant HN et le mari de cette dernière. Selon SK, le mari de HN a été emprisonné puis jeté dans une grosse marmite avec de l’eau chaude alors qu’il avait les mains attachées. SK a ajouté que le mari de HN avait ensuite été découpé avec une hache et que HN avait en revanche été libérée pour rentrer chez elle, car on ne tuait pas les femmes.
Le Président a précisé que la Cour n’était pas saisie des faits concernant HN et a invité SK à relater les faits concernant DN. L’avocate des parties civiles a indiqué que HN a été entendue en qualité de témoin par le juge d’instruction dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre de Kunti Kamara.
Concernant DN, SK a expliqué qu’un jour les Nations Unies sont venues à Foya et ont emmené DN dans différents quartiers. Ils sont notamment allés à Borma avec tous les chefs du parlement et les leaders, y compris Kunti Kamara. Sur place, ils ont demandé qui était responsable de la destruction des quartiers, mais personne n’a répondu. Selon SK, DN a dit qu’il ne savait pas. SK a ajouté qu’ils étaient ensuite allés à Palmhill et avaient posé la même question, à laquelle DN avait une fois de plus répondu qu’il ignorait qui avait détruit ce quartier. Après le départ des Nations Unies, l’ULIMO a attrapé DN en l’accusant de les avoir dénoncés. Ils lui ont dit qu’il n’allait pas repartir et qu’il allait mourir, puis l’ont attaché avec des fils de fers. SK a conclu en précisant qu’il n’avait pas assisté à la mise à mort de DN et qu’il n’avait pas non plus vu le cadavre. Il a précisé que tout ce qu’il savait, c’est que DN était mort.
La Cour questionne SK :
Sur question du Président, SK a confirmé que des officiels étaient venus à Boma pour évaluer les dégâts causés dans les quartiers. Il a précisé qu’il s’agissait de la Croix Rouge. Interrogé sur l’hôpital de Borma, SK a confirmé qu’il avait été détruit.
Questionné sur DN, SK a répondu qu’il le connaissait personnellement mais qu’il n’avait pas connaissance du métier qu’il exerçait à l’époque. Le Président a demandé si DN avait été sollicité pour faire la traduction et SK a répondu que tel n’était pas le cas puisque tous les chefs présents pouvaient parler [l’anglais].
Sur question, SK a confirmé que tous les chefs de l’ULIMO étaient présents et précisé que Kunti Kamara était le leader. Il a ensuite indiqué qu’il n’avait jamais vu Kunti Kamara à Foya à l’époque, mais qu’il avait entendu parler de lui et qu’il était considéré comme dangereux. Il a ajouté que les hommes le craignaient particulièrement, car s’ils sortaient, ils étaient attrapés pour porter des choses près de la rivière.
Interrogé sur Ugly Boy, SK a expliqué que les gens attrapés dans la brousse étaient présentés à Ugly Boy afin d’être évalués et se voir délivrer un laissez-passer. SK a précisé qu’il avait lui-même été emmené devant Ugly Boy et qu’il avait été fouillé. SK a ensuite déclaré que Kundi avait pris des hommes pour arrêter Ugly Boy qui s’était mal comporté, mais que ce dernier était au courant et avait pris la fuite avec deux de ses hommes. Il a ajouté que Ugly Boy avait désarmé Kundi et ses hommes grâce à ses notions de karaté. Kundi a donc demandé du renfort. Ils ont maîtrisé Ugly Boy, l’ont attaché et mis dans une voiture. Sur question, SK a précisé que cette altercation avait eu lieu après la mort de DN.
Le Président a demandé à SK s’il reconnaissait Kunti Kamara dans le box des accusés. SK a répondu qu’il reconnaissait uniquement sa minceur, mais que son visage ne lui disait rien car il avait changé.
SK a été questionné sur ses précédentes déclarations devant le juge d’instruction selon lesquelles il avait été arrêté au moment de la mort de DN par un jeune mandingue de l’ULIMO qui avait eu des problèmes avec ses frères. SK a répondu ne pas s’en souvenir.
Interrogé sur la mort de DN, SK a répété qu’il n’avait pas assisté à la mise à mort de DN. Confronté à ses déclarations devant le juge d’instruction à teneur desquelles il aurait vu DN avec la poitrine ouverte et le cœur arraché, SK les a réfutées. Il a précisé qu’il avait seulement vu DN avec les mains attachées derrière le dos et que ce dernier était encore vivant. Sur question, il a déclaré qu’il n’avait pas été arrêté le même jour que DN.
La partie civile questionne SK :
L’avocate des parties civiles a rappelé à SK qu’il était très important qu’il fasse la différence entre ce qu’il a vu et ce qu’il a entendu.
Interrogé sur son âge à l’époque des faits, SK a répondu qu’il était âgé de trente-trois ans. L’avocate des parties civiles s’est étonnée de cette réponse puisque SK a indiqué être né en 1973 et devait par conséquent être âgé d’une vingtaine d’années au moment des faits. Elle a souligné un rapport au temps compliqué.
Sur question, SK a confirmé avoir été retenu captif par Ugly Boy et être resté longtemps avec lui en tant qu’esclave. Il a confirmé la présence d’autres personnes mais nié celle de femmes.
Questionné au sujet de Kunti Kamara, SK a indiqué en avoir seulement entendu parler mais ne l’avoir jamais vu physiquement à l’époque. Interrogé sur la raison pour laquelle il ne l’avait jamais vu, SK a précisé qu’il n’avait pas le droit de sortir et était contraint de travailler dans la cuisine.
Interrogé sur l’altercation entre Kundi et Ugly Boy et les renforts que Kundi serait allé chercher à Voinjama, SK n’a pas donné davantage de précisions et a indiqué avoir uniquement entendu une altercation. Sur question, SK a affirmé que Kundi était le chef de l’ULIMO et que tout le monde était au courant à Foya.
La partie civile n’a pas eu de questions.
La défense questionne SK :
La défense a demandé à SK comment il savait que Kunti Kamara était le leader à Foya alors même qu’il ne l’avait jamais rencontré. SK a répondu que ceux qui étaient arrêtés savaient que Kunti Kamara était le leader.
Questionné sur les interactions de DN avec la Croix-Rouge, SK a affirmé que DN n’a jamais dit un mot, mais que les rebelles l’ont malgré tout accusé de les avoir dénoncés.
Interrogé sur ses propos tenus devant le juge d’instruction selon lesquels quand l’ULIMO tuait, personne n’était présent, SK a indiqué que Ugly Boy tuait les gens, prenait les corps et les emmenait à la maison. Il a ensuite répété ne pas avoir assisté au meurtre de DN, mais l’avoir vu les mains attachées derrière le dos en train de pleurer et demander de l’aide.
Audition de JTC en tant que partie civile
Avant de donner la parole à JTC, le Président a précisé que ce dernier a été entendu par le juge d’instruction et confronté à Kunti Kamara en novembre 2018. JTC a également été entendu par d’autres juridictions étrangères, notamment les autorités suisses en août 2016 ainsi que les policiers néerlandais dans le cadre d’une enquête européenne en septembre 2016. Le Président a également rappelé que JTC a été remis en situation sur les lieux et confronté à MN au sujet de certaines divergences dans leurs témoignages respectifs.
