
Première condamnation en Suisse pour crimes contre l'humanité
Bellinzone, Suisse - Sept parties plaignantes écrivent une page de l'histoire suisse et libérienne avec la condamnation d’ Alieu Kosiah pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Aujourd'hui, 1er juin 2023, après quatre semaines d'audience entre janvier et février 2023, la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral suisse (TPF) a reconnu Alieu Kosiah, ancien commandant libérien de la faction rebelle ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy), coupable de multiples chefs d'accusation de crimes de guerre et de multiples chefs d'accusation de crimes contre l'humanité. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 20 ans.
Alieu Kosiah est la première personne à être condamnée pour crimes contre l'humanité en Suisse. Cette décision crée un précédent : alors que la Cour d'appel se prononçait sur cette question pour la première fois, elle a établi que les crimes contre l'humanité commis avant 2011 peuvent être poursuivis en Suisse.
De plus, la Cour d'appel a confirmé la décision initialedu TPF dans l’affaire Alieu Kosiah. En 2021, la Cour des affaires pénales du TPF avait prononcé la première condamnation pour crimes de guerre en Suisse devant cette juridiction, ainsi que la première condamnation d’un citoyen libérien était condamné pour de tels crimes.
M. Kosiah a déjà passé plus de 8 années en prison durant cette procédure, ce qui seront déduites de sa peine. La Cour d’appel a également confirmé que M. Kosiah devra payer des réparations pécuniaires à chaque partie plaignante.
La condamnation porte sur des crimes commis pendant la première guerre civile au Libéria (1989-1996), entre 1993 et 1994. Ces actes comprennent : l'ordre de tuer 13 civils et 2 soldats non armés ; le meurtre de 4 civils ; le viol d'une civile ; l'ordre de traiter de manière cruelle 7 civils ; l'atteinte à la dignité d'un civil décédé ; l'ordre répété d'infliger des traitements cruels, humiliants et dégradants à plusieurs civils ; l'infliction répétée de traitements cruels, inhumains et dégradants à plusieurs civils ; l'ordre répété de piller et l'utilisation d'un enfant-soldat dans des hostilités armées.
La confirmation de la première condamnation pour un acte de viol commis pendant la première guerre civile du Liberia est extrêmement importante au vu de l'ampleur des violences sexuelles commises pendant les conflits dans le pays. C'est aussi une immense reconnaissance pour la victime de cet acte, qui a eu le courage de témoigner, et pour toutes les innombrables autres victimes de violences sexuelles liées aux conflits armés dans le monde.
Civitas Maxima et le Global Justice and Research Project (GJRP) rendent hommage à l'incroyable résilience et au courage de toutes les parties plaignantes libériennes. Elles ont poursuivi leur quête de justice avec une grande dignité et une détermination sans failles, malgré les intimidations, les menaces et les obstacles, notamment l'épidémie d'Ebola au début de la procédure (2014-2015) et la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.
Ces victimes libériennes ont obtenu justice en Suisse grâce au principe de la compétence universelle, inscrite dans le droit suisse, et grâce au fait qu'Alieu Kosiah résidait dans ce pays depuis plus de 20 ans. Elles n'ont cessé d'exprimer leur profonde gratitude aux autorités suisses tout au long de cette procédure, tant aux procureurs qu'aux juges.
Civitas Maxima et le GJRP saluent à leur tour le travail de la justice suisse. Selon Alain Werner, avocat et directeur de Civitas Maxima, qui, avec Romain Wavre, a représenté 4 des 7 parties plaignantes dans cette affaire : “Le système judiciaire et l'administration suisses dans leur ensemble ont prouvé qu'il est possible de poursuivre des crimes internationaux en Suisse, et de le faire de manière juste et efficace, même pour des actes commis à plus de 7000 kilomètres de distance. Cela donne beaucoup d'espoir pour le développement de la compétence universelle, en Suisse et ailleurs".“
Jusqu'à présent, toutes les victimes des atrocités commises pendant les guerres civiles au Libéria ont dû quitter leur pays pour tenter d’obtenir justice à l'étranger - en Suisse, aux États-Unis, en France, en Finlande, en Belgique et ailleurs. Il est grand temps que le gouvernement libérien entende cette quête de justice et mette enfin en place son propre mécanisme de justice là où les crimes ont été commis, au Libéria.
Hassan Bility, directeur du GJRP, a déclaré depuis Monrovia : "Ce jugement historique témoigne de l'incroyable résilience et de la ténacité des victimes de la guerre au Liberia. Elles ont été complètement oubliées par leur propre gouvernement, qui n'a toujours pas mis en place de mécanisme de justice, près de 35 ans après le début de la première guerre civile. Le gouvernement libérien doit se conformer aux recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria de 2009 et mettre fin à l'impunité pour les crimes commis pendant la guerre, avant qu'il ne soit trop tard".
This is great news for the people of Liberia. It also gives hope for peoples who were victims of crimes against humanity and other serious violations of international laws who cannot get justice in their own countries or other courts.