
Un ancien commandant rebelle libérien présumé jugé pour fraude à l'immigration à Philadelphie, aux États-Unis
(Genève, le 15 janvier 2025) - Laye Sekou Camara, également connu sous ses noms de guerre « Général K-1 » et « Général Dragon Master », aurait participé à la deuxième guerre civile du Liberia en tant que membre de haut rang du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), un groupe rebelle qui a commis des crimes de guerre et des atrocités entraînant la mort et le déplacement de milliers de Libériens.
Arrêté le 26 mars 2022 à New York, Camara doit répondre de trois chefs d'accusation d'utilisation d'un document d'immigration obtenu frauduleusement et d'un chef d'accusation de possession d'un document d'immigration obtenu frauduleusement. Il est allégué qu’il a menti aux autorités américaines de l'immigration sur son rôle dans la faction rebelle du LURD pendant la guerre civile afin d'entrer dans le pays, puis d'obtenir une carte de résident permanent, green card ou « carte verte », qu'il a ensuite utilisée pour obtenir d'autres documents et permis officiels. Son procès débutera le 21 janvier 2025 et devrait durer trois semaines. S'il est reconnu coupable, le prévenu risque une peine maximale de 40 ans de prison et une amende de 250 000 dollars.
Laye Sekou Camara sera le premier commandant du LURD à être jugé aux États-Unis ou ailleurs. Bien qu'il ne soit pas accusé des crimes qu'il a commis au Liberia en raison des restrictions imposées par le système judiciaire américain, son procès permettrait néanmoins d'apporter une certaine justice aux victimes de ses crimes, car l'accusation devra prouver qu'il était un commandant du LURD, responsable de nombreux meurtres extrajudiciaires de civils et de l'utilisation et du recrutement d'enfants soldats. Des témoins, dont beaucoup sont eux-mêmes des victimes, témoigneront de ces actes, afin de mettre en évidence le rôle de Camara dans les guerres civiles au Liberia.
L’affaire Camara est la troisième poursuite pénale publique à Philadelphie liée aux guerres civiles libériennes, après celles de Mohammed Jabbateh alias «Jungle Jabbah», ancien commandant de l'ULIMO, et Thomas Woewiyu, ancien porte-parole du NPFL et ministre de la Défense. Civitas Maxima et son organisation partenaire basée au Libéria, le Global Justice and Research Project (GJRP), ont fourni une assistance aux autorités américaines dans ces enquêtes.
Les Libériens ne peuvent toujours pas obtenir justice dans leur pays
Les guerres civiles libériennes (1989-1997 et 1999-2003) ont fait plus de 250 000 morts et des centaines de milliers de déplacés. Une Commission vérité et réconciliation (CVR) a été créée en 2005 pour enquêter sur ces conflits et a publié son rapport final en 2009. La CVR a recommandé, entre autres mesures, la création d'un tribunal spécial pour faciliter les poursuites pénales pour les crimes de guerre commis au Libéria. Cependant, aucun tribunal de ce type n'a encore été créé et personne n'a jamais été poursuivi au Libéria pour ces crimes.
Le 2 mai 2024, le président du Libéria, Joseph Nyuma Boakai, a signé le décret exécutif n° 131 portant création d’un Bureau chargé spécifiquement de mettre en place un Tribunal spécial pour les crimes de guerre et un Tribunal national de lutte contre la corruption. Bien que cela constitue une avancée positive vers la mise en accusation des auteurs des crimes commis au Liberia, le Bureau reste gravement sous-financé et il semble y avoir un manque de volonté politique pour lui apporter le soutien nécessaire. Les Libériens continuent de ne pas pouvoir obtenir justice chez eux et depuis de nombreuses années, ils doivent la rechercher à l’extérieur de leurs frontières.
Il faut espérer que des affaires comme celles de Sekou Camara inciteront le gouvernement libérien à consacrer suffisamment de ressources et d’expertise à la création d’un tribunal au Libéria qui permettrait enfin aux victimes libériennes de voir aboutir leur quête de justice dans leur propre pays, où elles ont subi tant de souffrances aux mains des forces armées et des groupes rebelles.
À propos de Civitas Maxima
Civitas Maxima, basée à Genève (Suisse), est une organisation non gouvernementale indépendante qui assiste les victimes oubliées de crimes internationaux. Depuis sa création et en étroite collaboration avec son organisation partenaire libérienne, le Global Justice and Research Project (GJRP), Civitas Maxima soutient les victimes des guerres civiles libériennes dans leur quête de justice. Appliquant notamment le principe de compétence universelle, l’organisation a collaboré dans plusieurs affaires contre des criminels de guerre libériens présumés devant des tribunaux en Europe et aux États-Unis, qui ont conduit à des condamnations pénales en France, en Suisse et aux États-Unis.
Note aux rédacteurs
Le procès aura lieu à Philadelphie, en Pennsylvanie, et devrait commencer à 8h30 heure locale le mardi 21 janvier 2025. Le procès se déroulera dans la salle d'audience 11-B devant le juge Chad F. Kenney. Le procès est ouvert au public et le tribunal est situé à l'adresse suivante :
Palais de justice James A. Byrne
601 Market Street
Philadelphia, PA 19106
Civitas Maxima et son équipe de juristes pro-bono assisteront tous les jours au procès. Nous publierons des résumés sur notre site internet, ainsi qu’un rapport complet une fois le procès terminé.
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