JTC a commencé par expliquer qu’il avait été personnellement témoin de la capture de DN jusqu’à sa mise à mort. Il a précisé qu’il ne pouvait pas dire la date exacte, mais qu’il était à Foya et que la ville avait été capturée par les ULIMO. JTC a expliqué qu’aux alentours de midi, il s’était rendu dans la rue pour aller chercher de la nourriture. Il a précisé s’être dirigé vers le poste de police, au centre de Foya. Il a ensuite déclaré avoir vu un véhicule s’approcher et avoir reconnu DN à l’intérieur. Il a précisé ne pas l’avoir vu monter dans le véhicule mais uniquement en sortir. Selon JTC, le véhicule appartenait à une ONG, mais il n’a pas été en mesure de spécifier laquelle. Il a ajouté que les forces de l’ULIMO étaient dans le centre de Foya et a précisé qu’il se trouvait à une courte distance de ces dernières, à proximité du magasin de Rashel. JTC a expliqué que les soldats de l’ULIMO se sont approchés de DN pour savoir ce qu’il faisait avec l’ONG.
JTC a mentionné la présence de Ugly Boy et de Deku. Il a expliqué que Ugly Boy était un surnom donné par les personnes de l’ethnie Kissi et que parfois ils l’appelaient également Saah Chuey pour éviter qu’il remarque qu’il était fait référence à lui. JTC a expliqué l’origine de ce surnom en racontant qu’un jour, durant une réunion organisée par les ULIMO, Ugly Boy avait mentionné être le premier né de sa mère. Or, dans la tradition Kissi, l’aîné reçoit le nom de Saah. A cela s’ajoute que Ugly Boy portait toujours une hache, dont le terme en Kissi est « chuey ». Sur question du Président, JTC a indiqué que Ugly Boy n’appartenait pas à l’ethnie Kissi. JTC a également évoqué la présence de Kosiah, CO Kundi, Fine Boy et Mami Wata, qu’il a qualifiés de principaux leaders dès lors qu’ils pouvaient agir selon leur bon vouloir compte tenu de leur statut de commandant.
JTC a continué son récit en indiquant que DN avait été considéré par les ULIMO comme un traître parce qu’il avait dit que la Borma Mission avait été pillée et détruite par l’ULIMO. Selon JTC, c’était le crime dont il a été considéré comme coupable et la situation a basculé dans l’anormalité. L’ULIMO a commencé par le maltraiter et les commandants scandaient « Tabé, Tabé ». Ils lui ont donné des coups de pied et l’ont emmené dans l’ancien poste de police. JTC a indiqué qu’ils l’avaient d’abord attaché avec les mains en avant et qu’on pouvait entendre DN crier à l’intérieur. Selon JTC, les cris de DN étaient tellement forts qu’ils dépassaient l’entendement. Il a ajouté, à propos de la façon dont il a été attaché, qu’il ne pouvait pas croire qu’un être humain puisse faire une chose pareille à son semblable. JTC a précisé que DN avait ensuite été attaché par derrière avec les coudes qui se touchaient et a comparé la position de la personne à laquelle on inflige le Tabé à celle d’un canard que l’on s’apprête à engraisser. Il a ajouté que tous les leaders s’en étaient pris à DN et l’avaient traité de traître et d’espion.
JTC a expliqué qu’au bout d’un moment, l’ULIMO avait décidé de ne pas garder DN et « d’en faire quelque chose ». Selon JTC, il s’agissait d’un avertissement pour quiconque à Foya serait tenté de révéler quoi que ce soit sur les activités de l’ULIMO à Foya. DN a été emmené sur la piste de décollage, soit un endroit dégagé. Des civils ont suivi le groupe. Les ULIMO ont traité DN de traître et disaient « Quiconque provoque l’ULIMO, on prendra son cœur » (« Try ULIMO, your heart »). Selon JTC, l’ULIMO a montré sa supériorité en assénant de nombreux coups à DN avant de l’exécuter et en le frappant avec des armes. JTC a cité les noms de Kundi, CO Deku, CO Kosiah, Ugly Boy, Fine Boy et Mami Wata. Il a précisé que cela avait duré jusqu’au soir et que le couvre-feu n’avait pas encore été déclaré, afin que l’exécution de DN soit vue par d’autres personnes.
JTC a déclaré que Saah Chuey avait ensuite pris le contrôle des évènements et frappé le torse de DN avec sa hache. La poitrine de DN a été ouverte et son cœur a été disposé dans un plat en métal. Les ULIMO jubilaient et brandissaient leurs armes. JTC a décrit la scène comme un spectacle pour mettre en garde les civils et leur faire comprendre qu’ils subiraient le même sort s’ils ne soumettaient pas : « Si vous provoquez l’ULIMO, on vous prend votre cœur ». JTC a expliqué que le cœur de DN avait été emmené dans la maison de Ugly Boy et découpé en morceau avant d’être mangé cru. Il a ajouté que certains civils avaient fui dans la brousse. JTC a précisé que le meurtre de DN dont il a été témoin était l’un des meurtres qui l’avait le plus marqué.
Finalement, JTC a expliqué que EP avait été désigné comme chef local et porte-parole des civils auprès de l’ULIMO, mais que sa voix n’avait pas été entendue puisque d’autres personnes avaient été tuées après DN. JTC a ajouté qu’à Foya, les civils étaient condamnés à vivre comme des esclaves.
La Cour questionne JTC :
Sur question, JTC a déclaré connaître personnellement DN, qui était enseignant à l’église pentecôtiste de Foya, dont il faisait partie. JTC a précisé qu’il lui arrivait de croiser DN lorsqu’il se rendait au lycée puisqu’ils habitaient à proximité. Il lui arrivait également de cheminer avec DN, sa femme et sa fille le dimanche pour se rendre à l’église. Ils faisaient partie de la même congrégation avant que l’église se divise en deux : l’église suédoise pentecôtiste était l’église principale et l’église libre globale avait été constituée et DN l’avait rejoint.
Sur question, JTC a indiqué que seule la Borma Mission avait été détruite durant la guerre. Interrogé au sujet de l’ONG venue constater les dégâts, JTC a indiqué qu’il avait vu un véhicule appartenant à une ONG, mais ignorait s’il s’agissait de la Croix-Rouge, de MSF ou d’une autre ONG. Il a confirmé que DN était quelqu'un de franc et avait certainement pu indiquer à l’ONG que les ULIMO étaient à l’origine des destructions. Selon JTC, c’est la raison pour laquelle DN a été tué.
Interrogé sur la hiérarchie au sein de l’ULIMO, JTC a indiqué que tous les commandants agissaient comme des supérieurs et que certains soldats s’autoproclamaient commandants. Sur l’organisation de l’ULIMO, JTC a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une armée régulière et structurée. Au contraire, chacun faisait ce qu’il voulait. Il a précisé que certains territoires étaient affectés à des « ground commanders » qui en avaient alors le contrôle. Selon JTC, Kundi était un « battlefield commander ». Il a précisé que le titre de C.O. permettait à celui qui le portait de faire ce qu’il voulait et que lorsqu’un commandant envisageait de mener une action plus conséquente, il pouvait agir de concert avec d’autres commandants.
Invité à décrire physiquement Kunti Kamara, JTC l’a décrit comme une personne de couleur noire, de morphologie fine, pas très grande, avec des jambes courtes et arquées. Quant à son comportement, JTC l’a décrit comme un homme méchant, qui parlait avec force pour montrer son autorité. Il a confirmé qu’il était peu loquace, qu’il commettait des actes terribles et que personne ne pouvait l’arrêter lorsqu’il avait une idée en tête.
Invité à se prononcer sur la distance le séparant de la scène du crime commis à l’encontre DN, JTC a estimé qu’il se situait à une distance comprise entre 100 et 200 pieds (i.e. 30 à 60m). Le Président lui a alors fait remarquer qu’il avait indiqué une distance comprise entre 50 et 100m lors d’une précédente audition. JTC a déclaré ne pas être en mesure de se souvenir de la distance exacte.
Sur question, JTC a confirmé que tous les commandants présents avaient donné des coups à DN et que Kundi lui avait asséné des coups de pieds et l’avait piétiné avec ses bottes.
Contrairement aux déclarations de MN et DFB, JTC a maintenu que DN avait été tué quelques heures après avoir été placé dans l’ancien poste de police, au cours de la même journée. Interrogé sur les divergences dans leurs témoignages, JTC a indiqué ne pas pouvoir parler pour les autres et qu’il s’était contenté de raconter ouvertement la scène dont il a été témoin. Il a déclaré qu’il n’avait rien à ajouter ou retrancher dans sa déclaration. Le Président a rappelé que MN n’avait pas été témoin oculaire de la scène puisqu’elle s’était réfugiée dans la brousse et que son témoignage se fondait partiellement sur des propos qui lui avaient été rapportés.
Sur question, JTC a confirmé avoir vu Ugly Boy arracher le cœur de DN avant de le mettre dans un plat et le manger avec d’autres personnes. Il a indiqué que Kunti Kamara était dans la maison de Ugly Boy lorsqu’ils ont montré le cœur à la population avant de le découper et de le manger. Selon JTC, le but était de terroriser et de menacer les civils en leur faisant passer le message suivant : « Si vous vous conduisez mal, voilà ce qui va vous arriver».
La partie civile questionne JTC :
Questionné sur le déroulement de la guerre civile à Foya, JTC a indiqué que dans les années 80, il y avait une armée régulière à Foya. En 1989, il se trouvait à Monrovia lorsque des groupes rebelles ont pris possession du comté de Nimba. A partir de 1990, la montée des tensions l’a conduit à quitter Monrovia avec son oncle et à se rendre à Foya. A leur arrivée sur place au mois de septembre 1990, la région était sous le contrôle du NPFL. Ils ont été questionnés par le NPFL et ont été identifiés comme des gens de Foya, ce qui les a sauvés selon lui.
Interrogé par le Président sur l’arrivée de l’ULIMO, JTC a précisé que les troupes de l’ULIMO ont pris le contrôle de Foya à partir de juillet 1993 jusqu’en 1994. Il a raconté qu’à l’arrivée de l’ULIMO, la tension était très élevée et de nombreux civils ont pris la fuite vers la Guinée ou dans la brousse. Certains pensaient qu’ils resteraient peu de temps dans la brousse, mais les nombreuses tueries les ont contraints de rester cachés. Les troupes de l’ULIMO ont formé de pelotons de civils qu’ils ont équipés de machettes. Ils utilisaient leur connaissance des lieux pour identifier des résistants et les incitaient à dénoncer d’autres civils qui s’étaient réfugiés dans la brousse. Les personnes désignées comme rebelles étaient exécutées.
Questionné au sujet de son amie M, JTC a expliqué que M était sa compagne à l’époque, mais qu’ils n’étaient pas mariés, et qu’ils avaient dû se séparer à cause de l’ULIMO. Il a précisé avoir perdu sa trace à l’arrivée de l’ULIMO, car elle a été attrapée et utilisée comme esclave sexuelle par Ugly Boy. Selon JTC, M était torturée et battue à chaque fois qu’elle disait qu’elle avait un mari, à tel point qu’elle en porte encore les stigmates sur tout le corps. Elle a également donné naissance à un enfant dans le cadre de ces relations sexuelles imposées, mais Kundi n’en est pas le père selon JTC.
Sur question, JTC a ajouté que M ne pouvait pas revenir à Foya, car elle était traumatisée et humiliée. Ugly Boy l’a forcée à manger de la chair humaine. Or, la tradition impose la marginalisation des personnes qui se rendent coupables de tels actes. Conscient que M n’est coupable de rien, JTC a indiqué qu’il l’aidait, mais qu’il ne pouvait pas l’emmener à Foya.
Interrogé sur le meurtre de TKo, JTC a répondu qu’il en avait entendu parler. Il a raconté que TK travaillait à la mission et que F était un témoin de Jéhovah. Les deux hommes ont été utilisés pour aller chercher TT dans la brousse et le convaincre de revenir. La mission de TK et F s’étant soldée par un échec, ils ont été considérés comme des traîtres et ont été exécutés. JTC a précisé qu’il n’avait pas assisté aux meurtres, mais avait vu leurs corps sur la piste d’atterrissage.
JTC a aussi évoqué le meurtre de KT dont il a entendu parler alors qu’il se rendait à Foya Dundu pour aller chercher de la nourriture. On lui a raconté que Kundi était allé à Foya Dundu et avait entendu dire que KT était une sorcière. JTC a précisé qu’il n’avait pas été témoin oculaire des événements, mais qu’on lui avait rapporté que Kundi avait tué KT. Il a ajouté que le porte-parole des civils avait essayé d’intervenir, sans succès, et que celui-ci était enfermé lorsqu’il parlait trop.
Questionné sur les faits relatifs à DN, JTC a confirmé que celui-ci avait été enfermé dans une petite pièce à l’intérieur de l’ancien poste de police, mais qu’il ne s’agissait pas d’une cellule à proprement parler. Sur question, JTC a indiqué que DN était presque nu lorsqu’il a été soumis au Tabé, puisque sa chemise avait été déchirée et qu’il n’avait plus de pantalon. Il criait et pleurait, et avait déclaré : « C’est seulement par la grâce de Dieu que je pourrai survivre ». JTC a par ailleurs confirmé que le couvre-feu n’avait pas été déclaré au moment de l’exécution de DN.
Interrogé au sujet de la Borma Mission, JTC a indiqué que celle-ci était sous protectorat suédois et connue sous le nom de Swedish Free Pentecostal Mission. Les Suédois ont quitté les lieux pendant la guerre car la situation était hors de contrôle.
Le Ministère public questionne JTC :
Questionné sur les faits relatifs à DN, JTC a confirmé avoir assisté aux tortures et au meurtre de DN dès son arrestation jusqu’à la consommation de son cœur. Il a par ailleurs confirmé que Kundi était présent du début à la fin. Il a indiqué que plusieurs personnes étaient intervenues pour soumettre DN à la torture du Tabé, car il fallait être plusieurs pour ce faire. Selon JTC, lorsque DN a été roué de coups, il était attaché et a perdu l’équilibre. Sur question, JTC a indiqué que les membres de l’ULIMO, dont Kunti Kamara, jubilaient en brandissant des AK47 et que tous les commandants, y compris Kundi, prononçaient le dicton populaire : « If anyone try the ULIMO, we will eat your heart ». Interrogé sur le coup de hache assené sur la poitrine de DN par Ugly Boy, JTC a indiqué que tous les commandants étaient présents et que personne ne s’était interposé.
Les avocates générales ont ensuite évoqué l’article du journal « The Inquirer » daté du 25 octobre 1993, qui fait référence au meurtre de DN, mais dont le nom a été orthographié différemment. Sur question, JTC a confirmé qu’il s’agissait bien de DN et que son meurtre avait eu un retentissement important au Libéria, car il a cristallisé la menace qui pesait sur les civils. JTC a précisé que le meurtre de DN était l’un des premiers à avoir été commis et que DN était une personne connue à Foya.
Sur question, JTC a précisé ne pas avoir été capturé par l’ULIMO alors qu’il se cachait dans la brousse. Il a expliqué qu’il avait décidé de se rendre volontairement en ville et de se présenter à Ugly Boy par crainte d’être tué dans la brousse sans que personne ne le sache.
Questionné sur sa première rencontre avec Kunti Kamara, il a indiqué que celle-ci avait eu lieu après sa rencontre avec Ugly Boy. Il a précisé que Kundi se présentait lui-même sous ce nom lors des réunions tenues par l’ULIMO à Foya. JTC n’a été en mesure d’indiquer ni le nombre exact de soldats que Kundi avait sous ses ordres ni leurs noms. Il a précisé qu’ils étaient plus ou moins nombreux selon l’ampleur des opérations. Selon JTC, Kundi était également entouré d’enfants soldats. Il a par ailleurs réaffirmé qu’il n’y avait pas de véritable chaîne de commandement au sein de l’ULIMO.
Interrogé sur le moment où l’ULIMO a quitté Foya, JTC l’a situé fin 1994 ou début 1995, soit lorsque les forces extérieures, telles que l’ECOMOG, sont arrivées. JTC a indiqué avoir vu Kundi à Foya entre juillet 1993 et fin 1994.
Invité à s’exprimer au sujet des réunions organisées par l’ULIMO, JTC a confirmé que Kundi y participait. Il s’est rappelé d’une réunion en particulier, qui s’était tenue sur la piste d'atterrissage où l’ULIMO avait rassemblé les gens de Foya. Les gens ignoraient s’ils allaient survivre ou mourir. Certaines personnes avaient été désignées, mais ont finalement pu partir car un orage a éclaté. Le lendemain en revanche, JTC a vu des parties de corps humains qui avaient été disposées dans des brouettes poussées par des garçons. On demandait aux civils d’acheter des morceaux de corps. JTC a déclaré : « C’était comme si on était tous morts, car les personnes dans ces brouettes étaient nos semblables ». Il a appris que des faits similaires s’étaient produits dans d’autres endroits à Foya.
Interrogé sur le couvre-feu instauré à Foya à l’époque, il a déclaré que toutes les personnes qui se trouvaient dehors pendant les horaires du couvre-feu étaient mises à mort par l’ULIMO. Questionné sur le rôle du bureau S2, JTC a indiqué qu’Ugly Boy était à la tête de ce bureau et se chargeait de vérifier l’identité des personnes ramenées de la brousse. JTC a aussi expliqué que les civils qui souhaitaient quitter la ville pour aller dans la brousse devaient obligatoirement obtenir un laissez-passer délivré par le bureau S2. Quant au bureau G2, il avait la particularité de fournir des équipements et de la nourriture.
Questionné sur les relations entre les ethnies avant la guerre civile, JTC a expliqué que de nombreuses ethnies vivaient à Foya, dont les Kissis et les Mandingues. Il a notamment évoqué un dénommé Old Men Fofana, un Mandingue propriétaire d’une des plus grandes fermes de Foya, qui a épousé des femmes Kissi et qui vit toujours à Foya. JTC a précisé que les Mandingues qui n’ont rien fait de mal sont restés à Foya, alors que ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre l’humanité ont pris la fuite à l’arrivée de l’ECOMOG.
La défense questionne JTC :
Interrogé sur ses rencontres avec le GJRP avant de témoigner devant les autorités néerlandaises et suisses, JTC a expliqué avoir cherché des interlocuteurs fiables pour raconter ce qu’il avait vécu et exprimer ses souffrances.
Sur question, JTC a confirmé qu’on lui a demandé d’identifier Kunti Kamara pour la première fois lors de sa confrontation avec ce dernier dans le bureau du juge d’instruction, mais qu’il avait déjà donné une description auparavant.
Interrogé sur ses précédentes déclarations selon lesquelles les Kissis n’étaient pas des cibles car ils n’étaient pas impliqués dans la guerre, JTC a tenu à rappeler dans quel contexte il avait fait ces déclarations. Il a expliqué qu’on lui avait demandé si le fait de venir témoigner pouvait représenter un danger pour lui en tant que Kissi et qu’il avait répondu par la négative en ce qui le concernait.
Confronté à ses déclarations devant les autorités suisses à teneur desquelles il aurait vu OP dans le véhicule de l’ONG avec DN, JTC a rétorqué avoir vu uniquement DN descendre du véhicule. Sur question, JTC a indiqué que DN avait été approché par certaines personnes après son arrestation et a admis avoir dénoncé l’ULIMO. L’avocate de la défense s’est étonnée que DN se soit auto-dénoncé compte tenu du climat de terreur qui régnait à l’époque. JTC a rétorqué que DN avait été honnête et qu’il avait parlé ouvertement de ces événements.
Interrogé sur la durée de la détention de DN, JTC a affirmé que DN avait été retenu captif « un moment », avant d’être amené sur la piste d’atterrissage. Il a poursuivi en indiquant que DN avait été torturé et frappé pendant « un moment », en fin d’après-midi ou en début de soirée. L’avocate de la défense a demandé à JTC s’il confirmait qu’il se trouvait à une distance d’environ 50m de la scène et JTC a rétorqué que si cette distance correspondait à la mesure qui avait été prise lors de la remise en situation, alors il s’agissait bien de 50m. Interrogé sur sa capacité à identifier des personnes à une distance de 50m en fin de journée, JTC a répondu qu’il faisait encore bien jour et que 50m n’était pas une si longue distance. JTC a précisé avoir vu les morceaux de cœur dans le plat et les commandants les manger. Selon lui, les commandants n’étaient pas dans leur état normal et paraissaient accomplir une sorte de rite.
L’avocate de la défense a ensuite relevé que dans le cadre du procès contre Alieu Kosiah, JTC avait déclaré que Kosiah était le responsable principal du meurtre de DN, alors que dans le cadre de la présente procédure, il a indiqué qu’il n’y avait pas de hiérarchie établie. JTC a alors précisé qu’il avait déclaré qu’il n’y avait pas d’armée régulière et structurée et que chaque commandant pouvait prendre le leadership.
Interrogé sur le rôle d’Alieu Kosiah, JTC a confirmé qu’à son avis, Alieu Kosiah aurait pu agir pour mettre un terme aux tortures infligées à DN. Il a précisé que ce dernier n’était pas en permanence à Foya, et qu’il se déplaçait régulièrement au quartier général de l’ULIMO.
Questionné sur son affirmation selon laquelle Kunti Kamara était présent à Foya en 1993, JTC a répondu qu’il était lui-même à Foya à cette époque et que Kundi s’était présenté devant le chef de l’assemblée à l’arrivée des troupes de l’ULIMO à Foya. JTC a ajouté que ses gardes du corps l’appelaient CO Kundi.
L’avocate de la défense a alors soulevé que JTC était le seul le témoin ayant déclaré avoir vu Kundi à côté de DN et a demandé à JTC d’expliquer ce qui lui avait permis de l’identifier. JTC a indiqué que Kundi était vêtu d’un uniforme dépareillé, portait des bottes et était muni d’une arme. L’avocate de la défense a alors rappelé à JTC qu’il accusait Kunti Kamara de faits extrêmement graves et qu’il était important qu’il puisse donner une description précise de la personne qu’il a vue aux côtés de Ugly Boy.
Sur question, JTC a confirmé que le meurtre de DN fut un évènement important à Foya et que selon son estimation, entre 50 et 60 civils y ont assisté. S’il est aujourd’hui le seul témoin oculaire ayant livré un témoignage, cela peut selon lui s’expliquer par le fait que certains ont peur de témoigner et que d’autres ne sont pas en mesure de le faire. Sur question, il a indiqué qu’il ignorait s’il était le seul témoin disposé à témoigner.
Le Président a informé les parties que les autorités suisses avaient accepté la demande d’entraide pénale internationale concernant Alieu Kosiah et que ce dernier avait consenti à son transfèrement afin d’être entendu en qualité de témoin. S’agissant d’Abraham Towah, le Président a donné lecture du courrier de son avocat, faisant état du rejet de sa demande d’asile auprès des autorités suisses et de son souhait d’être entendu par vidéoconférence. Le Président a indiqué qu’il était trop tard pour saisir les autorités suisses d’une demande d’entraide pénale internationale.
Présentation de documents et pièces tirés du dossier. Remise en situation de JTC.
Diverses photographies des lieux retraçant l’exécution de DN ont été projetées et JTC a été sollicité pour les commenter.
La Cour questionne JTC :
JTC a précisé que la Borma Mission se trouvait à environ 3 à 5 minutes en voiture de Foya, en fonction de l’état de la route, et que l’hôpital de Borma avait été partiellement reconstruit. Il a par ailleurs confirmé qu’une nouvelle église avait été érigée à côté des fondations de l’ancienne église détruite. Il a expliqué que l’intérêt principal de ces destructions était d’ordre économique, car l’ULIMO s’est emparé de tout le matériel pour le revendre.
JTC a ensuite localisé le « Rashiel Store » où il se trouvait lorsqu’il a aperçu DN descendre d’une voiture, ainsi que l’ancienne station-service. Il a précisé que Kolahun Road menait à l’ancien commissariat de Foya, mais ne passait pas par la Borma Mission. Pour se rendre à la Borma Mission, il fallait couper à droite après la mosquée. Il a par ailleurs confirmé qu’il se trouvait à 17 mètres de l’endroit où DN est descendu de la voiture. Le Président a précisé que la distance entre l’ancien poste de police et l’emplacement où DN aurait été frappé était de 307,8 mètres.
Interrogé sur la raison pour laquelle DN a été conduit du poste de police jusqu’à la piste de décollage, qui se situait à proximité de la maison d’Ugly Boy, JTC a décrit Ugly Boy comme une personne particulièrement active quand il s’agissait de tuer. JTC a précisé avoir vu Ugly Boy avec le cœur de DN dans la main et non Kundi.
Le Président a ensuite rappelé que selon les mesures effectuées par les gendarmes sur place, JTC se trouvait à une distance d’environ 50 mètres du lieu où DN a été exécuté.
La partie civile questionne JTC :
Sur demande de l’avocate des parties civiles, une carte présentant une vue satellite de Foya avec les différents relevés GPS a été projetée et JTC a été amené à localiser la piste de décollage, l’ancien poste de police et la route menant à la Borma Mission. JTC a précisé que de nombreuses structures présentes sur la carte n’existaient pas à l’époque car il était interdit de construire à proximité de la piste de décollage.
Le Ministère public questionne JTC :
Interrogé sur l’emplacement du bureau S2, JTC a expliqué qu’au départ il était localisé à l’intérieur du poste de police, puis l’ULIMO a utilisé une maison voisine.
Questionné sur l’emplacement où il aurait vu Kundi et Ugly Boy avec des morceaux de cœur de DN, JTC a expliqué que cette scène s’était déroulée devant la maison d’Ugly Boy.
La défense questionne JTC :
Interrogé sur la distance entre la maison d’Ugly Boy et l’endroit où il aurait aperçu les commandants de l’ULIMO avec les morceaux de cœur de DN, JTC a indiqué qu’il ne se souvenait pas de la distance mais qu’ils avaient découpé le corps de DN sur le porche de la maison.
L’avocate des parties civiles a donné lecture d’un passage de l’audition de Mohamed Jabateh, qui a indiqué avoir ordonné à ses hommes de consommer un cœur humain.
Interrogatoire au fond de Kunti Kamara sur ces faits
La Cour interroge Kunti Kamara :
Le Président a résumé le contenu des divers témoignages portant sur le meurtre de DN et demandé à Kunti Kamara ce qu’il avait à dire à cet égard. Ce dernier a répondu qu’il ne connaissait pas les témoins ayant comparu devant la Cour. Il a ajouté que chaque fois qu’il entendait parler d’actes de cannibalisme, il avait envie de vomir.
Interrogé sur sa connaissance des rites de la société Poro consistant à extraire des organes humains, Kunti Kamara a répondu qu’il s’agissait de rumeurs et qu’il n’avait jamais vu quelqu’un manger un cœur humain. Questionné sur les photographies de Patrick Robert et sur les exactions commises sur les civils pendant la guerre, Kunti Kamara a expliqué qu’il n’en avait pas connaissance et s’il était coupable de quoi que ce soit, il préférerait dire la vérité pour ne pas être coupable devant Dieu. Il a ajouté qu’il ne s’occupait pas des civils puisqu’il était au front et que le seul endroit où il avait vu des civils être tués par des rebelles, c’était à Gbarnga.
Interrogé sur la coexistence entre les rebelles et les civils, Kunti Kamara a expliqué que tous les civils devaient s’annoncer au S2. Il a ajouté qu’il y avait également un S1, un S3 (responsable de la planification) et un S4 (responsable des munitions). Questionné sur les noms de différents responsables, il a cité les noms de Deku et Fine Boy.
Il a ensuite expliqué qu’un escadron (squad) comptait onze hommes et qu’un peloton (platoon) était composé de quatre escadrons. Il a précisé que Mami Wata et lui-même étaient commandants de pelotons. Sur question, il a indiqué qu’il portait le grade de commandant au front (frontline commander) et qu’il avait deux pelotons sous sa responsabilité, soit 88 hommes, mais que personne n'était responsable sur le front. Le Président l’a alors interrogé sur le sens de l’expression « battlefront commander ». Kunti Kamara a répondu qu’il était respecté en tant que battlefront commander, mais n’avait aucun ordre à donner dans la mesure où c’était Deku qui donnait les ordres.
Le Président a alors demandé à Kunti Kamara comment il expliquait le fait qu’il était particulièrement craint par les citoyens de Foya si, comme il le prétend, il ne donnait aucun ordre. Kunti Kamara s’est déclaré confus. Réinterrogé au sujet des déclarations de TFT, qui a donné de nombreux détails sur sa présence à Foya et sur les actes qu’il aurait commis, Kunti Kamara a maintenu qu’il ne le connaissait pas et que tous les témoins étaient des Kissis. Selon lui, il s’agit d’un complot contre lui dont FW serait à l’origine. Il a réitéré qu’il ne connaissait ni les témoins ni DN et clamé son innocence.
Questionné au sujet de la mort de DN, Kunti Kamara a indiqué qu’il n’en avait jamais entendu parler, ni même de maltraitances envers les civils. Il a précisé que l’ULIMO disposait d’un code de conduite, mais que la guerre avait provoqué le chaos. Il a ajouté que lorsque TT était dans la brousse avec des civils, Pepper & Salt avait donné l’ordre de ne pas y aller et a précisé que l’ULIMO était à Foya uniquement pour résister au NPFL. Interrogé sur l’obédience politique des Kissis, Kunti Kamara a indiqué qu’ils étaient tous pour Charles Taylor car ils ont voté pour lui après le désarmement.
Interrogé sur les combats ayant opposé le NPFL et l’ULIMO à Foya, Kunti Kamara a confirmé qu’il avait combattu le NPFL et que l’ULIMO avait poussé les rebelles du NPFL jusqu’à la frontière. Il a par ailleurs confirmé qu’il n’y avait pas d’autre commandant du nom de CO Kundi à Foya.
L’accusé a ensuite été interrogé sur l’attribution des grades et les critères sur lesquels elle se fondait. Kunti Kamara a indiqué que Deku portait le grade de capitaine et attribuait les fonctions de chaque commandant. Sur question, il a précisé avoir été promu colonel en 1995. Sur les critères d’attribution de son grade de battlefield commander, Kunti Kamara a expliqué que ce grade lui avait été attribué par ses pairs, dans la mesure où ils avaient remarqué qu’il était actif sur le front.
La partie civile interroge Kunti Kamara :
Interrogé sur ses déclarations devant le juge d’instruction concernant le traitement qu’il réservait à ses soldats, notamment les coups de fouet qu’il leur donnait avec sa ceinture, Kunti Kamara a indiqué que ce n’était pas à Foya, mais à Gbarnga qu’il avait des hommes sous sa responsabilité.
Questionné sur les civils à Foya et sur la capacité de ces derniers à l’identifier en tant que commandant, l’accusé a répondu qu’il n’était pas commandant à Foya et qu’il était basé à Mendekoma. Sur question, il a reconnu qu’il était possible qu’il ait déjà vu TFT sans pour autant le connaître. Il a par ailleurs indiqué n’avoir jamais entendu parler de corps disposés dans des brouettes.
L’avocate des parties civiles a ensuite confronté l’accusé à ses déclarations devant le juge d’instruction selon lesquelles il aurait été capable de tuer un ennemi sur le front, alors qu’il venait de déclarer qu’il n’était coupable de rien et qu’il ne tuerait jamais un être humain. Kunti Kamara a rétorqué qu’il n’avait jamais tué des civils, mais que sur le front, il pouvait tuer un ennemi. Sur question, il a confirmé qu’un ennemi était un être humain comme lui.
Questionné sur son altercation avec Ugly Boy évoquée par SK, il a indiqué ne pas s’en souvenir et avoir rencontré Ugly Boy seulement à deux reprises, la première fois à Foya et la seconde à Voinjama.
Le Ministère public interroge Kunti Kamara :
Sur question, Kunti Kamara a confirmé qu’à sa connaissance l’ULIMO n’avait jamais commis de crimes. Confronté aux déclarations de Kwamex Fofana, haut commandant de l’ULIMO, qui dit avoir reçu de nombreuses plaintes émanant du comté de Lofa concernant des crimes commis par l’ULIMO, Kunti Kamara a indiqué qu’il ne pouvait pas parler de Kwamex Fofana, car il ne se trouvait pas à Foya lorsque la ville a été capturée, et qu’il n’était pas au courant desdites plaintes.
Interrogé sur les pratiques cannibales des groupes armés telles que décrites par les civils et les rebelles dans le rapport de Médecins Sans Frontières et un article de presse de l’époque, Kunti Kamara a réaffirmé qu’il n’avait jamais rien vu de tel.
Confronté aux déclarations de JTC selon lesquelles ceux qui sont partis de Foya sont ceux qui ont commis des crimes, l’accusé a répondu qu’il n’avait passé que quatre mois à Foya et qu’il ignorait à quoi JTC faisait allusion.
Interrogé sur ses affinités avec les Kissis alors qu’il avait déclaré précédemment que l’ethnie Kissi était une grande famille liguée contre son peuple, Kunti Kamara a indiqué que les Kissis étaient des Libériens et qu’il n’y avait pas de problème avec eux. Il a déclaré : « C’est ma famille, nous avons vécu ensemble ».
Réinterrogé sur la pratique du Tabé par l’ULIMO, l’accusé a déclaré que c’était un rebelle du NPFL qui lui avait expliqué en quoi cela consistait, mais qu’il n’avait jamais vu personne soumis au Tabé. L’avocate générale a alors mis en exergue les incohérences dans les déclarations de Kunti Kamara, dans la mesure où, lors de son premier interrogatoire devant le juge d’instruction, il a indiqué qu’il ignorait ce qu’était le Tabé, puis s’en est souvenu en février 2020. L’avocate générale a ensuite donné lecture des déclarations de Omaru Musa Kelleh et Kwamex Fofana concernant le Tabé. Ce dernier a notamment déclaré que le Tabé était une forme de torture pratiquée par tous les groupes rebelles, y compris l’ULIMO. Kunti Kamara a répété qu’il n’en avait aucune idée. Réinterrogé sur la pratique du Tabé par l’ULIMO, l’accusé a déclaré que c’était un rebelle du NPFL qui lui avait expliqué en quoi cela consistait, mais qu’il n’avait jamais vu personne soumis au Tabé. L’avocate générale a alors mis en exergue les incohérences dans les déclarations de Kunti Kamara, dans la mesure où, lors de son premier interrogatoire devant le juge d’instruction, il a indiqué qu’il ignorait ce qu’était le Tabé, puis s’en est souvenu en février 2020. L’avocate générale a ensuite donné lecture des déclarations de Omaru Musa Kelleh et Kwamex Fofana concernant le Tabé. Ce dernier a notamment déclaré que le Tabé était une forme de torture pratiquée par tous les groupes rebelles, y compris l’ULIMO. Kunti Kamara a répété qu’il n’en avait aucune idée.
L’avocate générale a ensuite confronté l’accusé à ses déclarations selon lesquelles il n’était resté que quatre mois à Foya et ne connaissait pas bien la ville, alors que lors de son interrogatoire dans le cadre du procès d’Alieu Kosiah, il avait été en mesure de confirmer la présence d’un puits et de se rappeler du jour du marché. Kunti Kamara a rétorqué qu’on lui avait dit que le marché avait lieu le jeudi à Foya.
Questionné au sujet d’Ugly Boy, l’accusé a indiqué qu’à son arrivée à Foya, Ugly Boy ne s’y trouvait pas et qu’il l’avait rencontré deux fois.
Invité à se déterminer sur les déclarations de JTC selon lesquelles il portait le grade de battlefield commander, l’accusé les a confirmées. L’avocate générale en a tiré la conclusion que les témoins ne mentaient pas sur tout, contrairement à ce que soutenait l’accusé. Kunti Kamara a rétorqué qu’il était innocent et que durant les quatre mois passés à Foya, il était au front. Il a ajouté que les témoins avaient des intérêts à témoigner contre lui et qu’il ne connaissait aucun d’entre eux.
La défense interroge Kunti Kamara :
Sur question, Kunti Kamara a confirmé que l’ULIMO combattait le NPFL et que la ligne de front se situait à Mendekoma. Il a par ailleurs confirmé qu’il fallait rester sur la ligne de front pour éviter que l’ennemi revienne à Foya et qu’il n’avait par conséquent aucun contact avec les civils.
Interrogé sur l'événement évoqué par JTC lors duquel plusieurs des commandants de l’ULIMO, dont Mami Wata, Kosiah, Ugly Boy, Fine Boy et lui-même, auraient été présents, Kunti Kamara a confirmé qu’il était impossible de réunir tous ces hauts gradés au même endroit au même moment, alors qu’il y avait une ligne de front à tenir.
Audition de Massa Washington, journaliste et membre de la Commission Vérité et Réconciliation, en qualité de témoin cité par le Ministère public à la demande des parties civiles
Avant de donner la parole à Massa Washington, le Président a rappelé que cette dernière n’a pas encore été entendue dans le cadre de ce dossier.
Massa Washington a raconté qu’elle était née au Libéria et avait vécu la première guerre civile. Au début de la guerre, elle vivait à Monrovia avec sa famille et exerçait la profession de journaliste. Elle a expliqué que sous le gouvernement de Samuel Doe, il y avait des tueries et des viols, ce qui avait créé des difficultés au sein du pays et l’avait empêchée de se rendre à son travail. A l’âge de 16 ans, elle a rejoint la Croix-Rouge en tant que bénévole et travaillait sur deux sites accueillant des réfugiés (IDPs) qui fuyaient l’armée de Samuel Doe : l’église luthérienne et l’école JJ Roberts.
Massa Washington a raconté que la nuit du 29 juillet 1990, alors qu’elle se trouvait à l’école JJ Roberts, elle a entendu des tirs et des cris. Elle a prié avec les autres bénévoles et les réfugiés jusqu’à la levée du couvre-feu à 6h du matin, en pensant que les rebelles de Charles Taylor étaient entrés dans la ville. Lorsqu’elle est sortie pour voir ce qui se passait, elle a vu des gens crier et s’enfuir en disant qu’un massacre s’était produit à l’église luthérienne. Massa Washington a alors revêtu son uniforme de la Croix-Rouge et s’est rendue à l’église qui se situait à proximité de l’école. Sur place, elle a vu des corps et des soldats dans la rue qui accusaient les membres de la Croix-Rouge de loger des rebelles. Près de 600 personnes ont été tuées ce soir-là. Massa Washington a raconté avoir essayé de prodiguer les premiers secours aux blessés avec ses collègues, les avoir emmenés dans un centre de la Croix-Rouge et s’être occupée en particulier d’une femme blessée à la cuisse. Les soldats sont venus dans le centre en question et ont menacé tout le monde de mort. Massa Washington a alors décidé de s’enfuir avec deux réfugiés qu’elle a accueillis dans sa maison familiale. C’était sa toute première expérience de massacre.
Elle a ensuite raconté que grâce à l’arrivée des forces de maintien de la paix, elle a pu reprendre sa profession de journaliste. En cette qualité, c’était elle qui avait eu l’exclusivité de relater le massacre de Carter Camp. Assistée d’un photographe, elle s’est rendue sur place mais les forces de l’ECOMOG empêchaient les gens d’entrer. Elle a alors demandé la permission d’entrer au commandant de l’ECOMOG, qui lui a indiqué que plus de 600 personnes avaient été tuées et que si elle souhaitait entrer, elle le faisait à ses risques et périls. Elle a insisté pour entrer.
Massa Washington a raconté avec émotion la scène de chaos à laquelle elle a assisté. Elle a raconté qu’il y avait des corps partout, dont un petit garçon avec le ventre ouvert. Plus de 600 personnes avaient été massacrées, femmes, enfants, hommes, personnes âgées. Elle a interrogé les survivants et les soldats ECOMOG pendant que le photographe prenait des photos, puis est retournée au bureau pour rédiger son article.
Elle a expliqué qu’elle avait continué à travailler sur les zones de guerre pour comprendre ce qui se passait. Au début de l’année 1994, l’ULIMO avait gagné l’ouest du pays. Leur siège se situait à Tubmanburg dans le comté de Bomi. Massa Washington a expliqué que l’ULIMO était composé principalement de Krahns et de Mandingues et que des tensions étaient apparues entre les deux groupes. L’ECOMOG a alors demandé un cessez-le-feu et l’a obtenu après deux semaines de combats, ce qui a permis à l’ONU de constituer une équipe de journalistes dont la mission était d’aller se renseigner sur place. Massa Washington a été approchée par le chef de la communication de l’ONU pour rejoindre cette équipe, qui a été conduite sur les lieux des combats. Arrivés sur le territoire de l’ULIMO, les rebelles leur ont demandé de descendre de leur véhicule pour les fouiller. Massa Washington a indiqué que les soldats ULIMO portaient des perruques, des chapeaux, des munitions et toutes sortes d’armes sur le corps, dont des AK47 et des couteaux. Elle a également observé une corde au checkpoint qui lui semblait bizarre, car elle sentait mauvais et avait une texture molle. Elle s’est rappelé avoir entendu dire que les gens fuyaient les forces armées qui fabriquaient des cordes avec des intestins humains et a compris que c’était ce qu’elle venait de toucher.
Elle a poursuivi son récit en indiquant que les rebelles les avaient laissés entrer et qu’ils avaient été reçus par le général Mohammed Dombuyah. Dans la cour, il y avait des corps partout. Avec ses collègues journalistes, ils se sont dit que c’était un abattoir. Ils ont demandé à visiter le campement et ont vu une fosse commune qui venait d’être creusée derrière la maison. Selon Massa Washington, il y avait des charniers partout. L’équipe de journalistes a ensuite demandé de visiter l’hôpital. Lors de cette visite, Massa Washington a rencontré une infirmière qui lui a confié discrètement que les soldats de l’ULIMO tuaient les malades.
De retour à Monrovia, Massa Washington a rédigé un article sur ce qu’elle avait vu au siège de l’ULIMO. Deux jours après sa publication, le général Dombuyah lui a rendu visite à son bureau et lui a exprimé son fort mécontentement vis-à-vis de cet article. Il l’a invitée à revenir au siège de l’ULIMO pour une nouvelle visite. Massa Washington a décliné. Elle avait reçu un avertissement d’un de ses contacts selon lequel le général voulait lui donner une leçon. Le général s’est mis en colère et lui a ordonné de revenir. Massa Washington lui a dit qu’elle savait qu’il voulait la tuer et que s’il voulait le faire, qu’il le fasse ici, dans les locaux de la rédaction du journal. Le général est parti et Massa Washington ne l’a plus jamais revu.
Elle a précisé que l’impact des massacres dont elle a fait le récit a été terrible sur la population civile. Lorsqu’elle a été nommée membre de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), Massa Washington a recueilli de nombreux témoignages qui ont eu une forte résonance en elle. Elle a évoqué en particulier le témoignage d’une femme qui venait d’accoucher et dont l’enfant a été pris par les rebelles du NPFL qui l’ont ensuite jeté contre un mur. Après l’audition de cette femme, Massa Washington est retournée à son hôtel. Elle a rêvé qu’elle était à Carter Camp et combattait les rebelles en les suppliant d’arrêter le massacre. Une de ses collègues de la CVR était restée avec elle et l’a réconfortée.
Elle a ensuite raconté avec émotion l’exécution de son demi-frère handicapé par les rebelles, qui l’ont découpé en morceaux, et le sentiment de culpabilité qu’elle porte au quotidien puisqu'elle avait été chargée par sa belle-mère de le protéger.
Massa Washington a ensuite indiqué qu’il ne s’était rien passé au Libéria pour traduire les responsables en justice à l’exception des travaux de la CVR. Elle a expliqué qu’environ 700 personnes ont été entendues et 22’000 déclarations ont pu être recueillies. Ces travaux ont mené à l’adoption de plusieurs recommandations ayant notamment pour objectif d’inciter le gouvernement à engager des poursuites contre les auteurs de ces crimes. Elle a déploré l’absence de volonté politique pour mettre en œuvre ces recommandations et a dénoncé la culture de l’impunité qui s’explique par le fait que les politiciens au pouvoir sont des anciens chefs de guerre. Ces derniers menacent les membres de la CVR, les témoins et les victimes en affirmant qu’il n’y aura pas de tribunal pour juger les crimes commis durant les guerres civiles. Massa Washington a déploré l’absence de justice pour le peuple libérien au Libéria et souligné l’importance des procès comme celui-ci. Selon elle, ces procès donnent de l’espoir aux Libériens. Elle a exprimé sa reconnaissance envers les pays, tels que la France et les États-Unis, qui permettent aux Libériens de traduire en justice les auteurs de ces crimes. Elle a insisté sur le fait qu’en l’absence de volonté politique, ces procès sont le seul moyen à disposition des Libériens.
Elle a déclaré que la poursuite des auteurs des crimes commis au Libéria « envoie le message que la race humaine est universelle, que le monde n’a pas oublié le Libéria et que nous partageons tous la même dignité humaine ».
La Cour questionne Massa Washington :
Le Président a interrogé Massa Washington sur la possibilité de mettre en place un procès au Libéria contre les auteurs de crimes commis lors de la guerre civile. Selon elle, il n’y a pas de volonté politique de poursuivre ces crimes, car si le gouvernement souhaitait poursuivre les auteurs, il le ferait en priorité, comme en Sierra Leone. Elle a ajouté que les États-Unis venaient de nommer un nouvel ambassadeur pour les crimes de guerre, qui a déclaré que son pays était prêt à financer le travail pour punir les responsables au Libéria.
Questionnée au sujet de Charles Taylor, Massa Washington a précisé que ce dernier était incarcéré pour les crimes commis en Sierra Leone et qu’il serait souhaitable pour les victimes que sa responsabilité soit également reconnue en lien avec les exactions commises au Libéria.
La partie civile interroge Massa Washington :
Interrogée sur les violences faites aux femmes, Massa Washington a précisé qu’au sein de la CVR, elle était chargée des questions concernant les femmes et que plus de 47% des femmes ont participé au processus. Sur question, elle a confirmé avoir auditionné des femmes victimes d’esclavage sexuel et de viols et a précisé que ces violences touchaient de femmes de tous âges, aussi bien de très jeunes filles de 5-6 ans que des grands-mères.
Elle a indiqué que beaucoup de femmes âgées étaient réticentes à raconter leur histoire, car elles se sentaient stigmatisées. Elle était néanmoins allée à leur rencontre et a recueilli leurs témoignages. Une des histoires qu’elle a gardée en mémoire est celle d’une femme de 82 ans, qui a été attrapée par les rebelles et violée en bande à plusieurs reprises par trois jeunes hommes qui la gardaient comme épouse dans une maison. Lorsque cette femme a raconté son histoire, elle gardait la tête baissée, car elle avait honte d’avoir été violée par des jeunes qui auraient pu être ses petits-enfants.
Massa Washington a ajouté que lorsque les femmes essayaient de fuir, les rebelles les violaient devant leurs maris et forçaient les fils à coucher avec leurs mères. Elle a également indiqué que parfois, les rebelles utilisaient des instruments, tels que leurs fusils, pour violer les femmes.
Questionnée sur le caractère exhaustif de la liste des auteurs les plus connus dressée par la CVR, Massa Washington a précisé que la liste en question était basée sur les déclarations recueillies par la CVR et que pour diverses raisons, tout le monde n’a pas souhaité témoigner devant la CVR.
Le Ministère public questionne Massa Washington :
Sur question, Massa Washington a indiqué s’être rendue à deux reprises à Tubmanburg lors de la scission de l’ULIMO. Elle a par ailleurs affirmé connaître les journaux The Inquirer et The Eye.
Interrogée sur les exactions listées dans le rapport de la CVR, Massa Washington a confirmé que celles-ci ont été vérifiées grâce aux témoignages recueillis et qu’elles ont été commises par l’ensemble des factions. Questionnée sur les raisons expliquant le nombre conséquent de victimes et d’exactions commises dans le comté du Lofa, elle a expliqué que le Lofa était un comté stratégiquement important pour les combattants, car il regorgeait de ressources naturelles et se situait à la frontière avec la Sierra Leone et la Guinée, de laquelle l’ULIMO-K recevait du soutien.
Interrogée sur des faits commis à Foya dont elle aurait eu connaissance, Massa Washington a indiqué qu’elle savait que Foya avait été durement frappée par les combats, car c’était une ville stratégique en particulier pour l’ULIMO-K.
Questionnée sur les actes de cannibalisme, elle a indiqué que de nombreuses victimes avaient raconté des histoires de cannibalisme devant la CVR. Selon elle, il s’agit d’une pratique commune à tous les groupes armés. Elle a raconté que lorsque le général de l’ULIMO-K a été capturé, il a été coupé en morceaux et son cerveau et son cœur ont été consommés, car il était fort. Sur question du Président, elle a confirmé que ces actes étaient un dévoiement des rituels africains.
Interrogée sur le nombre de victimes de la guerre civile, Massa Washington a indiqué que la guerre aurait fait entre 250'000 et 300'000 morts et 1,5 million de personnes déplacées.
Invitée à confirmer ses déclarations selon lesquelles des crimes massifs avaient été commis par toutes les factions et à indiquer si les exactions commises entraient dans la définition de crimes contre l’humanité, Massa Washington a répondu par l’affirmative. Elle a précisé qu’il y avait eu des tentatives de massacrer des tribus entières de manière systématique et que les civils étaient spécifiquement ciblés.
La défense questionne Massa Washington :
Sur question, Massa Washington a confirmé que les témoignages recueillis par la CVR concernent des crimes commis par toutes les factions. Interrogée sur la politique du « Pay Yourself » et sur la question de savoir si l’intérêt économique motivait les troupes, elle a expliqué que plusieurs facteurs coexistaient, dont des motivations financières. Elle a ajouté qu’une section dédiée aux crimes économiques avait été créée au sein de la CVR compte tenu du nombre important de pillages et marches forcées de civils commis pendant la guerre. Elle a expliqué que les factions ne rémunéraient probablement pas leurs soldats, ce qui les incitait à se payer eux-mêmes. Les lieux de combats n’étaient pas conventionnels et les soldats considéraient qu’ils pouvaient tout prendre, y compris les femmes.